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Grèce
Grèce. Révolution de 1821, « la liberté ou la mort »
Un exemple de corruption en Grèce avec Nouvelle-Démocratie…(2013)
Un directeur d'hôpital grec pris la main dans le sac Le président de l'hôpital athénien pour enfants Aglaia Kyriakou a été arrêté, mardi 24 décembre (2013), et accusé d'avoir exigé un pot-de-vin de l'un de ses fournisseurs. Hang Tombouloglou avait en sa possession 25.000 euros en billets marqués. Il est, selon la police, tombé dans le piège préparé par le département anti-corruption de la sécurité d'Athènes. L'histoire avait commencé quelques jours auparavant. Une entreprise de publicité avait contacté la police, accusant Hans Tombouloglou de chantage et de tentative d'extorsion. Selon cette société, il bloquait depuis plusieurs mois l'application d'un marché de 190.000 euros pour une campagne contre l'obésité infantile lui ayant pourtant été attribué début 2013 par le biais d'une procédure d'appel d'offres public. Sur la base de ces accusations, la police a décidé de tendre une embuscade au directeur de l'hôpital. Les conversations et les négociations entre les différentes parties ont été enregistrées. Une rencontre pour procéder à l'échange d'une somme de 25.000 euros a finalement été fixée à 14 heures mardi dans le centre d'Athènes, entre deux intermédiaires. L'un, portant un micro, agissait au nom de l’entreprise de publicité. L'autre, un homme de 40 ans, est présenté comme le complice d'Haris Tombouloglou. L'échangea eu lieu et les billets, marqués par la police, ont ensuite été retrouvés en possession du directeur de l'hôpital, qui a été arrêté. Présenté mercredi au juge d'instruction, il a, selon une source proche du dossier, nié les charges et affirmé avoir récupéré l'argent pour faire ensuite une donation charitable. Le juge lui a donné une semaine pour préparer sa défense. Le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND) n'a pas attendu l'issue de la procédure judiciaire. Dès mardi, il a décidé d'exclure de ses rangs Hans Tombouloglou, qui avait été candidat à plusieurs élections sous l'étiquette ND. Une pratique courante Depuis plusieurs mois, ce type d'affaire fait régulièrement les gros titres de la presse grecque, à qui sont livrés tous les détails des dossiers judiciaires. Accusé d'avoir longtemps fait peser l'effort lié à la crise sur les seuls retraités et salariés sans s'attaquer ni à la fraude fiscale ni à la corruption, le gouvernement communique désormais beaucoup sur ces affaires, cherchant à prouver (sic) qu'il s'attaque à des fléaux qui minent toujours la société grecque. Selon une étude présentée en mars par l'ONG Transparency International, la corruption serait en recul en Grèce. Pour la première fois depuis 2007, le volume global estimé des fakelaki -pots-de-vin- est passé sous la barre du demi-milliard d'euros, à 420 millions d'euros, contre 787 millions en 2009. Adéa Guillot Le Monde des 29/30 décembre 2013.
Cet article donne un exemple de corruption qui mine -qui minait- la démocratie grecque. Syriza en a fait un de ses chevaux de bataille pour démocratiser le pays et trouver des moyens d’action malgré le mémorandum imposé par l’Europe austéritaire. Le Monde tâche de montrer que ND (nouvelle démocratie) joue le jeu de la démocratie (cf. le "la corruption serait en recul"). En réalité ce parti était pourri jusqu’à l’os et il appartient aujourd'hui à ce que les partisans de Syriza appellent l’Ancien Régime. Cette lucidité journalistique (de 2013) n’empêche pas la direction du journal de tirer à boulets rouges contre Syriza. Cela me rappelle, les tableaux dressés par Le Monde du Venezuela d’avant Chavez I. CHAVEZ, le Vénezuela, « Le Monde » et la Révolution…et son entreprise de démolition de la politique du même Chavez qui lutta contre le sous-développement… Pour revenir à la Grèce, avec la réforme fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale, il y a là quelques leviers qui permettront, on l’espère, à A. Tsipras de mener à bien son projet. C’est tout le mal que l’on lui souhaite… |
Zoé Konstantopoulou à l’ONU : "La dette souveraine est actuellement utilisée contre la population grecque et le Parlement hellénique pour affaiblir la démocratie"
Discours prononcé le 2
septembre 2015 au siège de l’ONU à New York par Zoe
Konstantopoulou, présidente de la Vouli (parlement grec)
Mesdames et messieurs, Leaders des parlements du monde,
En cette occasion du 70e anniversaire de l’ONU, marquant également les 70 ans depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, en cette 4e conférence mondiale des Présidents de Parlements |1 <http://cadtm.org/Zoe-Konstantopoulou-a-l-ONU-La#nb1> | plaçant la démocratie au service de la paix, du développement durable et de la construction d’un monde tel que les peuples le veulent, je me tiens devant vous et parmi vous, en tant que Présidente du Parlement hellénique récemment dissous pour vous adresser un appel à la solidarité envers le peuple grec et envers la Grèce, terre où la démocratie naquit, et où elle est aujourd’hui brutalement attaquée et violée. La Grèce et son peuple sont les victimes, depuis cinq ans, de politiques supposées offrir une solution durable au surendettement du pays et une voie pour sortir de la crise économique, ces politiques contenues dans des accords appelés « Memoranda - Protocoles d’accord », conclus par le gouvernement grec et un trio d’institutions internationales, à savoir le FMI <http://cadtm.org/FMI,786> , la Commission européenne et la Banque centrale européenne <http://cadtm.org/BCE> , connu sous le nom de Troïka <http://cadtm.org/Troika,764> , et agissant au titre de créanciers de la Grèce, ont eu pour résultat de graves violations des droits humains, et particulièrement des droits sociaux, des libertés fondamentales et de l’État de droit lui-même.
Ce qui a été présenté comme un accord de renflouement a eu pour effet la misère, le chômage à des taux jamais vus jusque-là, 72% parmi les jeunes femmes et 60% parmi les jeunes hommes, des centaines de milliers de jeunes gens poussés à l’émigration, une explosion des suicides, la marginalisation des jeunes, des vieux, des faibles, des immigrés, des réfugiés, avec la moitié des enfants du pays vivant sous le seuil de pauvreté, une situation relevant d’une crise humanitaire, documenté dans les rapports et les déclarations des experts indépendants de l’ONU sur la dette <http://cadtm.org/Dette,970> et les droits de l’homme aussi bien que dans toute une série de décisions de justice et de rapports.
Le 25 janvier 2015, il y a de cela 7 mois, le peuple grec, à travers un scrutin national, a donné au gouvernement et au parlement un mandat clair et sans équivoque : celui de se débarrasser de ces politiques assassines. Des négociations ont débuté, une commission spéciale du Parlement a été formée, baptisée Commission pour la Vérité sur la Dette Publique <http://cadtm.org/4-avril-2015-Journee-historique> , avec pour mission de conduire un audit et une évaluation juridique de la Dette grecque. Cette commission a produit un rapport préliminaire <http://cadtm.org/Rapport-preliminaire-de-la> en juin dernier. Le rapport a établi que la dette souveraine de l’État est illégale, illégitime, odieuse et insoutenable. Il a établi que la dette souveraine avait été contractée via des procédures qui constituent une violation flagrante du droit constitutionnel, justifiant par là même la dénonciation de la dette. Il a établi que les créanciers avaient agi de mauvaise foi en faisant délibérément peser sur la Grèce le fardeau de prêts insoutenables afin de sauver les banques privées françaises, allemandes et grecques. En dépit de ces conclusions, les créanciers de la Grèce ont exigé qu’on néglige le mandat du peuple.
Le 25 juin, un ultimatum de 48 heures fut posé au gouvernement grec, lui demandant d’accepter, contrairement au mandat populaire, une série de mesures démantelant le droit du travail, abolissant les garanties de sécurité sociale et la protection juridique pour les citoyens surendettés, et requérant, dans le même temps, le bradage des biens et entreprises publics les plus précieux, mais aussi des principaux ports, aéroports et infrastructures qui devraient être vendus ou cédés pour rembourser une dette odieuse <http://cadtm.org/Dette-odieuse,760> et insoutenable.
Le Parlement hellénique a entériné la proposition du gouvernement de tenir un référendum portant sur l’ultimatum, et le peuple grec, à une large majorité de 62%, a rejeté les mesures. Au cours de la semaine du référendum, des représentants des instances internationales et de gouvernements étrangers ont tenté d’influer sur le résultat du référendum, au moyen de déclarations visant à terroriser la population, et le référendum s’est tenu avec les banques fermées et le contrôle des capitaux imposé du fait du refus de la BCE de fournir des liquidités après l’annonce de la tenu du référendum ; et pourtant, la démocratie a prévalu, le peuple s’est prononcé clairement et a dit NON à 62% à ces mesures assassines.
Ce qui s’en est suivi est un cauchemar pour toute conscience démocratique, et une honte. Les créanciers ont refusé d’examiner le résultat du référendum. Ils ont insisté, usant de la menace d’un effondrement du système bancaire et d’un désastre humanitaire, que soient adoptées des mesures plus sévères encore que celles qui avaient été rejetées. Le gouvernement a été contraint d’accepter que le Parlement légifère sur des textes pré élaborés de centaines de pages, sans délibération, et à des dates prédéterminées, selon une procédure d’urgence, et avec les banques toujours fermées. Cette extorsion fut baptisée « pré requis pour un accord » et le Parlement fut appelé à abolir des lois qu’il avait votées durant les quatre mois précédents, et à s’abstenir de toute initiative législative sans l’accord préalable des créanciers.
Un projet de loi de cent pages, présenté comme un article unique, fut approuvé le 15 juillet en moins de 24 heures ; un autre, long d’environ 1000 pages et composé de 3 articles a été adopté en moins de 24 heures le 22 juillet ; presque 400 pages, fut adopté le 14 août en 24 heures. Le Parlement a légiféré trois fois sous la contrainte et la coercition, et cela étant fait, attestant qu’une partie importante des députés du principal parti de gouvernement, incluant la Présidente du Parlement, refusait de voter un tel texte de loi, le Parlement fut dissous de manière subite afin de garantir une majorité plus stable pour mettre en œuvre ce que le peuple a rejeté.
Mesdames et messieurs, la dette souveraine est actuellement utilisée contre la population grecque et le Parlement hellénique pour affaiblir la démocratie, mais la démocratie est une valeur suprême, et le Parlement ne peut être réduit à des sceaux, entérinant des normes dictées, rejetées par le peuple et conçues pour anéantir les sociétés et les générations futures.
J’en appelle à vous, Parlementaires du monde ; soutenez l’exigence de démocratie et de souveraineté parlementaire contre la coercition de la dette ; soutenez les initiatives de l’Assemblée Générale des Nations Unies et la commission ad hoc d’audit de la dette souveraine, ainsi que les initiatives des experts indépendants de l’ONU sur la dette et les droits de l’homme.
Ne permettez pas que la démocratie soit annihilée sur la terre où elle naquit. Ne permettez pas qu’un autre Parlement soit contraint de voter contre la volonté du peuple et contre le mandat de ses députés. Ne permettez pas que les droits de l’homme, les vies humaines, la dignité humaine, et les principes les plus précieux des Nations Unies soient foulés pour servir le système bancaire. Le monde que les peuples veulent ne peut être
construit sans les peuples du monde. Merci.
