P.A.C.A.

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D’où vient le vote Front de gauche ? l’exemple haut-alpin (05)

publié le 2 mars 2013, 05:20 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 8 mai 2013, 06:35 ]

    Je me propose, ici, d’examiner l’origine des voix obtenues par le Front de Gauche en 2012, dans 10 communes des Hautes-Alpes, communes qui ont placé Jean-Luc Mélenchon en tête de tous les candidats. J’ai exploité les résultats de la présidentielle 2002 qui fut un grand défouloir, où toute la palette des partis était présente : les trois courants trotskistes dont LO et LCR -futur NPA-, PCF, PS, Radicaux, les Verts et une autre écologiste, Mme Lepage, Chevènement (MDC), le parti des Chasseurs CPNT, un centriste -Bayrou (MD) -, l’UMP, deux candidats de la droite extrême : Boutin et Madelin, enfin deux candidats d’extrême-droite : LePen et Mégret (MNR). Comme l’écrit dans sa profession de foi Madelin - qui avait déjà beaucoup d’éléments fournis par les instituts de sondage - : ce "premier tour, c’est celui du vrai choix. Celui du cœur ; (sic)". Bref, les Français se sont laissé aller mais, justement, cela permet de lire l’ampleur de l’éventail.

    Je vais d’abord fournir l’indispensable appareil statistique avec des tableaux venus de Word, ce qui n’est pas adapté au logiciel du site. Pardon. On fera mieux la fois prochaine. Pour chaque unité géographique, je donne les résultats des cinq candidats arrivés en tête plus le score du PCF, en 2002, parce que c’est un parti créateur du Front de Gauche. Puis, je procéderai à l’exposé de deux aspects fondamentaux du vote dans les Hautes-Alpes : l’impact de leur passé protestant : même si le vote catholique a été aussi important et si d’autres communes étaient indifférentes, le vote protestant est plus important qu’ailleurs : le département appartient au Grand Sud du protestantisme. Seconde originalité : l’importance du vote dit des "chasseurs", CPNT, vote qui a été dénigré par les élites parisiennes et autres et sur lequel il convient de revenir.

    Enfin, j’analyserais, les résultats commune par commune.

 

Vote à la présidentielle 2002

dans les communes où le FDG est arrivé en tête à la présidentielle 2012.

 

Département

Htes-Alpes

%exp.

France

%exp.

Abst.%

24,2

 

28,4

 

1er

UMP

17,3

UMP

19,9

2ème

FN

14,4

FN

16,9

3ème

PS

13,2

PS

16,2

4ème

CPNT

7,3

MD

6,8

5ème

MD

6,9

LO

5,7

PCF

11ème

3,4

7ème

3,4

 

 

Com

Chât.-de-Chabre

Salérans

St.-Auban-d’Oze

Ventavon

Moydans

Insc.

242

71

64

346

60

Vot.

193

51

50

275

45

Abst.%

20,3

28,2

21,9

20,5

25,0

1er

PS

16,8

FN

48%

LO

34%

CPNT

16,5

CPNT

15,9

2ème

FN

14,1

UMP

8

PS

19,2

FN

16,1

UMP

15,9

3ème

CPNT

12,4

BOU

6

NPA

12,8

UMP

10,5

FN

13,6

4ème

NPA

11,4

PCF

6

FN

8,5

PS

10,5

PCF

13,6

5ème

UMP

9,7

Rad.

4

Ecol.

6,4

PCF

8,9

PS

13,6

PCF

9ème

4,9

--

 

6ème

6,4

---

 

---

 

 

 

Com

Abriès

Ristolas

Puy-Sanières

Etoile-St-Cyr.

Insc.

322

85

143

31

Vot.

245

59

117

24

Abst.%

23,9

30,6

18,2

22,6

1er

CPNT

12,1

CPNT

27,3

FN

16,5

CPNT

34,8

2ème

UMP

12,1

LO

10,9

NPA

13,0

NPA

17,4

3ème

MD

11,2

UMP

9,1

PS

9,6

Verts

17,4

4ème

PS

11,2

MD

7,3

Verts

6,9

UMP

13,0

5ème

FN

9,1

MDC

7,3

UMP

6,9

MNR

4,4

PCF

12ème

3,5

10ème

3,6

8ème

5,2

5ème ex

4,4

 

 

Vote 2012

dans les communes où le FDG est arrivé en tête au 1er tour

 

 

Département

Htes-Alpes

%exp.

France

%exp.

Abst.%

17,1%

 

20,5%

 

1er

UMP

26,1

PS

28,6

2ème

PS

24,5

UMP

27,2

3ème

FN

17,7

FN

17,9

4ème

FDG

14,0

FDG

11,1

5ème

MD

9,9

MD

9,1

 

Com

Chât.-de-Chabre

Salérans

St.-Auban-d’Oze

Ventavon

Moydans

Insc.

260

85

67

417

52

Vot.

229

71

59

359

48

Abst.%

11,9

16,5

11,9

13,9

7,7

1er

FDG

25,6

FDG

27,1

FDG

25,4

FDG

21,5

FDG

27,1

2ème

FN

25,1

FN

22,9

LO

22,0

PS

21,3

MD

25,0

3ème

PS

19,2

UMP

21,4

PS

20,3

FN

19,8

UMP

16,7

4ème

UMP

16,3

PS

15,7

UMP

10,2

UMP

18,7

FN

14,6

5ème

MD

6,6

MD

5,7

NPA

5,1

MD

12,5

PS

12,5

 

Com

Abriès

Ristolas

Puy-Sanières

Etoile-St-Cyr.

Insc.

312

84

186

32

Vot.

273

68

167

27

Abst.%

12,5

19,1

10,2

15,6

1er

FDG

30,3

FDG

33,3

FDG

24,2

FDG 

42,3

2ème

UMP

21,7

UMP

27,3

PS

22,4

PS

19,2

3ème

PS

20,9

MD

16,7

FN

21,8

MD

11,5

4ème

MD

7,5

PS

15,2

UMP

10,3

FN

11,5

5ème

EELV

7,5

LO

3,0

MD

9,7

UMP

  3,9

 

 

    Avant de procéder à l’analyse commune par commune, il convient de mettre en avant deux tendances lourdes propres au département des Hautes-Alpes. Il s’agit de l’importance de la présence protestante, d’une part, et d’autre part, dans un tout autre registre, de l’importance du vote Chasse-Pêche-Nature & Traditions (CPNT) dont le candidat obtient 7,3% des voix en 2002, est placé 4° par les haut-alpins alors qu’au plan national CPNT est placé en 9ème position avec 4,3% des suffrages exprimés.

 

1. Les implications du vote protestant

 

Les Hautes-Alpes relèvent du croisant méridional de la géographie française du protestantisme qui s’étend de la Saintonge jusqu’au Sud des Alpes (Vaucluse, Alpes-de-Haute-Provence…).[1]

Dans les communautés du Sud, en phase de vieillissement, la proportion de jeunes de moins de 35 ans (15%) est deux fois moins élevée que dans les grandes agglomérations (30%). En termes de catégories socio-professionnelles, on trouve un poids élevé des retraités dans les communautés du Sud (32% contre 28% en moyenne). Mesuré dès la IIIème République (voir André Siegfried, 1913), le penchant des protestants Français pour la gauche non-communiste et pour le centre est un phénomène ancien mais qui a tendance à s’estomper depuis plusieurs dizaines d’années. Aujourd’hui, on note toujours une attirance plus forte pour les formations socialistes (26,6% contre 24,9% chez les catholiques), écologistes (12,5% contre 9,3% contre chez les catholiques) et centristes (13,9% contre 11,5% chez les catholiques). Les protestants sont cependant loin d’avoir un comportement politique homogène à l’échelle nationale. A l’inverse du Grand Est [2] par exemple, chez les protestants du Grand Sud, l’extrême-gauche (hors PC selon la méthode IFOP) pèse deux fois plus qu’à l’échelle nationale (8,7% contre 4,6%) mais le poids de la gauche parlementaire (PC/PS/Radicaux) n’y est pas plus élevé que la moyenne protestante française (40,9% contre 41,7%).

    A ces observations qui font autorité, j’ajouterai cependant quelques perfectionnements. D’abord, le protestantisme du Grand Sud est un protestantisme rural qui concerne à la fois les artisans et les paysans. C’est ce qui explique que, naguère, le parti radical faisait des scores remarquables dans ces régions : Ainsi, en 1973 et en 1978, aux élections législatives, les Radicaux étaient nettement en tête devant les Socialistes en Hautes-Alpes. De plus, les protestants du Grand Sud ont poussé leur attachement à la République jusqu’à ne pas hésiter à voter communiste. Je pense au canton vivarois de Vernoux-en-Vivarais, aux Vans (07). On retrouve cette tendance dans le vote communiste ici ou là dans le département des Hautes-Alpes (21,4% en 1973). L’attachement au centre, comme il est dit dans cette note IFOP, est confirmé par les bons scores obtenus par F. Bayrou dans le département.

    Enfin, concernant le vote FN, les protestants votent moins que les catholiques pour cette orientation. C’est cependant variable selon les régions. Si, au niveau national, les protestants votent FN à hauteur de 7,9%, ceux de la Région parisienne ne le font que pour 2,8% mais ceux du Grand Est montent à 16,6% et ceux du Grand Sud redescendent à 7,1%.

 

2. Le vote Chasse-Pêche-Nature & Traditions : au-delà des idées reçues

 

    Cette liste a eu fait rire le frère Duhamel quand il a prononcé pour la première fois son libellé en donnant les résultats des élections européennes, il y a longtemps. Face aux écolos incarnant la modernité d’une jeunesse urbaine sensible à la dégradation de l’environnement et à l’avenir de la planète TERRE, les chasseurs étaient caricaturés comme des viandards, rétrogrades, paysans archaïques repliés sur leur mode de vie suranné.

    En réalité, cette apparition de la liste CPNT est due à une déficience du PCF qui, ce n’est un scoop pour personne, a traversé une crise violente depuis 1981. Dans un article scientifique [3], un solide rappel à l’activité des militants communistes dans le milieu de la chasse est effectué. Petite citation : "Grâce à des travaux précédents menés sur le même espace local, on peut en effet donner de la profondeur historique à la protestation des chasseurs et montrer comment les revendications des chasseurs ont été portées par le PCF avant de l’être par CPNT". Et encore

"La situation change sensiblement à la fin des années 1990 avec une réorientation stratégique du vote des chasseurs vers CPNT lorsque les communistes participent à la coalition gouvernementale de « gauche plurielle » avec les Verts puis s’abstiennent lors du vote de la loi chasse du 28 juillet 2000. Celle-ci, suivant les recommandations de la Commission européenne, réduit davantage les dates de chasse et instaure le mercredi sans chasse. « Ce jour-là le groupe communiste a enterré la chasse populaire » martèlent alors les cadres locaux de CPNT. Selon le secrétaire de la société de chasse de Saint-Joachim : « On a été trahi par le PC, avec la loi Patriat [4]. Alors depuis, on a compris. Ça c’est resté en travers de la gorge. Jusqu’à présent, nous aussi on soutenait le maire de Saint-Joachim, tout se passait bien. Mais avec la trahison, alors là… » ".

    Il ne faut pas juger CPNT uniquement à partir du ralliement de son dernier leader à la candidature Sarkozy en 2012. Ici, nous intéresse la candidature Saint-Josse de 2002. La lecture de la profession de foi Saint-Josse de 2002 - un quatre-pages - ne laisse en rien penser qu’il s’agit-là d’une candidature crypto-FN, encore moins crypto-fasciste. Il n’en est rien.

    La profession de foi -nationale- est intitulée "La France des différences". Quelle est la clé ? elle est donnée en bas de la page 3 : "la construction communautaire actuelle est incompatible avec le respect des démocraties et des différences. (…) l’uniformité est la religion des technocrates (de l’Europe supranationale et centralisée)". En revendiquant plus de "subsidiarité", CPNT opte pour la "construction d’une Europe des peuples où chacun conservera son identité".

    Autre thème très fort : la défense de la ruralité. Refusant "une désertification du monde rural", CPNT veut "une politique agricole qui préserve le maintien des exploitations", le mouvement refuse "un aménagement de l’espace (…) par des textes contraignants tels que les « directives oiseaux et habitants » (Natura 2000)". Les ruraux veulent rester "les principaux acteurs de la protection de l’environnement et de l’aménagement de l’espace".

    De plus, CPNT propose des mesures pour "Revitaliser le tissu économique", et surtout "Rétablir et maintenir les services de proximité publics et privés, maternités, cliniques, crèches, écoles, postes, gares, gendarmeries, aides aux personnes âgées, petits commerces, etc... ". En voulant "Promouvoir une meilleure répartition des ressources afin que chaque citoyen retrouve sa place dans la société", on peut, peut-être, deviner chez CPNT une (très) timide volonté de redistribution des richesses.

