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4. La Commune
Jean-Baptiste CLEMENT (1836-1903), soif de revanche, faim de futur
Par Thomas Lemahieu[1] « Quand on parle au peuple qui ne connaît pas très bien son Bescherelle[2], il faut se servir de mots connus », encourageait le plus célèbre chansonnier avant la Commune.
Sauf des mouchards et des gendarmes On ne voit plus par les chemins Que des vieillards tristes aux larmes Des veuves et des orphelins. Paris suinte la misère, Les heureux même sont tremblants, La mode est au conseil de guerre Et les pavés sont tout sanglants.
La nuit est tombée sur la Commune. Au quai de la Rapée, de la mansarde où il se terre entre le 29 mai et le 10 août 1871, Jean-Baptiste Clément n’en peut plus. Tous les soirs, ces arrestations, ces cris de femmes, d’enfants, la mitraille ordinaire, obscènes feux de la réaction qui fête sa victoire. Dans Paris, le vieux monde des versaillais arrache le cœur du nouveau. «J’en éprouvais plus de colère et de douleur que je n’en avais ressenties pendant les longs jours de la lutte», glisse-t-il plus tard. Pour le citoyen Clément qui en fera une chanson, la Semaine sanglante dure encore des mois, pas comme le Temps des cerises, si fugace à la fin mai, ce temps qu’il avait rimaillé déjà, en 1866 exactement, avec le succès qu’on connaît encore cent cinquante ans plus tard. C’est de ce temps-là qu’il garde au cœur, Jean-Baptiste, une plaie ouverte. Oui mais… Ça branle dans le manche. Ces mauvais jours-là finiront. Et gare à la revanche Quand tous les pauvres s’y mettront ! «Non seulement jusqu’ici le peuple n’a jamais travaillé pour lui, mais encore il a toujours chanté pour les autres, observera-t-il ensuite. Il est temps qu’il ait enfin ses chansons et qu’il ne chante plus que les siennes». Cette conception propagandiste, de plus en plus affirmée dans ses chansons comme dans ses articles pour les journaux, lui vaut, évidemment, les foudres des messieurs de la censure impériale. Les amendes et les condamnations pleuvent : le poète s’y soustrait, à plusieurs reprises, en s’exilant à Bruxelles, mais il finit par être arrêté en mars 1870, condamné à un an de prison au total pour «provocation à commettre des crimes» et écroué à Sainte-Pélagie. Peu friand, dans ses écrits tout au long de sa vie, des controverses qui agitent le mouvement ouvrier naissant, guère porté sur l’économie politique – il raillera fréquemment les intellectuels, craignant que, avec leurs doctrines, ils ne deviennent de nouveaux «directeurs de conscience» –, Jean-Baptiste Clément, libéré en septembre 1870 et élu ensuite représentant de Montmartre au comité central de la Commune, s’occupera avant tout du ravitaillement, de la paie des fédérés, des opérations de police contre les espions versaillais. Il ira jusqu’au bout, jusqu’aux dernières cartouches tirées sur l’ultime barricade rue de la Fontaine-au-Roi, le 28 mai 1871, avec «le bataillon du désespoir» – selon sa terrible expression – qui avait «l’intention bien arrêtée d’aller finir en plein Paris». Quelques années plus tard, après un long exil à Londres, puis l’amnistie en France, le chansonnier repart à la charge. «Il faut qu’au jour de la bataille sociale, on sache bien qu’on expose sa vie, non seulement pour faire triompher telle ou telle devise, mais surtout pour conquérir son droit à l’existence », écrit-il dans son brûlot mi-amer mi-piquant "la Revanche des communeux" (publié en 1886). « Il ne suffit pas – et juin 1848, et mai 1871 nous en ont donné la preuve – d’avoir le cerveau bourré d’excellents arguments, de projets et de solutions plus ou moins économiques ; il ne suffit même pas d’être armé jusqu’aux dents, d’avoir à sa disposition des arsenaux, des canons, des mitrailleuses et des munitions, si l’on manque du sens pratique de la révolution». Pour Clément, tout le programme tient là. Pendant des années, mandaté par le Parti ouvrier socialiste révolutionnaire (POSR) de Jean Allemane, il ira donc dans les campagnes et surtout les usines, promener le drapeau de la Commune, convertir les prolétaires aux idées d’émancipation, allumer les étincelles de la révolution sociale. C’est dans le département des Ardennes que son action inlassable aura le plus marqué les esprits : entre 1885 et 1893, il participe aux grèves dans les grosses boutiques de la vallée de la Meuse et aide à la création des chambres syndicales chez les métallos et les ardoisiers. À cette époque, il édite une série de libelles intitulés "Questions sociales à la portée de tous". «N’étant pas un doctrinaire, et voulant surtout faire œuvre de propagandiste en restant à la portée de tous par une forme simple, humaine, persuasive, reposant sur des arguments sérieux et des preuves irréfutables, je fais appel aux citoyens dévoués, écrit-il, et je leur demande de m’aider à propager ces brochures parmi nos camarades de travail, à qui nous ne saurions trop répéter : qu’ils ne sont aux prises avec la misère que parce qu’ils sont victimes des injustices sociales, et qu’il ne tient qu’à eux de les faire disparaître». En janvier 1903, un mois avant de disparaître, harassé par des décennies de privations, Jean-Baptiste Clément s’exprime une dernière fois dans la Petite République dirigée par Jaurès. «Si certaine circonstance ne me retenait à Paris, c’était mon rêve de terminer ma vie en m’allant de village en village, la canne à la main, sur le dos mon bissac bourré de brochures, faisant partout sur mon passage une causerie dans l’arrière-boutique d’un cabaret, dans un préau d’école, ou dans la salle d’une mairie, quand on me l’aurait accordée, et cela le soir, dans la journée, avec le premier coup de cloche annonçant les vêpres. […] Je n’aurais rien demandé au gouvernement, si ce n’est de ne pas être arrêté ni condamné comme vagabond».