Traduit par Marie-Laure VEILHAN pour le CADTM (Comité pour l'annulation de la dette du Tiers Monde)
http://cadtm.org/Zoe-Konstantopoulou-a-l-ONU-La <http://cadtm.org/Zoe-Konstantopoulou-a-l-ONU-La>
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Alexis Tsipras : « L'austérité est une impasse »
Alexis Tsipras : « L'austérité est une impasse » KOSTAS
ARVANITIS (STO KOKKINO) TRADUCTION THÉO KOUTSAFTIS 31 juillet 2015 Mercredi, Sto Kokkino, radio proche de Syriza, diffusait un long entretien avec le premier ministre grec. Avec l'autorisation de nos confrères, nous en publions ici de larges extraits. Un éclairage inédit sur les rudes négociations entre Athènes et créanciers et sur le coup d'État financier dirigé contre le gouvernement de gauche. Parlons de ces six mois de négociations. Quel bilan en tirez-vous ? Il faudra en tirer les conclusions de façon objective, sans s'avilir ni s'autoflageller, car ce semestre a été un semestre de grandes tensions et de fortes émotions. Nous avons vu remonter à la surface des sentiments de joie, de fierté, de dynamisme, de détermination et de tristesse, tous les sentiments. Mais je crois qu'au bout du compte si nous essayons de regarder objectivement ce parcours, nous ne pouvons qu'être fiers, parce que nous avons mené ce combat. Nous avons tenté, dans des conditions défavorables, avec un rapport de forces difficile en Europe et dans le monde, de faire valoir la raison d'un peuple et la possibilité d'une voie alternative. Au bout du compte, même si les puissants ont imposé leur volonté, ce qui reste c'est l'absolue confirmation, au niveau international, de l'impasse qu'est l'austérité. Cette évolution façonne un tout nouveau paysage en Europe. Qu'en est-il aujourd'hui du mandat populaire donné à Syriza ? Les memoranda n'ont pas été déchirés. L'accord est particulièrement dur... ALEXIS TSIPRAS :Le mandat que nous avons reçu du peuple grec était de faire tout notre possible afin de créer les conditions, quel qu'en soit le coût politique, pour que le peuple grec cesse d'être saigné. Vous aviez dit que les memoranda seraient supprimés avec une seule loi. ALEXIS TSIPRAS: Ne vous référez pas à l'un de mes discours de 2012. Avant les élections, je n'ai pas dit que les memoranda pouvaient être supprimés avec une seule loi. Personne ne disait cela. Nous n'avons jamais promis au peuple grec une balade de santé. C'est pour cela que le peuple grec a conscience et connaissance des difficultés que nous avons rencontrées, auxquelles lui-même fait face, avec beaucoup de sang-froid. Nous avons dit que nous mènerions le combat pour sortir de ce cadre d'asphyxie imposé au pays à cause de décisions politiques prises avant 2008 générant déficits et dettes, et après 2008, nous liant les mains. Nous avions un programme et nous avons demandé au peuple de nous soutenir afin de négocier dans des conditions difficiles pour pouvoir le réaliser. Nous avons négocié durement, dans des conditions d'asphyxie financière jamais vues auparavant. Pendant six mois, nous avons négocié et en même temps réalisé une grande partie de notre programme électoral. Pendant six mois, avec l'angoisse constante de savoir si à la fin du mois nous pourrions payer les salaires et les retraites, faire face à nos obligations à l'intérieur du pays, envers ceux qui travaillent. C'était cela notre angoisse constante. Et, dans ce cadre, nous avons réussi à voter une loi sur la crise humanitaire. Des milliers de nos concitoyens, en ce moment, bénéficient de cette loi. Nous avons réussi à réparer de grandes injustices, comme celles faites aux femmes de ménage du ministère des Finances, aux gardiens d'école, aux employés de la radiotélévision publique ERT, qui a rouvert. Sans essayer d'enjoliver les choses, n'assombrissons pas tout. Si quelqu'un a le sentiment que la lutte des classes est une évolution linéaire, qu'elle se remporte en une élection et que ce n'est pas un combat constant, qu'on soit au gouvernement ou dans l'opposition, qu'il vienne nous l'expliquer et qu'il nous donne des exemples. Nous sommes devant l'expérience inédite d'un gouvernement de gauche radicale dans les conditions de l'Europe néolibérale. Mais nous avons aussi, à gauche, d'autres expériences de gouvernement et nous savons que gagner les élections ne signifie pas, du jour au lendemain, disposer des leviers du pouvoir. Mener le combat au niveau gouvernemental ne suffit pas. Il faut le mener, aussi, sur le terrain des luttes sociales.Pourquoi avez-vous pris cette décision de convoquer un référendum ? ALEXIS TSIPRAS: Je n'avais pas d'autre choix.Il faut garder en tête ce que j'avais avec le gouvernement grec entre les mains le 25 juin, quel accord on nous proposait. Je dois admettre que c'était un choix à haut risque. La volonté du gouvernement grec n'était pas seulement contraire aux exigences des créanciers, elle se heurtait au système financier international, au système politique et médiatique grec. Ils étaient tous contre nous. La probabilité que nous perdions le référendum était d'autant plus élevée que nos partenaires européens ont poussé cette logique jusqu'au bout en décidant de fermer les banques. Mais c'était pour nous la seule voie, puisqu'ils nous proposaient un accord avec des mesures très difficiles, un peu comme celles que nous avons dans l'accord actuel, voire légèrement pires, mais dans tous les cas des mesures difficiles et à mon avis inefficaces. En même temps, ils n'offraient aucune possibilité de survie. Car, pour ces mesures, ils offraient 10,6 milliards sur cinq mois. Ils voulaient que la Grèce prenne, une fois ses engagements tenus, ce qui restait du programme précédent en termes de financements, sans un euro en plus, parce que telle était l'exigence des Néerlandais, des Finlandais, des Allemands. Le problème politique principal des gouvernements du Nord était qu'ils ne voulaient absolument pas aller devant leurs Parlements pour donner ne serait-ce qu'un euro d'argent « frais » à la Grèce, car ils s'étaient eux-mêmes enfermés dans un climat populiste selon lequel leurs peuples payaient pour ces paresseux de Grecs. Tout ceci est bien sûr faux, puisqu'ils paient pour les banques, pas pour les Grecs.Qu'a apporté la position forte tenue contre vents et marées par le peuple grec au référendum ? Elle a réussi à internationaliser le problème, à le faire sortir des frontières, à dévoiler le dur visage des partenaires européens et des créanciers. Elle a réussi à donner à l'opinion internationale l'image, non pas d'un peuple de fainéants, mais d'un peuple qui résiste et qui demande justice et perspective. Nous avons testé les limites de résistance de la zone euro. Nous avons fait bouger les rapports de forces. La France, l'Italie, les pays du Nord avaient tous des positions très différentes. Le résultat, bien sûr, est très difficile mais, d'un autre côté, la zone euro est arrivée aux limites de sa résistance et de sa cohésion. Les six prochains mois seront critiques et les rapports de forces qui vont se construire durant cette période seront tout aussi cruciaux. En ce moment, le destin et la stratégie de la zone euro sont remis en question. Il y a plusieurs versions. Ceux qui disaient « pas un euro d'argent frais » ont finalement décidé non pas seulement un euro mais 83 milliards. Donc de 10,6 milliards sur cinq mois on est passé à 83 milliards sur trois ans, en plus du point crucial qu'est l'engagement sur la dépréciation de la dette, à discuter en novembre. C'est un point clé pour que la Grèce puisse, ou non, entrer dans une trajectoire de sortie de la crise. Il faut cesser avec les contes de messieurs Samaras et Venizelos, qui prétendaient sortir des memoranda. La réalité est que ce conte avait un loup, ce loup c'est la dette. Avec une dette à 180-200 % du PIB, on ne peut pas avoir une économie stable. Le seul chemin que nous pouvons suivre est celui de la dépréciation, de l'annulation, de l'allégement de la dette. La condition pour que le pays puisse retrouver une marge financière, c'est qu'il ne soit plus obligé de dégager des excédents budgétaires monstrueux, destinés au remboursement d'une dette impossible à rembourser. Le non au référendum était un non à l'austérité... ALEXIS TSIPRAS: Il y avait deux parties dans la question posée au référendum. Il y avait la partie A qui concernait les mesures prérequises et la partie B qui concernait le calendrier de financement. Si nous voulons être tout à fait honnêtes et ne pas enjoliver les choses, par rapport à la partie A, l'accord qui a suivi le référendum est similaire à celui que le peuple grec a rejeté. En ce qui concerne la partie B par contre, et là nous devons être honnêtes, c'est le jour et la nuit. Nous avions cinq mois, 10,6 milliards, cinq « revues ». Nous avons 83 milliards c'est-à-dire une couverture totale des besoins financiers sur le moyen terme (2015-2018), dont 47 milliards pour les paiements externes, 4,5 milliards pour les arriérés du secteur public et 20 milliards pour la recapitalisation des banques et, enfin, l'engagement crucial sur la question de la dette. « Mener le combat au niveau gouvernemental ne suffit pas. Il faut le mener, aussi, sur le terrain des luttes sociales. » Il y a donc un recul sur la partie A de la part du gouvernement grec, mais sur la partie B il y a une amélioration : le référendum a joué son rôle. Le mercredi soir précédent le scrutin, certains avaient créé les conditions d'un coup d'État dans le pays, en proclamant qu'il fallait envahir Maximou (le Matignon grec NDLR), que le gouvernement emmenait le pays vers une terrible catastrophe économique, en parlant de files d'attente devant les banques. Je dois dire que le peuple grec a su garder son sang-froid, au point que les télévisions avaient du mal à trouver du monde pour se plaindre de la situation, ce sangfroid était incroyable. Ce soir-là, je me suis adressé au peuple grec et j'ai dit la vérité. Je n'ai pas dit : « Je fais un référendum pour vous sortir de l'euro. » J'ai dit : « Je fais un référendum pour gagner une dynamique de négociation. » Le non au mauvais accord n'était pas un non à l'euro, un oui à la drachme. On peut m'accuser d'avoir fait de mauvais calculs, d'avoir eu des illusions, mais à chaque moment, j'ai dit les choses clairement, j'ai informé deux fois le Parlement, j'ai dit la vérité au peuple grec.Avec dans vos mains, les 61,2 % que vous a donnés le peuple grec, quel aurait été l'accord qui vous aurait satisfait lors de votre retour de Bruxelles ? ALEXIS TSIPRAS: Le référendum a été décidé le jour de l'ultimatum, le 25 juin, vendredi matin, lors d'une réunion que nous avons tenue à Bruxelles, avec, devant nous, la perspective d'une humiliation sans sortie possible. C'était, pour eux, à prendre ou à laisser. « The game is over », répétait le président du Conseil européen, Donald Tusk. Ils ne s'en cachaient pas, ils voulaient des changements politiques en Grèce. Nous n'avions pas d'autre choix, nous avons choisi la voie démocratique, nous avons donné la parole au peuple. Le soir même en rentrant d'Athènes, j'ai réuni le Conseil gouvernemental où nous avons pris la décision. J'ai interrompu la séance pour communiquer avec Angela Merkel et François Hollande. Je leur ai fait part de ma décision ; le matin même, je leur avais expliqué que ce qu'ils proposaient n'était pas une solution honnête. Ils m'ont demandé ce que j'allais conseiller au peuple grec et je leur ai répondu que je conseillerai le non, pas dans le sens d'une confrontation mais comme un choix de renforcement de la position de négociation grecque. Et je leur ai demandé de m'aider à