    Si le paragraphe sur le respect des traditions est quelque peu ringard, "coutumes, (…), métiers traditionnels", on ne trouve en revanche aucun mot sur l’immigration et donc aucune tentative de piétiner les plates-bandes de LePen ou Mégret.

    Au total, on peut admettre qu’un chasseur en colère vote pour ce candidat, de même qu’un paysan alarmé par la désertification de son « pays ». En tout cas, les électeurs communistes de Molines-en-Queyras, par exemple, n’ont pas hésité : le vote communiste est passé de 18 électeurs en 1995 à 1 (un) en 2002, le parti des chasseurs se plaçant en pôle-position avec 35 voix (absent en 1995) dans cette commune fortement marquée par le protestantisme. Mais le discours pour une autre Europe -non anti-européen on l’aura constaté - peut convenir aussi à des chevènementistes dont une tendance a d’ailleurs rallié l’étendard du Front de Gauche.

 

3. Analyse par commune

    Analyse difficile. D’une part, le nombre d’électeurs inscrits a progressé -pas toujours- et, d’autre part, partout le nombre de suffrages exprimés a augmenté grâce à une très fort mobilisation. Il est vrai que 2002 fut catastrophique sur ce plan. Si bien que la plupart des "grands partis" progressent pas rapport à 2002 et il est difficile de dire avec précision d’où viennent les voix Front de Gauche (FDG). Le recul en voix et en pourcentage de certains partis est alors un indice précieux. L’influence relative, donnée par le pourcentage des voix exprimées, est aussi un indicateur important.

Châteauneuf-de-Chabre

42 suffrages exprimés supplémentaires. Tous les principaux partis gagnent des voix. Le FDG s’empare de la 1ère place. CPNT disparaît (23 voix en 2002). NPA [5] et LO qui obtenaient ensemble 30voix et 16% passent à 2 voix. Compte-tenu du renouvellement de l’électorat en dix ans, on ne peut exclure que le FDG ait obtenu des voix au sein des 42 exprimées supplémentaires.

Salérans

20 suffrages exprimés de plus, considérable dans ce petit village de 85 inscrits. En 2002, forte abstention et 24 électeurs sur 50 avaient donné leur voix au FN (48%). En 2012, le FN tombe à 16 voix et baisse de 25%. Ces voix sont vraisemblablement allées sur Sarkozy. On ne peut exclure un vote FDG.

Le potentiel - c’est-à-dire le nombre de voix 2002 susceptibles d’aller sur le FDG en 2012 - était de 10 voix (somme de PCF + LO-NPA + CPNT + Chevènement). Mélenchon obtient 19 voix, double donc ce potentiel.

Saint-Auban-d’Oze

12 exprimés supplémentaires. Village très à gauche qui avait placé dans son tiercé de 2002, LO, le PS et le NPA ! CPNT n’avait obtenu qu’une voix et le PCF, trois. En 2012, avec 15 voix et 25,4% des suffrages exprimés, le FDG vire en tête. LO perd 3 voix, le NPA en perd 3 sur 6. Éva Joly n’obtient aucune voix là où Corinne Lepage et Noël Mamère en avait obtenu cinq.

Ventavon

Avec 86 voix supplémentaires, tous les grands partis gagnent des voix. Ce village avait placé « les chasseurs » en tête, en 2002. NPA et LO avaient obtenu ensemble 26 voix, le PCF 24 et presque 9% -beaucoup plus que son score départemental et national-. On a donc ici un village de « gauche ». D’ailleurs, le PS passe de 10,5 à 21,3% : bonjour, le vote utile. En 2012, les voix d’extrême-gauche passent de 26 à 6, les chasseurs disparaissent -électoralement parlant, bien sûr ! -

Moydans

Petit village qui perd des habitants. Mais l’abstention passe de 25% à 7,7 ! Il y a donc 4 suffrages exprimés supplémentaires… le "potentiel" FDG se montait à 18 voix (CPNT + PCF + LO), il n’en obtient que 13 mais se place en tête. LO fait zéro voix. Il est probable que tous les chasseurs n’ont pas voté FDG. Mais, la perte de 8 électeurs inscrits donne à penser que la mort à fait son œuvre.

Abriès

Perte d’habitants. Mais 35 exprimés supplémentaires. Le FDG est nettement en tête avec presque le tiers des suffrages alors que le PCF était en 12ème position en 2002. Commune marquée par le protestantisme. F. Bayrou ainsi que le FN perdent des voix par rapport à 2002. LO e NPA obtinrent 34 voix en 2002 et plus que 13 en 2012. Mélenchon a remis la plupart des chasseurs dans le droit chemin (humour) avec son discours vigoureux pour une autre Europe, pour l’égalité d’accès des Français aux services publics y compris ceux des cantons montagnards. 

Ristolas

Petit village du Queyras, le long de la frontière italienne, qui perd quelques habitants malgré son dynamisme. L’abstention passe de 30% à 19 soit 11 voix exprimées de plus. Le FDG obtient exactement le tiers des inscrits. En 2002, Jospin avait obtenu 1 voix : condamnation vigoureuse d’une politique qui délaisse les campagnes. Bayrou passe de 4 à 11 voix et l’on retrouve l’analyse de l’IFOP sur le goût des protestants pour le centrisme. Outre les voix CPNT, celles de LO et NPA, on peut penser que les 4 voix du Mouvement des citoyens (MDC) de Chevènement se sont portées sur Mélenchon.

Puy-Sanières

43 électeurs inscrits supplémentaires et 50 voix exprimées de plus. Tous les grands partis gagnent des voix. Le FN perd sa 1ère place au profit du FDG. 6 voix aux chasseurs, 17 à l’extrême-gauche, 6 au PCF en 2002, avec ses 40 voix et 24,2% en 2012, le FDG retrouve largement ses petits ! de nouveaux venus se sont joints aux anciens.

Etoile-Saint-Cyr

Très petit village. Pour l’essentiel, le FDG récupère la plupart des voix qui s’étaient portées sur les chasseurs et le NPA de Besancenot en 2002.

 

    En conclusion, le FDG a récupéré - outre les fidèles du PCF - toutes les voix ou presque des "chasseurs", la plupart des voix LO et NPA, et parfois des voix chevènementistes et même écologistes. Avec plus de 14% des exprimés, J.-L. Mélenchon fait trois points de plus que son score national. C’est d’autant plus méritoire que, naguère, le score PCF des Hautes-Alpes était dans la moyenne sans plus. Cela confirme que l’influence du FdG va au-delà de l’influence communiste traditionnelle. Il reste à travailler pour atteindre les 21% de 1973…

 



[1] Pour ces informations, je m’appuie sur la note « Éléments d’analyse sur la sociologie, la géographie et le positionnement politique des protestants en France », IFOP, publié en 2009. Note élaborée à la demande de REFORME, publication de la Fédération protestante de France et dont je me suis déjà servi pour mes articles sur l’Alsace et la Moselle. Note disponible en ligne.

[2] Alsace-Lorraine-Franche-Comté.

[4] François Patriat fut chargé, en juillet 1999, d'une mission sur la chasse, auprès du ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire (Dominique Voynet, ennemie jurée des chasseurs, JPR)

[5] En 2002, Besancenot se présentait sous l’étiquette LCR. Pour des raisons de commodité, je parle du NPA en 2002, le lecteur rectifiera de lui-même.






    

Avignon 2012, rue de la Carreterie...

publié le 20 juin 2012, 04:47 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 10 mars 2013, 03:08 ]

    Je réponds à l’appel de lecteurs avignonnais. Condoléances d’abord pour ce score désastreux du FN, même dans les « hautes terres » de l’est du département. Heureusement, Avignon sauve l’honneur et réalise de bons scores pour la gauche et même -surtout- le Front de gauche (FdG).

    Je rappelle que pour lire les résultats électoraux d’Avignon, il faut avoir sous les yeux la carte de la ville intra-muros lien : LE F.N. : CAS DU VAUCLUSE (4ème PARTIE), Avignon.

 

Résultats pour la ville

    Dans la ville d’Avignon, Jean-Luc Mélenchon arrive quatrième avec le score très honorable de 13,46% soit un score supérieur à sa moyenne nationale : 11,1%. Le score de Front de Gauche est encore meilleur au premier tour des législatives. En France métropolitaine, le FdG recule de 11,1 à 7,1%, mais à Avignon, il passe de 13,46 à 15,85% soit un gain de 2,4%. Le FdG avait un bon candidat : M. Castelli, conseiller général d’Avignon-sud.

Avignon n’est pas la seule ville de la circonscription. Il faut lui adjoindre les villes de banlieue que sont Le Pontet -port fluvial avec une zone industrielle- et Morières-Lès-Avignon, également très ouvrière. Sur l’ensemble de la circonscription, M. Castelli obtient 14,8%, inférieurs aux chiffres d’Avignon à cause d’un score désastreux au Pontet où l’héritier du criminel de l’attentat du Petit-Clamart, candidat du FN, obtient un score très élevé [1].

 

Résultats pour Avignon intra-muros

    Dans les articles précédents, j’ai montré ce qui différencie les faubourgs construits hors les murs de l’enceinte du XII° siècle. Tout oppose les faubourgs de la Carreterie au nord-est et ceux de Raspail - Vernet au sud-ouest. La sociologie et les traditions historiques ne sont pas les mêmes.

    Le tableau suivant donne les chiffres du 1er tour de la législatives de juin 2012.

    Notons d’abord que sur l’intra-muros, Castelli du Front de Gauche réalise un score excellent : 16,7% (col.4) soit 2,4 fois plus qu’au national.

    Le quartier de la Carreterie vote aux bureaux 102 et 103. Raspail - Vernet c’est 451 à 453. J’ai isolé ces bureaux de vote dans les calculs (colonnes 5, 9 et 11).

    Comme tous les partis autoritaires et fascisants, le FN a la même influence chez le salariat modeste et chez la bourgeoise patronale, dans les quartiers de droite et dans les quartiers de gauche (col.11).

    En revanche le caractère de classe du front de Gauche et de l’UMP s’exprime par le différentiel d’influence dans ces deux types de quartier. Les bureaux 102 et 103 donnent 19,96% à M. Castelli, loin devant le FN (16,5%). Castelli arrive second devant la candidate de droite. Les trois partis qui peuvent être classés à gauche (FdG+PS+V) obtient dans ce faubourg du nord-est, 55,2% contre 35,5 à la somme UMP - FN.

    Il en va tout autrement à Raspail - Vernet. Ici, la droite fait plus du double que chez les manants du nord-est. La palme d’or revient au bureau 452 qui donne 44,6% à la droite. 451 est pas mal non plus avec 39,8% à la droite et 19,2 au FN. Dans ces quartiers huppés, on constate que le FN est loin de faire de la figuration : une bonne partie de la classe dominante vote pour lui. Alors que les quartiers éduqués par une lointaine présence communiste s’éloignent de lui.

    A Raspail-Vernet, droite et extrême-droite font 56,8% et la gauche plurielle, comme on ne dit plus, 35,8.   

 

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

Bureau

Ins.

Exp

FG

 

PS

V

UMP

 

FN

 

101

986

550

87

 

144

32

168

 

74

 

102

1038

576

113

20%

176

35

111

19,2

88

16,5

103

634

351

72

95

21

67

65

s/total

1672

927

185

 

271

56

178

 

153

 

211

1130

630

115

 

172

33

177

 

82

 

212

1057

655

109

 

189

35

189

 

93

 

331

959

520

116

 

142

30

124

 

69

 

332

878

500

109

 

139

31

136

 

48

 

333

854

479

71

 

127

35

153

 

56

 

451

750

457

55

 

11,3

95

10

182

 

40,2

88

 

16,6

452

668

419

57

78

10

187

58

453

1026

650

60

166

15

245

107

s/total

2444

1526

172

 

339

35

614

 

253

 

TOTAL

9980

5787

964

 

1523

287

1739

 

828

 

 

 

 

16,7

 

26,3

4,9

30,1

 

14,3

 

Source : établi à partir des chiffres de LA PROVENCE, édition d’Avignon.

 



[1] A cet égard, si le hasard et la nécessité faisaient se rencontrer au second tour, Castelli et Bougrenet de la Tocnaye, il faudrait demander à Mr Copé s’il appliquerait la règle du "ni-ni". Il faut avoir balancé par le bastingage tout l’héritage du gaullisme pour trouver des « valeurs communes » entre l’UMP et le FN.

LE F.N. : CAS DU VAUCLUSE (4ème PARTIE), Avignon

publié le 27 juin 2011, 02:06 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 10 sept. 2015, 06:39 ]

  12/07/2010  

Je vais m’intéresser ici au comportement électoral - sur la longueur - d’un secteur d’Avignon intra-muros. Secteur qui n’est pas sans rappeler le quartier d’Ainay à Lyon (2° arrondissement) ou le VIII° arrondissement à Paris.

