9. Vème République

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les communistes et l'Algérie, un grand livre d'Alain RUSCIO

publié le 1 avr. 2019, 02:46 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 1 avr. 2019, 02:48 ]

    D'abord une présentation par Alain BUJARD, que vous connaissez (cf. ce site même) qui vécut longtemps en Algérie, militant communiste et syndicaliste, qui connait bien Alain Ruscio.
    

C’est un paradoxe : l’histoire du communisme reste aujourd’hui encore, alors que ce mouvement n’a plus dans la vis politique ni le poids ni la force d’attraction d’antan, un objet de controverses à nul autre pareil, en « pour » et en « contre ».  Cet état d’esprit atteint un paroxysme lorsqu’il s’agit d’évoquer les actions et analyses du communisme – français et algérien – face à la question coloniale en Algérie, des origines dans les années 1920 à la guerre d’indépendance (1954 – 1962).  Et s’il était temps, écrit Alain Ruscio, de sortir des invectives ?

C’est l’ambition de cette somme exceptionnelle, qui propose une plongée dans les méandres – le mot s’impose – des politiques communistes des deux côtés de la Méditerranée (PCF et PCA) durant plus de quatre décennies.  Des tous premiers temps, lorsque le jeune parti commençait à s’affirmer et tentait de briser le consensus colonial, aux tempêtes de la guerre d’Algérie, en passant par les espoirs et illusions du Front Populaire.  Les relations avec le nationalisme algérien, qui ne furent jamais simples, sont finement analysées, avec le récit d’un grand nombre d’épisodes ignorés ou mal connus et l’évocation d’un grand nombre d’acteurs, qui donne chair à cette saga.

Novateur, l’ouvrage d’Alain Ruscio ne l’est pas seulement par son esprit.  L’historien a utilisé tous les fonds d’archives spécialisés, dont ceux du PCF, désormais accessible, révélant des documents totalement nouveaux.  On découvrira, au fil des pages, non pas une ligne politique, mais une succession, et parfois une cohabitation, de logiques et de pratiques.

  Alain Ruscio, docteur d’État en histoire, a publié une vingtaine d’ouvrages parmi lesquels « La Guerre française d’Indochine 1945 – 1954 » (Éditions Complexe, 1992), « Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français XIXe– XXe siècles sur les colonies françaises » (Éditions Complexe 1996, 2002), « Que la France était belle au temps des colonies.  Anthologie de chansons coloniales et exotiques françaises » (Éditions Maisonneuve et Larose 2001), « Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS » (Éditions La Découverte 2016.)   

Ensuite, une solide interview d'Alain Ruscio par le journal l'Humanité (Rosa Moussaoui) :


Alain Ruscio : « La force communiste fut à l’origine de la protestation anticolonialiste en France »

    Dans un essai alerte, les Communistes et l’Algérie (la Découverte), l’historien analyse le rôle que jouèrent les communistes, en France et en Algérie, dans les luttes anticoloniales. En dépit des hésitations, des détours et des erreurs, il y eut bien, affirme-t-il, une « résistance communiste » à la guerre d’Algérie.
   

Une certaine historiographie a longtemps lu dans la politique algérienne du PCF un anticolonialisme « usurpé ». Vous parlez, au contraire, d’une « résistance communiste » à la barbarie coloniale. Quel rôle les communistes ont-ils joué dans l’émergence, en France, d’une subjectivité politique anticolonialiste ?

Alain Ruscio Sur cette vaste et ancienne problématique « communisme et anticolonialisme », bien des auteurs ont jugé nécessaire de « choisir un camp » : majoritairement les « contre », de façon secondaire les « pour ». « Aux creux réquisitoires succédaient autant de vaines réhabilitations », comme l’écrivait Marc Bloch à propos de la vie de Robespierre. Je me suis inscrit, modestement, dans cette lignée « blochienne ». On connaît l’expression :« L’Histoire jugera. » Oui, mais pas l’historien. Ce qui ne m’empêche pas de souligner, dans la première partie du livre, qui couvre la période précédant la guerre d’indépendance, que la « force communiste » (je préfère cette expression, car elle englobe des dirigeants et militants du Parti, mais aussi ceux qui consacraient surtout leur activité aux syndicats, aux mouvements de jeunesse, aux « organisations de masse », type Mouvement de la paix) a été à l’origine de la protestation anticolonialiste en France et qu’elle a souvent été bien seule, hors quelques intellectuels plus ou moins « compagnons de route ». C’est au sein de cette « force communiste » qu’est née l’Union intercoloniale, animée par le futur Hô Chi Minh, qu’est née et s’est renforcée l’Étoile nord-africaine, première organisation regroupant des Maghrébins (presque uniquement des Algériens) en métropole. Ce sont le PCF et la Jeunesse communiste qui, les premiers, ont clamé le droit à l’indépendance des peuples colonisés, qui ont mené les luttes (très minoritaires) contre la guerre du Rif, l’usage de la guillotine en Indochine, l’indécente Exposition coloniale de 1931.

Quels facteurs ont provoqué la retombée de l’élan anticolonialiste qui s’était exprimé pendant la guerre du Rif ?

Alain Ruscio L’une des erreurs, à mon sens, d’une certaine historiographie critique à l’égard du PCF est d’avoir oublié ce « détail » : il y a eu, en France, pendant quatre générations, un lobby puissant, qui a accaparé tous les moyens d’information, qui a réussi à engluer la grande majorité de la population française dans une idéologie colonialiste et raciste. L’élan dont vous parlez a été le fruit d’un effort exceptionnel de la « force communiste ». Mais il est fatalement retombé lorsque les affrontements, aux colonies, étaient moins violents et, il faut bien le dire, devant le fossé alors créé entre une avant-garde combative et une masse de la population beaucoup moins concernée. Ce fut d’ailleurs un phénomène permanent. Mais il faut dire également que la ligne politique des communistes, sur la question, n’a pas été sans détours ni renoncements. Quand on est solidement attaché aux valeurs de la démocratie, on est enthousiaste en pensant au Front populaire et à la Libération. Mais on est perplexe en constatant que les hommes de la gauche gouvernementale de ces deux moments ont été des « serviteurs loyaux du colonialisme », assortissant leurs discours de vœux vagues sur une démocratisation du système. Et, dans ces deux moments, les communistes ont renoncé au mot d’ordre d’indépendance des colonies. Les militants et les électeurs du PCF ne pouvaient qu’en être troublés. Pour ne rien dire de la rancœur, ouverte ou intériorisée, des nationalistes des pays colonisés.

Ce livre s’ouvre sur un tableau de l’opinion française à la veille du déclenchement de l’insurrection algérienne. Vous citez des sondages témoignant de l’hégémonie du parti colonial, la définition que le Larousse donne du mot « Arabe » en 1953 : « Race batailleuse, superstitieuse et pillarde » . Pourquoi les ouvriers n’échappent-ils pas à cette pensée colonialiste dominante, alors même que l’influence communiste dans cette classe est à son apogée ?

Alain Ruscio On en revient à l’affirmation précédente : l’omniprésence de la propagande du lobby colonial. Pourquoi la classe ouvrière aurait-elle été épargnée ? Si les cadres de la CGT (hommage au passage à André Tollet, Marcel Dufriche, bien d’autres), si les délégués syndicaux ne ménagèrent pas leurs efforts, l’internationalisme et l’antiracisme ne furent jamais totalement implantés dans la classe ouvrière. Je pense que les communistes ont été quelque peu piégés par leur propre discours sur le « rôle historique de la classe ouvrière » (Maurice Thorez), sans voir suffisamment qu’une partie de la classe ouvrière était, elle aussi, gangrenée par le racisme. D’une formule, je dirais que l’anticolonialisme a été une greffe en état de rejet permanent. Il faut savoir regarder cette réalité en face.

Lorsque est déclenchée l’insurrection, le 1er novembre 1954, l’Humanité dépêche sur place l’une de ses journalistes, Marie Lambert. Dans un meeting au Vél’d’Hiv, le 5, Duclos prononce le mot « indépendance ». Pourquoi le communiqué officiel tardif du PCF est-il, lui, très ambigu ?

Alain Ruscio Merci de citer ces premiers reportages, totalement oubliés par l’historiographie, de l’ancienne députée communiste Marie Lambert (qui signait dans l’Humanité Marie Perrot). Grâce à elle, le mot « guerre » a été imprimé par votre journal dès le 3 novembre 1954. Vient, en effet, le 5 novembre, une réunion visant à célébrer l’anniversaire de la révolution d’Octobre, comme il était alors de rigueur. Jacques Duclos, après avoir salué les réalisations de l’Union soviétique, prononcera trois fois le mot « indépendance » . Et pourtant, vous avez raison, le mot n’apparaît plus dans le texte officiel qui suit, le communiqué du bureau politique du 8 novembre. Ici, nous sommes confrontés à un manque d’archives, les réunions du « BP » n’étant ni enregistrées, ni transcrites. Je risque une hypothèse : une semaine après le déclenchement de l’insurrection, les communistes étaient dans la totale ignorance de ses instigateurs. Rappelons que le sigle « FLN » n’était apparu que le 1er novembre. Une prise de distance est manifeste, marquée notamment par la crainte d’une provocation. Au passage, je signale que les communistes algériens, eux, ne partagèrent pas cette méfiance et tentèrent même de dissuader leurs camarades français d’utiliser cet « argument ».

Comment expliquez-vous les relations compliquées et tourmentées entre nationalistes et communistes, français ou algériens ?

Alain Ruscio Les communistes français, tout en affirmant (épisodiquement, et c’est bien là le drame) le droit à l’indépendance de l’Algérie, avaient comme objectif suprême une libération totale, l’instauration d’un régime nouveau. Les nationalistes algériens considéraient qu’il ne fallait mener que le combat pour l’indépendance, sans chercher à définir la nature d’une société algérienne future. Alors que l’historiographie dominante dénonce les limites du communisme français, j’ai essayé, dans mon livre, de démontrer que les « torts du divorce » étaient partagés.

En 1956, tandis que de nombreux communistes algériens rejoignent le maquis, le PCF vote les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet. Vous évoquez la contestation et le malaise suscités au PCF par ce vote. Peut-on parler de crise interne ?

Alain Ruscio Je consacre un long (et sévère) développement à cette question des pouvoirs spéciaux. Ce vote est une manifestation supplémentaire d’un mal du mouvement ouvrier – et donc communiste – français, l’européocentrisme. Début 1956, à la suite d’une victoire du Front républicain (socialistes et radicaux), votre journal titra « Vive le nouveau Front populaire », manifestation de la croyance que, vingt ans après, il y avait une possibilité de changer la société française. C’était évidemment pure illusion, compte tenu de l’orientation réelle du Parti socialiste. Le drame vint du fait que cette croyance pouvait concerner également la guerre d’Algérie. Le PCF est passé de « Vive le nouveau Front populaire… » à «… pouvant entraîner la fin du conflit ». Or, s’il y avait quelques éléments positifs (une prise de contact discrète d’émissaires gouvernementaux avec le FLN), d’autres, bien plus massifs, auraient dû provoquer une prise de distance avec le gouvernement Mollet : la honteuse capitulation du 6 février (« journée des tomates ») et, surtout, l’affirmation qu’il fallait renforcer les rangs de l’armée avant toute solution négociée – éternel argument des bellicistes. Alors, oui, crise il y eut bien. D’abord au sein du groupe parlementaire. Si aucun député communiste ne vota contre, les débats, au sein du groupe, furent houleux. Comme dans les rangs mêmes du Parti, et pas seulement chez les intellectuels. Je cite bien des témoignages, émanant de cellules diverses. Sans compter un fait significatif : le départ du Parti de nombreux Algériens communistes.