Oui mais… Ça branle dans le manche…
[1] Il s’agit ici de l’un des nombreux « portraits de communards » que l’Humanité a publié chaque jour de juillet et août de cette année. La collection sera vraisemblablement réunie en un fascicule que l’on pourra se procurer auprès du journal, à Saint-Denis. [2] Louis-Nicolas Bescherelle est un lexicographe et grammairien français du XIXe siècle. Le « Bescherelle » est bien connu des enseignants et …enseignés. Ce mot de J.-B. Clément montre que l’ouvrage était déjà populaire en 1871. |
Le temps des cerises…et le mur des Fédérés
21/05/2011 Aujourd’hui est le jour anniversaire de l’entrée dans Paris des troupes versaillaises qui agressèrent les Insurgés parisiens. En l’honneur de ces derniers qui combattirent pour la liberté de la patrie et pour une société juste et démocratique, je publie ce chant immortel qu’on ne peut écouter sans ressentir comme une brisure au cœur. Jean-Baptiste Clément, autodidacte, est né à Boulogne-sur-Seine en 1836, et exerça de nombreux métiers. Une idée bien établie veut que ce chant qui est l’hymne de la Commune ait été écrit pendant la Semaine sanglante durant laquelle fut réprimée la Commune de Paris. En réalité, Clément commença à écrire des romances (« Chansons du morceau de pain ») et des chants de révolte (« Chansons de l'avenir ») inspirés par les chansonniers de la révolution de 1848 : Hégésippe Moreau et Pierre Dupont. Il attira si bien sur lui la vigilante attention de la police du Second Empire qu’il dut prendre un peu de champ, en Belgique, en 1866. Et c'est là qu’il publia la chanson désormais célèbre. Jean-Baptiste Clément dédia son chant à une ambulancière de la Commune. il se battit jusqu'au bout sur la barricade de la rue de la Fontaine-du-roi, dans le 20° arrondissement, qui tomba le 28 mai. honneur et Gloire aux combattants de la Commune ! « Le Temps des cerises » Œuvre de Jean-Baptiste Clément.
Quand nous chanterons le temps des cerises Et gai rossignol, et merle moqueur Seront tous en fête ! Les belles auront la folie en tête Et les amoureux, du soleil au cœur ! Quand nous chanterons le temps des cerises, Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court le temps des cerises Où l'on va par deux cueillir en rêvant Des pendants d'oreilles... Cerises d'amour aux vôtres pareilles, Tombant sous la feuille en gouttes de sang... Mais il est bien court le temps des cerises, Pendants de corail qu'on cueille en rêvant !
Quand vous en serez au temps des cerises Si vous avez peur des chagrins d'amour, Évitez les belles ! Moi qui ne crains pas les peines cruelles Je ne vivrai point sans souffrir un jour ... Quand vous en serez au temps des cerises, Vous aurez aussi des peines d'amour !