                                      


source: publication festival d'Avignon

1.    Aperçu stratosphérique de l’histoire d’Avignon.

    Les villes médiévales ont souvent grandi en cercle concentriques. On entoure le bourg de remparts protecteurs au-delà desquels grandissent des faux-bourgs devenus faubourgs qui sont à leur tour intégrés dans la ville et protégés par de nouveaux remparts, et ainsi de suite. L’exemple de Paris et, à cet égard célèbre. Il en fut de même à Avignon. Les premiers remparts (XII° siècle) ont disparu et leur tracé est nettement visible sur un plan : c’est le « ring » formé par les rues Joseph Vernet, Henri Fabre, des Lices, etc., jusqu’à la rue de la Campane.

    Des Faubourgs se sont formés dont celui du sud-ouest - ce sont les quartiers Vernet et Raspail - et celui du nord-est -quartiers de la Carreterie et de St-Lazare-. Ils furent englobés dans l’enceinte de la seconde génération de remparts (XIV° siècle) qui, eux, existent toujours.

    Lorsque la gare ferroviaire dut être construite, elle le fut à l’extérieur des remparts, au sud, et pour faciliter son accès aux habitants de l’intra-muros ont construisit à travers l’ancien tissu urbain la rue de la République, axe nord-sud de type haussmanien qui va de la place de l’Horloge à la porte de la République qui ouvre sur la gare.

    Le faubourg du sud-ouest offrait de l’espace, ce qui explique le nombre élevé de bâtiments publics ainsi que - nous sommes dans la ville des papes - d’édifices religieux. Couvent des carmélites, Hospice Saint Louis, ancien Grand séminaire, couvent des Récollets, Chapelle de l’Oratoire…c’est donc également le quartier des hôtels particuliers. Ce fut en quelque sorte le Faubourg Saint-Honoré d’Avignon. Alors que La Carreterie et St Lazare furent plutôt le faubourg Saint-Antoine des sans-culottes…

2.    Géographie électorale.

    Entre la Rue de la République et les remparts actuels vers l’ouest, on a un électorat homogène qui est concerné par les bureaux de vote 451, 452 et 453. Je présenterai, quand cela est possible, les résultats groupés de ces trois bureaux qui forment mon secteur d’analyse.(en jaune sur la carte avec extension vers l'est).

    Les auteurs de l’histoire d’Avignon écrivent que « le dépeuplement du centre-ville s’est accompagné d’une spécialisation croissante dans les activités tertiaires où commerces de luxe et professions libérales représentent un pourcentage important des actifs tandis que les conditions de l’occupation du sol font monter les loyers » et, concernant plus précisément les quartiers Vernet et Raspail, « patrons et professions libérales y constituent plus du tiers des actifs ». Ouvrage écrit en 1980. Pour ce qui concerne La Carreterie et St-Lazare (bureaux électoraux n°102 et 103, entourés de rouge sur la carte), ils n’hésitent pas à parler d’un East End, allusion à la disparité célèbre à Londres avec le West End cossu. Depuis, le phénomène de boboïfication est bien connu des géographes et des édiles. Tout Avignon intra-muros n’y échappe pas. Cela se traduit au plan électoral bien évidemment. Mais Vernet-Raspail reste un bastion moins « bohème » que les quartiers « bobos », pour ce qui le concerne il faudrait davantage parler de gentrification.

    L’INSEE a construit des circonscriptions dites « infra-communales » pour s’approcher au plus près du quartier vécu. Ainsi sont les IRIS « Les îlots regroupés pour l'information statistique 2000 (IRIS-2000) forment un "petit quartier", qui se définit comme un ensemble d'îlots contigus. Les IRIS-2000 se déclinent en trois types de zones :- IRIS d'habitat : IRIS-2000 dont la population se situe entre 1 800 et 5 000 habitants ; ils sont homogènes quant au type d'habitat ; etc… ». L’IRIS0109 La Balance - Raspail correspond grosso modo à notre secteur des bureaux 451-452-453. En revanche, l’IRIS0113 déborde largement le quartier de la Carreterie-St Lazare. Ces réserves faites, on peut lire le tableau suivant :

Tableau I

Structure sociale des deux secteurs de référence

IRIS*

Pop. active

Agri.

ACCE

CPIS

B.P.

P.I.

EMPL.

OUVR.

S.M.

0109

1017

0

83

269

352

240

324

101

425

100%

100%

0

8,2%

26,5%

34,7%

23,6%

31,9%

09,9%

41,8%

0113

1641

3

126

197

326

451

543

321

864

100%

100%

-

7,7%

12%

19,9%

27,5%

33,1%

19,6%

52,7%

Source : établis à partir des statistiques INSEE.

*NB : la numérotation des IRIS n'a rien à voir avec celle des bureaux de vote.

 

    On voit tout de suite le profil différent de ces quartiers d’Avignon intra-muros. Le taux de bourgeoisie patronale (B.P.) qui regroupe les artisans, commerçants, chefs d’entreprise (ACCE) et les cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS) est de 34,7% en Vernet-Raspail et de 19,9% dans le quart nord-est de l’ intra-muros. Inversement le pourcentage d’ouvriers passe du simple (9,9) au double (19,6).

    Mais il y a d’autres angles d’attaque pour saisir la réalité concrète : ainsi, le taux d’enfants de 14ans et moins est de 7,8% dans l’ IRIS 0109 et de 14% dans l’autre. Le pourcentage d’immigrés est de 8% d’une part et 13,3% d’autre part ; le ratio retraités/population active est de 63% à Vernet-Raspail et de 30,2 à la Carreterie-St Lazare.

    Enfin, disons que l’importance numérique des Professions intermédiaires et des employés s’explique par la présence des nombreuses administrations civiles et, pour ce qui nous intéresse ici, religieuses. Fait à considérer dans ce département travaillé par l’intégrisme.

    Le manuel sur l’Histoire d’Avignon publie des cartes de résultats électoraux depuis 1945, sur lesquelles on distingue bien mon ‘secteur’ d’analyse. Je publie quatre de ces cartes en annexe.  Malheureusement, la légende ne donne que des fourchettes qui manquent de précision comme « de 60 à 75% » pour la carte n°4. Pour les résultats des présidentielles 2002 et 2007, pour les régionales 2010, les résultats publiés par le site du ministère de l’Intérieur sont évidemment bien meilleurs, ainsi que les résultats fournis par le Bureau des élections[1] de la ville d’Avignon. 

3.    Une tradition bien ancrée à droite.

On peut établir le tableau suivant.

Tableau 2

Comportement politique des deux secteurs de référence.

 

 

Carreterie- St Lazare

Vernet - Raspail

Avignon

Bureau*

102

103

451

452

453

23,4%

PCF 45

32,5

37,5

22,5

-15

-15

20%

UDCA 56

17,5

17,5

17,5

22,5

22,5

 

UNR58

-65

 

72,5

+80

+80

47,7%

VGE74

44

35

 

60/75

60/75

+60%

RPR78

45

45

 

+70

+70

     * = les chiffres qui suivent le libellé des partis indiquent la date de l'élection. PCF 45 = 1945

    A la Libération, alors que la ville d’Avignon votait à 23,4% pour le Parti communiste, le secteur Vernet-Raspail y était très rétif et ne donnait que moins de 15% à ce parti, alors que l’East End encore très ouvrier dépassait très largement les 30%.

    Le vote Poujade est très élevé dans le secteur, il dépasse le double du vote national. C’est une indication. Nonobstant, il faudrait connaître le vote pour le parti d’A. Pinay, les Indépendants & Paysans, qui est le parti de prédilection de ces catégories électorales. C’est d’ailleurs dans l’hypercentre d’Avignon -hors de notre secteur- où se concentre le petit commerce de détail que Poujade dépasse les 30%.

    L’opposition ouest-est avignonnaise s’exprime bien lors de la présidentielle de 1974. Au second tour, V. Giscard d’Estaing est battu sur Avignon mais le secteur lui donne un score s’étalant de 60 à 75% soit le double des bureaux 102 et 103. Ce dernier n’accordant que le tiers de ses voix exprimées au candidat de la droite, issu des Indépendants rappelons-le.

4.    De Le Pen à Sarkozy

Présidentielle 2002

    On connaît l’ambiance politique des élections 2002 : désintérêt, mécontentement des électeurs de droite devant une politique pas assez à droite proposée par l’UMP et Jacques Chirac, mécontentement à gauche pour une politique Jospin trop timorée… Beaucoup d’électeurs veulent manifester leur désamour et même donner un avertissement.

Tableau 3

Vote du secteur lors de la présidentielle 2002 (% des inscrits)

451

452

453

secteur*

vote

France

12,6

12,2

14,6

13,3

EXD 02

13,3

05,6

05,5

04,9

05,3

Mad-Bou

03,5

18,2

17,7

19,5

18,6

Total

16,8

14

13,2

14,2

13,8

2°tour LePen

13,4

                                     * secteur = ensemble des bureaux 451-452-453

    Le secteur a voté pour l’extrême-droite autant que la France entière. Le bureau 453 étant le plus extrémiste. Il y a un vote sur lequel on n’insiste jamais assez, c’est le vote Madelin. Madelin, c’est l’extrême droite économique et sociale. Je cite les mots-clés de son programme : "baisser les impôts, libérer le travail, encourager les entrepreneurs, libérer l'école, réformer enfin l'État, faciliter l'accession à la propriété". Le tableau montre l’accueil reçu dans notre secteur : 50% de plus qu’à l’échelle nationale. En revanche le bureau 103 ne lui donne que 2,4% : cela ne l’intéresse pas[2]. J’ai ajouté le vote Boutin car le programme de cette candidate est également ultra-libéral (Cf. mon article précédent). C’est un moyen de dire -comme J.-M. Le Pen - que l’on veut (encore) moins financer la solidarité nationale. Plus tard, le candidat Sarkozy tiendra compte de cela[3].

    Au second tour, alors que Le Pen gagne 0,1% des inscrits en France, il en gagne 0,5% dans notre secteur, signe d’une droite particulièrement déterminée. 

Présidentielle 2007

    Le candidat Sarkozy mène campagne sur un thème très libéral. Et pas question de s’éparpiller sur des candidats secondaires, il faut serrer les rangs.

    Notre secteur abandonne quasiment J.-M. Le Pen qui passe de 13,3 à 6,5% des inscrits. En revanche, il fait un triomphe à N. Sarkozy. Le quartier de la Carreterie - St Lazare ne lui donne que 22,5% mais le bureau 452 monte à 41,4% (soit plus de 48% des exprimés dès le premier tour). Si l’intra-muros donne 28,4%, notre secteur donne 37,7%. Observons que notre secteur reste plus frontiste (6,5% avec une pointe à 7,8) que l’intra-muros (6,1).

 

Tableau 4

Vote du secteur lors de la présidentielle 2007 (en % des INSCRITS)

Intra-muros

451

452

453

secteur

vote

06,1

7,8

6,1

5,9

6,5

FN 07

28,4

39

41,4

34,1

37,7

Sarkozy 07

 

    Cette étude de cas montre quelle est la base sociale/électorale du sarkozysme. C’est finalement une base étroite dont l’histoire remonte à loin. Et Alain Badiou n’a pas tort de se poser la question : de quoi Sarkozy est-il le nom ? Sur ce point, je me permets de renvoyer aussi à mon article « la réforme intellectuelle et morale ». LA REFORME INTELLECTUELLE ET MORALE

Le vote aux Régionales 2010.

 

Tableau 5

Vote lors des régionales 2010 (% des inscrits) par bureau

I-muros

101

102

103

211

212

331

332

333

451

452

453

secteur*

vote

04,7

4

3,8

6,6

4,7

5,8

3,5

2,3

2,8

7

5,6

6,7

06,5

FN

12,0

10,5

6,7

8,7

11,8

14,7

8,9

8,6

12,1

16

19,9

16,3

17,2

UMP

02,5

2,6

3,2

3,2

2,6

2,2

3,4

1,8

3

2,3

1,7

1,4

01,8

PC-FG

10,9

10,7

12,9

10,6

10,3

10,9

11,1

12,7

8,8

10,3

9,8

11

10,4

PS

08,6

9

9,7

7,8

8,7

9

8,1

11,5

9,6

5,1

6,5

7,9

06,7

EE-Verts

16,9

13,7

9,6

12

19,5

18,3

13,1

13,5

15,8

23,3

25,9

23,3

24

UMP 2°tour

 *NB = secteur = cumul des votes des bureaux 451-452-453

    Si l’on compare "mon" secteur avec l’ensemble des autres bureaux d'Avignon intra-muros, on obtient le tableau suivant (établi à partir du nombre des inscrits) :

Tableau 5bis

I-muros

Secteur

Autres bureaux

Diff. Abs.

Diff. relative

France

F.N.

06,5

04,2

+2,3

+55%

05,7

U.M.P.

17,2

10,4

+6,8

+65%

12,2

PC-FG

01,8

02,7

-0,9

-33%

02,6

PS

10,4

11,0

-0,6

-5,5%

14,4

E.ECO.