Vous consacrez de belles pages aux communistes algériens d’origine européenne qui payèrent de leur vie leur engagement dans le combat d’indépendance : Iveton, Maillot, Laban, Raymonde Peschard, etc. Dans quelle mesure ces figures suscitèrent-elles la méfiance d’un Parti faisant du « travail de masse » la priorité absolue ? Étaient-ils vus, au PCF, comme des « aventuriers »  ?

Alain Ruscio Première affirmation : les militants que vous évoquez s’étaient engagés au nom du PCA, non du PCF. Ils avaient l’aval de leur Parti et c’était le plus important. Vues de Paris, certaines de ces initiatives ont été incomprises, parfois effectivement assimilées à des « aventures ». Mais ce n’est pas qu’il y avait de « bons » communistes d’un côté (PCA) et des « apparatchiks » obtus de l’autre (PCF). Non, chacun analysait la situation avec des optiques différentes. Si reproche peut être fait au PCF, c’est de n’avoir pas écouté l’argumentaire de leurs camarades algériens. D’où l’absence dramatique de réaction lors de l’initiative de Fernand Iveton et la protestation tardive avant son exécution. D’où également le silence des premiers jours lorsque Henri Maillot s’empara d’un camion d’armes. Mais je signale également que ce silence ne fut pas absolu. Ainsi, l’Humanité publia, courageusement, la lettre de Maillot, les députés communistes, à la Chambre, le défendirent, au milieu d’une cascade de quolibets et d’injures.

En quoi l’affaire Audin et la publication du témoignage d’Henri Alleg sur la torture marquent-elles un basculement, en interne et dans l’opinion publique ?

Alain Ruscio Dans l’opinion publique, l’effet fut foudroyant. Dès 1954, pourtant, la dénonciation de la torture et des exécutions sommaires était omniprésente dans une partie de la presse : l’Humanité, mais aussi l’Observateur et l’Express. Qui voulait savoir le pouvait. Force est de constater que les victimes s’appelant Rachid ou Ahmed, l’émotion n’était pas générale, c’est le moins que l’on puisse dire. Avec ces deux affaires, Alleg et Audin, entrecroisées, on a franchi un pas. La publication de la Question, en mars 1958, puis son interdiction, les premières révélations sur la « disparition » de Maurice Audin, ont projeté une ombre sinistre sur le conflit. Le livre d’Henri Alleg eut pour la guerre d’Algérie la même conséquence que le « J’accuse » de Zola pour l’affaire Dreyfus. Le parallèle est d’ailleurs adéquat : car les intellectuels se mobilisèrent en masse, de Sartre à Aragon, en passant par Pierre Vidal-Naquet et Roger Martin du Gard, à la notable et triste exception d’Albert Camus. Un temps, la France entière évoqua ces terribles expériences. L’occasion pour les militants de la première heure de rappeler que la grande majorité des Algériens « musulmans » connaissaient des drames similaires.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
Bibliographie :Cambodge, an I. Journal d’un témoin. Les Indes savantes, 2008. Vo Nguyen Giap. Une vie (entretiens, Hanoï, 1979-2008). Les Indes savantes, 2010. Y’a bon les colonies ? La France sarkozyste face à l’histoire coloniale, à l’identité nationale et à l’immigration. Le Temps des cerises, 2011. L’Humanité censuré 1954-1962, un quotidien dans la guerre d’Algérie. Le Cherche Midi, 2012. Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS. La Découverte, 2015.

Georges Séguy, une vie française dédiée à la liberté...

publié le 18 août 2016, 03:44 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 4 janv. 2017, 04:04 ]

    Cette page n'a pas la prétention d'être une biographie de Georges Séguy. C'est un hommage à un militant que j’admirais beaucoup. Pendant les évènements de mai 68, nous suivions chaque jour, heure par heure (presque...) ses déclarations afin de bien coordonner nos actions à celles de tous les autres. Je me souviens des insultes des gauchistes, aujourd'hui - comme prévu - placés bien à droite ou au PS hollandais, qui lui reprochaient de trahir la classe ouvrière -dont ils ne faisaient pas partie - et des camarades CGT qui ripostaient par des banderoles rappelant le passé de déporté de Séguy, déporté pour des raisons hautement estimables.
    De la résistance-déportation à ses fonctions de créateur de l'institut d’histoire sociale via son passage historique au secrétariat général de la CGT, Georges Séguy a consacré sa vie au combat libérateur.
    Comme Robespierre, sa place au Panthéon ne serait pas usurpée.
    Nous nous inclinons très bas, Georges.
    J-P. R.
    sources : l'Huma, n° spécial du mardi,16 aout 2016
    une biographie commode et rapide : http://www.humanite.fr/georges-seguy-une-vie-de-combat-pour-le-progres-social-613755


"le nazisme a fait de moi un combattant"

    « Dans la mesure où j’avais eu la chance inestimable de figurer parmi les rescapés, ma vie en quelque sorte ne m’appartenait plus ; elle appartenait à la cause pour laquelle nous avions combattu et pour laquelle tant des nôtres étaient morts »



« J’étais chargé de mission par l’état-major des FTPF et j’effectuais aussi la liaison entre la direction de l’imprimerie et les organisations illégales de la CGT, du Front national et du PCF dont les responsables jugeaient prudent, non sans raison, de ne pas trop s’aventurer dans notre entreprise » (lettre reproduite dans Henri Noguères, Marcel Degliame-Fouché, Histoire de la Résistance en France, tome 4, Éditions Robert Laffont, p. 379). Il fut arrêté le 4 février 1944 et emmené avec l’ensemble du personnel de l’imprimerie qui était en train d’imprimer une brochure d’André Wurmser, "Ce qu’il faut savoir de l’URSS". Henri Lion devait mourir en déportation. Georges Séguy fut menacé, interné mais non torturé. Il fut conduit à la prison Saint-Michel à Toulouse du 4 au 22 février 1944, puis au camp de Royallieu à Compiègne jusqu’au 21 mars 1944, avant d’être déporté au camp de Mauthausen en Autriche. Ayant tout juste dix-sept ans, il fut pris en charge par l’organisation illégale du camp, protégé au maximum, notamment lorsque, victime d’une pleurésie, il fut employé clandestinement à l’hôpital pour y être soigné en cachette ; il évita ainsi l’hospitalisation avec le risque de finir au four crématoire.
Il fut libéré le 28 avril 1945 par la Croix rouge internationale, en passant par la Suisse, avec d’autres militants communistes tels que Rabaté, Lampe, Ricol, Bontemps, Lamazere etc. Il arriva à Toulouse le 5 mai 1945 « bien mal en point », comme devait l’écrire son père et se mit à la disposition du PC, le jour même. Georges Séguy, qui ne fit pas de service militaire en raison de sa déportation, fut FFI aspirant homologué. Ultérieurement, il devait appartenir à des organisations de déportés.
Les séquelles de sa pleurésie lui interdirent un retour dans l’imprimerie à cause des émanations de vapeur de plomb. Il travailla quelque temps comme responsable aux abonnements dans le journal régional de la Résistance, Le Patriote de Toulouse, que dirigeait André Wurmser.

UNE ASCENSION RAPIDE

    Après la guerre, devenu cheminot, il prend des responsabilités syndicales à la CGT et entre au PCF, sections et fédération de Toulouse. L’ascension de G. Séguy fut, en effet, rapide. Il avait adhéré à la CGT en octobre 1945 et était très vite devenu responsable du syndicat CGT des cheminots de Toulouse. Il s’élevait également avec rapidité dans la hiérarchie du Parti communiste. En mai 1964, il accéda au Bureau politique du PC, lors de son XVIIe congrès ; il en était le membre le plus jeune. L’année suivante, il entra au Bureau confédéral de la CGT et en 1967, il accéda à sa responsabilité majeure, Benoit Frachon, figure historique et emblématique, devenant « président ».

    Il faut dire, ici, que Georges Séguy savait de qui tenir. Son père André était cheminot et ami de Pierre Sémard. Militant exemplaire, son père avait le titre de « ancien gréviste de 1920 ». Membre du parti socialiste SFIO, André milita pour l’adhésion à la III° internationale c’est-à-dire à la création du Parti communiste français. La grève des cheminots de 1920 fut un acte fondateur dans le mouvement ouvrier français. Elle contribua à faire le départ entre une attitude réformiste et un comportement révolutionnaire. Souvenir personnel : dans les années 50’, je lisais la revue du syndicat CGT de la SNCF, que ma mère recevait toujours malgré le décès de mon père cheminot et il y avait toujours une galerie de portraits de nouveaux retraités et sous la photo de chacun, après les nom et prénom, l’indication de la région ferroviaire, et, immanquablement, l’indication « ancien gréviste de 1920 »…

    Malgré la présence de Benoit Frachon, qui dirigea la délégation de la CGT réunifiée, en 1936, à Matignon, c’est sur Georges Séguy que reposa la responsabilité de conduire la négociation, à Grenelle, en mai 68. 

MAI 1968


    Georges Séguy conduisit la délégation de la CGT aux négociations de Grenelle et mena les discussions avec le patronat en face de lui et le gouvernement sur sa droite. On reconnait G. Pompidou, premier ministre, J.-M. Jeanneney, ministre des affaires sociales et J. Chirac, sous-secrétaire d’État à l'emploi. G. Séguy avait un solide certificat d'études primaires  et ce qu'il avait appris aux écoles du parti face au normalien Pompidou, ancien D.G. de la Banque Rothschild, face à l'énarque Chirac et face à Jeanneney, fils de l'ancien président du sénat sous la III° république. Face également à six conseillers techniques. et je ne parle là que de la délégation gouvernementale. Il y a en vis-à-vis celle du patronat qui comptait en son sein, un membre de la famille Peugeot. Autrement dit, Séguy avait affaire à forte partie. C'est l'immense mérite de la CGT et du PCF d'avoir formé des militants issus du peuple, capables de négocier avec la technostructure. C'est en cela que le PCF est un authentique parti OUVRIER. Ce que le FN ne saurait être. A propos de J. Chirac, âgé de  36 ans, alors petit paltoquet -il qualifia ainsi le jeune L. Fabius nommé premier ministre par F. Mitterrand - G. Séguy en parle ainsi dans son livre publié en 1972 :

Sur le coup de quatre heures du matin, le ministre Chirac me demande un entretien. J'accepte. Il commence à me parler de la politique extérieure du général qu'il faut sauver à tout prix par la reprise du travail. La façon dont ce ministre s'adresse à moi et le ton condescendant qu'il utilise me choquent profondément. Pour qui prend-il les militants ouvriers ? Manifestement, il a tout à apprendre. Je lui fais comprendre correctement mais catégoriquement qu'il perd son temps et que, s'il n'a rien d'autre à me dire, l'entretien a assez duré (1)


LA VIE QUOTIDIENNE D'UN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA CGT

    Avec les travailleuses - travailleurs en grève, Georges Séguy était comme un poisson dans l'eau...
    Rien ne faisait plus plaisir à Georges Séguy que le contact direct avec les travailleurs.