mener à bien ce processus, calmement, de m'aider afin que soit accordé par l'Eurogroupe, qui devait se réunir quarante-huit heures plus tard, une extension d'une semaine du programme afin que le référendum ait lieu dans des conditions de sécurité et non pas dans des conditions d'asphyxie, avec les banques fermées. Ils m'ont tous les deux assuré à ce moment-là, qu'ils feraient tout leur possible dans cette direction. Seule la chancelière m'a prévenu qu'elle s'exprimerait publiquement sur le référendum, en présentant son enjeu comme celui du maintien ou non dans l'euro. Je lui ai répondu que j'étais en absolu désaccord, que la question n'était pas euro ou drachme, mais qu'elle était libre de dire ce qu'elle voulait. Là, la conversation s'est arrêtée. Cette promesse n'a pas été tenue. Quarante-huit heures plus tard, l'Eurogroupe a pris une décision très différente. Cette décision a été prise au moment où le Parlement grec votait le référendum. La décision de l'Eurogroupe a mené en vingt-quatre heures à la décision de la BCE de ne pas augmenter le plafond ELA (mécanisme de liquidités d'urgence dont dépendent les banques grecques NDLR) ce qui nous a obligés à instaurer un contrôle de capitaux pour éviter l'effondrement du système bancaire. La décision de fermer les banques, était, je le pense, une décision revancharde, contre le choix d'un gouvernement de s'en remettre au peuple.Vous attendiez-vous à ce résultat ? ALEXIS TSIPRAS: J'avoue que jusqu'au mercredi (précédent le scrutin NDLR) j'avais l'impression que ce serait un combat indécis. À partir du jeudi, j'ai commencé à réaliser que le non allait l'emporter, et le vendredi j'en étais convaincu. Dans cette victoire, la promesse que j'ai faite au peuple grec de ne pas jouer à pile ou face la catastrophe humanitaire a pesé. Je ne jouais pas à pile ou face la survie du pays et des couches populaires. À Bruxelles, par la suite, sont tombés sur la table plusieurs scénarios terrifiants. Je savais durant les dix-sept heures où j'ai mené ce combat, seul, dans des conditions difficiles, que si je faisais ce que me dictait mon coeur me lever, taper du poing sur la table et partir le jour même, les succursales des banques grecques à l'étranger allaient s'effondrer. En quarante-huit heures, les liquidités qui permettaient le retrait de 60 euros par jour se seraient taries et pis, la BCE aurait décidé d'une décote des collatéraux des banques grecques, voire aurait exigé des remboursements qui auraient conduit à l'effondrement de l'ensemble du système bancaire. Or un effondrement se serait traduit non pas par une décote des épargnes mais par leur disparition. Malgré tout j'ai mené ce combat en essayant de concilier logique et volonté. Je savais que si je partais j'aurais probablement dû revenir, dans des conditions plus défavorables encore. J'étais devant un dilemme. L'opinion publique mondiale clamait « #ThisIsACoup », au point que c'est devenu cette nuit-là sur Twitter le premier hashtag au niveau mondial. D'un côté, il y a avait la logique, de l'autre la sensibilité politique. Après réflexion, je reste convaincu que le choix le plus juste était de faire prévaloir la protection des couches populaires. Dans le cas contraire, de dures représailles auraient pu détruire le pays. J'ai fait un choix de responsabilité. Vous ne croyez pas à cet accord et pourtant vous avez appelé les députés à le voter. Qu'avez-vous en tête ? ALEXIS TSIPRAS: Je considère, et je l'ai dit au Parlement, que c'est une victoire à la Pyrrhus de nos partenaires européens et de nos créanciers, en même temps qu'une grande victoire morale pour la Grèce et son gouvernement de gauche. C'est un compromis douloureux, sur le terrain économique comme sur le plan politique. Vous savez, le compromis est un élément de la réalité politique et un élément de la tactique révolutionnaire. Lénine est le premier à parler de compromis dans son livre la Maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») et il y consacre plusieurs pages pour expliquer que les compromis font partie des tactiques révolutionnaires. Il prend dansun passage l'exemple d'un bandit pointant sur vous son arme en vous demandant l'argent ou la vie. Qu'est censé faire un révolutionnaire ? Lui donner sa vie ? Non, il doit lui donner l'argent, afin de revendiquer le droit de vivre et de continuer la lutte. Nous nous sommes retrouvés devant un dilemme coercitif. Aujourd'hui, les partis de l'opposition et les médias du système font un boucan impressionnant, allant jusqu'à demander des procédures pénales contre Yanis Varoufakis. Nous sommes tout à fait conscients que nous menons un combat, en mettant en jeu notre tête, à un niveau politique. Mais nous menons ce combat en ayant à nos côtés la grande majorité du peuple grec. C'est ce qui nous donne de la force. ALEXIS TSIPRAS :« LA SOCIAL-DÉMOCRATIE EST DANS UNE IMPASSE STRATÉGIQUE. SYRIZA N'A AUCUN INTÉRÊT À REJOINDRE LE CAMP SOCIAL-DÉMOCRATE. » |
Le cynisme de l'Europe éclate au grand jour : Un nouveau Minotaure. Par Odile Nguyen - Schoendorff
Odile Nguyen -
Schoendorff – Agrégée de philosophie professeur à l'université Jean-Moulin (Lyon-III) L’Humanité du 22/7/15 Ce printemps et cet été, les yeux rivés sur Athènes, nous guettions,
nombreux, le lever de soleil d'un nouveau « miracle grec », admirant le courage
d'Alexis Tsipras et de Syriza face aux diktats de la troïka. Et nous nous
sentions tous l'âme un peu grecque après le NON au
référendum du dimanche 5 juillet. De mauvais gré, les médias, plus friands de
nous imposer les images récurrentes des files d'attente devant les banques,
ajoutaient pourtant un nouveau mot-clef à notre vocabulaire, un mot de
résistance, un mot de liberté : OXI. (cf. Liberté j'écris ton "non" JPR) La Grèce, berceau de la démocratie, terre de Périclès, allumait à nouveau dans nos cerveaux échaudés par bien des déceptions une lueur d'espoir. La large victoire du non au référendum attestait la clairvoyance du peuple souverain. Jamais la notion de « volonté générale », chère à Rousseau, cette volonté qui fait que chacun pense au bien de tous, n'avait semblé si bien incarnée. Mais, face aux puissances d'argent, le gouvernement grec, légitime représentant de cette volonté générale, a dû céder. La force, la force brute et inepte l'a emporté sur le droit. Fort du suffrage populaire, Alexis Tsipras avait sous-estimé l'adversaire il avoue : « J'ai cru que cette Europe pouvait être changée, que le droit pouvait primer sur les intérêts des banques. » * Le peuple grec est déboussolé. Mais l'Europe est démasquée Au lieu de cette victoire, triomphe un « catalogue de cruautés » pour le journal allemand Der Spiegel. Il va falloir honorer cette dette absurde, nouveau Minotaure avide de s'abreuver encore du sang du peuple pendant des décennies. Ce n'est pas Zeus, métamorphosé en taureau, qui enlève aujourd'hui Europe, mais les banques, les financiers et les politiciens à leur service : Schäuble, Merkel, Juncker, Lagarde. Tsipras a perdu sa majorité, Syriza est fissuré. Le peuple grec est déboussolé. Mais l'Europe est démasquée. Son cynisme éclate au grand jour. Le philosophe Jürgen Habermas, issu de l'École de Francfort, élève d'Adorno, figure des révoltes étudiantes de la fin des années 1960 en Allemagne, diagnostique : « Forcer le gouvernement grec à donner son accord à un fonds de privatisation économiquement discutable et éminemment symbolique ne peut être compris que sous l'angle d'un châtiment décrété contre un gouvernement de gauche. » Les médias, montreurs de marionnettes, cachés derrière le mur de l'argent Un autre philosophe, Alain Badiou, rappelle que la Grèce est la patrie de Platon, auteur de la République, où au livre VII, figure l'allégorie de la caverne : la caverne, trompeur théâtre d'ombres où les hommes sont enchaînés : « Pour savoir qu'un monde est sous la loi d'un semblant, il faut sortir de la caverne, échapper au lieu que le semblant organise sous la forme d'un discours contraignant. » La comparaison est heureuse : l'Europe ressemble à la caverne avec ses fausses valeurs, ses repères uniquement financiers, et les médias sont les montreurs de marionnettes, cachés derrière le mur de l'argent. Que l'un des hommes enchaînés se libère et aperçoive le soleil du Bien, du Beau et du Vrai, qu'il découvre la justice, les ombres lui apparaîtront tout à coup laides et dérisoires. Il faudra alors que cet homme, le philosophe, redescende porter le message aux autres, mais ils l'accueilleront par des moqueries ou même par la violence. Il se peut même, c'est la menace de Calliclès insultant Socrate dans Gorgias, de Platon, qu'il soit « traîné devant un tribunal ». L'histoire est bien différente, et pourtant, derrière Tsipras buvant jusqu'à la lie le calice de l'humiliation, en signant le mal nommé « accord », comment ne pas voir en filigrane l'image de Socrate buvant la ciguë. Au terme d'un procès inique déjà ourdi par le complot des sophistes et des puissances d'argent. En attendant de réaliser le rêve de Platon, que le roi devienne philosophe, ou que le philosophe devienne roi (c'est l'utopie « haute » de la République), ou du moins que la Loi soit reine (c'est l'utopie « basse » des Lois), on peut rêver que tout ne soit pas fini à Athènes ni ailleurs. Soyons donc utopistes plutôt que désespérés! Tsipras promet ainsi à la troïka « une victoire à la Pyrrhus » et veut encore espérer, évoquant des valeurs qui n'ont pas cours dans la caverne: « Durant cinq mois, nous avons semé des graines de démocratie et de dignité, elles finiront par fleurir. » « CE N'EST PAS ZEUS, MÉTAMORPHOSÉ EN TAUREAU, QUI ENLÈVE AUJOURD'HUI EUROPE, MAIS LES BANQUES, LES FINANCIERS ET LES POLITICIENS À LEUR SERVICE. »
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Grèce : pêle-mêle
Habermas dénonce le « châtiment » infligé aux Grecs. Dans le quotidien britannique The Guardian, le philosophe Jürgen Habermas, figure de l’École de Francfort, étrille la grande coalition allemande à l’attaque de la Grèce et du gouvernement Tsipras. « Je crains que le gouvernement allemand, incluant sa branche sociale-démocrate, n’ait dilapidé en l’espace d’une nuit tout le capital politique qu’une Allemagne meilleure avait accumulé depuis un demi-siècle », déplore le penseur, élève de Theodor Adorno et figure des révoltes étudiantes en Allemagne à la fin des années 1960. Et d’ajouter : « Forcer le gouvernement grec à donner son accord à un fonds de privatisation économiquement discutable et éminemment symbolique ne peut être compris que sous l’angle d’un châtiment décrété contre un gouvernement de gauche. »
lire ici l'analyse d'ATTAC-FRANCE : https://france.attac.org/newsletter/aucun-avenir-ne-peut-etre-bati-sur-les-decombres-de-la-grece et aussi http://www.humanite.fr/yanis-varoufakis-met-en-lumiere-les-appetits-des-liquidateurs-de-la-grece-579513 DÉFAITE NATIONALE Le 14 juillet 1789 symbolise la Révolution, la révolution radicale. Cette année il est marqué par la capitulation du gouvernement grec, chargé de l’héritage trop lourd des gouvernements UMPS grecs qui l’ont précédé et menacé - il avait le revolver sur la tempe, disent les médias - par le MEDEF européen fanatisé par le Franc fort de Francfort, franc devenu Euro avant de devenir Mark. Bref, c’est le deuil. Jamais, la bourgeoisie européenne n’a été autant visible sur nos écrans que ces derniers jours. Tout cet appareil d’apparatchiks qui s’agitaient pour pressurer le vaillant Alexis Tsipras et son ministre Euclide (quel prénom magnifique !) allant jusqu’au baise-main pour Mme Lagarde, ces bourgeois
donnaient la nausée. Et des larmes.