06,7

09,2

-2,5

-27%

05,4

 

    Reflet sans doute de la boboïfication, le vote Europe Écologie-les Verts a bien pris sur l’ensemble des bureaux « hors secteur » où il oscille entre 7,8 et 11,5 pour une moyenne de 9,2%. En revanche "le secteur" ne lui donne que 6,7% en moyenne. 5,1% seulement au bureau 451 qui est le plus frontiste. 

    La propension à voter FN ou UMP (dans le secteur 451-452-453) est remarquable par rapport au reste des autres bureaux de l’intra-muros. A l’inverse, voter Front de gauche ou Écologie y suscite plus que des réserves.

    Il est à noter que le FN obtient exactement le même pourcentage (des inscrits) en 2007 et en 2010. Il n’y a pas eu de « poussée » frontiste. Mais évidemment, c’est le score en termes de suffrages exprimés (les abstentions étant bien plus fortes en 2010) qui a fait croire à un « retour ».

    Au second tour, l’UMP gagne 4,9 points (16,9% des inscrits au lieu de 12%), mais +6,8% sur le secteur et +4,2% sur le hors-secteur. On observe bien là encore quels sont les points d’appui du sarkozysme.

    Quant au PS, il fait un bon score au bureau 453, mieux que sa moyenne intra-muros. Faut-il y voir une amorce de préparation de l’alternance dans ce quartier très bourgeois ?

    Fin de la 4° partie.Début de la série : Vote F.N. : le cas du Vaucluse (1ère partie)

 

Tableau annexe : Bureaux de vote avignonnais*

Avignon

Bureau

101

102

103

211

212

331

332

333

451

452

453

Sect.

23,4%

PC 45

 

32,5

37,5

17,5

22,5

 

 

 

22,5

-15

-15

 

20%

UDCA 56

22,5

17,5

17,5

22,5

17,5

+30

22,5

22,5

17,5

22,5

22,5

 

 

UNR58

 

-65

 

80

72,5

 

 

77,5

72,5

+80

+80

 

47,7%

VGE74

 

44

35

 

 

 

 

 

 

60/75

60/75

 

+60%

RPR78

 

45

45

 

 

 

 

 

 

+70

+70

 

25,3%

EXD 02

14,5

17

22,1

15,6

18

19,7

14,6

17,4

18,4

18,1

21,3

19,5

3,1%

MAD 02

6,3

3,2

3,3

3,8

4,5

4,9

7,7

4,3

7,6

6,5

5,4

6,3

28,4

Total**

20,8

20,2

25,4

19,4

22,5

24,6

22,3

21,7

26

24,6

26,7

25,8

13%

FN 07

6,2

9,1

11,6

5,8

8,9

6,7

6,1

5,5

9

7,1

7,2

7,7**

30,4%

SARK 07

34,4

27

27,8

35,3

21,8

29,7

25,1

36,4

45,1

48,4

41,6

44,7

22,4

FN 2010

12

16,4

22

12,3

15,5

11,3

10,5

9,8

21,2

15,4

19,6

18,9

26,9

UMP 10

30,7

20

25,7

37,9

34,7

28,4

26

34,8

41,8

46,2

41,4

42,9

50,7%

GAU. 10

57,3

63,6

52,3

49,7

49,8

60,3

63,4

55,4

37

38,5

39

 

5,5%*

EE 10

9

9,7

7,8

8,7

9

8,1

11,5

9,6

5,1

6,5

7,9

 

              

* par rapport aux inscrits.

** total des deux lignes au-dessus.                                                                                

Sur chaque carte, on observe bien le méandre du Rhône, les remparts du XIV° siècle, la percée haussmannienne de la rue de la République. On constate aussi la variabilité des limites des bureaux électoraux, reflets de charcutages successifs. On devine parfois le tracé des premiers remparts du XII°.

En 1945, le secteur Vernet - Raspail est rétif au vote communiste (moins de 15%). à l'opposé, du côté de la Carreterie, le PCF frôle la majorité absolue.




A l'intérieur des premiers remparts, près des Halles, de la place Pie, etc..., l'hypercentre donne plus de 30% des suffrages exprimés au seul parti poujadiste. notre secteur Vernet - Raspail est très favorable et pourtant, il y a une liste Pinay - Centre des Indépendants qui y arrive en tête.




En 1958, le secteur Vernet - Raspail se jette comme un seul homme dans les bras du Général. Seul le bureau de la Carreterie offre une résistance. Les bureaux de l'Est, de part et d'autre de la rue Thiers, donnent un score élevé au nouveau parti gaulliste après avoir massivement voté Poujade en 1956. En 1974, ils votent Giscard. aujourd'hui, ce sont les bureaux 332 et 333.







le secteur Vernet - Raspail vote massivement V.G.E. (entre 60 et 75% des exprimés). Fidèles à leurs tradition les secteurs Carreterie et Saint-Lazare donnent la majorité au candidat de Gauche.



Fin de l'article. à compléter par la lecture de Avignon 2012, rue de la Carreterie... pour les résultats de la législative de juin 2012.





[1] Que je remercie encore une fois très vivement.

[2] Mais c’est lui qui donne le meilleur score à Le Pen intra-muros, 15,1% des inscrits au lieu de 14,6 pour le bureau 453. On observe par là que le FN influence les deux bouts de l’échelle sociale.

[3] J’analyse les votes Madelin et Boutin dans le chapitre XXII « le veau d’or » C22. 

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vote F.N. : le cas du Vaucluse (3ème partie)

publié le 27 juin 2011, 02:04 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 22 déc. 2015, 04:19 ]

  02/07/2010 
cet article est la suite de : Vote F.N. : LE CAS DU VAUCLUSE (2° partie)


Actualisation des forces potentielles de l’Extrême-droite.

    L’importance des facteurs historiques est incontestable. Voyons maintenant l’état récent des forces extrémistes dans le département. Ensuite, j’étudierai le cas d’un quartier d’Avignon qui concentre une forte proportion de Bourgeoisie patronale (dans la 4° partie).

La crise agricole et la mondialisation

    Faut-il décrire l’ouverture des frontières et ses conséquences sur tel ou tel secteur économique ? En Vaucluse, -renommé (entre autres bonnes choses) pour les fraises de Carpentras- l’entrée dans le Marché commun de l’Espagne fut très mal vécue. D’autant plus qu’elle s’effectua sous le septennat de F. Mitterrand alors que les Socialistes avaient promis/juré qu’il n’en serait rien.

    Le Front national combat très habilement cette concurrence espagnole. Il montre comment ces fraises sont obtenues par des techniques d’irrigation contre-nature c’est-à-dire qui abusent des transvasements d’un bassin fluvial à l’autre, des tunnels, des pompes aspirantes-refoulantes pour passer les crêtes ; bref, il dénonce l’anti-écologisme de cette agriculture espagnole excessivement spéculative. Nous sommes plutôt loin de l’insécurité-liée-aux-immigrés et ces tracts qui touchent directement les producteurs de fraises dans ce qui est leur préoccupation immédiate et dans leur angoisse de survie sont bien ciblés[1].

    Dans les 4° et 3° circonscriptions, la vie économique repose largement sur le secteur agricole. Il ne faut pas séparer les industries agro-alimentaires (IAA) de l’agriculture ; toutes vivent en symbiose, au rythme de la nature et du cycle des prix. Or, dans la 4°, l’agriculture fournit 12,2% des emplois et les IAA 3,2 soit 15,4%. Dans la 3° les chiffres sont de 9,5 et 4,1% soit 13,6%. C’est important, c’est la base. Si l’on raisonne à l’américaine, en termes de complexe agro-alimentaire, il faut rajouter, à l’amont, les travailleurs des engrais chimiques, des insecticides, ceux du crédit et assurances agricoles, etc…, à aval, les travailleurs du négoce, du transport, … bref, la crise agricole frappe ou est susceptible de frapper un grand nombre de Vauclusiens.

    Or, cette fragilité est bien connue et a déjà provoqué des comportements analogues à l’effet Le Pen. Étudiant le « fascisme vert » de Dorgères qui a éclos dans les années Trente, l’écrivain américain Paxton disait déjà : "les épisodes exemplaires racontés dans le 3e chapitre (du livre de Paxton) montrent que Dorgères rencontrait ses succès les plus importants chez les petits paysans pratiquant une culture intensive pour l'approvisionnement des villes (lait, fruits et légumes), qui s'étaient endettés pour investir et subissaient la pression du marché, trop faiblement organisés pour pouvoir affronter les gros acheteurs. Plus que tout autre critère économique (type de terre, taille, dépendance à l'égard des notables, arriération économique), c'est le rapport au marché qui est la meilleure clé pour comprendre le dorgérisme"[2]. On retrouve, ici, parfaitement la problématique du comportement "politico-psychologique" des classes moyennes : investissements aussi bien financiers qu'affectifs dans leur entreprise, précarité liée au marché, domination par les grandes entreprises capitalistes, violence détournée vers des proies sans lien avec les causes réelles de la crise (communistes, fonctionnaires, citadins, etc.)… [3]   

La concurrence entre travailleurs

    Sans quitter le secteur agricole, mais en élargissant aux autres secteurs, parlons de la concurrence entre travailleurs. Concurrence entretenue par le patronat. « Les électeurs FN ne sont pas les plus déshérités » déclare le député de la°4° « à la campagne ce sont les mêmes qui nous demandent de pouvoir embaucher des travailleurs immigrés pour le marché d’intérêt national »[4].

    La main-d’œuvre immigrée est importante (INSEE). Ce n’est pas gratuitement que j’ai évoquée la composition sociale de la catégorie « ouvrier ». Je renvoie à la citation de Goux et Maurin (1ère partie). Dans la 4° circonscription, 18% des ouvriers sont des ouvriers agricoles (4% en France) qui ont souvent une faible qualification et qui sont les plus sensibles à la présence des immigrés. Il en va de même dans le bâtiment (14% des ouvriers contre 6% en France) dans les 4° et 3°.

    Cette immigration, maghrébine en majorité, explique la construction de mosquées à Bollène et Sorgues. Pas plus tard qu’en février de cette année 2010, la mosquée de Sorgues a été profanée avec des inscriptions violemment racistes et une croix gammée.

    Cette concurrence entretenue est d’autant plus susceptible de provoquer des conflits que le Vaucluse est un département pauvre. C’est le 11° département le plus pauvre du pays, le plus pauvre de PACA[5]. En termes de niveau de vie plafond des 10% d’individus les plus modestes, le Vaucluse arrive en 86° position au sein des départements français. Pourtant, le Vaucluse avec son Lubéron, ses résidences secondaires, ses festivals élitistes, ses crus mondialement connus, n’évoque pas forcément la tristesse. Mais précisément, comme toute la PACA, le département se distingue « par de grandes disparités des niveaux de vie ». Cette disparité est plus grande en Vaucluse que dans la France de province (c’est-à-dire Ile-de-France exclue).

    Ces disparités sont pain béni pour le F.N. qui recrute ses électeurs chez les uns et chez les autres, aux deux extrémités de l’échelle sociale. 

Le traditionalisme religieux

    Tel le Phœnix, le traditionalisme intégriste renaît de ses cendres. Il est vrai que ces dernières ne furent jamais dispersées par le mistral.

    Lorsqu’il gagna les municipales, M. Bompard consacra sa mairie au sacré Cœur de Jésus. La laïcité n’a guère de sens pour lui. On peut aujourd’hui, à la Chapelle de l’Hôtel-Dieu d’Orange, suivre « la messe traditionnelle selon la forme extraordinaire du rite romain » c’est l’expression consacrée, le mot ne peut pas être plus juste, pour dire la messe en latin, dite aussi ‘de Pie V’, réhabilitée par Benoit XVI, messe formatée au Concile de Trente (XVI° siècle), messe de la Contre-Réforme.  C’est également le cas à Avignon, dans la chapelle des Pénitents gris et au Barroux dans les deux abbayes Ste Madeleine et N.-D. de l’Annonciation Pour qui votent les intégristes ?. A Avignon, les Pénitents gris, noirs et blancs ont pignon sur rue avec chacun une chapelle dédiée intra-muros.

    Faut-il y voir de la malice, Mgr Cattenoz, responsable général de la branche sacerdotale de l’Institut Notre Dame de Vie, est ordonné Archevêque d’Avignon le 13 octobre 2002 après la réélection de Bompard à Orange. C’est un intégriste déterminé, les chrétiens les plus ouverts en sont affligés. Voici ce qu’en dit le site de Golias, journal catholique, ancré à gauche il est vrai[6].

    « Le revenu mensuel (des prêtres du diocèse) passe ainsi de 950 à 900 € bruts et cet argent va directement renflouer les caisses du diocèse d’Avignon. Une institution que l’on dit minée par le train de vie de l’évêque et de ses collaborateurs : « On est passé de 4 à 5 personnes au service de Monseigneur à une douzaine, certains de ses collaborateurs ont une voiture de service, alors on vit mal qu’il s’en prenne à nous comme ça », se défendent les prêtres épuisés (In Vaucluse matin) ». Je rappelle que l’argent et l’extrême-droite ont toujours fait bon ménage[7] et si les bénédictins qui votent pour Mme Boutin ont fait vœu de pauvreté, ce n’est pas le cas de leur candidate (cf.  l’actualité). 