    Le patronat utilise tous les moyens pour détruire la CGT. Mais à côté de ce qu'il a subi à Mauthausen, ces petits combats juridiques étaient peu de chose pour G. Séguy ; surtout avec un défenseur comme Me Lederman.

LE RETRAITE ACTIF

    Après son départ du secrétariat général de la CGT, Georges Séguy continua de militer : il resta à la Commission exécutive de la CGT de 1982 à 1992 et fut le principal animateur de l’Appel des Cent pour la paix et le désarmement, rassemblement de personnalités issues de divers horizons. Par ailleurs, il s’impliqua profondément dans la démarche qu’entreprit alors la CGT pour rechercher son histoire. Ce fut en effet en 1982 que la CGT constitua un Service confédéral d’archives : une première tentative de ce type, qui avait eu lieu en 1937, cassée nette par la Seconde Guerre mondiale, était restée sans lendemain. C’est également en 1982 que fut mis sur pied l’Institut CGT d’histoire sociale, sous la présidence de Georges Séguy, ainsi que plusieurs Instituts régionaux : toutes ces structures organisèrent et impulsèrent de nombreuses recherches sur l’histoire de la Confédération. Georges Séguy participa activement à cette démarche et contribua à ce que la CGT prenne en charge son histoire. 
 
    
En juin 2016, Georges Séguy  arborait dans sa maison de retraite un T-shirt Info'Com-CGT sur lequel figurait un dessin de Babouse et ce slogan : "Pas de retrait, pas de trêve !" en soutien aux manifestants qui exigeaient le retrait de la ‪Loi El Khomri "..
Ici, on le voit avec un tee-shirt à l'effigie de Charb le si regretté redac'chef de Charlie-hebdo.




(1) G. Séguy, le Mai de la CGT, Julliard éditeur, 1972, page 108.


Voir aussi : 7. Guerre, Occupation et Résistance : jeunesse de France et résistance anti-nazie : Georges Séguy

Montbéliard : le patronat, les immigrés et le racisme

publié le 17 févr. 2015, 10:14 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 8 sept. 2015, 10:22 ]

        Tout ce qui précède Peugeot et les Trente Glorieuses : les trains de l’immigration choisie n’explique en rien la montée du racisme (et donc du vote FN).

    Il faut voir comment naît ce comportement qui est en lien avec la politique Peugeot dans l’entreprise. Nous disposons pour cela, non seulement du livre de J.-P. Goux mais des publications dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales  des années 1984 et 1985. Goux en cite des extraits mais l’intégralité est disponible sur le net. Il s’agit des entretiens entre un chercheur, Michel Pialoux, et un OS de Peugeot, Christian Corouge qui est une personnalité étonnante. Cégétiste, il a toujours refusé de "monter en grade" pour rester aux côtés des OS estimant qu’il y avait trop d’ouvriers qualifiés (OP) dans les organes dirigeants du syndicat. C’est un homme d’une sensibilité rare, et brillant, je le dis pour l’avoir entendu lors d’une conférence, à Lyon. A lire absolument [1].

    Corouge est interviewé en 1983, à une date où le FN n’existe pas encore politiquement. Mais les tisons sont rougis et la flamme va prendre à la vitesse grand V. Le livre de Goux nous donne un autre exemple intéressant avec le témoignage d’une ouvrière tisserande à l’usine de tissage d’ Héricourt.

 

CHEZ PEUGEOT

 

    Voici donc le témoignage de Christian Corouge, témoignage enregistré par le chercheur CNRS Michel Pialoux qui l’a retranscris par écrit tout en respectant cette dimension orale. Pour les besoins de ma démonstration, j’ai "organisé" le discours. Les puristes pourront trouver l’intégralité du discours de C. Carouge sur le net.

    "(...) Dans les ateliers durs (où le travail est particulièrement intense, JPR) comme garniture ou carrosserie, tu trouves souvent sur les chaînes un pourcentage de 55 à 60 % d'immigrés. Et nous, dans notre section syndicale d'OS, on est habitués complètement à côtoyer d'autres formes de cultures, (...).

    T'as deux sortes de trucs. T'as d'abord les jeunes, ceux qui ont été embauchés y'a cinq ou six ans, ceux-là sont beaucoup moins racistes parce qu'ils n'ont connu que l'usine comme elle est maintenant. Ils se sont intégrés avec des copains arabes, des copains turcs, yougoslaves, etc., qui étaient déjà présents dans l'usine, souvent ils ont appris leur poste avec un copain immigré. Mais là où le problème se pose vraiment, c'est avec les anciens de carrosserie, les mecs qui ont une quarantaine d'années, qui ont connu l'usine sans y voir de travailleurs immigrés. Alors, là, y'a un rejet total, quoi ! Y'a une cassure entre les deux. (…). Y'a un blocage au niveau de l'âge : à un moment donné, tu t'aperçois que tu peux plus faire marche arrière sur quoi que ce soit. Donc jusqu'à la fin de ta vie tu seras obligé de subir... les mauvaises conditions de travail... mais aussi le mauvais climat social. (…). Ben oui, le mec qui est jeune comme maintenant, ça ne fait que 5 ou 6 ans qu'il est en chaîne, il a toujours peut-être pas dépassé 30 ou 40 ans, tu vois, il a toujours l'impression que c'est qu'une époque de sa vie, et qu'il va se tirer. Il va pas rester là toute sa vie, quoi, c'est plus tard qu'il commence à devenir particulièrement raciste, quand à 40 ans, 35 ans, il voit qu'il est en train de gratter pareil, comme tout le monde... Et là, ça fait king kong dans sa tête, et là il prend un caractère en disant : "Ouais, ça fait chier, un Arabe gagne pareil que moi, etc... "- Là, ça devient vachement violent... Quand l'avenir se ferme, et que le mec se replie sur lui-même et qu'il a une espèce de haine pour tout ce qui l'entoure, et ça se comprend d'ailleurs. Le mec qui est jeune, il pense plutôt : "Après tout, je suis là... ". Jusqu'à 30 ans, tu te dis : "Après tout, j'ai mon fric, ça me plaît pas, demain je suis malade et puis c'est tout". A 30 ans, tu commences à t'interroger autrement. A 30 ans tu te dis : "ça fait chier d'habiter dans les blocs, y a mon voisin arabe qui me fait chier, y a l'autre qui élève son mouton, il m'emmerde. " C'est vrai, y a des trucs qui se sont passés qui sont pas simples. Quand tu déplantes une population de 5.000 Marocains ou de 2.000 Turcs, quand tu les préviens pas, tu finis par avoir des lapins dans la baignoire, c'est aussi con que ça, ou des gens qui saignent des lapins dans les caves, et y a du sang partout (...)".

    On a connu aussi une période, à l'usine, où (la direction) mettait un Turc, puis un Yougoslave, puis un Marocain, sur les trains de chaîne. Et vu qu'ils pouvaient pas s'entendre, les trois, parce qu'il y avait tellement de différence entre eux, au départ, quand ils arrivaient, le Yougoslave voulait montrer qu'il était le plus fort, donc travaillait plus vite, et ceux qui étaient derrière étaient obligés de travailler à la même vitesse... Et ça c'était une politique volontaire de Peugeot de séparer systématiquement les races. (…). Mais, il y a de la camaraderie au milieu, ça existe, tu vois, entre Français et immigrés, elle existe. Alors qu'avant Peugeot la cassait systématiquement : il y avait un jeune embauché, crac, on le mettait là, ils cassaient tout début de dialogue, quoi…

    J’ai entendu les Français dire : "Avant, ça débrayait, mais depuis qu'il y a les immigrés, ça débraye plus". Et on en arrivait à un moment donné à une rupture, à un conflit, lié en partie au fait que les gens se connaissaient beaucoup mieux, parce qu'il y avait pas eu d'embauché et aussi au fait que y'avait un trop plein, que, au niveau des cadences ça n'allait plus, parce que le vieillissement de l'usine était quand même important.

    Je veux dire qu'il y a des cons aussi bien chez les immigrés que chez les Français, mais on finit par se connaître et ça c'est dangereux pour Peugeot. Il aimerait bien faire comme en Allemagne, virer tous les immigrés, je crois que ça serait la solution idéale à un moment donné pour lui…". Fin de citation.

 

 

AU TISSAGE DE LA GRAND-PRE

 

    Voici une présentation de l’usine de tissage d’ Héricourt dite "de la Grand-Pré". En 1883-1885, l'industriel mulhousien Fritz Kœchlin édifie un tissage mécanique à la combe de la Petite-Pré. Il y transfère les métiers à tisser qu'il faisait fonctionner dans le tissage de la Grand-Pré, appartenant à Dollfuss - Niffenecker. C'est pourquoi l'établissement terminé en 1885 portera le nom de tissage de la Grand-Pré. Vers 1891, une petite cité ouvrière est édifiée. Une seconde cité comprend cinq maisons de contremaître. Un logement patronal est édifié en 1911 avenue de la Gare. Le tissage est acheté par la société Schwob Frères en 1911, puis est mentionné comme usine de la société Dreyfus et Cie à partir de 1931 sous le nom de SA des Établissements de la Grand-Pré (EGP). (…). Vers 1968, l'usine de la Grand-Pré est reprise par la société de teinturerie Leboucher Frères, de Rouen, et réduit ses effectifs dans les décennies 1970 et 1980. Elle poursuit néanmoins la production de tissus écrus jusqu'à sa fermeture le 31 décembre 2000 [2].

    J.-P. Goux a effectué, en 1981, un entretien avec une tisserande de cette usine qui y a travaillé plus de 40 ans, son embauche remontant à 1941.

    Cette femme est très compétente et on la croit totalement lorsqu’elle dit qu’elle eut "un directeur formidable ! Un directeur qui est resté (à l’usine) jusqu’à 75 ans, et qui connaissait le fil ! il savait lui quand on recevait du fil, s’il était bon…", en revanche, "les dernières années, ç’avait bien changé parce que l’usine a été rachetée par un transformateur de Rouen". Il s’agit donc de la société de Teinturerie Leboucher frères (cf. supra). Avant, c’était "une entreprise familiale toute la famille travaillait à l'usine, a part les hommes qui allaient à Sochaux (chez Peugeot, JPR) parce que les salaires étaient meilleurs. Le textile n'a jamais donné de gros salaires. Donc la plupart du temps c'était toute la famille au Tissage, alors ça créait quand même une certaine ambiance. Et puis avec si peu de personnel, on connaissait tout le monde, on connaissait les problèmes de chacun. Les dernières années, ç'avait bien changé parce que l'usine a été rachetée par un transformateur de Rouen. Maintenant on ne fait plus de sentiment, on ne connaît plus les gens, les ouvriers sont devenus des numéros, c'est plus du tout pareil. Et puis il y a beaucoup d'étrangers". "Le patron actuel a repris derrière son père et il ne connaît rien du tout au tissage".

    Cette dame "trouve qu’il y a quand même une certaine considération à avoir pour l’ouvrier. (…). Il faut reconnaître que dans le textile, le niveau est assez bas… ce ne sont pas des gens très…là, en filature c’est le bas de l’échelle. On avait encore des ouvriers qui ne savaient ni lire ni écrire". Or ces deux fonctions sont indispensables, il faut savoir lire la catégorie de fil inscrite sur l’étiquette de la bobine, il faut savoir compter "parce que dans une caisse, il y a le poids brut et il y a la tare pour avoir le poids net de la caisse. (…). Les étrangers, quand je leur faisais faire des opérations, ils comptaient dans leur langue, alors ils mettaient du temps (…)".