***Le peuple grec aura au moins montré qu’il aura essayé. Quelle différence avec l’arrivée de Hollande à l’Élysée qui n’aura même pas fait éteindre une bougie là où Tsipras a soulevé la tempête ! Peut-être ces mots de Friedrich Engels pourront-ils nous aider : Une défaite après un dur combat est un fait d'une importance révolutionnaire égale à une victoire facilement remportée. Les défaites de Paris, en juin 1848, et de Vienne, en octobre, ont certainement plus fait pour révolutionner l'esprit du peuple de ces deux villes que les victoires de février et de mars. L'Assemblée et le peuple de Berlin auraient probablement partagé le sort de ces deux villes, mais ils seraient tombés glorieusement et auraient laissé derrière eux dans l'âme des survivants un désir de revanche qui, en temps de révolution, est une des plus grandes incitations à une action énergique et passionnée. Le peuple grec, défait, aura montré le chemin. Il laisse un désir de revanche qui incite à une action énergique et passionnée. Honneur à lui. Pour mieux comprendre à quoi fait allusion Engels : 1848 - 1849 EN Allemagne. 1ère PARTIE : LE CAS PRUSSIEN Faudra-t-il ressortir le Chant des Partisans ?Par Jean Ortiz. "Nous ne sommes pas loin d’une nouvelle « occupation » : d’une insupportable ingérence." Les
« négociations » entre le gouvernement, digne, courageux, de la Grèce
et le cynique (si inique) « Eurogroupe », ont définitivement fait tomber
les masques. L’Europe telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, dominée par
le gouvernement allemand, qui a vassalisé la plupart des autres
membres, est bien l’ennemi des peuples. La botte impitoyable d’Angela
Merkel est celle du FMI, de la BCE, de Washington, et des relents de «
grande Allemagne » garante des diktats de la finance. Nous ne sommes pas
loin d’une nouvelle « occupation » : d’une insupportable ingérence. L’acharnement, la violence d’Angela Merkel pour mettre à genoux et
humilier le magnifique peuple grec, faire capituler Tsipras, relève d’un
mépris total de la démocratie et d’une attitude fascisante. Le rapport
des forces a permis certes un bras de fer, mais ses limites,
l’insuffisance de la solidarité, l’attitude caméléonesque du
gouvernement français, à triple face, franc comme un âne qui recule,
n’ont pas permis d’imposer le respect de la démocratie et de la
souveraineté. Mais rien ne sera plus comme avant.
Il fallait à tout prix punir, étrangler la Grèce, qui a eu
l’outrecuidance de mal voter, et donner un avertissement, un carton
rouge, à tous les peuples : il n’y a pas d’autre politique possible que
le sang, la sueur, les sacrifices pour les peuples, et l’enrichissement
indécent, immoral, de quelques uns. Le pape l’a dénoncé en Amérique
latine... Mais tous les François ne se ressemblent pas. Il n’y aurait
pas d’autres voies que « l’Europe allemande », la soumission aux
marchés, la soumission pour les salariés, les humbles... Désormais,
c’est encore plus clair.
Il y a des mensonges, des revers, qui peuvent et doivent devenir des boomerangs.
La « victoire » de Merkel est une victoire à la Pyrrhus. NON, NON,
NON à cette Europe là... Des millions d'hommes et de femmes partagent
aujourd'hui l'aspiration à une Europe des peuples.
Alors: TOUS GRECS ! « Chantez compagnons, dans la nuit la Liberté
nous écoute ». La servitude n’est jamais éternelle. William Shakespeare
disait en substance : tout captif porte dans sa main gauche la clef pour
se libérer. (13-VII-2015) LE MASQUE EST JETÉ : Martin Schulz veut un «gouvernement de technocrates» pour la GrèceLe fascisme mou est dans les starting-blocks. *** Où je montre que la presse d'aujourd'hui raisonne comme le presse d'extrême-droite en 1924 hostile au mur d'argent : L’extrême-droitisation des médias français : Tsipras, mur d'argent et referendumRéférendum en Grèce jeunes et moins jeunes Qu'est-ce
qu'un discours historique ? qu'est-ce qu'un discours dont l'histoire se
souviendra ? qu'est-ce que la grandeur, la morale, l’intérêt supérieur
d'un peuple et d'une nation ? qu'est-ce que le courage, la dignité et
l'honneur ? voici : « La décision prise hier par l’Eurogroupe de ne pas accéder à la requête du gouvernement grec, qui lui demandait de prolonger le programme de quelques jours afin que le peuple ait la possibilité de se prononcer par référendum sur l’ultimatum des créanciers, constitue un acte ― sans précédent dans les annales européennes ― remettant directement en cause le droit d’un peuple souverain à choisir démocratiquement, le droit suprême et sacré de tout peuple à exprimer son opinion. Cette décision a conduit aujourd’hui la Banque Centrale Européenne à ne pas augmenter la liquidité des banques grecques et a contraint la Banque de Grèce à proposer l’activation de mesures de fermeture temporaires des banques et de limitation des retraits bancaires. Il ne fait désormais plus aucun doute que cette décision a pour seul et unique objectif de faire pression par la voie du chantage sur la volonté du peuple grec et d’entraver le déroulement régulier du processus démocratique de référendum. Ils ne parviendront pas à leurs fins. Ces actes produiront le résultat exactement inverse de celui qui est escompté. Ils affermiront davantage encore le peuple grec dans sa volonté de rejeter ces propositions inacceptables, produites par la logique des mémorandums, et les ultimatums des créanciers. Mais une chose est sûre: le refus de ce prolongement de quelques jours et la tentative d’annulation d’un processus démocratique d’une importance majeure constituent, au regard de la tradition démocratique européenne, une offense et une honte immense. Pour cette raison, j’ai de nouveau envoyé aujourd’hui la demande de court prolongement en l’adressant cette fois au Président du Conseil Européen et aux 18 dirigeants des États-membres de la zone euro, ainsi qu’aux responsables de la Banque Centrale Européenne, de la Commission et du Parlement Européen. J’attends de connaître leur réaction immédiate à ce qui constitue une exigence élémentaire de démocratie. Eux seuls peuvent, toutes affaires cessantes, et éventuellement dès ce soir, inverser la décision de l’Eurogroupe et donner la possibilité à la BCE de rétablir l’alimentation des banques grecques en liquidité. Quoi qu’il arrive, cependant, les jours qui viennent exigeront de nous que nous fassions preuve de clairvoyance et de patience. Les dépôts des citoyens dans les banques grecques sont absolument garantis. Nous devons faire face aux difficultés qui pourraient survenir avec sang-froid et détermination. Plus nous ferons preuve de calme, plus vite nous les dépasserons et plus leurs conséquences seront bénignes. Nous avons aujourd’hui l’occasion de nous prouver à nous-mêmes et de prouver au monde entier que la justice peut l’emporter. Nous avons une fois de plus l’occasion historique d’adresser à l’Europe et au monde entier un message d’espoir et de dignité. Et rappelez-vous : en ces heures cruciales, où nous sommes tous appelés à nous hisser à la hauteur de notre histoire, nous n’avons peur que de la peur. Et nous ne la laisserons pas nous gagner. Nous réussirons. La dignité opposée par les Grecs au chantage et à l’injustice constituera, dimanche prochain, un message d’espoir et de dignité adressé à l’Europe entière. » Alexis Tsipras 28/06/2015, 21:00 ***
Le
peuple grec se prononcera dimanche 5 juillet lors d’un referendum
portant sur la question «Oui ou Non à l’accord proposé par les
créanciers.» Athènes, correspondance de Marie-Laure Koucoutsi (l'Humanité, 27 juin) ![]() Le Premier ministre Alexis Tsipras est rentré en urgence à Athènes vendredi soir, interrompant les négociations de Bruxelles, après avoir dénoncé la proposition « d’une austérité humiliante, étouffante, antidémocratique » faite par les partenaires-créanciers, chefs d’état et technocrates de l’Eurogroupe, du FMI et de la Banque Centrale Européenne. « Elle piétine la souveraineté de la Grèce ainsi que les principes d’humanisme et de solidarité qui ont inspiré création de l’édifice européen. » Alexis Tsipras a convoqué immédiatement un Conseil de crise, transformé vers 23h30 en Conseil des Ministres exceptionnel. Le Premier Ministre grec a ensuite prononcé une déclaration officielle invoquant l’âpreté et la durée des négociations, mais aussi la dignité du peuple grec et sa souveraineté nationale remises en jeu par la proposition des créanciers. « L’avenir de la jeunesse grecque est compromis par les mesures d’austérité proposées par les autorités de Bruxelles. » Il a conclu enfin que n’ayant pas de mandat électoral pour sortir de l’Union monétaire, il avait décidé avec l’unanimité de son Conseil de poser la question au peuple grec en referendum : accepter ou non l’accord des créanciers et ses conditions léonines, bien qu’il mette définitivement en péril la survie même du pays en violant les droits humains élémentaires. Tsipras s’est engagé à respecter la décision populaire pour donner ainsi l'exemple de la démocratie à cette Europe qui en a perdu le sens. « Nous prendrons cette décision de manière démocratique, pour nous, pour nos enfants, pour la dignité et la souveraineté de notre peuple.» Tsipras a annoncé qu’il allait demander aux institutions de prolonger encore quelques jours le pays, pour que les banques du pays fonctionnent jusqu’aux élections « et éviter une pression intolérable sur le droit du peuple grec à un choix démocratique ». S’étant clairement déclaré pour un NON sonore, Tsipras est rentré préparer la journée de samedi qui s’annonce chargée. L’un après l’autre, les ministres ont déclaré aux caméras de la chaîne publique ERT qu’ils appelaient à voter pour le non, les conditions inacceptables faites par l’Eurogroupe et les créanciers ne laissant pas d’autre choix. L’agence Bloomberg a aussitôt fait savoir que les banques grecques resteraient ouvertes lundi. De fait, les distributeurs sont déserts. Les bureaux du FMI avaient annoncé hier soir qu’un retard du remboursement de 1,7 milliard d’Euros au FMI mardi prochain « ne signifierait rien d’autre qu’un retard de paiement » et non une faillite, démentant l’annonce faite précédemment par Mme Lagarde. Pour les Grecs, le NON est le symbole de la résistance populaire du
pays au fascisme, puisque c’est cette réponse opposée à Mussolini le 28
octobre 1940, qui constitue le moto central de l’une des deux fêtes
nationales. « Je suis sûr que votre réponse honorera l’histoire de notre
pays. Rappelons ensemble à l’Europe qu’elle est la maison des peuples,
qui nous appartient comme nous lui appartenons. Pour la souveraineté et
la dignité de notre peuple ! » Tsipras, vendredi 26 juin 2015. (...) à lire et à diffuser d'urgence à tous vos amis. faisons boule de neige ! Document: l'intégralité des propositions grecques à la Commission Européenneà cueillir sur http://www.humanite.fr/document-lintegralite-des-propositions-grecques-la-commission-europeenne-578009 à cueillir aussi: ;http://blogs.mediapart.fr/blog/vicky-skoumbi/220615/lettre-ouverte-aux-dirigeants-europeens-halte-au-coup-d-etat-financier-athenes *** |