    Et encore : « Il y a un an eut lieu le fameux "mardi noir". Huit doyens du diocèse, exaspérés par l’autisme, le fanatisme et l’intransigeance bornée de l’archevêque claquèrent la porte. Trop c’est trop. Depuis rien ne s’est arrangé ; rien ne va mieux. Au contraire. La confiance est brisée. (…). Les fidèles du diocèse sont eux aussi à bout ! Les interventions homophobes - entre autres - et jamais rétractées par le prélat font qu’ils ont honte de leur pasteur, alors que la tolérance progresse ici ou là »

    Mgr Cattenoz est prosélyte, il multiplie les couvents comme un Autre les petits pains. Golias : « À propos de l’accueil d’un grand nombre de communautés religieuses nouvelles dans le diocèse en 8 ans[8], le Saint-Père lui aurait répondu : «  Je sais, vous avez été vite, peut-être trop vite. Il faut maintenant bien intégrer toutes ces réalités et communautés nouvelles dans le tissu diocésain ; en même temps, leur présence est un don de l’Esprit et une grâce pour nos églises aujourd’hui » (In Vaucluse matin).

    Les Bompard et Mgr Cattenoz marchent la main dans la main. Puisque l’archevêque est responsable de l’Institut Notre Dame de Vie et les Bompard traditionalistes, on organise un colloque : « Dans le diocèse d'Avignon, un colloque sur la vie se déroulera du 15 au 16 mai 2010, organisé à l'occasion des 15 ans de l'association Famille Missionnaire l'Evangile de la Vie, de l'abbé Hubert Lelièvre, sous le thème "La Vie est la lumière des hommes" (Jn 1) ». Le colloque aura lieu … à Bollène, chez Mme Bompard qui ouvrira les débats. Monseigneur Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d'Avignon interviendra juste avant les conclusions.

L’électorat militaire

    Je n’insisterai pas sur ce point. Je renvoie à mon article intitulé Ligue du Sud, Ligue du Nord… et je répète ce que j’ai écris : l’auteur du site de la BA115 observe avec sagacité « la BA115 c’est aussi 1800 hommes et 40 appareils de combat. En matière économique, c’est au plan local, un impact de 35 millions d’euros par an, 360 emplois pour les jeunes de la région et la mise à contribution de près de 200 entreprises locales ». Cette dépendance peut créer une forme de vassalité politique.

    Encore une fois, tous les militaires ne votent pas pour l’extrême-droite mais leur vote pour la gauche n’est pas massif non plus. Ce qui peut amplifier un « comportement politique » d’extrême-droite, c’est la présence de rapatriés d’Afrique du Nord - leurs descendants aujourd’hui - et celle d’associations d‘anciens combattants qui cultivent la nostalgie si ce n’est les rancœurs. Il y a là un réseau de relations croisées qui, s’il est organisé politiquement par le F.N., peut prendre de l’envergure. 

Les nostalgies

    Le maire UMP de Carpentras a déclaré que la force du FN dans sa circonscription (la 3°) reposait « sur une très forte présence pied-noir »[9]. Ces pieds-noirs qui votent FN ou Bompard (lequel tient un discours identique) ne sont pas les seuls à entretenir la flamme de ce passé qui ne veut pas passer. La liste FN du Vaucluse aux Régionales était dirigée par un certain Thibault de la Tocnaye ce qui provoque irrésistiblement un rapprochement -forcément nostalgique chez certains - avec Alain de Bougrenet de la Tocnaye, complice du colonel Bastien-Thiry dans l'attentat du Petit-Clamart qui faillit coûter la vie au général De Gaulle[10].

    Je laisse au lecteur le soin d’aller compter le nombre « d’associations patriotiques » qui sont fixées à Sorgues et à l’Ilse-sur-la-Sorgues. Quelques unes se sont fixé pour objet « le devoir de mémoire ».

    La sortie du film « hors-la-loi » lors du festival de Cannes a montré les levées de boucliers que pouvait susciter un film qui montre les « évènements d’Algérie » avec les yeux de quelqu’un qui n’était pas un colon français. La réaction du député Mariani de l’UMP manifeste la surenchère que provoque la présence tumultueuse du Front national dans sa circonscription et son département.

    Après avoir refusé durant tout le conflit le moindre contact avec le F.L.N. algérien, avoir refusé de discuter « les garanties » - comme disait le général de Gaulle - qui permettraient aux Européens de rester paisiblement en Algérie comme des citoyens ordinaires, l’OAS a pratiqué un jusqu’au-boutisme qui a mené à la catastrophe finale. Attitude d’autant plus déplorable que ces contacts ont finalement eut lieu en juin 1962. Mais c’était trop tard, la situation était devenue incontrôlable. Et Mariani irait jusqu’à déposer une proposition de loi : "La France reconnaît les souffrances subies par les citoyens français d’Algérie victimes de crimes contre l’humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963 du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique". L’armée française étant évidemment indemne de crimes de guerre. La torture ? Quelle torture ?

    Thierry Mariani met également en cause l'action des autorités françaises et sans doute pense-t-il aux massacres d’Oran en juillet 1962 et à l’attitude du général Katz : « Rien n’a jamais été fait pour protéger les citoyens français habitant en Algérie à l’époque. Rien n’a jamais été fait pour rétablir la loi et l’ordre. Au contraire, des ordres stricts ont été donnés aux forces de l’ordre et à l’armée française pour ne pas intervenir ». Ce député UMP devrait se rappeler qu’à cette date le chef des armées françaises était le général de Gaulle, président de la république, et que l’UMP, en principe, en est l’héritier. Mais tout est bon pour contourner le FN sur sa droite.

    On comprend ainsi que les sondages puissent révéler que plus du tiers de l’électorat UMP partage les mêmes « valeurs » que le Front national.

Fin de la 3ème partie (à suivre).LE F.N. : CAS DU VAUCLUSE (4ème PARTIE), Avignon



[1] Cet aspect est important car un chercheur du CNRS qui publia un article dans l’Humanité-hebdo datée des 12-13 avril 2003, y écrivit que « dans ces zones, le F.N. (…) n’a pas de vraies racines militantes (…) ». N’est-ce pas en train de changer ? la vigilance s’impose.

[2] PAXTON, page 200. "Le temps des chemises vertes, Révoltes paysannes et fascisme rural, 1929-1939", collection "l'univers historique", Le Seuil, Paris, 1996, 320 pages.

[3] Extraits de mon livre « traditionalisme et révolution », Chapitre XVI, « la Cagoule, le retour… ». C16.

[4] Le Monde du 24 mars 2004. Déclaration de Mr. Mariani, député de la 4° circonscription.

[5] SUD INSEE, l’essentiel, n°122, juillet 2008, page 2. (sur le net).

[6] http://www.golias.fr/spip.php?article3484  , 22 février 2010.

[7] Voir le chapitre de mon livre « Le veau d’or ».

[8] Cas du convent des sœurs clarisse de Montfavet-Avignon

[9] Le Monde du 24 mars 2004.

[10] Cf. le chapitre de mon livre « Le coup du 13 mai ». 

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Vote F.N. : LE CAS DU VAUCLUSE (2° partie)

publié le 27 juin 2011, 02:00 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 22 déc. 2015, 04:08 ]

  01/07/2010  

Après avoir esquissé un tableau politique du Vaucluse Vote F.N. : le cas du Vaucluse (1ère partie)et montré l’importance du vote FN, il convient d’aller à la recherche des causes de l’importance de ce vote. Je pars dans deux directions : les antécédents religieux et les antécédents politiques.

1.    Antécédents religieux.

    Comme la religion est l’une des grandes variables du comportement électoral, il est sans doute plus cohérent de commencer par ces antécédents, quoique l’imbrication avec le comportement politique rende les choses parfois inextricables. Voici l’exposé de quelques faits saillants.

    Les pénitents.

    Sympathisant de la cause cathare, Avignon a été assiégé et finalement vaincu par les armées royales du Capétien venu du Nord… Et c’est le roi de France Louis VIII (père de Saint Louis) qui créa la première compagnie de pénitents : la Compagnie royale des pénitents gris. Pour sanction, les Avignonnais devaient honorer le saint-sacrement exposé dans une petite chapelle, hors les murs[1]. Cette compagnie a perduré, elle s’est redéployée après 1815 et existe toujours aujourd’hui. Avignon a connu plusieurs autres compagnies de pénitents « de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel » (M. Pecquet), mais en 1815 n’ont redémarré que les Gris, les Blancs et les Noirs. Pour donner une idée de l’ampleur de l’influence des ces compagnies disons que le préfet de la Restauration, De Saint-Chamans, était un Noir, et l’archevêque Debelay un Gris (il se fit enterrer avec ce froc). Le maire -nommé- de l’époque de l’Ordre moral, le comte du Demaine - est reçu chez les Gris en 1875.

    La vie monastique.

    Provence et Vaucluse en particulier sont terres d’abbayes depuis des siècles. « Après une éclipse de près de deux siècles (VII°-VIII° siècles), (…), des Chapitres de chanoines et de nombreux couvents sont établis et développent leurs domaines. En 1039 est fondée l’abbaye de Saint-Ruff, appelée à un essor remarquable »[2].

    Plus tard, « l’esprit de la contre-réforme amena l’introduction de nouveaux ordres religieux : Jésuites, Oratoriens, Carmélites, Visitandines, Ursulines. La vie mystique se développa d’une façon intense avec Julienne Morell, dominicaine de Sainte Praxède d’Avignon (+ 1653) et Madeleine Martin, de la Miséricorde d’Avignon (+ 1678) ».

    Dans ce Comtat royaliste et dévot, la Révolution n’eut pas que des ami(e)s. Dès le 24 août 1789, l’évêque d’Apt émigrait. Midi rouge et Midi blanc s’opposèrent rapidement. « Le 16 octobre 1791, un notaire patriote, Nicolas Lescuyer, est traîné dans la nef et assassiné sur les marches de l’autel. Cet événement déclenche, en représailles, les effroyables massacres de la Glacière ». L’assassinat de Lescuyer est totalement oublié dans le dictionnaire révisionniste de Tulard-Fayard-Fierro.

    « 32 religieuses guillotinées à Orange en juillet 1794 et quatre prêtres originaires du diocèse martyrisés à Paris en septembre 1792 ont été béatifiés par le Pape Pie XI ». En réplique, on ne saurait oublier que le Midi fut le théâtre d’une Terreur Blanche frénétique et F.-X. Emmanuelli doit écrire « à Marseille et surtout dans le Vaucluse, la Terreur blanche accompagna la Restauration » (p. 292). On sait également qu’à son retour de l’île d’Elbe, Napoléon préféra passer par les Alpes plutôt que d’avoir à affronter les bandes royalistes de la vallée du Rhône.

    Sous la III° république.

    Lors de l’Affaire Dreyfus[3], Avignon a connu une poussée antisémite violente avec manifestations de rue. « Drumont fut acclamé à la gare d’Avignon »[4]. A la tête des antisémites, la rédaction du journal La Croix d’Avignon et du Comtat.

    Les catholiques conservateurs se sont également manifestés lors de la campagne des « inventaires » suite logique du vote de la loi de 1905. « Fait incroyable pour l’époque, des dames de la société (…) n’hésitèrent pas à se mêler aux manifestants »[5]. Il fallut l’usage de la force armée avec bris de porte pour qu’enfin force restât à la loi. « L’opposition vient surtout des fabriciens, des éléments très pratiquants de la population avignonnaise, noblesse, bourgeoisie mais aussi artisans, ouvriers traditionalistes militant dans les confréries et association religieuse, qui forcent la main à leurs pasteurs »[6]. Ce catholicisme traditionaliste a donc une base de masse en sus des élites.

2.    Antécédents politiques.

    Le traditionalisme aux aguets.

    L’antécédent politique le plus récurrent est évidemment la persistance d’une opinion traditionaliste qui prit la forme du légitimisme (fidélité à la dynastie des Bourbons) tout au long du XIX° siècle. A quoi s’ajoute un substrat contre-révolutionnaire, c’est-à-dire l’hostilité à la révolution de 1789 et à ses principes. Le livre de F.-X. Emmanuelli caractérise le sentiment régionaliste provençal avec les velléités autonomistes que cela peut générer chez des esprits peu politiques. Cette fidélité au passé obère l’essor des compagnies de pénitents dont le préfet de 1876 est amené à dire qu’elles « ont un caractère presque exclusivement politique et qu’elles se recrutent dans le parti légitimiste intransigeant »[7]. Après la guerre de 14-18, elles se rallièrent même à l’Action française alors que le Vatican s’apprêtait à condamner cette ligue, ce qu’il fit en 1927.