    Derrière tout cela, on sent une mauvaise gestion du personnel, la direction se moque de la formation de base des ouvriers, surtout des immigrés et en laisse le soin aux "Anciens" qui jouent un mini-rôle d’encadrement. On sent la mise en concurrence de la main-d’œuvre : bas salaires, pas de formation professionnelle, les immigrés peuvent parfaitement faire l’affaire aux yeux des patrons. Mais le plus grave est à venir. Voici comment sont organisées les 3x8, les ouvriers travaillent huit heures de suite puis sont relayés par l’équipe suivante qui travaille 8h et ainsi de suite :

        "Il y avait trois équipes : la nuit, le matin et l'après-midi. L'ouvrière qui arrive le matin reprend les mêmes métiers que l'ouvrier de nuit vient de quitter. En général, tous les ouvriers de nuit, maintenant, c'est des Turcs, des Algériens, et c'est des hommes. Déjà, un homme n'a pas la dextérité d'une femme… il n'a pas les doigts aussi habiles et souvent, ces ouvriers-là ne sont pas extrêmement consciencieux, ils laissent passer énormément de défauts. Alors quand l'ouvrière du matin arrive, quand la bonne tisserande arrive, elle est obligée bien souvent de détisser et même quelquefois de couper carrément parce que ça serait vraiment impossible de vendre du tissu comme ça".

    On comprend bien que le laisser-aller patronal a jeté les bases du rejet, du racisme. C’est lamentable.

     en 1984, Montbéliard vota FN à hauteur de 14% des exprimés (10,5% en France) et 7,5% des inscrits pour le département du Doubs (6,5% en France).

 

 



[1] COROUGE Christian, PIALOUX Michel. Chronique Peugeot. In : Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 54, septembre 1984. Le savoir-voir. pp. 57 - 69. doi : 10.3406/arss.1984.2223. url : /web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1984_num_54_1_2223 la conférence de Lyon était organisée par L'Improbable.

Peugeot et les Trente Glorieuses : les trains de l’immigration choisie

publié le 16 févr. 2015, 03:15 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 8 sept. 2015, 10:18 ]

    La récente élection partielle de Montbéliard (février 2015) pose à nouveau la question du vote LePen. J’ai montré le rôle du Luthéranisme dans cette enclave qui ne fut rattachée à la France qu’en 1793 et qui, auparavant, dépendait du duché du Württemberg. Il faut aussi, puisqu’il s’agit d’un argument électoral sans cesse mis en avant par le FN, sans omettre ce qui peut se dire de bouche à oreille dans la société civile - évoquer le racisme et la xénophobie. Dans mon essai sur le vote FN dans le Pas-de-Calais, L’Artois pendant l’entre-deux-guerres (2ème partie) j’ai mis en avant l’éclosion du racisme avec l’arrivée massive des Polonais, après la guerre de 1914-1918, arrivée pourtant fort justifiée par l’hémorragie d’hommes jeunes subie par la France. Dans le pays de Montbéliard, sous réserve d’une étude de la période de l’entre-deux-guerres, c’est la réaction -après la crise de 1973- à la présence massive de travailleurs maghrébins que Peugeot -entre autres - avait fait venir après 1963. Pourquoi 1963 ?

    En 1963, Georges Pompidou déclara à l'Assemblée : "L'immigration est un moyen de créer une certaine détente sur le marché du travail (de l’emploi) et de résister à la pression sociale". C’était ouvrir la porte en grand aux travailleurs étrangers avec l’objectif avoué de faire baisser les salaires en France, en tout cas de ne pas les augmenter. (Voir les archives du Monde, numéro du 16 octobre 1996). C’est le sens de l’expression que l’agrégé de Lettres qu’est Pompidou crée : détente sur le marché du travail… Dès lors, l’Office de l’immigration se met en branle et on va lire le récit d’un jeune marocain, natif de la région de Casablanca, qui, avec des centaines de compatriotes, va faire le voyage Casablanca-Tanger-Espagne -Port Bou - Lyon - Montbéliard. On ne peut aucunement parler d’immigration clandestine, toute cette logistique est parfaitement surveillée par les autorités concernées. Et Peugeot.

    Les Marocains arrivent surtout dans les années 1970 (leur nombre passe de 70.000 environ en 1963 à 386.000 en 1979). Leur venue est gérée par l’office national d’immigration (ONI). Entre 1975 et 1976, sous la présidence de Giscard d’Estaing, plusieurs décrets organisent le regroupement familial.

 

DE CASABLANCA AU FORT LACHAUX

 

    Le Fort Lachaux appartenait à la ligne de défense de Montbéliard. Il sera en grande parti démonté dans les années 1950 pour laisser place à des habitations pour l’usine Peugeot. Je présente ici le récit fait par un jeune travailleur immigré à Jean-Paul GOUX, qui le reproduit dans son livre "Mémoires de l’enclave" dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais[1].

LE RÉCIT DU VOYAGEUR

    "Je suis arrivé en France, à Sochaux, le 21 octobre 1970, précisément. En 70, il y avait une grande campagne de recrutement de travailleurs destinés à aller dans des usines, des forêts ou des mines, ici, en France. J'avais dix-huit ans, j'habitais à la campagne, dans la région de Casablanca. Mon père avait des relations avec le notable du village et lui a demandé de me trouver un contrat pour que je vienne travailler en France... parce que je travaillais comme mécanicien dans une usine textile, mais j'avais un salaire ridicule. Ce notable, il vendait les contrats pour le compte du pacha de la ville... - le pacha, c'est comme le sous-préfet - Ça faisait un commerce fructueux, tous ces contrats que les notables allaient marchander avec des gens qu'on connaissait ou pas, il y avait des contrats de trois mois, de six mois, avec différents prix. Je me souviens que mon père a payé 500 dirhams pour m'acheter un contrat... ça ferait dans les 600 francs de l'époque (soit 650€ de 2015, JPR).

    Il y a des gens qui sont venus nous faire passer des visites, des examens, la radio. Des examens avec plein de trucs, un ensemble de cubes de différentes formes qu'il fallait démonter et puis quand même il fallait savoir lire et écrire. J'ai présenté mon C.A.P. de mécanicien, on m'a dit "Bon, ça va". Ce jour-là, J'ai vu des scènes quand même assez pénibles, il y avait des gens qui n'arrivaient pas à faire cet assemblage, qui pleuraient. (…). Après cet examen, on est restés un mois et demi, deux mois à attendre. Alors ils nous ont appelés pour aller à l'Office National d’Émigration [2]. C'est là où on centralise les gens qui viennent de toutes les régions du Maroc, après leur visite médicale. Il y avait des gens de toutes les villes du Maroc, des villages les plus reculés, beaucoup de gens qui venaient de la campagne. Là aussi on nous a fait passer une visite médicale, c'était très poussé, ils mettaient vraiment les gens à poil, ça scandalisait la plupart d'entre nous. Après la visite médicale, le soir même, on nous a dit : "On va vous envoyer en France". Il y a des gens qui n'étaient pas prêts, qui n'avaient même pas leur valise. Moi, j'habitais à dix-sept kilomètres de Casablanca, j'ai été chercher ma valise, j'ai été faire mes adieux à ma famille.

    Des petits groupes se formaient, se préparaient déjà. Des groupes de gens qui avaient les mêmes contrats ou qui cherchaient des connaissances, des gens du village. Moi, j'étais le seul de mon village dans ce groupe-là. Le soir même, vers 7 heures, ils nous ont appelés, ils nous ont dit "Voilà ! le contrat, on va le donner à un gars" C'était un gars assez âgé, ils lui ont donné une enveloppe et ils nous ont donné une fiche avec les informations sur les horaires des trains où il fallait descendre, où il fallait attendre, tout ça. On est partis le vendredi.

    On a pris le train à Casablanca, on n'est pas partis dans un train normal... il y a des trains qui montent directement de Casablanca à Tanger, mais nous, c'était un train de marchandises où ils ont attaché quatre, cinq wagons qui avaient des bancs en bois. On était assis, entassés, c'était à 8 heures 30 du soir, c'était la première fois que je montais dans un train.., j'étais étonné et les gens étaient assez étonnés de monter dans un train comme ça. Ça s'appelait un train de bagages, et nous, on était là, avec des tracteurs, des fourrages. Avant de monter dans le train, ils nous ont donné nos repas : des grosses miches de pain d'ici, des sardines, du corned-beef.., on ne nous a pas donné à boire. On a passé toute la nuit à rouler, on est arrivés à Tanger le matin. Au port, ils nous ont donné un badge, je me rappelle, c'était un badge gris ; il fallait le mettre là, dès qu'on montait dans le bateau. On a passé la douane, et comme il y avait des restrictions pour la sortie des devises, on partait en France avec pas plus de cinquante francs en poche. Et puis on a commencé à découvrir toute l'Europe, à partir de l'Espagne. On sort du bateau, on se retrouve en Espagne !

     On avait en moyenne entre dix-huit et trente ans, et avec nous, il y avait des groupes de paysans, des gens assez gaillards qui venaient du Rif, qui allaient travailler dans des domaines forestiers. C'étaient des gens assez costauds, des montagnards, et tout le monde montait dans les trains. Notre groupe était à peu près de 70, 80 personnes, et il y avait d'autres groupes qui venaient avec nous c'était un vendredi, comme aujourd'hui… des groupes qui allaient dans les forêts, qui allaient aux Câbles de Lyon, dans les mines… je me souviens qu'il y avait quatre, cinq groupes presque deux cents gars. Il y avait le type, devant, avec l'enveloppe qui renfermait tous nos contrats, et nous on le suivait, tout un groupe de Maghrébins... il y avait des gens qui s'arrêtaient pour nous regarder, je ne sais pas ce qu'ils ont pensé à ce moment-là. On a fait tout le voyage en Espagne comme ça. Du vendredi soir jusqu'au mardi. Ça a dure cinq jours.

    Quand on est arrivés en Espagne, on n'avait plus de pain et il fallait attendre un train pendant presque une demi-journée. Je ne comprenais pas parce qu'il y avait des trains qui passaient mais qui nous étaient interdits. Je me souviens qu'on était dans un jardin, en Espagne, et qu'on avait des sardines, du bœuf, du chocolat, mais qu'il ne restait plus de pain. On cherchait une boulangerie, on ne trouvait pas… quand on l'a trouvée, on ne savait pas prononcer le mot pain en espagnol, mais on en a acheté quand même !

    On a continué, c'était un voyage de découverte, on découvrait vraiment l'Europe, là... d'autres contrées, d'autres pays... il y avait des gens qui n'en revenaient pas, qui ne s'imaginaient pas ça comme ça, parce que la plupart venaient de leur village. Et puis ils voyaient que c'étaient les mêmes terres, les mêmes arbres... qu'il y avait des gens, des usines aussi. Je me souviens qu'on ne dormait pas, il fallait voir. On avait rarement voyagé aller à Casablanca, c'était aller au bout de la terre ! Alors faire un voyage de cinq jours, et voir du pays, c'était assez étonnant. Pendant la route on avait quand même des problèmes avec des contrôleurs, et à la douane, à la frontière franco-espagnole, on nous a descendus. II y a des gens qui se sont amusés à descendre pour se dégourdir les jambes… ils ont raté le train, ils ont laissé leur valise, leur passeport, tout ça... ils couraient derrière le train et la douane les sommait d'arrêter ! Heureusement, ils nous ont rejoints après, je ne me souviens plus où. On est arrivés à Lyon.