J'aimerai toujours le temps des cerises : C'est de ce temps-là que je garde au cœur Une plaie ouverte ! Et dame Fortune en m’étant offerte Ne pourrait jamais fermer ma douleur... J'aimerai toujours le temps des cerises Et le souvenir que je garde au cœur ! * *Voici des compléments sur l'histoire de la chanson, compléments apportés par J.-C. Romettino, historien, éditeur de l'Improbable dont j'ai déjà parlé. Clément est alors très populaire, mais il ne réussit jamais à être élu député, ni à Montmartre, ni au Quartier latin. Ses chansons se vendaient assez faiblement, sauf pour quelques titres. Le Temps des cerises est souvent interprété dans les réunions et goguettes ouvrières, mais cette chanson est plus liée à la personne du chansonnier qu'à la Commune elle-même. Voici, à cet égard, quelques constations faites en compulsant la collection de La Petite République dont le poète fut un collaborateur assidu : - en 1898, il n'est fait aucune mention du Temps des cerises ni pour le 18 Mars pour la Semaine sanglante, alors que Clément fournit au journal sa chanson quotidienne ; - en 1899, c'est Clément qui préside le meeting anniversaire, le 19 mars ; on n’y chante pourtant, comme l'année précédente, que La Carmagnole ; - en 1901, le journal publie un poème de Cl. Hugues : Le 18 Mars, Clément fait l’éditorial sur l'anniversaire, et les comptes rendus nous apprennent qu'on a chanté L'insurgé et L'internationale dans les réunions (c'est le poète qui présidait celle de Montmartre). Toujours pas question du Temps des cerises; pas plus qu’à la manifestation au Mur, le 19 mai, où on chante La Carmagnole et L'internationale (ainsi qu'aux obsèques de Lefrançais le même jour) ; - en 1902, seule L’Internationale est chantée au Mur. J.-B. Clément meurt le 23 février 1903 ; La Petite République lui consacre plusieurs articles et ouvre une souscription pour un buste sur sa tombe (elle se trouve face au Mur des Fédérés, à côté celles d'autres communards et militants socialistes comme Lefrançais, Malon, Brousse...) . Gérault-Richard, tout en rappelant alors la dédicace faite à « Louise » en 1885, place simplement le Temps des cerises parmi les « mélodies aimables » du chansonnier. Pour le 18 Mars, le journal cite l'Hommage à J.-B. Clément de Clovis Hugues et L'Internationale, Marianne et Le Drapeau rouge. Toujours dans « la Petite », il est rapporté qu'au Mur, le 24 mai, la foule a chanté L'internationale et que, devant la tombe provisoire de Clément, on a crié : « Vive la Sociale! » C’est surtout par la suite que l'on prendra l'habitude de chanter Le Temps des cerises lors des anniversaires de la Commune, un peu comme l'on criait : « Vive la Commune ! » lors des apparitions de Vaillant à la tribune ou sur son passage. En ce début du XXe siècle, la Commune de Paris est honorée par les socialistes du monde entier.
autres articles du blog : 18 mars : la Commune n’est pas morte ! COMMUNE, commune, approche historique du mot… Auguste VERMOREL, un COMMUNARD du BEAUJOLAIS quand il reviendra, le temps des cerises… bibliographie pratique.:
Maurice MOISSONNIER, "la première internationale et la Commune à Lyon", Éditions sociales, Paris, 1972, 404 pages. Société populaire de Villefranche-sur-Saône, "Villefranche pendant la guerre de 1870 et la Commune de 1871", numéro spécial, n°15, mai 2011, 58 pages. Disponible au siège de la Société : 55 rue Hoche, 69400 Villefranche. societepopulaire@free.fr BRUHAT, DAUTRY, TERSEN, La Commune de 1871, deuxième édition revue et complétée, Éditions sociales, Paris, 1970, 464 pages. L’HUMANITE, "1871-2011, il y a 140 ans : Commune de Paris, le peuple au firmament", Hors-série, mars 2011, 84 pages. Pour se le procurer : 164 rue Ambroise Croizat, 93528, Saint-Denis CEDEX. Robert BRECY : La Chanson de la Commune
Les Éditions ouvrières - 1991 - 275 pages + XXXI |
COMMUNE, commune, approche historique du mot…
Dans son numéro spécial[2] consacré à la Commune de Paris, la société populaire de Villefranche-sur-Saône publie un article de Jean Large, historien, sur le sens du mot "commune". Je le publie à mon tour pour qu’il passe du papier à l’écran. Miracle d’internet. Jean Large montre qu’il faut bien distinguer les deux fonctions actuelles de la commune : elle est à la fois une circonscription administrative -et le maire est alors chargé d’appliquer les ordres de sa hiérarchie préfectorale- et foyer de démocratie puisque son Conseil est élu au suffrage universel et représente la population locale. Le combat pour mettre en place cette seconde fonction remonte au Moyen-âge et j’aime à dire qu’il s’agit de la première grande lutte de l’esprit de révolution contre le traditionalisme. A cet égard, la parole historique de Guibert de Nogent, citée par J. Large est édifiante. Les voies et moyens pour accéder à ces libertés communales sont diverses nous dit l’auteur avec raison. Pour ce qui concerne le cas lyonnais, je renvoie les lecteurs au premier article de ma série "LYON, SON IDENTITÉ, LES REBEYNES ET L’ESPRIT DE RÉVOLUTION". Longtemps après ce mouvement communaliste,
le 6 mai 1789, les représentants du Tiers Etat décideront de s'intituler députés
des Communes. C'était aussi un hommage aux luttes des bourgeois du Moyen
Age et la reconnaissance a posteriori du caractère révolutionnaire de
leur action[3].