Grèce : Les économistes jugent les exigences des créanciers déraisonnables
Dans une lettre ouverte publiée mardi par le Financial Times, 19 des économistes se mobilisent en faveur de la Grèce, dont le prix Nobel américain Joseph Stiglitz ou le Français Thomas Piketty, Les économistes jugent les exigences des créanciers déraisonnables La Grèce apparaît en trop mauvais état pour supporter plus d’austérité, et une restructuration de la dette est jugée inéluctable C’est peu dire que les dernières propositions des créanciers de la Grèce, mises en ligne dimanche 28 juin sur le site Internet de la Commission européenne, suscitent les critiques. Patrick Artus, le chef économiste de Natixis, qu’on ne peut soupçonner d’être proche de Syriza, résume assez bien la pensée dominante : « Aucun économiste sérieux ne peut avaliser ce plan mal fichu et très déraisonnable », a-t-il déclaré, lundi 29 juin, au Monde. « Le premier ministre grec, Alexis Tsipras, a des raisons d’appeler à voter “non” au référendum du 5 juillet. Le programme des créanciers n’est pas acceptable. Demander à une économie en récession de 3 % à 4 % d’afficher un excédent primaire [le solde budgétaire avant paiement des intérêts de la dette] de 1%, c’est la condamner à ne pas se redresser », ajoute M. Artus, un partisan en France d’une politique de l’offre. Pour Joseph Stiglitz, le Prix Nobel d’économie, l’ex- Troïka a « une responsabilité criminelle, celle d’avoir causé une récession majeure » Les néokeynésiens ne sont donc pas les seuls à dénoncer les exigences intenables des créanciers d’Athènes. Les économistes, quelle que soit leur famille de pensée, s’accordent pour déplorer que les bailleurs de fonds d’Athènes minimisent la gravité de la récession grecque, plus longue et plus profonde que la Grande Dépression aux Etats-Unis dans les années 1930. L’économie hellène, ajoutent- ils, est aujourd’hui en bien trop mauvais état pour supporter le surcroît d’austérité – hausses d’impôt, TVA en tête, et de cotisations, réforme de la grille salariale et baisse de l’emploi de la fonction publique, réforme des retraites etc. – imaginé par la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) en échange d’« argent frais ». L’ex-« Troïka » a « une responsabilité criminelle, celle d’avoir causé une récession majeure », a asséné, lundi, dans le Time le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz. « Les créanciers d’Athènes devraient admettre que la politique qu’ils ont mise en place depuis cinq ans, l’austérité, n’a pas fonctionné », analyse -t-il. Sur son blog du New York Times, son collègue Paul Krugman écrit qu’il voterait « non » au référendum du 5 juillet « bien que la perspective d’une sortie de l’euro inquiète tout un chacun, moi compris ». « Ce que demande la “Troïka” c’est une poursuite indéfinie de la politique d’austérité menée depuis cinq ans. Mais où est l’espoir dans tout cela ? », s’interroge-t-il en faisant observer qu’« une dévaluation [consécutive à un « Grexit »] ne créerait pas beaucoup plus de chaos que celui qui existe aujourd’hui ». Perplexité Moins polémique mais tout aussi affirmatif, le chef économiste de Coface, Julien Marcilly, rappelle que «les politiques macroéconomiques doivent être contra-cycliques». «Demander à un pays en récession d’afficher un excédent budgétaire primaire, même réduit de 3,5% à 1%, n’a pas de sens. Les dépenses publiques ont diminué de 20 % en Grèce en termes réels depuis 2007. En Espagne, pendant ce temps, elles sont restées stables. Comment voulez-vous que l’économie puisse se redresser ? » « A quoi sert de proposer une TVA à 23 % sur la restauration quand le tourisme est l’un des rares secteurs porteurs de l’économie de la Grèce ? La croissance potentielle du pays est négative. Ce dernier a surtout besoin de zones franches qui rendraient attractive son économie. Ce n’est pas le moment de décourager les investisseurs et les entreprises », insiste de son côté M. Artus. L’absence totale de toute référence à la question de la dette, jugée pourtant cruciale, est un autre sujet de perplexité et de critiques pour les économistes Sur son site Web, la Commission européenne assure avoir mis en ligne les dernières propositions des créanciers tenant compte de celles avancées par M. Tsipras entre le 8 et le 25juin «par souci de transparence, et pour l’information du peuple grec ». En présentant ces propositions, Bruxelles fait référence à la dette grecque. Celle-ci toutefois ne figure pas dans les neuf points qui ont été abordés par le FMI et les Européens. Or de l’avis général, sa restructuration est « inéluctable ». « Il faudrait quatre points de produit intérieur brut [PIB] d’excédent budgétaire primaire pour stabiliser la dette. Les Grecs sont complètement insolvables. Il ne faut pas leur faire des prêts mais restructurer la dette. C’est d’ailleurs ce que pense le FMI. La Commission n’en veut pas, non pas pour éviter des pertes aux banques mais pour des raisons politiques : par égard pour l’Espagne, le Portugal, l’Irlande etc. qui ont fait des efforts et par peur de fâcher les contribuables européens », analyse Patrick Artus. « Démagogie et mensonge » « Les positions du gouvernement Tsipras et des créanciers s’étaient beaucoup rapprochées. Mais ce qui a manqué, c’est la discussion et l’engagement d’une renégociation de la dette grecque qui est insoutenable et qu’il faudra restructurer, surenchérit le président de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Xavier Ragot, l’histoire nous a pourtant appris, avec le Traité de Versailles et l’Allemagne, ce qu’il en coûte de poser à un pays des exigences intenables... » « Les autorités grecques ont demandé que le Mécanisme européen de stabilité [MES] prenne la dette hellène à son compte, ce qui ouvrait la possibilité d’un reprofilage partiel de celle-ci. C’était l’idée du troisième plan d’aide. Elle n’a pas été acceptée probablement parce que les créanciers veulent pouvoir conserver un certain degré d’ingérence dans la vie de la Grèce », relève aussi Paola Monperrus, économiste au Crédit agricole. « Il y a eu beaucoup de démagogie et de mensonge et des deux côtés. Les propositions de créanciers sont technocratiques et elles sont peu accessibles à l’opinion publique. Les positions du FMI et des Européens n’étaient pas alignées. Le premier s’est focalisé sur la non-soutenabilité de la dette, les seconds voulaient des réformes pour pouvoir rendre acceptables de futurs sacrifices à leurs contribuables », estime le chef économiste d’Euler Hermès, Ludovic Subran. En l’état, les propositions sont généralement jugées « trop technos » pour pouvoir faire l’objet d’un référendum. Un référendum qui peut piéger non seulement M. Tsipras mais aussi les Européens.
Claire Guélaud Le Monde du 1er juillet
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Allocution d’Alexis Tsipras le 26 juin 2015
![]() Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens. Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité. L’objectif aujourd’hui est de mettre fin à la crise grecque de la dette publique. Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec. J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité. La question qui sera posée au référendum dimanche prochain sera de savoir si nous acceptons ou rejetons la proposition des institutions européennes. Je demanderai une prolongation du programme de quelques jours afin que le peuple grec prenne sa décision. Je vous invite à prendre cette décision souverainement et avec la fierté que nous enseigne l’histoire de la Grèce. La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant. Je m’engage à en respecter le résultat quel qu’il soit. La Grèce est et restera une partie indissoluble de l’Europe. Mais une Europe sans démocratie est une Europe qui a perdu sa boussole. L’Europe est la maison commune de nos peuples, une maison qui n’a ni propriétaires ni locataires. La Grèce est une partie indissoluble de l’Europe, et je vous invite toutes et tous à prendre, dans un même élan national, les décisions qui concernent notre peuple. » (Alexis Tsipras, Premier ministre) Traduction:Vassiliki Papadaki |
Périclès : l'éloge d'Athènes à la Vouli...
La Grèce pays-naisseur de la démocratie revient au devant de la scène. A la vouli (chambre des députés), le comité parlementaire pour la vérité sur la dette grecque commence à rendre publiques devant les député(e)s ses premières conclusions. A cette occasion (17 juin 2015), les députés rappellent le texte de Périclès que je faisais apprendre par cœur à mes élèves : "Du fait que l’État, chez nous, est administré dans l’intérêt de la masse et non d’une minorité, notre régime a pris le nom de démocratie". Voici ce texte qui est un extrait de la fameuse oraison funèbre des Athéniens morts pendant la première partie de la guerre du Péloponnèse. C'est un discours prononcé par PÉRICLÈS et que nous a rapporté l'historien THUCYDIDE (431 av. N.E.). Il contient un magnifique éloge de la démocratie athénienne. N.B. les mots ne sont pas les mêmes car il s’agit de traduction par des auteurs différents. ci-dessous : Périclès prononçant l’éloge d’Athènes.
PÉRICLÈS : L’ÉLOGE D’ATHÈNES La constitution qui nous régit n'a rien à envier aux autres peuples. Elle leur sert de modèle et ne les imite point. Elle a reçu le nom de DÉMOCRATIE parce que son but est l'intérêt du plus grand nombre et non d'une minorité. En ce qui concerne les différends particuliers, l'égalité est assurée à tous par la loi. Mais en ce qui concerne la vie publique, c'est le mérite personnel bien plus que les distinctions sociales qui ouvre la voie aux honneurs. Aucun citoyen capable de servir la patrie n'en est empêché par l'indigence ou par l'obscurité (i.e. la pauvreté, jpr) de sa condition. On voit ici les mêmes hommes soigner à la fois leurs propres intérêts et ceux de l’État. On voit de simples artisans comprendre suffisamment les questions politiques. C'est que nous regardons le citoyen qui ne s'occupe pas des affaires publiques non comme un ami du repos mais comme un être inutile. Nous savons découvrir par nous-mêmes et juger sainement ce qui convient à l’État. Nous ne croyons pas que la parole nuise à l'action, ce qui nous paraît nuisible, au contraire, c'est de ne pas s'éclairer par la discussion. Libres dans notre vie publique, nous les sommes également dans la vie privée. Chacun peut se livrer à ses plaisirs sans encourir de blâme. Malgré cette tolérance dans notre vie privée, nous nous efforçons de ne rien faire d'illégal dans notre vie publique. Nous sommes pleins de soumission envers les magistrats ainsi qu'envers les lois surtout celles qui ont pour objet la protection des faibles et qui, bien que non écrites, n'en apportent pas moins la honte à ceux qui ne les respectent pas... En résumé, j'ose le dire, ATHÈNES est l'école de la Grèce.