    Alors là, à Lyon, on était vraiment étonnés par les voitures, la circulation. Je me souviens que je me suis arrêté sur un pont, il y avait des réverbères qui faisaient une lumière orange, c'était la première fois que je voyais ça, J'ai regardé longtemps A Lyon, donc, ils nous ont emmenés a l'antenne de l'Office de l'émigration, ils nous ont passé une troisième visite médicale, ils nous ont donné des vivres… c'étaient des camemberts et des boîtes de sardines, encore. La plupart des gens n'avaient pas envie d'en manger, de ces camemberts ! C’était la première fois qu'ils en voyaient, le goût leur paraissait étrange !

    Je ne sais pas comment le gars avait fait, mais on s'est retrouvés à Lyon avec une demi-journée d'avance… il fallait attendre… et puis il y a un agent de la S.N.C.F. qui est venu nous dire "Qu'est ce que vous foutez là ? II faut rentrer chez vous ! ". Le gars lui a expliqué, lui a demandé si on pouvait dormir dans la salle d'attente. Je me souviens que j'avais très, très mal à la tête, à la gare de Lyon. J'ai été dans un kiosque à journaux, j'ai donné un franc à la dame et je lui ai demandé une aspirine. Parce qu'au Maroc, en ce temps-là, les commerçants achetaient des gros paquets d'aspirine et les revendaient à la pièce et moi, je croyais que c'était pareil en France ! On a passé toute cette nuit-là à la gare, puis on a repris le train et on est arrivés à Montbéliard. On était crevés, très éprouvés, on était très, très fatigués. Dans le train, c'était assez difficile, surtout pour dormir. On se lavait dans les toilettes. Pour boire, on ne trouvait pas d'eau, et à la fin les gens étaient obligés de boire l'eau des wagons, de l'eau non potable.

    C'est quand on est arrivés à Montbéliard qu'on a su qu'on allait chez Peugeot. On est venus de là-bas jusqu'ici, on ne savait pas où on allait... si on rentrait dans une ferme, si on allait travailler dans une forêt ou dans une usine.., on venait comme ça, on allait travailler en France. On ne connaissait ni l'employeur ni la ville, rien du tout... ça ne choquait pas. A ce moment-là, dans la région où j'habite, il n'y avait pas beaucoup de gens qui étaient expatriés malgré tout. Alors je me souviens qu'on est arrivés à Montbéliard à 18 heures... c'était au mois d'octobre... il faisait très gris. Je me souviens qu'ils ont amené nos cars tellement près de la porte qu'on faisait un pas et qu'on se retrouvait dans le car... on n'a même pas été dans la ville, rien du tout."

    Fin de citation.

 

PEUGEOT ET LE DÉVELOPPEMENT EXTENSIF

 

    L’explication classique du manque de main-d’œuvre, en France, durant les Trente Glorieuses, est la dépression démographique des années Trente. En 1936, il y eut plus de décès que de naissance en France. Avant et après, il y eut déjà des classes creuses où le renouvellement des générations n’était pas assuré. Pour faire face à la croissance productiviste des années soixante, les entreprises manquaient de main-d’œuvre. On peut y pallier en développant la robotique, la productivité, la formation professionnelle : c’est la croissance intensive, choisie par exemple, par les Japonais. L’autre solution, c’est l’augmentation quantitative des salariés : on embauche les paysans, les femmes et les immigrés. Ce fut la solution de l’industrie française jusqu’en 1971 et la grande grève des OS de l’usine du Mans.

    Je parle dans le titre d’immigration "choisie" car Peugeot, précisément, choisit des travailleurs non-qualifiés. Concernant les hommes français, (NB. Tous les chiffres dans le document ci-dessous) les effectifs passent de 10.000 ouvriers environ durant les années 50’ à 26.287, sommet historique, en 1973, année du 1er choc pétrolier. Soit 70,3% des effectifs totaux de l’établissement de Sochaux. Concernant les femmes, françaises, on passe d’un moyenne de 1500 ouvrières durant les années 50’ à 3605 en 1973, pour atteindre 4622 en 1979, année du second choc. Soit 12% des effectifs totaux de Sochaux. Pour les étrangers, en 1954, on était à 9,2% des effectifs totaux de Sochaux (1287 personnes), ce chiffre baisse à 5,3% en 1964 -1262 personnes-. Puis les effectifs montent à 7498 ouvriers étrangers en 1973, sommet historique, et 20,1% des effectifs totaux. Ces chiffres resteront élevés jusqu’au second choc de 1979. Mais, socialement, avec la loi giscardienne du regroupement familial, dans les cités, la présence des étrangers ne semblent pas baisser.

    Mais bon, tout cela n’explique en rien la montée du racisme.

    Il faut voir comment naît ce comportement qui est en lien avec la politique Peugeot dans l’entreprise. Nous disposons pour cela, non seulement du livre de J.-P. Goux mais des publications dans la revue Actes de la recherche des années 1984 et 1985. Goux en cite des extraits mais l’intégralité est disponible sur le net. Il s’agit des entretiens entre un chercheur, Michel Pialoux, et un OS de Peugeot, Christian Corouge qui est une personnalité étonnante. Cégétiste, il a toujours refusé de "monter en grade" pour rester aux côtés des OS estimant qu’il y avait trop d’ouvriers qualifiés (OP) dans les organes dirigeants du syndicat. C’est un homme d’une sensibilité rare, et brillant, je le dis pour l’avoir entendu lors d’une conférence, à Lyon. Montbéliard : le patronat, les immigrés et le racisme A lire absolument [3].

DOCUMENTS

 document extrait du livre de Nicolas HATZFELD, "Les gens d'usine, 50 ans d'histoire à Peugeot - Sochaux", les Éditions de l’atelier, Paris, 2000.
 
    Second document (même source) qui montre d'une part l'importance des chocs pétroliers -qui sont en réalité des crises structurelles du capitalisme et mis à profit par la patronat pour restructurer leur appareil de production - et, d'autre part, le lien asse fort entre la croissance quantitative des effectifs et la croissance de la production (cela jusqu’au 1er choc de 1973).
    


[1] Éditions MAZARINE, Paris, 1986, 460 pages. Chapitre XVIII.

[2] Il doit s’agir de l’Office national d’immigration, l’ONI, créé par l’Ordonnance du 2 novembre 1945 (Chapitre V) signée par le général de Gaulle et qui a la charge, à titre exclusif, "du recrutement pour la France et de l’introduction en France des immigrants étrangers". L’ONI est aujourd’hui l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration.

[3] COROUGE Christian, PIALOUX Michel. Chronique Peugeot. In : Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 54, septembre 1984. Le savoir-voir. pp. 57 - 69. doi : 10.3406/arss.1984.2223. url : /web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1984_num_54_1_2223 

FRAUDES A LA SECU : LES CINQ MENSONGES DE SARKOZY

publié le 26 juin 2013, 12:53 par Jean-Pierre Rissoan

     

    «La fraude, c’est la plus terrible et la plus insidieuse des trahisons de l’esprit de 1945. C’est la fraude qui mine le fondement même de la République sociale », rien de moins ! Candidat ou président ? Nicolas Sarkozy a en tout cas revêtu hier à Bordeaux le costume d’un « protecteur » du modèle social français, tout à la fois pour pourfendre les fraudeurs de la Sécu, assurer le SAV (service après-vente) de sa réforme des retraites – qui aurait selon lui sauvé le système par répartition –, et annoncer la mise en chantier d’une réforme du financement de la protection sociale. L’habillage est très « idéologique », sur le modèle de la campagne de 2007, avec maintes références au programme du CNR, au général de Gaulle et «aux frères d’armes » de la Résistance. Le terrain sur lequel s’engage le candidat-président paraît, au regard de ces évocations, plutôt décalé et même déplacé. Car c’est celui de la droite dite « populaire » et de l’extrême droite : les pauvres, ces « assistés », et les fonctionnaires comme boucs émissaires. Un terrain labouré depuis des mois par l’UMP. C’est bien au nom de la lutte contre la fraude que le ministre du Travail, Xavier Bertrand, proposait au même moment « l’instauration d’un quatrième jour de carence dans le secteur privé ». Une mesure, selon le ministre, qui représente une économie de 200 millions d’euros et « vise à responsabiliser davantage les assurés pour garantir un recours justifié aux arrêts de travail ». Dans la foulée, Xavier Bertrand annonce, « par souci d’équité, l’institution d’un jour de carence dans les trois fonctions publiques ». Dans le même ordre d’idées, il affirme que « les actions de contrôle des arrêts de travail, de courte et de longue durée, vont se renforcer ». La CFDT s’insurge « Il est inacceptable de désigner les salariés en arrêt maladie comme responsables des déficits de la Sécurité sociale ! », la CFDT qui fait remarquer que les indemnités journalières représentent 2,5 % du budget de la Sécu. Et rien n’est annoncé, ni par le président ni par ses ministres, pour lutter et pénaliser le travail non déclaré, responsable, selon les députés communistes, pour les deux tiers, des fraudes à la Sécurité sociale.

    Les discours contre la fraude ne servent qu’à justifier les mesures d’austérité supplémentaires qui vont frapper les salariés, les retraités et les chômeurs. Et ce qui se prépare à travers l’annonce d’une réforme du financement de la protection sociale n’est que la casse du système français, dont Nicolas Sarkozy se prétend le protecteur. Comme cela avait été le cas pour la réforme des retraites, il promet une concertation avec la création d’un conseil supérieur du financement de la protection sociale, mais ses choix semblent déjà faits. Il s’agit de peser sur « le coût du travail », qui aurait augmenté plus en France qu’en Allemagne. « Ne cherchez pas ailleurs les raisons des difficultés ! » a-t-il lancé. Et d’évoquer le recours à l’impôt pour abaisser les cotisations sociales. Le matin même, Laurence Parisot avait devancé le président de la République en présentant, au nom du Medef, « un nouveau pacte fiscal et social pour la compétitivité de la France ».

 

1. Les chiffres tronqués des arrêts maladie.

 

    De nombreux salariés abuseraient de la Sécurité sociale. C’est en tout cas le message distillé par le gouvernement ces derniers jours, chiffres à l’appui. On y apprend ainsi que 13 % des arrêts maladie de courte durée et 11 % des arrêts de longue durée seraient injustifiés. Petite précision qui a son importance : ces chiffres ne portent que sur une partie des arrêts maladie, ceux qui ont été effectivement contrôlés par les médecins de la Sécu. Lesquels s’intéressent en priorité aux arrêts répétés et/ou longs, plus susceptibles de masquer de soi-disant abus. Ainsi, en 2009, sur 285 000 contrôles pour arrêts courts (sur un total de 7 millions), 37 000 ont été jugés injustifiés, soit 13 %. Et sur 1,2 million d’arrêts longs contrôlés, 130.000 ont été jugés injustifiés, soit 11 %. Soit, au total, 169.000 cas « injustifiés », sur plusieurs millions de salariés ayant eu un arrêt maladie. Un chiffre qui représente bien peu par rapport au travail au noir. Qui plus est, la France est très loin du record d’Europe des indemnités maladie – qui lui coûtent 1,6 % de son PIB (produit intérieur brut), selon l’OCDE. Ce chiffre atteint en effet 4,9 % en Norvège, 4,6 % aux Pays-Bas, 3,2 % en Suisse, 2,3 % au Royaume-Uni... Des chiffres qui viennent recouper une étude menée par deux chercheurs du CNRS en 2010, qui a montré qu’entre 1994 et 2001, le taux d’absence globale (pour raisons de santé ou non) oscillait, en France, entre 10 et 11 %, contre 20 et 28 % au Danemark, 15 % au Royaume-Uni ou 16 et 18 % aux Pays-Bas.