    L’extrême-droite a donc en Vaucluse une base solide même si l’importance du radicalisme, surtout avec la personnalité d’ E. Daladier, la dissimule. Pourtant, les villes du Bas-Rhône réagissent mal à la victoire du Front populaire et à la poussée communiste qui réveille les vieux démons. Tant en rive droite (Le Teil, La Voulte, …) qu’en rive gauche (Bollène, Avignon, ..) le Parti Populaire Français (PPF) de Doriot réalise une percée qui permettra la mise en place des réseaux collaborationnistes sous Vichy et l’Occupation. F.-X. Emmanuelli parle d’un PPF « très actif en Vaucluse ».

    Le radicalisme aux deux visages.

    Héritier des sans-culottes, le radicalisme de 1870 avait gardé son contenu révolutionnaire (au sens de 1789). Sa base sociale/électorale est constituée par les classes moyennes traditionnelles, entendons : paysans propriétaires, artisans et petits commerçants, petits patrons. La Provence et le Vaucluse en sont peuplés. Le Vaucluse a gardé longtemps une petite paysannerie nombreuse et il en reste aujourd’hui plus que des traces (cf. 1ère partie). A la fin des Trente Glorieuses, 96% des 73130 établissements commerciaux de Provence et 90,5% des 55580 établissements industriels employaient moins de 10 salariés.

    C’est dire que le radicalisme trouva là un terrain de choix. A partir de 1885, ce sera le parti dominant, en Vaucluse, pour toute la durée de la III° république. Mais dès avant 1914, André Siegfried nous avertissait : « (…) les mots les plus rouges en arrivent à ne plus rien signifier du tout ou même à signifier le contraire de leur sens originel et logique ». Après avoir traité du cas de l’épithète « progressiste », Siegfried nous dit de « radical » qu’il « s’embourgeoise à partir de 1906,…, et l’on s’étonne à peine d’entendre parler, dans la conversation, de radicaux ‘modérés’ ou de radicaux ‘conservateurs’ »[8]. Édouard Daladier, après avoir accepté le Front Populaire à cause de la crise de février 34, dirigea à partir de 1938 un gouvernement qui avait le soutien tacite de l’Action Française et qui liquida l’esprit ‘Front populaire’[9]. Aux élections législatives de 1951, Daladier est l’âme du R.G.R. (soit Rassemblement des Gauches Républicaines, ce qui ferait sourire A. Siegfried) RGR qui proposait aux électeurs « une entente étroite avec les modérés »[10]. Mais pour Goguel, les modérés sont les Indépendants et Paysans d’Antoine Pinay, ancien membre du Conseil national de Vichy, et en réalité, représentant de la droite extrême.

    Il ne faut pas s’étonner si les classes moyennes de Vaucluse, élevées dans cet oxymoral radicalisme mou ou soft, fasse un accueil triomphal aux thèses de P. Poujade en 1956.

    Vaucluse, premier département poujadiste de France.

    L’électorat radical se volatilise et vote massivement pour les listes de l’UDCA (Union de défense des commerçants et artisans). Le poujadisme est-il simplement un phénomène de protestation socio-économique comme l’écrit F. Goguel ?[11] Le Vaucluse avec ses masses de classes moyennes, toujours réactives à la moindre hausse des impôts (et cela à l’échelle historique, sur plusieurs siècles, Cf. Emmanuelli) peut abonder cette interprétation. C’est le seul département où le parti de Poujade dépasse les 20% des inscrits (22,5%).

    Mais ne suivre que cette interprétation, ce serait oublier que Poujade était un ancien de l’Action française, un antisémite, un chaud partisan de l’Algérie française. Tout cela transpire (ou explose, c’est selon) dans ses écrits et discours[12]. Il n’est pas sans intérêt pour notre démonstration de rappeler que J.-M. Le Pen fut élu député poujadiste de Paris lors de ces élections générales. Dans Avignon, remparts intra-muros, ce sont les bureaux du quart sud-ouest - ceux qui votèrent le MOINS communiste en 1945 - qui votèrent le PLUS Poujade en 1956 (et qui voteront le plus UNR, en 1958, et le plus Giscard d’Estaing en 1974 - cartes publiées dans l’Histoire d’Avignon - cf. infra).

    L’ OAS, Tixier-Vignancour et les autres[13].

    Pour plusieurs raisons, nombreux sont les rapatriés d’Afrique du Nord qui s’installèrent en PACA - et en Vaucluse particulièrement - après l’indépendance des trois pays du Maghreb. Indépendance qui s’effectua dans la tragédie. Avignon fut un « point chaud » de l’activisme. « Quelques attentats de sympathisants de l'O.A.S. créent même une certaine inquiétude en novembre 1961. Un professeur du lycée voit sa villa plastiquée tandis qu'un chef local de l'O.A.S. est abattu par un commando de policiers marseillais » écrivent les auteurs de l’Histoire d’Avignon (p.646). Les rapatriés s’installèrent dans les villes de la vallée du Rhône et/ou dans la plaine du Comtat où ils boostèrent l’agriculture locale, toujours plus intégrée dans les circuits commerciaux.

    Lors de la présidentielle de 1965, l’avocat J.-L. Tixier-Vignancour, connu pour ses plaidoiries en faveur d’activistes, se porta candidat. « J.-L. Tixier-Vignancour, ancien ministre du maréchal Pétain, décoré de l'ordre de la francisque, avocat de Lagaillarde lors du procès des hommes des barricades d'Alger. Mais précisément, J.-M. Le Pen était aussi de la partie : il était secrétaire général du comité de soutien à J.-L. Tixier-Vignancour pendant la campagne présidentielle de 1965. Il tiendra avec lui des meetings comme à Nice, et rédigera quelques articles de propagande »[14].

    Tixier franchit la barre des 5% des exprimés au niveau national. Mais il obtint bien plus dans le Midi méditerranéen. « Il fait ses meilleurs scores dans le Midi dont 12,18% en Vaucluse.… Il est courant de lire que cela est dû au vote "pieds-noirs" et il est vrai que cet ancien partisan de l'Algérie française a mené une violente campagne anti-De Gaulle sur le thème de la trahison/spoliation des rapatriés d'Afrique du Nord[15], il est vrai aussi que les Pieds-noirs sont nombreux dans le midi méditerranéen. Mais il serait inexact d'expliquer l'importance du vote extrême-droite de 1965 par ce seul facteur. Le journaliste du Monde, qui connaît ses classiques et la carte électorale de son pays, indique pour le Vaucluse "monsieur Tixier-Vignancour fait assez bonne figure dans un département qui fut l'un des plus poujadistes et où il y a de nombreux rapatriés"[16]. Il évoque là un second élément : la contestation des classes moyennes traditionnelles. Vote pied-noir, vote poujadiste ressuscité : il y a un troisième facteur, l’agitation activiste en faveur de l’Algérie française et la volonté de revanche/vengeance à l’égard du général de Gaulle ».

    Cette volonté de revanche relève d’une troisième catégorie d’électeurs, ceux qui s’inscrivent dans la tradition légitimiste et traditionaliste, qui votent maintenant pour les Indépendants & Paysans, droite extrême, qui a été le seul parti ayant un groupe à la Chambre des députés, qui refusa d’appeler à voter « oui » aux Accords d’Evian[17].

3.    Le Vaucluse dans l’expectative.

    Un rapide bilan de ce qui précède montre que les conditions du vote F.N. en 1984 sont remplies. Mais le département « cache » ses intentions derrière une façade apparemment solide du vote républicain et du vote à gauche. Dans son livre sur la géographie des élections françaises, Goguel indique l’ancienneté de l’orientation à gauche ou a droite de tel ou tel département et cela depuis les élections de 1871. Le Vaucluse est orienté à gauche depuis… toujours, depuis 1871. En tout cas pour ce qui concerne les III° et IV° républiques.

    Pourtant, la crise régionale couve. F.-X. Emmanuelli a écrit son livre en 1980, avant l’élection de F. Mitterrand, avant les déceptions de la « rigueur » de 1983. Il décrit la situation de son « pays » - n’oublions pas qu’il est provençal d’abord ! - avec des mots chargés de drame : « mutations dans l’agriculture, destruction du littoral, agriculture liquidée, terroirs disloqués, sociétés désintégrées, la désintégration par les migrations, un monde fragile que le phénomène urbain est en train de démolir, fin de la société rurale ? régionalisation de la culture parisienne, le prix à payer : le tourisme-roi, fossilisation culturelle, la langue provençale condamnée », etc…

    Et cependant la gauche ne convainc pas. Cette situation - qu’ Emmanuelli noircit sans doute quelque peu - était pourtant le fait exclusif de la droite puisque la gauche n’a pas été au pouvoir depuis 1957 et le gouvernement de Guy Mollet (et pour dix-huit mois seulement). Mais aux élections générales de 1978, aussi surprenant que cela paraisse[18], la gauche RECULE en Provence et dans le Vaucluse. En Vaucluse, la gauche du programme commun passe de 50,6% en 1973 à 47,9% en 1978… Pour PACA, les chiffres sont de 50,5% en 1973 et de 47,1% en 1978… Signe annonciateur, le Parti républicain, fils spirituel des Indépendants & Paysans, passe lui de 4 à 9 députés dont 1 siège gagné en Vaucluse. 

    Comme les sources vauclusiennes qui peuvent passer de quelques litres/minute à plusieurs dizaines de m3/seconde en un rien de temps, l’extrême-droite s’apprête à surgir, à resurgir.

Fin de la seconde partie. (À suivre).vote F.N. : le cas du Vaucluse (3ème partie)



[1] Il s’agit des remparts de l’époque dont le tracé peut être facilement repéré par celui de la rue - au nom parfaitement évocateur - dite « des lices ». La chapelle se trouvait rue des teinturiers mais elle a été ensuite intégrée dans la ville agrandie et protégée par de nouveaux remparts toujours visibles aujourd’hui.

[2] Site du diocèse d’Avignon.

[3] Le Comtat -du fait de son appartenance au pape- a hérité d’une forte communauté juive car les Juifs y étaient moins persécutés que dans le Royaume de France.

[4] Histoire d’Avignon, page 576.

[5] Idem, page 577.

[6] Idem, page 577.

[7] Histoire d’Avignon, page 575.

[8] Introduction au « tableau politique de la France de l’Ouest », page XVI.

[9] Je me permets de renvoyer à la lecture du chapitre XVI de mon livre, « La cagoule, le retour», paragraphe ‘l’année 1938’.

[10] F. GOGUEL, cahier 159 de la F.N.S.P., page 125. Daladier obtient entre 20 et 25% des inscrits soit le tiers environ des exprimés. J’analyse le cas du R.G.R. dans le chapitre XVIII « Sortez les sortants ! ».

[11] Page 142, commentaire de la carte n°58, élections du 2 janvier 1956.

[12] Je fais le point sur le mouvement Poujade dans le chapitre XVIII « Sortez les sortants ! ».

[13] Si l’on en croit l’encyclopédie Wikipaedia, J. Bompard créa un réseau de soutien à l’OAS et fut membre d’un comité Tixier-Vignancour. Une chose est sûre : il fut candidat - étiquette FN - en 1978 (Orange) et obtint 663 suffrages et 1% des voix. Autres temps, autres mœurs… 

[14] Par exemple : le journal "T.V. DEMAIN". La tribune de Tixier-Vignancour. N° 9, octobre 1965, 16 pp, illustrations in-t., Articles de François Brigneau, Roger Holeindre, Serge Jeanneret, J.-M. Le Pen, Robert Tardif. Extrait du chapitre XXI de mon livre « coup de pouce du patronat ».

[15] A Lyon, par exemple, Tixier-Vignancour arrive en tête de tous les candidats dans les bureaux de vote de la Duchère où de nouvelles barres d'immeubles avaient été construites et avaient accueilli la masse des rapatriés  d’Afrique du nord s'installant dans cette ville. Cela explique les 38%, voire les 40% obtenus dans certains bureaux par Tixier-Vignancour.

[16] Le Monde, édition du 7 décembre 1965.

[17] A Lyon, des quartiers, où n’habitait aucun pied-noir, donnèrent des scores exubérants à Tixier-Vignancour (je pense à Ainay, notamment). C’étaient des fiefs du parti de Pinay.

[18] Parce que l’Union de la gauche, avec Mitterrand, progresse partout ailleurs et file vers 1981. 

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Vote F.N. : le cas du Vaucluse (1ère partie)

publié le 27 juin 2011, 01:57 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 3 juin 2016, 10:26 ]

  30/06/2010  

Le Vaucluse est - en pourcentage - l’un des départements les plus frontistes de France. Il est connu également pour sa ville d’Orange qui a élu et réélu un maire aux étiquettes variables mais toujours dans la même tonalité : Front National, Mouvement pour la France, Ligue du Sud [1]. L’épouse de ce maire a remporté la mairie de Bollène… Nous verrons dans cette série d'articles que, s’il n’y a pas de fatalité en Histoire, il y a des antécédents qui peuvent expliquer le présent.