Rapporté par THUCYDIDE, "Histoire de la guerre du Péloponnèse". Le ministre des finances, Yanis Varoufakis, mardi 16 juin 2015, au parlement grec. Il semble faire revivre l'Ecclesia Photo : Louisa Gouliamaki/AFP |
Olivier Delorme : « Quel que soit le risque, les Grecs refuseront tout retour en arrière »
Olivier Delorme est écrivain et historien. Passionné par la Grèce, il est l’auteur de La Grèce et les Balkans: du Ve siècle à nos jours (en Folio Gallimard, 2013, trois tomes), qui fait aujourd’hui référence. On peut par ailleurs le suivre sur son site. Il revient ici sur les trois premières semaines du gouvernement Tsipras et nous éclaire sur l’état d’esprit des Grecs. *** Les Grecs savent qu’ils sont un petit peuple, ce qui ne les a pas empêchés de jouer parfois un grand rôle dans l’histoire contemporaine : leur révolution de 1821 et leur guerre de libération nationale contre l’Empire ottoman aboutissant à l’indépendance en 1830 sont les premières dans l’Europe antirévolutionnaire de la Sainte-Alliance ; leurs victoires sur l’Italie fasciste en 1940-1941 sont les premières, dans la guerre mondiale, d’un pays attaqué par l’Axe, et forcent les Allemands à intervenir dans les Balkans au printemps 1941, puis la résistance des Grecs, sur le continent comme en Crète, retarde l’offensive contre l’URSS et empêche Hitler d’arriver devant Moscou avant l’hiver. Les Grecs sont un petit peuple, mais un peuple qui, depuis l’Antiquité, a vécu pour partie en diaspora. L’émigration a été particulièrement forte entre 1850 et le milieu des années 1970, les communautés d’Australie (Melbourne est la 3e « ville grecque » au monde avec plus de 150.000 « Grecs ») ou des Etats-Unis restent souvent très liées au village d’origine, solidaires : c’est le cas, par exemple, dans l’île où j’habite une partie de l’année, où deux villages ont émigré en Australie, deux autres à New York (Astoria). Il y a des allers et retours, pour les vacances, un baptême ou un mariage qu’on vient célébrer au pays, les études dans une université occidentale, la retraite au village… L’émigration a dû pas mal croître ces dernières années sous l’effet de la crise, par ailleurs… Absolument. Entre autres conséquences tragiques, la politique de déflation imposée par la Troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) à la Grèce depuis cinq ans a entraîné la reprise de l’émigration, des plus diplômés souvent, vers les Etats-Unis et l’Australie – où des parents servent de structure d’accueil et d’intégration -, mais aussi vers des pays d’Europe occidentale. Beaucoup de Grecs ont donc à la fois un fort sentiment patriotique et une ouverture sur le monde, une sensibilité au monde (et pas seulement à l’Europe), beaucoup plus grande qu’on ne l’imagine ici. En l’occurrence, lors de mon dernier séjour dans « mon île », début janvier, il y avait chez les amis avec qui j’ai discuté des perspectives d’alors, la conviction que si le gouvernement issu des élections était celui qu’ils espéraient, ce gouvernement se battrait non seulement pour les Grecs mais pour tous les peuples européens. Le sentiment est très fort, en Grèce, d’avoir été le laboratoire de politiques destinées à être étendues aux autres peuples européens et donc aussi de combattre pour les autres peuples européens en rejetant ces politiques-là. Tous les échos qui m’arrivent aujourd’hui de Grèce montrent qu’il y a une grande attention aux manifestations de solidarité des autres peuples. Pour beaucoup de Grecs, ce qui se joue en Europe est moins une épreuve de force entre la Grèce et d’autres Etats européens, qu’une lutte des peuples européens contre une Union européenne qui s’est faite le vecteur et l’alibi des politiques néolibérales dont les Grecs ont tant souffert depuis cinq ans. Une lutte dans laquelle le peuple grec se trouve à l’avant-garde, ce qui conduit beaucoup de Grecs à guetter avec attention, espoir… ou déception, les signes venant de ces autres peuples européens.
Les sondages qui s’enchaînent montrent un soutien grandissant du peuple grec à son gouvernement. Près de 80% désormais, soit bien plus que la proportion de gens ayant voté pour Syriza. Vu de l’extérieur, c’est surprenant. Dans notre Europe en crise, on s’attendait plutôt à voir triompher les extrêmes-droites. Y’a-t-il quelque chose dans l’histoire de la Grèce qui laissait prévoir pareil succès pour un parti de gauche ?
L’extrême droite n’existait plus en Grèce, jusqu’à l’intervention de la
Troïka, qu’à l’état de trace. Il y a, à cela, des causes historiques. L’extrême
droite a collaboré durant l’occupation et ses bataillons de sécurité ou autres
milices au service des Allemands ont commis des crimes de masse. Mais au lieu
d’épurer, à la Libération, les Anglais, qui ont imposé par un scrutin truqué le
retour d’une monarchie réactionnaire, se sont appuyés sur ces milices de «
coupeurs de têtes » pour faire régner une « terreur blanche » qui a visé les
anciens résistants. En Grèce, la Résistance a été particulièrement rapide et
massive, principalement organisée autour du parti communiste KKE. Ce qui
explique que l’occupation allemande a été l’une des plus sauvages et
destructrices d’Europe (la répression et la famine organisée par l’occupant ont
tué plus de 8 % de la population ; 1,5 % en France). Puis l’extrême droite a été
utilisée par les Américains durant la guerre civile (1946-1949) et, à la suite
d’un long et très partiel processus de démocratisation, elle s’est emparée du
pouvoir par la force en 1967. Les Colonels, liés à la CIA, ont alors exercé une
dictature qui s’est terminée par une tentative de coup d’Etat raté à Chypre,
lequel a provoqué l’invasion du Nord de l’île par la Turquie en 1974. 37 % du
territoire de Chypre, peuplée à plus de 80 % de Grecs, sont depuis occupés et
colonisés par les Turcs : l’extrême droite est donc aussi responsable de ce
désastre national.
C’est amusant – si l’on peut s’exprimer ainsi-. Personne ne s’est ému de cette participation du LAOS au pouvoir à l’époque. Alors qu’on a entendu mille piaillements il y a quelques semaines lorsque Tsipras a annoncé sa décision de former une coalition avec les Grecs indépendants, qui sont plutôt des conservateurs souverainistes…
Bien sûr ! Aucune instance européenne ni aucun éditorialiste, en France n’a voulu voir alors que la politique européenne aboutissait à l’accession de l’extrême droite au pouvoir en Grèce. Mais une fois de plus, l’extrême droite grecque se trouvait renvoyée à son rôle d’agent d’un pouvoir étranger et disparaissait du Parlement en mai 2012 (2,9 %).
Elle n’a pas disparu bien longtemps puisqu’on a vu ensuite apparaître l’Aube dorée ! En fait, depuis lors, l’extrême droite est divisée en trois tronçons : le LAOS maintenu (1,03 % aux dernières élections) ; un grand nombre de responsables et militants qui ont intégré le parti de droite traditionnelle Nouvelle Démocratie (ND) ; puis, en effet, les néonazis d’Aube dorée.
Mais Nouvelle Démocratie n’est pas un partie d’extrême droite ?…
Disons que sous l’effet des politiques de la Troïka, elle a profondément changé de nature. Issu de la vieille droite monarchiste et autoritaire, ce parti a été créé en 1974 par Konstantinos Karamanlis, qui géra la transition démocratique après un long exil à Paris. Karamanlis en avait fait, sur le modèle des partis gaulliste ou démocrates-chrétiens occidentaux d’alors, une formation modérée à connotation sociale. Son actuel président, l’ex-Premier ministre Antonis Samaras, n’a cessé de la droitiser, avec des pratiques de plus en plus autoritaires et policières, tout en phagocytant l’essentiel du LAOS. Samaras est lui-même élu de Messénie, au sud-ouest du Péloponnèse, terre traditionnelle de l’extrême droite, qui donne ses meilleurs scores à Aube dorée – les bastions de celle-ci correspondant souvent aux zones de recrutement des bataillons de sécurité durant l’occupation. Et la presse grecque a révélé, quelques mois avant les élections, que des dirigeants néonazis d’Aube dorée étaient en contact permanent avec le cabinet du Premier ministre, où ils prenaient leurs instructions – là encore sans que cela n’émeuve personne en Europe occidentale. Quant à Aube dorée, il s’agit de nervis à l’idéologie simpliste, dont la violence rappelle les pires heures de l’Europe des années 1930. Mais comme les nazis à cette époque sont passés de l’état de groupuscule à celui de premier parti d’Allemagne sous l’effet de la politique de déflation du chancelier centriste Brüning, ce groupuscule, folklorique et sans la moindre audience électorale, a réalisé une percée lors des élections de 2012 (6,97 %), sous l’effet de la même politique de déflation imposée par la Troïka. Il est monté à 9,4 % aux élections européennes de mai 2014 et redescendu à 6,28 % en janvier dernier. Ma conviction est que, par leur histoire, les Grecs ont été « vaccinés » contre l’extrême droite : il aura fallu toute la bêtise de la politique de la Troïka – dont le succès d’Aube dorée est le principal résultat tangible – pour qu’une partie de l’opinion, totalement déboussolée, désespérée, cherche son salut de ce côté-là. D’ailleurs ce que disent les sondages aujourd’hui, c’est que le retour à la dignité et le rejet des politiques imposées par la Troïka, qui forment l’armature du discours du nouveau gouvernement, réduiraient l’audience d’Aube dorée à 4,7 % et que ses électeurs, suivant les études, sont entre 60 % et 88 % à approuver le gouvernement. D’une manière générale et toute tendance politique confondue, le taux de soutien au gouvernement grec est saisissant. Tsipras a réalisé une véritable union nationale autour de son projet…
Oui, ces taux d’approbation dépassent les 80 % dans l’électorat du vieux parti communiste stalinien (KKE) qui a refusé toute alliance, ils atteignent 51 % dans celui du parti de centre gauche Potami (« le Fleuve », créé par un journaliste de télévision dans le but de fournir un appoint en cas de reconduction de la coalition sortante), et 54,5 % dans celui du parti “socialiste” (PASOK), passé de 43,94 % des voix aux élections de 2009 à 4,68 % à celles de janvier dernier, après avoir servi de supplétif au gouvernement de droite depuis 2012. Les dernières études d’opinion le placent même sous le seuil des 3 % : il n’aurait donc plus de députés si des élections avaient lieu demain. Enfin, plus de 40 % des électeurs ND se déclarent satisfaits de l’action du gouvernement. Et si l’on regarde l’appui à la manière dont le gouvernement conduit la négociation avec l’UE (81,5 % en moyenne) par tranches d’âge (étude du 16 février), il culmine à 86,2 % chez les 18-34 ans, pour 82,3 % chez les 35-54 ans et « seulement » 79,8 % chez les plus de 55 ans !
Comment Syriza, un parti présenté comme représentant une gauche souvent qualifiée de radicale a-t-il pu s’imposer ainsi dans le paysage ?
En réalité, Syriza qui n’avait jamais réuni plus de 5 % des voix avant 2012 a pris la place centrale sur la scène politique qu’occupait le PASOK depuis 1981. Et il a bénéficié d’un apport de cadres venant de ce parti au fur et à mesure des reniements du PASOK et de l’aggravation de la situation économique et sociale. Syriza avait été devancé de peu par la ND aux élections de juin 2012 (26,89 % contre 29,66 % pour la ND, qui n’était en tête que chez les retraités, les femmes au foyer, les patrons et professions libérales), en partie parce qu’il souffrait d’un déficit de crédibilité de son leader, entretenu, comme le climat de peur (si Syriza gagne, les retraites et les salaires ne seront plus payés, les distributeurs de billets seront vides…), par les groupes privés de télévision, seuls maîtres de la scène médiatique après la liquidation de l’audiovisuel public par le gouvernement Samaras en juin 2013. Sa jeunesse, son inexpérience des affaires faisaient que, même si beaucoup partageaient le rejet de la Troïka, ils ne croyaient pas que ce « gamin » de Tsipras « avait les épaules » pour gérer le pays dans cette situation. Or depuis son arrivée au pouvoir, Tsipras et le gouvernement ont levé ces doutes. Ils ont à la fois manifesté leur détermination à tenir leurs engagements et leur préparation au pouvoir (de nombreux textes législatifs sont prêts). Et comme je l’ai dit dans un récent entretien avec Antoine Reverchon du Monde, le discours de restauration de la dignité nationale, dans un pays dont l’histoire est émaillée d’innombrables ingérences occidentales, où l’on a le sentiment que l’Europe occidentale ignore les contraintes géostratégiques propres à la Grèce, lui a refusé toute réelle solidarité face à la persistante menace turque, où l’on a vécu douloureusement les propos dévalorisants, essentialisants – pour ne pas dire racistes – qui ont été diffusés en Allemagne et ailleurs en Europe de l’Ouest afin de justifier la « stratégie du choc » imposée par la Troïka… ce discours porte bien au-delà de la base électorale de Syriza le 25 janvier dernier.