 

2. Le renoncement aux soins explose en France

 

    En septembre dernier, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, se félicitait de la baisse du reste à charge des ménages dans le domaine de la santé. « Contrairement à ce qu’affirment certains, la prise en charge par la solidarité nationale est toujours aussi élevée, et la somme qui reste à la charge des ménages est la plus faible d’Europe, après celle des Pays-Bas », fanfaronnait-il. Sauf qu’en y regardant de plus près, il n’y a pas de quoi fanfaronner. L’accès aux soins devient de plus en plus difficile. D’après le dernier baromètre Cercle Santé-Europ Assistance, le renoncement aux soins pour raisons financières est, en 2011, une réalité pour... 29 % des Français. Il y a encore deux ans, ils n’étaient que 11 % ! Et ils ne font plus seulement l’impasse sur les soins dentaires et optiques, faiblement remboursés, mais aussi sur les soins courants. Il faut dire que, sur les cinq dernières années, le coût de la santé a flambé de 16,6 %, passant de 571 euros à 665 euros par an et par Français. Avec la future taxe imposée par le gouvernement aux mutuelles, ce sont environ 75 euros de plus par an et par personne qui vont creuser un peu plus les dépenses de santé des ménages. Dans ce contexte, l’instauration d’un nouveau jour de carence non indemnisé, aussi bien dans le privé que dans le public, risque surtout d’accroître le phénomène du renoncement aux soins.

 

3. Premier au hit-parade de la fraude, le travail non déclaré

 

    La fraude à la Sécu ? N’en déplaise à M. Sarkozy, prompt à vouer à la vindicte les assurés sociaux, les premiers responsables se trouvent plutôt du côté de ses amis : les employeurs. De source officielle, le travail non déclaré est le premier poste de fraude sociale. Par nature difficile à chiffrer, ce phénomène représente, selon l’Insee, la bagatelle de 4,4 % du produit intérieur brut. Soit 55 milliards d’euros, avance l’institut de la statistique. Le manque à gagner pour la Sécu est considérable : entre 9 et 15 milliards d’euros de cotisations sociales. Rappelons que le déficit de la Sécu s’établit, cette année, à 18,6 milliards d’euros. S’il n’a heureusement pas les mêmes dimensions que dans les pays en voie de développement, le travail au noir augmente en France, comme dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Des branches comme la confection, le bâtiment, sont régulièrement épinglées pour l’utilisation de cette pratique. En cause : la recherche du moins-disant social, le discours récurrent stigmatisant les cotisations Sécu comme autant d’insupportables « charges », alors qu’elles sont le gage d’une couverture sociale égalitaire et solidaire. Mais aussi le refus de régulariser les salariés sans papiers qui rend le gouvernement complice de l’essor du travail au noir, pointait récemment la CGT, qui a fait ce calcul : « La régularisation de 100.000 salariés payés au smic représenterait un apport de 280 millions d’euros sur la base des modalités de cotisations actuelles. ».

 

4. Accidents et maladies du travail : le patronat ne veut pas payer

 

    Si voler la Sécurité sociale, c’est, comme l’affirme Sarkozy, « trahir la confiance de tous les Français », il est une « trahison » que lui-même et ses acolytes du gouvernement oublient systématiquement d’évoquer : celle des entreprises qui n’assument pas, financièrement, les dégâts du travail sur leurs salariés, et qui en font peser le coût sur la branche maladie de la Sécu, participant ainsi au creusement du déficit. En théorie, les accidents et les maladies provoqués par le travail sont couverts par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale, qui a cette particularité d’être financée uniquement par des cotisations patronales. Dans les faits, une bonne partie de ces accidents et maladies ne sont pas déclarés comme tels, et cela vient peser sur la branche maladie de la Sécu, financée, elle, par des cotisations salariales et patronales et par l’impôt. La sous-déclaration est due à la fois à des pratiques patronales de camouflage des accidents du travail, à une limitation par le patronat de la liste de maladies pouvant être reconnues comme professionnelles, et à une ignorance générale et entretenue, chez les salariés mais aussi chez les médecins, du lien possible entre maladies et travail. Depuis 1997, le Parlement vote chaque année un transfert compensatoire de la branche AT-MP vers la branche maladie, basé sur une estimation de la sous-déclaration. En quinze ans, l’estimation du phénomène n’a cessé d’être revue à la hausse. Le dernier rapport officiel estime que la sous-déclaration représente entre 580 millions d’euros et 1,1 milliard d’euros de soins et indemnités, et le transfert financier a été fixé, dans le budget de la Sécu, à 790 millions d’euros pour 2012. Mais ces estimations reposent sur des données médicales lacunaires, et sont encore loin de la réalité.

 

5. Exonérations de cotisations patronales, un trou de 30 milliards

 

C’est une conquête majeure du patronat : l’exonération de cotisations sociales patronales, en hausse de 55 % depuis 2002. À elles seules, elles représentent près de 30 milliards d’euros de manque à gagner pour la Sécurité sociale, soit bien plus que son déficit (18,9 milliards en 2011), que l’État compense, année après année, reportant ainsi le trou sur les finances publiques. Au fil des ans, la liste des exonérations de charges, qui bénéficient principalement aux employeurs, ne cesse de s’allonger : sur l’apprentissage, l’emploi à domicile, les contrats aidés, sur les allégements des 35 heures... Les allégements de cotisations sur les bas salaires (jusqu’à 1,6 fois le Smic) constituent en effet la plus grosse part de ces dispositifs (en hausse de 44 % depuis 2002), suivis par les exonérations de charges au titre des heures supplémentaires, symbole du « travailler plus pour gagner plus ». Selon les estimations, plus que controversées, quelque 800.000 emplois auraient été créés, ou sauvegardés. Ce qui porte le coût de l’emploi à quelque 27 500 euros. Depuis 2010, les entreprises n’ouvrant pas la négociation salariale annuelle, en principe obligatoire, s’exposent à une réduction de 10 % de leurs exonérations. Mais la loi ne les oblige pas à conclure la négociation. Du côté des syndicats, nombreux sont ceux qui dénoncent les effets pervers de ces allégements, et notamment la fameuse « trappe à bas salaires » et la substitution de travail non qualifié au travail qualifié.

L’Humanité quotidienne 16 Novembre, 2011

Olivier Mayer, alexandra Chaignan, Fanny Doumayrou, Yves Housson

financer les retraites ? néolibéralisme et fracture sociale…

publié le 26 juin 2013, 12:51 par Jean-Pierre Rissoan

21 octobre 2010

    Robert Pollin, professeur d’économie politique à l’Université du Massachusetts- Amherst, a prononcé une conférence sur la récession en Amérique[1]. J’ai été choqué par les chiffres ahurissants qu’il donne. Jugez-en :

    Aux Etats-Unis, la part des revenus allant au 1% les plus riches a plus que doublé entre 1950 et 2005, passant de 10,2% à 21,8%. Encore plus extraordinaire, dans la même période, la part des mille foyers les plus riches a plus que triplé, passant de 3,2% à 10,9%. Fin de citation.

    On a relevé que la « récession » ne concerne pas les plus hauts revenus. Si l’on a une idée même approximative du niveau des revenus obtenus sur l’ensemble des États-Unis, on est saisi par l’ampleur de ces fortunes. Qu’est-ce que mille foyers ? Quatre mille personnes environ sur trois cents millions d’habitants. Qu’est-ce que 10 % des revenus totaux américains ? Sur $14.266 milliards (2009), c’est 1.400 milliards de $ environ.

 

    Ces inégalités sont générales dans les pays capitalistes développés ou émergents.

    On sait que l’année 2008 a été « éprouvante» pour les grosses fortunes. L’éclatement de diverses « bulles » a provoqué un recul des revenus du patrimoine financier. Ainsi, en France, le nombre des HNWI (High Net Worth Individuals) définis comme les « particuliers disposant d'un patrimoine financier de plus d'un million de dollars hors résidence principale et biens de consommation » a chuté de 395.000 personnes en 2007 à 346.000 en 2008. Que l’on se rassure, grâce aux mesures prises pour rétablir la santé de « l’industrie financière », leur nombre a remonté à 383.000 en 2009.

    Cette remontée des effectifs est d’autant plus surprenante que la ‘croissance’ a été négative avec une baisse du PIB français de -2,2% … Cela signifie que les inégalités se sont encore accentuées.

    Si l’on raisonne non pas en termes de revenus mais en termes de patrimoine, la France d’aujourd’hui représente plus de 2,5 fois la France de 1975 (laquelle sortait de trente années dites ‘glorieuses’ et n’était donc pas ‘pauvre’). Et le coefficient de Gini -qui est un indicateur de la concentration du patrimoine et qui nous dit que plus il est proche de 1, plus la concentration est forte, plus il se rapproche de 0, plus la répartition est égalitaire- le coefficient de Gini est passé de 0,54 à 0,62 entre les deux mêmes dates de référence (1975 et 2000). C’est dire que la concentration du patrimoine entre les mêmes mains est de plus en plus élevée.

    L’euphorie de 2009 -qui ne concerne pas tout le monde - a des manifestations très concrètes comme la vente au salon de l’Auto de voitures à 465.000 €, ou encore la ruée chez LVMH  dont on nous dit qu’il ferme ses magasins une heure plus tôt afin de ne pas risquer d’être en rupture de stock pour les fêtes de fin d’année !! Liste non limitative.

    Le débat sur le financement des retraites met aux prises la finance et le salariat moyen et modeste.

    L’enjeu est considérable.

    Il faut empêcher un recul de civilisation.

    A la Libération, le coefficient de Gini était inférieur à 0,49. Le parti de la finance était politiquement isolé et le programme du C.N.R. put être mise en œuvre. Aujourd’hui, ce parti tient les rênes de l’Etat. Mais près de 3 Français sur 4 rejettent cette réforme des retraites ou souhaitent une renégociation (une vraie négociation, en fait). Rien n’est joué.  


[1] Avec son accord, l’Humanité du 16 octobre en a publié de larges extraits.

Enfin la vérité sur l’affaire AUDIN ?

publié le 18 déc. 2012, 06:28 par Jean-Pierre Rissoan

 

Le président Hollande répond à Josette Audin

par Rosa Moussaoui

L'Humanité, Le 17 Décembre 2012

 

Dans un courrier reçu par la veuve de Maurice Audin, le chef de l’État promet de lui remettre «l’ensemble des archives et documents en sa possession relatifs à la disparition» du jeune mathématicien communiste. Sans préciser s’il va lever le secret-défense.