    Géographie du vote FN en Vaucluse.

    Soit la carte du vote FN de 2002 dont on sait la caractéristique essentielle : le vote massif pour l’extrême-droite[2]. Le FN obtient 22% des inscrits à l’échelle du département. La Région PACA votant à hauteur de 19% des inscrits. Le département est grosso modo coupé en deux selon un méridien qui va des limites orientales du canton de Vaison à celles du canton de Cavaillon.

A l’Est de cette ligne on a les cantons qui ont voté à moins de 18% des inscrits (soit moins que PACA) ; deux cantons se signalant par un vote à moins de 15% : Gordes et Bonnieux[3]. Apt en est la sous-préfecture (17,5%).

A l’Ouest de cette ligne, il en va tout autrement. A l’exception de Beaumes-de-Venise et des cantons d’Avignon Ouest et Sud (qui ont voté à moins de 18% des inscrits), quatre cantons ont voté au-dessus de la moyenne régionale (entre 19 et 21%), deux cantons (ceux de Carpentras Nord et Sud) ont voté au-dessus de la moyenne départementale (entre 22 et 25%), enfin six cantons ont franchi la barre du quart des électeurs inscrits (25% et au-delà) soit Valréas, Bollène, les deux cantons d’Orange, Bedarrides et Cavaillon[4].

Nous avons là, deux parties du département au « comportement politique » différent.

A l’Est

    C’est la partie la moins densément peuplée. Celle des plateaux calcaires d’où sortent les « fontaines » après les épisodes orageux (pentes du Ventoux, plateaux de Vaucluse et de Christol, pentes du Lubéron). Plateaux couverts de lavande et de lavandin -sauf s’ils sont « couronnés d’un reste de verdure » - ailleurs c’est la trilogie blé-vigne-oliviers. Les producteurs sont souvent regroupés en coopératives viticoles et oléicoles ce qui constitue la base matérielle d’un vote de gauche : tous les cantons à l’Est de ce méridien imaginaire ont un conseiller général socialiste -sauf Gordes (UMP)-.

    Mais ce vote à gauche est ancré dans les profondeurs des strates historiques. Par exemple, le vote protestant, car il y a là des terres Réformées depuis des siècles. « Le massacre des Vaudois du Lubéron décidé par le Parlement d’Aix en 1545 n’empêcha pas le développement du protestantisme dans la région d’Apt, dont l’évêque Jean-Baptiste de Simiane passa à la Réforme en 1571 »[5]. On peut citer également l’enracinement de la tradition républicaine, avec un vote important pour Ledru-Rollin à la présidentielle de 1848 (il était considéré comme étant d’extrême-gauche). Lors du coup d’État de 1851, les républicains d’Apt prirent la mairie et marchèrent sur Avignon. 700 républicains furent poursuivis par la justice impériale après la victoire de Napoléon-le-petit. En 1870, le ‘non » obtient 43% dans tout le Vaucluse (contre17,3% en France), plus encore dans l’Est du département. Lors de l’Occupation allemande, ces terres orientales du Vaucluse étaient adaptées à la clandestinité des Maquis qui furent ici particulièrement actifs (maquis du Ventoux, de Gordes, de Sault) avec, à leur tête, la noble figure du poète René Char.

   Compléter la lecture du comportement électoral de l'Est du département Pour qui votent les intégristes ? avec le canton de Malaucène

A l’Ouest.

    C’est là, au contraire, le domaine de la plaine du Comtat et de la vallée du Rhône. Très urbanisée : Bollène, Orange, Carpentras, Sorgues, Avignon, Cavaillon… Cela ne signifie pas une présence massive des ouvriers. Le Vaucluse est largement sous-industrialisé. Si le taux d’emploi dans l’industrie est de 18% de la population active en France, il n’est que de 14% en Vaucluse. Dans une ville comme Cavaillon, un peu plus de 10% des actifs seulement travaillent dans l’industrie.

    En revanche, ce département se distingue par un taux d’emploi dans l’agriculture encore très important : 8% contre 4% en France. Il est de 14% dans les deux cantons d’Orange et dans celui de Valréas. Nous avons là une horticulture et une viticulture dynamiques et d’ailleurs réputées depuis des lustres. C’est une agriculture de salariés. En PACA, le ratio salariés agricoles sur non salariés est de 1,2. Il est de 0,5 en Hautes Alpes ce qui suggère une agriculture sans autre main d’œuvre que les membres de la famille, mais de 1,5 en Vaucluse. En moyenne on a donc 1 ou 2 salariés par exploitation agricole. Encore ne s’agit-il que des Français, il faut tenir compte en sus de la main d’œuvre étrangère (marocaine notamment). C’est une agriculture riche, connue pour ses AOC dans le vignoble notamment, où « il s’agit de viticulteurs aisés, plus individualistes » comme déclara le député local (UMP).  

    La structure par types d’activités de la catégorie « ouvriers » est très intéressante. En France métropolitaine, 37% des ouvriers travaillent dans l’industrie, ce pourcentage tombe à 25% en Vaucluse. C’est une différence considérable d’autant que, s’il y a 4% des ouvriers français dans le secteur agricole, en Vaucluse 13% des ouvriers travaillent dans des exploitations agricoles. Enfin, tant dans le bâtiment que dans les services, il y a plus d’ouvriers en Vaucluse qu’en France métropolitaine. Il est alors judicieux de citer les spécialistes :

    « La classe ouvrière n'est pas, et n'a jamais été, un univers homogène. Les ouvriers de l'agriculture, du bâtiment ou des services aux entreprises (nettoyeurs, chauffeurs, réparateurs, manutentionnaires...) sont les catégories de l'espace social les plus proches du FN et celles où le retour à gauche reste aujourd'hui encore le plus problématique. Si l'on observe les communes à forte concentration ouvrière, le vote de gauche apparaît de 15 % plus faible (- 4 points) dans le quart des communes comptant le plus d'ouvriers du BTP, de l'agriculture et des services aux entreprises que dans le quart des communes en comptant le moins. On ne constate aucune variation de ce type avec la proportion d'ouvriers de l'industrie »[6].

    On peut en dire autant sur la catégorie « employés » : « Un même type de division traverse le groupe des employés. L'abstention et le vote d'extrême droite sont plus particulièrement forts chez les employés de commerce - vendeurs(-euses), caissiers(-ères) - ainsi que chez les employés travaillant dans les secteurs où les petites entreprises sont nombreuses, comme le BTP ou les industries agroalimentaires ». Mais concernant les employés, il faut rappeler l’importance de la présence des militaires dans le département. Je renvoie à mon article Ligue du Sud - Ligue du Nord. Dans la circonscription d’Orange-Bollène, les employés d’administration - qui comptent surtout les militaires du rang, jusqu’au grade de sergent-chef - représentent 8,7% de la population active TOTALE de la circonscription[7].

    Pour ce qui concerne la bourgeoisie patronale, on peut établir le tableau comparatif suivant :

 

circonscription

B.P.

P.I.

S.M.

France

22,4

23,1

54,4

Moselle

14,2

21,5

64,3

Vaucluse

22,8

22,2

54,9

    La Moselle (Cf. les articles sur ce département) donne l’exemple du département « ouvrier », ce n’est pas du tout le cas du Vaucluse. L’importance de la Bourgeoise patronale (B.P.) s’explique par l’abondance des exploitations agricoles qui embauchent des salariés. Mais nous verrons le comportement politique de cette classe dirigeante à travers le cas urbain d’Avignon intra-muros. Je conseille vivement la lecture de l’article de C. Traïni « l’épicentre d’un séisme électoral » dont le paragraphe « le vote de la villa ? » qui démolit les idées reçues sur le vote ouvrier en faveur du F.N..[8]

Les forces politiques :


    A l’ouest de notre méridien imaginaire, la situation politique est plus confuse. Si l’Est est habitué à la traditionnelle opposition gauche-droite, à l’Ouest, l’importance du F.N.[9] provoque des triangulaires. Deux cantons sont aux mains du l’extrême-droite (Orange E et O), sept ont été remportés par l’UMP, sept autres ont un Conseiller de gauche. La gauche l’a emporté dans deux cantons grâce à une triangulaire (FN+UMP+G.) dans deux autres avec une maigre majorité absolue. Le canton de Bollène restera-t-il au P.S. si le maire de Bollène (épouse Bompard) se présente ?

    Preuve de l’implantation frontiste, lors des législatives de 2002 qui suivirent immédiatement la présidentielle, il y eut duel UMP-FN dans les circonscriptions 4 (Bollène -Orange) et 3 (Bedarrides - Carpentras). En 2007, on s’est assagi : les quatre circonscriptions ont eu un duel UMP-PS.

    En 2011, le canton de Carpentras-N est passé au FN. En revanche, Bollène est resté à gauche.











Fin de la 1ère partie. A suivre. Vote F.N. : LE CAS DU VAUCLUSE (2° partie)



[1] A ce sujet lire mon article « Ligue du Sud, Ligue du Nord ».

[2] Comme tout le monde, pour ce qui concerne l’analyse de l’extrême-droite en 2002, je cumule les votes FN et MNR.

[3] Les autres cantons sont ceux de Malaucène, Mormoiron, Sault, Apt, Pertuis et Cadenet.

[4] En termes de suffrages exprimés, cela donne des résultats fantastiques, quasi irréels : plus de 37% à Bedarrides, plus de 36% à Bollène, plus de 34% à Carpentras N, Orange Est, Valréas…

[5] Site du diocèse d’Avignon.

[6] Dominique GOUX (ENS) & Éric MAURIN (CNRS), « Anatomie sociale d’un vote », article paru dans l’édition du 14.04.2004 du « Monde ».

[7] Au lieu de 5,8% dans celle de Cavaillon-Apt.

[8] Dans le livre collectif « Vote en PACA » sous la direction de C. Traïni, édité par Karthala - IEP d’Aix-en-P., J’ai moi-même montré le rôle décisif de l’électorat huppé dans l’ascension du F.N. dans le chapitre XXI de mon livre « Coup de pouce du patronat » (C21).

[9] Ou de l’extrême-droite Bompard, ex-FN, ex-MPF, aujourd'hui Ligue du Sud.

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Ligue du Sud, Ligue du Nord…

publié le 27 juin 2011, 01:50 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 29 nov. 2013, 05:19 ]

  04/06/2010  

    Le maire ex-Fn, ex-Mpf, d’Orange, Jacques Bompard est parti à la bataille des Régionales 2010 sous la bannière, le gonfalon, de la Ligue du Sud. Ligue du Sud ? « Le choix du terme n’est pas gratuit » réplique J. Bompard « il y a une référence implicite à la Ligue du Nord dont nous trouvons que l’action est très positive pour l’Italie toute entière ». La Ligue du Nord a une politique qui tend à l’éclatement de l’Italie. C’est une politique fondamentalement égoïste, les « riches » ne voulant plus payer pour les « pauvres », à savoir les régions du sud. C’est la fin de la cohésion et de la solidarité nationales. C’est un phénomène général. On l’a vu en Yougoslavie qui a commencé d’éclater dès que la Slovénie a quitté cette fédération. Même processus en Tchécoslovaquie : la « Tchéquie » voulait se débarrasser de la Slovaquie. L’autonomisme catalan repose sur les mêmes bases : Barcelone veut pouvoir « s’envoler » sans avoir à traîner derrière elle les provinces pauvres d’Espagne. Quant aux extrémistes flamands, ils ne veulent plus que le système de sécurité sociale belge soit un, les cotisations flamandes payant pour le déficit de la Wallonie. C’est un des derniers liens qui unifie la Belgique. Au lendemain de l’annexion de la RDA, la Bavière - nouveau-riche oublieux de son passé - a vivement manipulé le frein pour éviter le versement de subventions aux « nouveaux länder ».

    Au cœur de sa propagande, Bompard et sa Ligue du Sud place le « localisme » et il ajoute « Nous cumulons tous les inconvénients d’un État centralisé sans avoir aucun des avantages, notamment la sécurité et la prospérité. Dans le même temps, l’État se décharge sur la Région d’un maximum de tâches, sans jamais donner les moyens financiers suffisants pour les assumer. La Ligue du Sud exigera donc qu’une partie de la richesse prélevée chez nous par l’État à travers la TVA soit reversée à la Région ». Tout est cela est d’une partialité confondante.

1.    Prélèvements et versements de l’État concernant PACA.

    Si l’État central prélève des impôts directs et indirects sur les ménages et entreprises des régions, il en redistribue le montant sous des formes multiples, la plus évidente est le salaire des fonctionnaires, la solde des militaires, les pensions de retraites. Il y a aussi les aides publiques pour l’aménagement du territoire, etc…

    Pendant très longtemps, PACA a toujours davantage reçu qu’elle n’a versé. C’est le cas de presque toutes les régions de France d’ailleurs, seules trois régions permettent le financement de ces transferts : l’Ile-de-France - de très loin la plus ‘contributaire’-, l’Alsace et Rhône-Alpes[1]. Aujourd’hui encore, seules ces trois régions ont une ‘moyenne du revenu déclaré’, une ‘moyenne du revenu disponible’, une ‘moyenne des niveaux de vie’ supérieures aux moyennes de la France métropolitaine (INSEE).