Au premier rang des propos racistes que vous évoquez, on entend beaucoup, y compris chez ceux qui se présentent comme d’ardents défenseurs de l’Europe, nombre de considérations sur les Grecs qui ne paieraient pas d’impôts, la fraude, la corruption. Qu’en pensez-vous ?
https://www.blogger.com/null On a beaucoup parlé de la fraude et de l’évasion fiscales en Grèce, en oubliant de préciser ce que, là comme ailleurs, elle doit à des paradis fiscaux installés au cœur de l’Union européenne, qu’il s’agisse de l’Autriche ou du Luxembourg – dirigé si longtemps par l’ancien président de l’Eurogroupe et actuel président de la Commission européenne. Mais le problème fiscal de la Grèce, c’est avant tout celui de la faible imposition du capital (8 % contre une moyenne de 13,4 % en Europe) et des innombrables niches fiscales dont bénéficient les plus riches. Un régime fiscal qui profite à une caste économique qui vit en symbiose avec la caste politique ND-PASOK que Berlin, Paris et Bruxelles tenaient tant à voir rester en place, alors que c’est elle qui a conduit le pays là où il en est. Un régime fiscal que la Troïka, seulement soucieuse de couper dans les dépenses sociales, n’a rien fait pour changer. Mais un régime fiscal auquel Syriza a promis de s’attaquer. On a aussi beaucoup parlé de corruption, mais la grande corruption bénéficie d’abord aux corrupteurs, en l’occurrence les groupes d’armement, de travaux publics, de grandes surfaces commerciales ou bancaires d’Europe occidentale. Elle a bénéficié ensuite aux responsables politiques ND-PASOK, arrosés (on dit huilés en grec) durant de longues années. Elle a pénalisé le contribuable grec qui doit payer le surcoût des pots-de-vin dans le prix des marchés attribués. Et elle a contribué – pas qu’un peu ! – à creuser la fameuse dette ! Or il faut rappeler que le champion toutes catégories de la corruption, en Grèce, se nomme Siemens et que les industries d’armement allemande et française, dont la Grèce a été régulièrement le deuxième et le troisième clients, figurent tout juste après. Là encore, la volonté du gouvernement de combattre la corruption (un ministre d’État a été exclusivement chargé de ce dossier), celle du ministre de la Défense « Grec indépendant » de rouvrir tous les dossiers de marchés d’armement, recueillent un écho positif dans de très larges secteurs de la société… en même temps – allez savoir ! – qu’ils éveillent peut-être des inquiétudes à Berlin et Paris. On a enfin beaucoup parlé de clientélisme, mais ce clientélisme est le fait de la ND et du PASOK qui ont alterné au pouvoir depuis 1974. Il a alimenté la petite corruption, celle des enveloppes qu’on remet à un agent public pour s’assurer un service dû, dans un système où le salaire des fonctionnaires était déjà traditionnellement bas. Cette corruption-là se résorbera lorsque les fonctionnaires auront des salaires leur permettant de vivre décemment et qu’ils seront recrutés sur la compétence, non sur la recommandation d’un « patron » ND ou PASOK. Or la Troïka, en coupant dans le salaire des fonctionnaires (30 à 40 %), n’a fait que rendre les enveloppes plus vitales pour un grand nombre d’entre eux. Or la Troïka, en imposant le licenciement de fonctionnaires (en contravention avec leur statut), n’a fait que renforcer le pouvoir des « patrons » qui ont choisi qui resterait et qui serait licencié. Pour beaucoup de Grecs, bien au-delà de l’électorat de Syriza, l’arrivée de ce parti au pouvoir c’est donc aussi l’espoir d’en finir avec ce système de prédation organisé et cogéré par la ND et le PASOK, au profit de la ND et du PASOK, que la Troïka n’a strictement rien fait pour combattre, et d’autant moins que son but était la perpétuation au pouvoir du couple ND-PASOK dont elle était assurée de la docilité.
Quels sont les espoirs des Grecs aujourd’hui ? Désirent-ils avant tout un compromis avec l’Union européenne ? Craignent-ils une rupture ?
C’est bien difficile à dire ! Ce qui est certain, c’est que la « stratégie du choc » appliquée à la Grèce a été d’une telle violence, n’épargnant que la mince caste sociale dominante, qu’elle suscite un rejet bien plus large que la base électorale de Syriza. Elle a dynamité le droit du travail et l’État social, généré un chômage de masse supérieur à ce qu’il était aux États-Unis au pire de la Grande Dépression des années 1930, mis hors d’état de fonctionner correctement les établissements d’enseignement public, privatisé un tiers de l’enseignement supérieur et supprimé un autre tiers, privé de toute couverture maladie un tiers de la population, faisant exploser le nombre des suicides et les troubles psychiques, la toxicomanie et les contaminations VIH (toute médecine préventive a disparu), la mortalité infantile (les taux de vaccination se sont effondrés faute d’accès aux soins). On ampute, on devient aveugle pour cause de diabètes non soignés, les cancers sont pris en charge trop tard, lorsqu’ils sont encore pris en charge, générant une hausse de la mortalité… Les salaires et pensions ont été réduits de 30 % à 40 % tandis que les impôts et taxes ne cessaient d’augmenter, conduisant à un processus rapide de disparition des classes moyennes. Des permis de saccage écologique ont été donnés à des multinationales minières et les résistances locales (Skouriès en Chalcidique pour une mine d’or) ont fait l’objet d’un emploi manifestement disproportionné de la force et des gaz. Le patrimoine archéologique a été mis en danger par les réductions d’effectifs, les vols et la multiplication des fouilles sauvages qui en ont résulté… Au total, la Grèce a perdu, dans cette « stratégie du choc », le quart de son PIB et le tiers de sa production industrielle. Pendant ce temps, cette politique censée réduire la dette (100 % du PIB avant la crise), la faisait grimper à 175 % du PIB en 2014. On a peine à imaginer, d’ici, la violence et la rapidité du processus de paupérisation de masse visant en réalité à détruire les solidarités sociales et les capacités de résistance collective en renvoyant les individus à la nécessité de survie quotidienne. Le vote du 25 janvier est donc l’expression d’une volonté de rupture avec cette politique qui a violenté et déstructuré une société tout entière – pour des résultats catastrophiques : les soi-disant indices de redressement de l’économie grecque sont des trompe-l’œil.
C’est aussi l’expression forte d’une volonté de retour à la souveraineté populaire, du désir d’un peuple de se réapproprier son propre destin…
Exact. Pendant cinq ans, des fonctionnaires européens sans aucune légitimité démocratique, ne connaissant rien ni au pays ni à la société grecque, se sont substitués aux autorités constitutionnelles pour imposer des mesures prises de manière technocratique, hors de tout contrôle démocratique. La Troïka a violé la Constitution grecque en ne respectant pas ses principes fondamentaux, elle a imposé l’adoption de nombre de mesures illégales, manifestant le peu de cas qu’elle faisait de l’État de droit – alors que celui-ci et la démocratie figurent dans les principes de l’UE. Elle a en outre piétiné les prérogatives du Parlement en le forçant, sous menace d’un arrêt des crédits, à adopter des mémorandums contenant des centaines de pages, sous la forme d’un article unique autorisant le gouvernement à transposer dans le droit les mesures contenues dans ces mémorandums, privant ainsi le Parlement de toute possibilité d’amender les textes – pourtant fondement essentiel de la démocratie parlementaire. Aussi le nouveau Premier ministre, comme la nouvelle présidente du Parlement, ont-ils particulièrement insisté, dans leurs premiers discours, sur le respect scrupuleux de la Constitution, de la procédure législative qui y est fixée, sur la fin des abus des procédures d’urgence et le respect du droit d’amendement des députés. J’avais écrit dans mon blog, avant le 25 janvier, que le résultat du scrutin dépendrait avant tout du nombre de gens qui, en 2012, pensaient avoir encore quelque chose à perdre et qui, après deux ans et demi de plus de Troïka, penseraient, à tort ou à raison, ne plus avoir rien à perdre. L’ironie de ce processus c’est que l’intransigeance, l’autisme, la morgue de l’Allemagne et de l’UE ont joué un rôle décisif dans la défaite de leurs collaborateurs locaux ND-PASOK. Sans doute, avec un peu plus de modération, de souplesse, d’intelligence, de respect pour la démocratie et pour le peuple grec, les apprentis sorciers de Berlin et de Bruxelles auraient-ils pu l’éviter : les responsables allemands et la Troïka ont incontestablement été les meilleurs agents électoraux de Syriza ! Comme aujourd’hui les pressions, les intimidations et les menaces venant d’Allemagne, de l’UE et de la BCE ont pour principal effet de souder les Grecs derrière le gouvernement dans un réflexe de type « salut public ». Pour le reste, peu de Grecs, je crois, pensent que leur sort va s’améliorer rapidement mais, une fois sauté le pas, je crois aussi que la plupart d’entre eux refusent tout retour en arrière. Quel que soit le risque. Mon ami Panagiotis Grigoriou, historien et sociologue, qui tient l’indispensable bloggreekcrisis.fr et a publié La Grèce fantôme, voyage au bout de la crise (2010-2013) chez Fayard (2013), m’écrivait la semaine dernière que l’ambiance ressemblait, à Athènes, à « quelque chose comme un août 1944 par exemple. Même ceux qui ont voté ND se disent à présent syrizistes. Les gens rejettent aussi l’euro et cela de plus en plus. Dans les mentalités l’UE est morte, sauf chez de nombreux jeunes, je crois, et chez les universitaires ! » D’autres témoignages que je reçois vont dans le même sens : on ne souhaite pas la rupture, on ne souhaite pas la sortie de l’euro, mais si elles interviennent, on fera avec. Un sondage d’opinion indiquait au début de février que 9,5 % des Grecs espéraient une sortie de l’euro, que 33 % pensaient qu’elle n’interviendrait pas et que 35,5 % la redoutaient.
Quid du gouvernement Tsipras lui-même ? Il ne se distingue pas, loin s’en faut, par des prises de positions eurosceptiques. On le qualifie abusivement de « radical » mais il a toujours affirmé vouloir servir sa dette, vouloir demeurer dans l’union monétaire et tient un discours plutôt modéré. Pourrait-il durcir ses positions et dans quelles conditions ?
Syriza n’est pas un parti monolithique et cela tient à son histoire. En
1968, le KKE se scinde. Illégal en Grèce depuis 1947, sa direction en exil dans
le bloc soviétique ne s’est déstalinisée que partiellement. Ceux qui font
sécession dénoncent à la fois la gestion autoritaire de la direction,
l’insuffisante critique de la stratégie qui a conduit à la guerre civile et
veulent privilégier l’action clandestine contre la dictature à l’intérieur,
qu’ils accusent la direction de négliger. Lors du retour à la démocratie, en
1974, la Grèce aura donc deux partis communistes. Le premier se momifie dans
une idéologie immuable, réhabilite même ses dirigeants staliniens, refuse
l’unité d’action avec Syriza dans les mobilisations populaires contre la
politique de la Troïka et continue aujourd’hui à dire que la ND ou Syriza c’est
bonnet blanc et blanc bonnet. Durant des années, cette gauche intellectuelle qui coagule dans Syriza est la seule véritable « boîte à idées » d’une vie politique grecque dominée par le bipartisme, le clanisme de grandes familles et le virage libéral du PASOK sous l’égide du Premier ministre Simitis (1996-2004), le « Rocard grec ». Mais Syriza plafonne électoralement à 5 %. Quant à sa radicalité, elle est toute relative ! Les communistes et gauchistes des origines ont tous évolué vers le réformisme, le néo-keynésianisme, la redistribution. J’ai coutume de dire que Syriza aujourd’hui est notablement moins à gauche que la gauche gaulliste ou de la démocratie chrétienne italienne des années 1960 ! Ce n’est qu’en 2014 que les différentes formations coalisées dans Syriza
ont décidé de se fondre en un parti unitaire. Pour autant, toutes les
composantes de Syriza ne sont pas sur la même ligne. Car au Syriza originel
s’est ajoutée une aile droite composée pour l’essentiel d’anciens du PASOK, en
désaccord avec leur parti d’origine sur la soumission à la Troïka, Tsipras se
trouvant en quelque sorte au centre. La politique qui sera suivie dépendra en
partie des équilibres internes. La « plate-forme de gauche », par exemple, est
ouvertement pour une sortie de l’euro. Et Tsipras vient d’être mis en minorité
sur le choix du candidat à la présidence de la République : il voulait faire
élire le commissaire européen Avramopoulos, un ancien rival de Samaras pour la
présidence de la ND, ce qui lui aurait permis de nommer un commissaire proche
de Syriza. Mais une majorité des instances de direction du parti a jugé ce
candidat trop mémorandien, et Tsipras a été obligé d’y renoncer au profit du
juriste Pavlopoulos, un centriste de la ND, lié au clan Karamanlis hostile à
Samaras (il a notamment été conseiller du président Konstantinos Karamanlis en
1990-1995, à l’époque où celui-ci faisait figure de « père de la nation »), qui
a dénoncé comme anticonstitutionnelles certaines des mesures prises en
application des mémorandums. Tsipras a donc obtenu l’ouverture à droite qu’il
souhaitait, mais la gauche du parti l’a forcé à choisir un conservateur
acceptable pour elle – et soutenu par les Grecs indépendants, partenaires de la
coalition, dont les positions à l’égard de la Troïka, de l’UE et de l’euro sont
à certains égards plus proches de la gauche de Syriza que des anciens PASOK.