Alger, envoyée spéciale. On est loin de la sécheresse administrative de l’accusé de réception qui avait répondu à sa lettre au président de la République, en août dernier. Cette fois, François Hollande répond de façon circonstanciée à la demande de Josette Audin que soit «connue et reconnue» la vérité sur le sort de son mari, Maurice Audin, enlevé, torturé et assassiné par les parachutistes de Massu, Bigeard et Aussaresses, en juin 1957, à Alger (voir l’Humanité du 14 décembre). «Plus de cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, l’État français doit faire face à ses responsabilités et au devoir de vérité qui lui incombe envers vous et votre famille d’abord, mais également envers l’ensemble des citoyens», écrit le chef de l’État dans une missive reçue vendredi matin par Josette Audin. À la veille de sa visite d’État en Algérie, mercredi et jeudi, François Hollande confirme qu’il se rendra «sur la place Maurice-Audin, à Alger, en hommage à la mémoire» du jeune mathématicien communiste qui avait embrassé la cause de l’indépendance algérienne.

«J’ai par ailleurs demandé à Jean- Yves Le Drian, ministre de la Défense, de vous recevoir afin de vous remettre en mains propres l’ensemble des archives et documents en sa possession relatifs à la disparition de votre mari», conclut le président français.

Josette Audin, qui s’était vu opposer un silence assourdissant par Nicolas Sarkozy en 2007, juge cette réponse «positive», même si elle attend de connaître les termes précis de «l’hommage» promis par François Hollande et la nature exacte des documents qui lui seront remis par le ministre de la Défense. Le président de la République ne précise pas, en effet, si ce geste implique une levée du secret-défense sur tous les documents relatifs à l’affaire Audin. Autre difficulté, selon l’historienne Sylvie Thénault, spécialiste de la guerre d’Algérie : «Il n’est pas évident que des traces écrites témoignent d’un ordre d’exécution de Maurice Audin. En revanche, des témoins existent, ils doivent parler, dire la vérité.». En mars dernier, une enquête du Nouvel Observateur révélait de nouveaux éléments sur l’affaire Audin, extraits d’un manuscrit du colonel Godard, ancien commandant de la zone Alger-Sahel. Ce document contredit la thèse officielle selon laquelle Maurice Audin se serait évadé lors d’un transfert. Il confirme que le militant communiste a été tué par les militaires qui le détenaient et mentionne même le nom de celui qui l’aurait mis assassiné, le sous-lieutenant Gérard Garcet, aide de camp du général Massu. À plus de quatre-vingts ans, l’homme coule aujourd’hui une retraite tranquille en Bretagne.

Le général tortionnaire Paul Aussaresses racontait en 2008, dans l’un de ses sinistres déballages, que cet homme faisait partie de «l’état-major de la main gauche» chargé des «basses besognes», en fait un escadron de la mort qui officiait à la villa des Tourelles, sur les hauteurs d’Alger. D’après Aussaresses, condamné en 2002 pour «apologie de crime de guerre», la hiérarchie militaire comme les autorités politiques recevaient des rapports sur les exécutions sommaires : «Je le disais à Massu. En plus de la réunion quotidienne du matin, j’écrivais en quatre exemplaires tous les jours ce que nous faisions, de façon détaillée. Il y avait un exemplaire pour Massu, un pour le ministre-résidant Lacoste et un pour le général Salan. Massu savait tout. Le gouvernement aussi. (…) On ne faisait pas toujours des listes pour Paul Teitgen, le secrétaire général de la préfecture. Certains, on les attendait dehors et on les exécutait. Après, on les “assignait à résidence”». Les barbouzes, liés par un «pacte du silence», se chargeaient ensuite de faire disparaître les corps. Parfois en les enterrant sur les lieux mêmes de leur exécution. Le plus cyniquement du monde, Aussaresses raconte que des exécutions sommaires, «il y en a eu quelques-unes, c’est vrai, à la villa des Tourelles. Des types arrivés de jour… On les a enterrés sur place. Ils doivent être encore dans le jardin».

 

 

1981 - 1984 : les nationalisations

publié le 10 déc. 2012, 01:39 par Jean-Pierre Rissoan

Décryptage: quand Jean-Marc Ayrault change l'histoire des nationalisations

L'Humanité, Le 9 Décembre 2012 et témoignage personnel.

 

Pour expliquer pourquoi le gouvernement n'a pas choisi de nationaliser Florange, Jean-Marc Ayrault prend appui, ce dimanche, sur les nationalisations de 1981 qui, à l'entendre, n'ont pas empêché "les dizaines de milliers d'emplois supprimés". Il oublie de dire que le tournant de la rigueur de 1984 est en grande partie responsable. Contre-point.

1.      Ce qu'affirme Jean-Marc Ayrault

 

"Sur la nationalisation, reprenons l'histoire", explique -t-il dans un entretien au Journal du dimanche. "Sous Giscard, en 1978, Sacilor annonce 22.000 suppressions d'emplois et l'Etat prend son contrôle. En 1982, François Mitterrand nationalise la sidérurgie. Et en 1984, le plan Mauroy, sévère, se fait sous le régime de la nationalisation. En 1995, quand Alain Juppé privatise Usinor-Sacilor, 75.000 emplois auront été supprimés en 20 ans dans la sidérurgie". Le premier ministre sous-entend que les nationalisations n'ont en rien changé la donne, voire l'ont empiré. Selon lui, l'histoire vient en appui de la stratégie actuelle du gouvernement de ne pas nationaliser Florange, qui aurait coûté "1 milliard d'euros" "pour un résultat hypothétique en matière industrielle et en termes d'emplois".

2.      Ce que lui répond Jean-Christophe Le Duigou, économiste, syndicaliste

 

Dans l'Humanité, Jean-Christophe Le Duigou revient sur les nationalisations et la sidérurgie: "La loi de nationalisation de 1981 a permis d’intégrer dans le secteur public les cinq premiers groupes industriels français (Compagnie générale d’électricité, Péchiney, Rhône-Poulenc, Saint-Gobain et Thomson), trente-neuf banques et deux compagnies financières. Elle a concerné 670 000 salariés. Ces nationalisations avaient un caractère stratégique et intervenaient dans des secteurs qui n’étaient pas en difficulté. En nationalisant simultanément des segments clés de l’appareil productif et du système financier, l’État se donnait les moyens d’intervenir massivement et directement dans le fonctionnement de l’économie. Il voulait orienter plus facilement les choix industriels et réduire le poids des contraintes financières dans les décisions des entreprises.

Pendant la période 1982-1984, les entreprises du secteur public ont contribué au soutien de l’investissement et à la progression de la recherche industrielle. L’investissement des entreprises publiques a représenté ainsi près de 35% de celui de l’ensemble des entreprises alors que leur valeur ajoutée était inférieure à 20% de cet ensemble. Dans un premier temps les négociations avec les pouvoirs publics ont permis des avancées sociales, notamment en matière d’emploi et de formation.

Le «tournant de la rigueur», en 1984, allait rapidement changer la donne et faire apparaître les limites du plan de nationalisation de 1982. L’État lâche la bride aux directions d’entreprises qui en profitent pour revenir à une gestion plus classique. Les «contrats de plan» entre les entreprises et l’État sont vidés de l’essentiel de leur contenu puis oubliés. Les problèmes de financement apparaissent dans plusieurs secteurs. Les droits nouveaux qu’avaient spécifiquement acquis les salariés de ces entreprises, au travers de la loi de démocratisation du secteur public, se révèlent insuffisants pour contrecarrer cette régression.

Le développement du secteur public est venu buter sur l’absence de réorientation de l’activité des banques et institutions financières. Dès 1982 une nouvelle politique du crédit et de l’épargne était possible compte tenu de la large maîtrise publique des banques et des assurances. Les velléités de «financer autrement» furent cependant étouffées dans l’œuf. La réforme bancaire mise en œuvre à partir de 1984 allait aligner les pratiques bancaires sur celles de la finance anglo-saxonne. La logique financière prenait ainsi le pas sur la recherche d’une efficacité économique et sociale. Ce retournement, les privatisations et les suppressions d’emplois qui suivront laisseront un goût amer à la majorité des salariés.

3.      Un souvenir personnel (JPR)

 

A la fin des années 80’ (1986 ? 1987 ?), j’ai participé à un stage très court - en réalité une simple visite - chez les établissements RENAULT V.I., anciennement BERLIET, qui étaient à l’époque nationalisés. J’en viens à l’essentiel : à un moment de la journée nous avons eu un entretien avec un cadre qui était, entre autres choses, chargé des négociations avec les représentants du personnel, autrement dit les syndicats. Il n’a eu de cesse de nous raconter comment il s’y prenait pour négocier, les feintes, les manœuvres, les affirmations contradictoires pour désarçonner l’adversaire, bref, il était très fier de nous montrer qu’il était un habile négociateur.

J’avais perdu mes illusions sur la révolution Mitterrand. Mais cela m’a confirmé que, vraiment, rien ne changerait. Car où étions-nous ? Dans un entreprise NATIONALISEE, propriété de la nation, c’est-à-dire des ouvriers qui y travaillent et même propriété de ce cadre dirigeant. Au lieu de nous décrire une direction d’entreprise publique et des syndicats qui travaillent main dans la main pour le succès de tous, on nous présente un combat de classes car c’est de cela qu’il s’agissait. Les lois AUROUX ? ben, très insuffisant.

En fait, les nationalisations ont été gérées comme des entreprises privées.

Elles n’ont pas résisté au tsunami néo-libéral venu d’outre-Manche et d’outre-Atlantique

10 députés PCF comme en ...1958 et Le Pen député gaulliste.

publié le 19 juin 2012, 07:36 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 3 janv. 2015, 08:38 ]

  

    Le Front de Gauche après une campagne pour la présidentielle formidable qui défraya la chronique et mis en mouvement le peuple de France obtient 10 députés en métropole. La montagne des 4 millions de voix Mélenchon accouche d’une souris. Il aurait pu aisément en obtenir 16 (lien Front de Gauche : les désastres du scrutin majoritaire) ; Mais même dans ce cas, on eût été loin des 35/40 députés qu’il pouvait espérer. J’ai pris l’exemple du Haut Pays lorrain (lien Le pays haut Lorrain, rouge en bas) parce que j’ai pensé qu’avec 5 conseillers généraux sur les 7 cantons de la circonscription, avec 18% et plus à Mélenchon, le siège de député ne devait pas échapper au PCF : il suffisait que 5 à 6% d’électeurs passent du PS au FG : avec 24% des voix, en tête de la gauche, le candidat communiste était qualifié pour le second tour et l’élection ne pouvait pas lui échapper . Pourquoi ce schéma ne s’est-il pas réalisé ? Attendons la voix des experts. Une chose est sure : la présidentialisation du régime et sa bi-polarisation est une tragédie pour la démocratie.

    Le Front de Gauche a mené campagne sur un thème profondément démocratique et révolutionnaire : "Prenez le pouvoir !" Loin de le prendre, les Français l’ont délégué à un seul parti qui dispose de tous les pouvoirs dans l’hexagone sauf le pouvoir économique -à l’exception de ce qui reste du secteur public-.