    Cette situation est ancienne. André Siegfried, jetant un regard sur l’histoire de la III° République, disait sans ambages: « disposant, dans une large mesure, des ressources budgétaires, grâce à l'influence des partis de Gauche, le Midi, grand quémandeur de places, d'indemnités, de pensions, de primes, s'est vu allouer une proportion de crédits supérieure proportionnellement soit au nombre de ses habitants, soit à la contribution apportée par lui à la richesse nationale. En un mot il a touché plus qu'il n'a versé »[2].

    Cette situation de PACA est radicalement différente de celle de la Lombardie dans l’espace italien. Si l’on prend le caractère décisif du taux d’emploi dans l’industrie (y compris le bâtiment) -dont on sait le rôle d’entraînement sur tout le reste - il était de moins de 18% en PACA, en 1999, contre plus de 44% en Lombardie. Même si la désindustrialisation a fait chuter ce taux, la Lombardie reste une grande région industrielle. Milan - « capitale économique de l’Italie »[3] - et sa région ont un rôle bien plus proche de celui de nôtre Ile-de-France. L’extrême-droite de la Ligue lombarde a de la matière statistique pour argumenter son égoïsme. Au plan éthique, c’est autre chose[4]. Quant à PACA, la stratégie localiste de la Ligue du Sud ne repose sur rien.

2.    Le cas de l’armée, grand employeur provençal.

    Largement tertiarisée, la population active de PACA inclue un grand nombre de militaires. Avec quel argent sont payées les soldes de la marine à Toulon, de l’armée de l’air à Salon-de-Provence et Istres (liste non limitative) ? Mais voyons de plus près le cas du Vaucluse puisque les paroles de M. Bompard ne dépassent guère les limites de ce département.

En Avignon

    La préfecture - fiefs de fonctionnaires civils d’Etat - est le siège de la délégation militaire départementale (DMD), du Centre d’information et de recrutement des forces armées de Vaucluse, du Groupement de gendarmerie de Vaucluse.

A Orange

    La ville de Monsieur le maire héberge l’escadron de la Gendarmerie mobile d’Orange, le 1er régiment étranger de cavalerie, la base aérienne 115 « Capitaine de Seynes ». L’auteur du site de la BA115 observe avec sagacité « la BA115 c’est aussi 1800 hommes et 40 appareils de combat. En matière économique, c’est au plan local, un impact de 35 millions d’euros par an, 360 emplois pour les jeunes de la région et la mise à contribution de près de 200 entreprises locales ».

Sur le site Apt-St Christol

    Sont accueillis le 2° régiment étranger du Génie (920 hommes), un détachement du 132° BCAT et une station d’écoute de la D.G.S.E..

    Si la Ligue du Sud envisage l’autonomie de la Provence, mieux encore son indépendance, hypothèse farfelue mais la démagogie de l’extrême-droite est sans limite, avec quel argent Mr Bompard envisage-t-il de rémunérer cette masse imposante de travailleurs de l’État ? si c’est avec les impôts des Provençaux et Azuréens, qu’il le leur dise !

A la vérité, les soldes versées sont une manne pour le Vaucluse, sans laquelle il serait encore plus pauvre qu’il ne l’est déjà. Ce régionalisme de mauvais aloi s’accompagne d’une démagogie anti-Paris qui peut abonder le vote extrémiste.

    Évidemment, je n’ai pas choisi l’exemple de l’Armée par hasard. D’une part, son importance économique est bien réelle, d’autre part son influence électorale, avec une telle concentration, est importante. Je n’ignore pas que tous les militaires ne votent pas pour l’extrême-droite et je veux croire, bien au contraire, que certains se souviennent de l’exemple du capitaine de Seynes, héros de l’escadrille Normandie-Niemen qui symbolise à tout jamais l’alliance franco-soviétique lors de la Seconde guerre mondiale[5].   

3.    La Provence aux Provençaux !

    Dans mon livre Traditionalisme et Révolution, je me suis servi de l’ouvrage de F.-X. Emmanuelli, « Histoire de la Provence »[6]. Cet universitaire parle carrément de la « nation » provençale qui a été « voici bientôt cinq siècles annexée à l’ensemble français ». 

    Un réflexe régionaliste ?

    L'auteur prend immédiatement son lecteur à la gorge : "Voici bientôt cinq siècles que la Provence a été annexée à l'ensemble français. Cet événement historique est devenu extrêmement grave pour le peuple provençal du jour où la France a été pourvue d'un régime niveleur dont l'action est devenue culturellement dévastatrice depuis un siècle, sans que cette catastrophe puisse lui être entièrement attribuée" (p.9). Annexion ? régime niveleur ? –comprendre 1789, bien sûr- les mots sont forts… "Pour sauver la Provence aujourd'hui, (…), il faut un projet volontariste de longue durée, qui n'est guère compatible avec les aléas des consultations périodiques" : ancienne et récurrente remise en cause des élections législatives qui empêchent un pouvoir exécutif fort (…). "D'autres penchent pour la régionalisation. L'expérience historique de tous les peuples montre que la liberté face à l'État n'a jamais été plus certaine que lorsque existaient ou existent des contre-pouvoirs sociaux (le clan, la clientèle, la famille élargie) ou institutionnels (la province)". Nouvelle exhumation des vieilles communautés naturelles chères au cœur des Traditionalistes…[7]

    Bon, dira-t-on, encore un historien de droite, et alors ? L'intérêt du livre pour ce qui concerne mon propos, c'est l'exposé par l'auteur de ce qu'il considère un peu comme un viol de l'esprit provençal. Viol commis par les étrangers, lesquels ne sont pas seulement venus d'au-delà des Alpes ou de la rive sud de la Méditerranée, mais aussi de France, or, un Français qui parle français en Provence est devenu un élément perturbateur : "C'est l'immigration d'origine interne ou externe qui explique les bonds (démographiques) des départements littoraux, à l'exemple de Nice où la population étrangère (retraités français –sic- et piémontais) représentait 27 % du total en 1936. De nos jours sont arrivés presque d'un seul coup 300.000 pieds noirs. En 1977, la région compte 205000 Maghrébins, 89000 Italiens, 51000 Ibériques et 12000 personnes en provenance des autres pays de la CEE : ces immigrés, en principe temporaires, se rencontrent dans le bâtiment et le génie civil (42,5 %), l'agriculture et la sylviculture, la pêche et les services. Depuis un siècle, l'intrusion massive d'étrangers à la culture provençale a commencé. Du temps des migrations lentes et faibles dans un espace quasiment figé, l'assimilation se faisait sans problème. Maintenant l'intégration des travailleurs immigrés se fait par le vecteur du français[8] (c'est moi qui souligne, JPR). Ainsi un élément de perturbation grave a été introduit dans un monde fragile que le phénomène urbain est en train de démolir"(p.272).

    L'auteur [9], admirateur de F. Mistral, rejette en revanche les "options troubles des Daudet, des Bosco, des Pagnol, des Giono, tendant à instaurer une pseudo-littérature provençale dégagée du provençal et participant ainsi, de l'intérieur, sans scrupules excessifs, au plus insidieux des asservissements intellectuels ?" (p.318). Refuser l'asservissement… Affirmer la pensée provençale en langue provençale… mais ne pas le faire par "une trop évidente politisation extrémiste" (p.319).

Le vote Le Pen, massif dès 1984, la création de la Ligue du Sud, sont-ils, en Provence, l'expression d'une crise d'identité régionale ? Cet ouvrage ouvre la voie à une explication de ce genre. Cette explication peut-elle s'appliquer au Languedoc-Roussillon voisin ? Il est possible de répondre par l’affirmative quand on lit sous la plume de Maurice Agulhon, les similitudes entre Provence et Languedoc[10].

4.    Le point de vue d’André Siegfried.

    Siegfried, homme du Nord (il est havrais !), protestant, admoneste vivement le Midi dans sa conclusion sur « la géographie électorale de l’Ardèche » dont il généralise le cas. 

    « Quand on parle du Midi et de son rôle dans la politique française, (…), les deux dates essentielles à considérer sont la victoire de Charles Martel sur les Sarrasins (le Midi français[11] ne sera pas arabe !) et l'entrée du Vivarais (ou de la Provence, JPR) dans le Royaume de France (le Midi français aura son centre de gravité politique non dans la Méditerranée mais dans le Nord). Si le Midi (…) avait été rattaché, historiquement, aux pays méditerranéens, son niveau de vie, son standard of living, comme disent les Anglais, serait resté plus bas, comparable vraisemblablement, à celui de l'Espagne ou de l'Italie. Ses propres ressources ne lui eussent pas permis de le faire, ce qui signifie que le Midi (…) reçoit du Nord, matériellement, plus qu'il ne lui apporte ».

    Cela permet à l’auteur -qui s’installe dans une problématique pas très saine - de conclure : « Il suffirait de faire, par département (…) le total de ce que l'administration des finances perçoit comme impôts d'État et de ce qu'elle verse comme contributions de toute nature[12], pour constater que la balance penche assez lourdement du côté de ce qui est touché et non du côté de ce qui est versé. La même statistique, faite pour un département du Nord, la Seine, Lyon ou le Nord[13] par exemple, montrerait au contraire que ces unités départementales paient plus qu'elles ne reçoivent, ce qui revient à dire que le Midi vit quelque peu sur le Nord et que, s'il demeurait seul, abandonné à ses propres moyens, son niveau de vie baisserait aussitôt ». D’où l’estocade : « Dès lors, toute idée de sécession du Midi est inconcevable : on concevrait plutôt une sécession du Nord ! Le jour où la destinée a décidé que le Midi ne graviterait pas politiquement vers la Méditerranée, mais vers un État politique centré au Nord, a été une date fondamentale dans son histoire ».

    Ces considérations[14], qui pourraient être discutées d’abondance, n’ont d’intérêt que parce qu’elles remettent les propos de Bompard à leur juste place. Mais elles ont été à l’origine du stupide « le Nord travaille et le Midi gouverne »… Ce qui est insultant pour tout le monde. Le Nord fournit des brutes de labeur incapables de générer des cerveaux aptes à synthétiser ou conceptualiser. Le Midi paresseux fournit des générations de bavards qui tiennent le perchoir… au Palais Bourbon…

*

    Outre son localisme étriqué, M. Bompard est aussi un catholique traditionaliste. Avec d’autres ingrédients, on a là un faisceau de motivations pour le vote d’extrême-droite en Vaucluse. J’y reviendrais dans un autre article, en intégrant cette fois le vote F.N..Vote F.N. : le cas du Vaucluse (1ère partie)


[1] Voir par exemple l’étude publiée dans l’Information géographique, n°3, 2001, page 252.

[2] « Géographie électorale de l’Ardèche sous la III° République », cahier F.N.S.P., n°9, 1949, page 133.

[3] Titre de la thèse célèbre de Dalmasso. 

[4] Au plan économique aussi d’ailleurs, car on sait bien que la Lombardie a bénéficié de la main d’œuvre et de l’épargne du Mezzogiorno italien. 

[6] F.-X. EMMANUELLI, agrégé d'histoire, docteur ès lettres, "Histoire de la Provence", Hachette-littérature, 342 pages, 1980.

[7] Il est vrai que l'auteur s'inquiète tout autant de la disparition possible à ses yeux de la France au sein d'un super-État européen. D'où ses réflexions : « Au moment où s'avance le rouleau compresseur de la culture nord-américaine, les régionalistes ne sont-ils pas en train de se tromper d'adversaire et de guerre ? Le salut des cultures minoritaires passe-t-il par la désintégration de l'État mis en place en France il y a deux cents ans ? Il est permis de s'interroger ». (pp. 324-325).

[8] Comprendre « le vecteur de la langue française » qui marginalise toujours plus, selon l’auteur, la langue de F. Mistral.

[9] Le passage sur la langue provençale a été écrit par un collègue de F.-X. Emmanuelli, Claude Mauron, agrégé de langue et de culture d'oc.

[10] M. AGULHON, "Pénitents et francs-maçons… ", page 335 et suivantes. Encore la comparaison porte-t-elle davantage sur l'importance de l'implantation des "confréries (…) comme milice catholique", milice de l'Église contre-réformée, et sur l'ancrage des sentiments contre-révolutionnaires et cléricaux.

[11] Siegfried montre ici une vision très large du « midi » : c’est la France du Sud de l’Atlantique au Alpes.

[12] C’est exactement ce qui a été fait dans l’article de l’Information géographique de 2001 cité plus haut.

[13] C’est, on le sait, le contraire aujourd’hui pour ce département. Mais la solidarité nationale joue maintenant en sens inverse : c’est le principe même de la solidarité.

[14] Ouvrage cité, chapitre VII, pp. 132-135.

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