Et donc, pour en revenir à la position de Syriza sur l’euro ? Je pense qu’elle se pose de la façon suivante : Syriza ne pouvait pas faire campagne en prônant une sortie de l’euro, comme l’ont fait d’autres petits partis de gauche (Plan B, EPAM, Antarsya). L’opinion reste majoritairement attachée à la monnaie unique, essentiellement par crainte des conséquences d’un retour à la drachme. Dire que la sortie de l’euro s’imposerait, c’était prendre le risque de perdre les élections et donc de la poursuite des mémorandums. Il ne pouvait non plus donner comme horizon un défaut sur la dette. Mais en même temps, Syriza a répété qu’il n’y aurait plus aucun sacrifice pour l’euro et l’on a entendu certains de ses candidats, durant la campagne, dire par exemple que si la BCE, comme elle l’a fait à Chypre, cessait d’approvisionner la Grèce en liquidités, la Banque de Grèce devrait imprimer elle-même des euros… Les arbitrages définitifs sur ces questions ont-ils été rendus ? Je ne le crois pas, et dans une situation aussi mouvante, qui peut assurer que des arbitrages rendus hier seront encore valables au lendemain d’un coup de force des institutions européennes ? Nous sommes dans une dynamique, pas dans une guerre de tranchée. Dès lors la question est celle des convictions. Les membres du gouvernement sont-ils convaincus qu’ils peuvent mener une « autre politique » à l’intérieur de la cage de fer de l’euro et des traités européens ? Et obtenir des partenaires européens les concessions qui leur permettraient de la mener ? Si oui, à mon avis ils se trompent, et s’ils n’ont pas préparé une option de rechange, ils se trouveront dans la situation de devoir capituler. A propos de la situation de Papandréou face à Merkel et Sarkozy en 2009-2010, j’ai écrit dans La Grèce et les Balkans : « en entrant dans la négociation sans alternative à son échec – moratoire sur le paiement des intérêts et le remboursement de la dette, défaut partiel voire sortie de l’euro, afin d’exercer des pressions sur l’Allemagne et la France dont les banques, importantes détentrices de dette grecque, avaient beaucoup à perdre –, le gouvernement PASOK s’est mis d’emblée en position d’accepter même l’inacceptable ». La situation de Syriza est la même aujourd’hui et s’il met ses pas dans ceux du PASOK, il subira le même sort, en ouvrant toute grande la porte aux néonazis d’Aube dorée. Mais le gouvernement Grec sait probablement tout cela. D’abord ils ont dû étudier de près les raisons de l’effondrement du PASOK. Ensuite, Varoufakis, par exemple, a la réputation d’être un économiste assez brillant. Est-il imaginable qu’il n’ait pas compris que l’euro est condamné ? Disons qu’il y a une autre possibilité, c’est que Syriza ait entamé des négociations tout en sachant qu’elles avaient peu de chance d’aboutir. Durant cette période, on mobilise l’opinion (les manifestations de soutien au gouvernement se sont multipliées dans toute la Grèce) sur le thème de la dignité retrouvée, du « salut public », tout en créant les faits accomplis de rupture avec les politiques de la Troïka, comme le vote par le Parlement du premier train de mesures sociales. Durant cette période, on prépare la sortie de l’euro, en s’assurant d’aides extérieures à l’Europe : l’intérêt géostratégique de la Grèce lui donne des cartes à Washington comme à Moscou. Puis on utilise les innombrables bévues de l’UE, la morgue allemande, les pressions et les menaces qui heurtent le patriotisme grec pour dresser, le moment venu, devant l’opinion, le constat que la sortie de l’euro s’impose. L’avenir tranchera, mais le 17 février Varoufakis, écrivait dans le New York Times (Source : blog d’Olivier Berruyer) : « Le problème (… c’est) que nous vivons dans un monde où l’on est entravé par la peur des conséquences. Dans un monde où il n’existe aucune circonstance où nous devons faire ce qui est juste, non pas en tant que stratégie, mais simplement parce que c’est… juste. Nous mettrons un terme, quelles qu’en soient les conséquences, aux accords qui sont mauvais pour la Grèce et pour l’Europe (…) Finis les programmes de « réformes » qui visent les retraités pauvres et les pharmacies familiales tout en laissant intacte la corruption à grande échelle. » Il ne me semble pas que ce soit un discours préparatoire à une capitulation. En somme, si je veux résumer mon sentiment, Merkel ne veut plus de l’euro qui n’a jamais été viable et qui coûterait trop cher à l’Allemagne s’il devait le devenir par les transferts qu’il exige. Mais elle ne veut pas porter la responsabilité de sa disparition et fera tout pour la faire porter aux Grecs. Le gouvernement grec est, à mon avis, tout aussi convaincu que l’euro n’est pas compatible avec la politique qu’il s’est engagé à conduire et que l’Allemagne ne consentira pas aux transferts qui pourraient aboutir à ce que cette monnaie absurde cesse d’enrichir les riches et d’appauvrir les pauvres. Mais il ne pouvait le dire avant les élections et il fera tout pour faire porter la responsabilité de la sortie de la Grèce, aux yeux de son opinion, à l’Allemagne et à l’UE. L’idée que la Grèce pourrait, en cas de compromis introuvable avec l’UE, se tourner vers la Russie ou même vers la Chine. Au regard de l’histoire grecque, cela vous semble-t-il envisageable ?
Ce qui est certain, c’est qu’on entend de plus en plus, en Grèce, dire que si les Européens de l’Ouest croient que l’UE est pour la Grèce un choix contraint et unique, ils se trompent. En ce qui concerne la Chine, la privatisation de deux terminaux du port du Pirée au profit du chinois Cosco, en 2009, a certes conduit à une augmentation du trafic, mais au prix de la réduction du personnel au rang de main d’œuvre corvéable à merci, de la suppression de tous horaires réguliers, de tout droit syndical, de toute protection contre le licenciement. Cosco, qui a fait du Pirée sa principale implantation portuaire en Europe, était candidat à la reprise des autres terminaux. La mauvaise humeur de Pékin a donc été exprimée sans ambages lorsque le gouvernement a annoncé son intention de mettre fin au processus de privatisation du Pirée, mais l’invitation de Tsipras en Chine a suivi de peu. Difficile de dire aujourd’hui si un « deal » interviendra et quelle sera sa nature. Pour ce qui est de la Russie, la Grèce a toujours eu des liens particuliers avec elle, à l’exception de la période qui suit la guerre civile. En 1830, la Grèce doit la reconnaissance de son indépendance par l’Empire ottoman à une intervention militaire russe dans les Balkans (et d’un corps expéditionnaire français dans le Péloponnèse). En 1854, les Français et les Anglais débarquent des troupes au Pirée et imposent à la Grèce un « gouvernement d’occupation » pour l’empêcher de se joindre à la Russie durant la guerre de Crimée, dont les Grecs espéraient, en cas de victoire russe, une extension de leur territoire à la Crète, à la Thessalie, à l’Épire, à la Macédoine et à la Thrace. Au début des années 1910, la Russie patronne la ligue des États balkaniques qui va permettre à la Grèce, en 1912-1913, d’achever sa construction territoriale.
Les deux pays ont également en commun la tradition orthodoxe, et des relations économiques soutenues que les sanctions européennes à l’encontre de la Russie ont beaucoup contrariées…
Tout à fait : la Russie est un client important pour la Grèce, et les sanctions économiques ont durement touché une économie grecque déjà mise à terre par la Troïka. Les agriculteurs grecs ont regardé pourrir sur pied les fruits et légumes d’ordinaire exportés en grande partie vers la Russie ; quant à la baisse du rouble qu’ont entraînée les sanctions européennes, elle a sérieusement affecté le secteur touristique. Troisième ou quatrième groupe national par le nombre depuis plusieurs années, les touristes russes ont payé, en hiver, avant la chute du rouble, leurs prestations estivales à leurs tour-operateurs russes, alors que ceux-ci devaient payer les prestataires de service grecs après la dévaluation, si bien que plusieurs de ces sociétés russes ont fait faillite en laissant en Grèce des milliers de nuitées impayées. Et du point de vue géo-économique?
On sait que la Russie a annulé, en décembre 2014, la construction du gazoduc South Stream. En revanche, elle a signé un accord avec la Turquie pour la réorientation d’unepartie des fournitures de gaz vers ce pays qui pourrait avoir un prolongement vers la Grèce. Et Tsipras est invité à Moscou. Pour la Grèce qui, depuis 1974, ne peut mettre en valeur les ressources en hydrocarbures de la mer Egée, à cause de la contestation par la Turquie, sous menace de guerre, de ses droits économiques, et de la totale absence de solidarité européenne sur ce dossier comme sur la question chypriote, un contrat gazier à prix d’ami pourrait présenter bien des avantages ! Athènes et Moscou ont donc un intérêt mutuel à un rapprochement. Dès les premiers jours du gouvernement Tsipras, le nouveau ministre des Affaires étrangères a vertement rappelé à Bruxelles que la politique étrangère commune était du domaine de l’intergouvernemental et qu’il n’était pas question que la Grèce laisse passer une déclaration sur de nouvelles sanctions contre la Russie, alors que le gouvernement grec n’avait pas été consulté. Puis, lors de son premier déplacement à l’étranger, à Chypre où les intérêts russes, très présents, ont souffert du « plan d’aide » européen qui a ponctionné tous les dépôts bancaires, Tsipras a déclaré que la Grèce et Chypre avaient pour vocation d’être un pont entre l’UE et la Russie.
Cela tient au fait que la position géostratégique de la Grèce se réévalue
aussi pour les États-Unis. La base aérienne crétoise de Souda a été d’une
importance capitale dans le bombardement d’une Libye que l’intervention
franco-anglaise a jeté dans un chaos qui pourrait justifier de nouvelles
opérations. Et puis la Grèce est également importante, pour Washington, au
regard de l’inquiétante dérive islamiste, autoritaire et mégalomaniaque de la
Turquie d’ Erdogan, dont le jeu à l’égard du mouvement État islamique en Irak et
au Levant est plus que trouble… Source : L’arène nue, de Coralie Delaume
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