     Étrangement ce chiffre de 10 députés me fait penser à la situation de 1958, année terrible avec le "coup du 13 mai" et le changement de république. De Gaulle fait adopter par referendum une nouvelle constitution. Cette constitution prévoit une Assemblée nationale laquelle est élue au scrutin d’arrondissement à deux tours -c’est le système d’aujourd’hui- et non plus à la représentation proportionnelle comme sous la IV° république. En janvier 1956 eurent lieu les dernières élections de la IV° république. On en trouvera les résultats intégraux sur le site suivant : http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/histoire-1946.asp . Ainsi avec 25,7% des voix, le PCF obtenait 27% des députés soit 147. Avec 11,4%, les poujadistes en obtenaient 51 (9,4%) dont Le Pen Jean-Marie.

    En 1958, Le système du scrutin majoritaire à deux tours fait s’effondrer le nombre de députés communistes qui passe à 10.

 

En 1958, le PCF était seul contre tous

    Il s’en est fallu de peu que le PCF passât à zéro député car, à cette date, il n‘avait aucun allié. Le PS-SFIO était au gouvernement du général De Gaulle, la SFIO se présentant comme « la figure de proue de la V° république » (sic). En voici une preuve parmi mille autres. Le Monde -numéro daté du 29 novembre 1958- publie un communiqué du secrétariat général de l’UNR (Union pour la Nouvelle République), parti gaulliste créé pour l’occasion, qui déclare "l’UNR invite les électrices et électeurs d’Arras à donner massivement leurs voix au second tour à M. Guy Mollet, ministre du général De Gaulle". Guy Mollet était le secrétaire général du PS-SFIO. Sur la même page, le journal nous informe que, dans la Nièvre, "le candidat communiste se désiste pour M. Mitterrand". Ce qui suscite ipso facto, une réponse de Mitterrand -lequel ne veut surtout passer pour un allié des communistes- dans l’édition du lendemain "il n’y a aucun accord particulier pour un désistement local. C’est donc d’un retrait qu’il s’agit et non d’un désistement (…)"[1].

    Dans le cadre d’une campagne vigoureusement anti-communiste, le PCF obtient, seul contre tous, malgré tout, 10 sièges. Ce que le Front national de la famille LePen n’a jamais réussi à faire.

    On voit les conséquences du changement de mode scrutin.

 

Exit le salariat modeste.

    Le nombre de députés à la Chambre a baissé de manière substantielle (de 544 à 465). Mais sous la IV°, tout se passait au Palais Bourbon. Avec De Gaulle, priorité est donnée à l'Élysée et à Matignon.

    Dans ces condition, le poids des professions libérales au sein de l’assemblée augmente, passant de 25,7% à 31,8% : l’effondrement du nombre des représentants de ce que l’INSEE appelle aujourd’hui le "salariat modeste" (ouvriers et employés) est bien évidemment lié à la disparition du groupe communiste. Avec 10 sièges, le PCF n’a plus de groupe à l’assemblée nationale [2]. C’est évidemment lui qui, dans la logique de sa promotion de cadres ouvriers, présentait des ouvriers et des employés à la députation. Dans le même ordre d’idées, hors tableau, le nombre de femmes passe de 19 à 6. Le PS-SFIO présentait, quant à lui, beaucoup d’enseignants et de postiers, son recul explique la baisse du nombre de fonctionnaires.

 

Tableau 1

"Moins d’ouvriers et de fonctionnaires, plus de cadres, d’industriels et de commerçants "

source : Le Monde, 2 décembre 1958

 

Professions

1956

1958

Avocats

59

57

Médecins

38

37

Autres prof. Libérales

43

54

Fonctionnaires

132

92

Cadres

46

60

Ouvriers & employés

58

7

Agriculteurs

66

52

Industriels & commerçants

65

74

Militaires

8

8

Ecclésiastiques

2

3

Divers

27

21

Total

544

465

 

    Ainsi que l’écrivit l’hebdomadaire Témoignage Chrétien (classé à gauche) : "la classe ouvrière campera hors du Parlement". En revanche, le gaullisme fait entrer nombre de patrons dans l’hémicycle. Avec les "cadres", les industriels et commerçants représentent presque 29% des députés -au lieu de 20% sous la IV°-.

 

Tableau 2

« Si la représentation proportionnelle avait joué… »

source : Le Monde, 6 décembre 1958 (R.P. = proportionnelle ; S.M. : scrutin majoritaire de 1958)

 

Partis

Sièges obtenus

 

R.P.

S.M.

PCF

88

10

SFIO

72

40

Div. Gauche

8

2

Radicaux

23

13

Centre gauche

31

22

MRP - DC

42

57

UNR

82

189

"Modérés"

94

132

Ext-droite

15

1

NB. Le tableau indique le nombre de députés qu’aurait obtenu chaque parti ou tendance avec le régime de la représentation proportionnelle (R.P.) et le nombre qu’il a obtenu avec le scrutin majoritaire (S.M.). DC indique les députés catholiques qui ont opté pour l’Algérie française (Démocratie chrétienne, sic). L’appellation "Modérés" est une farce : il s’agit en réalité des Indépendants&Paysans constituant la droite/droite extrême (LePen en était).

 

    A cette date, le journal Le Monde pointe les effets du mode de scrutin. Avec ses 19% des voix (chute importante par rapport à 1956) le PCF eût obtenu 88 sièges et non pas 10 ! En revanche l’UNR est sur-représentée.

    Présentation détaillée des élections de 1958 : article Wikipaedia Élections législatives françaises de 1958.

 

 

Le Pen était alors un gaulliste affiché.

    J.-M. Le Pen, en 1958, se présente avec l’étiquette des Indépendants & Paysans.[3] Son gaullisme est alors sans fard  Voici le texte de sa profession de foi (en rouge, mes commentaires).

 

« Fédération de la Seine du Centre national des indépendants (Frédéric-Dupont, Julien Tardieu)

Parisiennes, Parisiens,

Hier (élections de janvier 1956) vous m'avez élu (député poujadiste) pour lutter contre le "système" (les guillemets sont de lui) et ses injustices fiscales (obsession lepéniste) et sociales, pour combattre la trahison communiste et le défaitisme.

Pendant les trois années de mon mandat, j'ai lutté contre le système à l’Assemblée et dans le pays. J'ai combattu de toutes mes forces le communisme et ses alliés défaitistes tels que Mendés-France. (Mendès-France détestait les communistes au point de refuser leur voix si celles-ci devaient faire la majorité à la Chambre)

J'ai quitté le Parlement pour aller rejoindre vos fils et vos frères et combattre à leurs côtés, en Algérie .

Le sursaut national du 13 mai et l'arrivée du Général du Gaulle ont balayé les institutions mauvaises ; il vous reste maintenant à exclure par votre vote les hommes qui, imposés par les états-majors des partis, rêvent encore de ressusciter le système.

Aujourd'hui je vous convie à vous unir autour du Général de Gaulle, Il a restauré le prestige de la France dans le monde. Il sauvera l'Algérie française (à cette date déjà, les partisans de l’Algérie française se déchaînaient contre les gaullistes dont ils soupçonnaient qu’ils n’étaient pas de vrais partisans de l’Algérie française). Il donnera à la France sa vraie place dans une Europe renforcée (LePen pour la construction européenne, engagée l’année précédente par le traité de Rome !).

Demain nous l'aiderons à faire une politique sociale généreuse, une politique financière basée sur la confiance et sur une fiscalité réformée, une politique économique exclusive de dirigisme (le patronat lui-même était pour l’intervention de l’État au profit des entreprises et c’est ce que les gaullistes vont faire) et basée sur l'expansion dans la liberté.

Nous nous acharnerons à résoudre le problème n°1 : celui du logement.

Face aux impérialismes russe ou complices, nous veillerons à la sauvegarde de la civilisation occidentale et chrétienne (traditionalisme maurrassien).

Accordez-moi votre confiance. Je serai votre ami des bons et mauvais jours. Notre cher quartier par ses vieilles pierres et sa jeunesse estudiantine unit le passé et l'avenir, la tradition et le progrès.

Vive Paris ! Vive la France !

Voici les grandes lignes de mon programme

ALGÉRIE -SAHARA : une Algérie française qui, par la voie d’une révolution sociologique, économique et sociale, marchera vers l’intégration (lire son discours à la Chambre du 28 janvier 1958 [4]). L’exploitation des immenses richesses sahariennes (cela est de l’impérialisme authentique !), équilibrera rapidement les efforts que la métropole sera obligée de faire.

Etc… ». Fin de citation.

    Le Pen put ainsi se faire élire député de Paris au scrutin d’arrondissement.

 

Le FN et la proportionnelle.

    Le FN a eu la possibilité de faire élire des députés grâce au mode de scrutin proportionnel. C’était en 1986, les socialistes au pouvoir avaient procédé à cette réforme électorale qui était une de leurs promesses de 1981. C’était une bonne occasion de faire élire des ouvriers puisque, paraît-il, le FN est un parti ouvrier. Quelle plaisanterie.

    Députés FN élus à la proportionnelle en 1986 [5] : les 35 députés FN qui siégèrent de 1986 à 1988 déclarèrent les professions suivantes : 9 chefs d’entreprise (dont deux chefs d’exploitation agricole), 4 cadres de direction, 15 professions libérales (2 médecins, 2 experts-comptables, 2 chirurgiens-dentistes, 6 avocats, 3 journalistes…), 5 hauts-fonctionnaires (dont un conseiller d’État, un officier…). Plus prolo tu meurs…  

    Gigantesque escroquerie. lire aussi : Les fantômes du Front national...



[1] Le PCF a appelé à voter pour Mitterrand au second tour parce que celui-ci avait fait campagne pour le "non" lors du referendum sur la nouvelle constitution. Le parti socialiste de Guy Mollet votant "oui" (avec quelques opposants cependant). Mitterrand était à la tête d’un petit groupe, l’UDSR.

[2] Contrairement à ce qu’indique le PROGRÈS de Lyon qui n’en est plus à une erreur près. Ce journal indique que le PC-FG n’aurait plus de groupe à la chambre des députés pour la première fois depuis le Libération. C’est faux. De 1958 à 1962, les 10 députés communistes étaient chez les "non-inscrits".

[3] Ce parti a été créé par Antoine Pinay, industriel, ancien membre du Comité National de Vichy sous Pétain. C’est un des partis les plus importants de la IV° république.

[4] Dans lequel on peut lire : "j'affirme que dans la religion musulmane rien ne s'oppose, au point de vue moral, à faire du croyant ou du pratiquant musulman un citoyen français complet. Bien au contraire. Sur l'essentiel, ses préceptes sont les mêmes que ceux de la religion chrétienne, fondement de la civilisation occidentale. D'autre part, je ne crois pas qu'il existe plus de race algérienne que de race française. Il y a une collectivité que les us et coutumes ancestraux séparent à la fois du monde moderne et de la collectivité d'origine métropolitaine. (…). Offrons aux Musulmans d'Algérie, (…) l'entrée et l'intégration dans une France dynamique, dans une France conquérante. Au lieu de leur dire comme nous le faisons maintenant : vous nous coûtez cher, vous êtes un fardeau, disons-leur: nous avons besoin de vous. Vous êtes la jeunesse de la nation".

[5] Source : http://www.assemblee-nationale.fr/8/deputes8.asp lire aussi l’article de Wikipaedia : Élections législatives françaises de 1986.

une affiche de mai 68 revisitée...

publié le 9 mai 2012, 07:34 par Jean-Pierre Rissoan


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