Les libertés communales sont si précieuses pour la démocratie que l’on ne
s’étonnera pas de voir les régimes autoritaires supprimer les élections des
maires voire des conseillers : les deux empires napoléoniens, l’Ordre
moral après 1873, Vichy. Inversement, la III° république, une fois les
Républicains majoritaires, non seulement à la Chambre des députés mais
également au sénat et à l’Élysée, développera les libertés des communes. C'est
en 1884 que fut promulguée la loi municipale qui est encore en vigueur : loi
dite "grande
charte républicaine de la liberté municipale".
Seul, Paris, n’aura pas de maire mais seulement un président du Conseil
municipal : c’est que le souvenir de la Commune de 1871 est très frais
dans les mémoires et l’on n’aimerait pas revoir un maire à la tête de Paris "qui n’est
Paris qu’arrachant ses pavés" comme disait Louis Aragon, ami de la
Commune. Jean-Pierre RISSOAN
COMMUNE, commune…. ! APPROCHE HISTORIQUE DU MOT
Par Jean LARGE Société populaire de Villefranche-sur-Saône
D’origine latine - "communis" qui signifie "à l’usage de plusieurs" - le terme de commune prend un sens politique à partir du XIe siècle. Il désigne les villes ayant acquis une plus ou moins grande autonomie politique, fiscale, économique. Le mouvement communal correspond à l’essor des villes et à leur enrichissement grâce au commerce. On comprend alors pourquoi les villes d’Italie et de Flandre furent les premières concernées par le phénomène qui s’étendit ensuite à toute l’Europe Occidentale. "Commune, nom nouveau, nom détestable !.... " s’emporte le chroniqueur Guibert de Nogent, à la fois noble et abbé. C’est que les bourgeois, les habitants des bourgs, réclament et obtiennent des seigneurs laïques ou ecclésiastiques (les évêques sont souvent aussi seigneurs, comme à Lyon), des libertés et des avantages divers, appelés franchises. Scellées dans une charte, elles deviennent intangibles. L’exemple de Laon, où les franchises furent obtenues grâce à une révolte en 1111, trompa longtemps les historiens. En réalité, les chartes furent la plupart du temps négociées avec les seigneurs quand elles ne furent pas proposées par ces derniers voyant là un moyen habile de renflouer des finances personnelles chancelantes. Chaque ville est un cas particulier révélant des rapports de forces complexes et fluctuants en fonction des personnes, des lieux, des époques[4]. La charte de Villefranche fut octroyée par Guichard IV, Sire de Beaujeu, en 1260, mais des privilèges importants, dont il ne reste aucune trace écrite, avaient déjà été donnés aux habitants au siècle précédent. La ville franche doit se défendre par elle-même, se protégeant derrière de solides remparts. « Commune, commune ! » C’est par ce cri de ralliement que les habitants se rassemblent pour faire face à toute menace extérieure ou problème intérieur. Au temps de l’Ancien Régime, les organisations municipales subsistent, notamment pour la perception des impôts, administrées par l’aristocratie bourgeoise, soit des consuls ou des capitouls dans le Sud de la France, soit des échevins dans le Nord. Mais elles sont étroitement contrôlées par le pouvoir royal. Dans les campagnes, les 60.000 paroisses constituent l’échelon local de l’administration. En 1789, les révolutionnaires parisiens s’emparent du pouvoir municipal. L’après-midi du 14 juillet, Jacques de Flesselles, le prévôt des marchands (c’est le nom du premier magistrat parisien) est fusillé devant l’Hôtel de ville. La commune de Paris est alors créée, dirigée par le maire aidé de 16 administrateurs assistés d’un conseil municipal de 32 membres et d’un conseil général de 96 membres. Bailly est le premier maire. La loi du 14 décembre 1789 crée les communes comme la plus petite division administrative avec le même statut sur l’ensemble du territoire. Le 10 août 1792, la "Commune insurrectionnelle" est proclamée. Les Jacobins qui la dirigent prétendent représenter non seulement le peuple parisien mais la France entière, envoyant des commissaires qui créent, à côté des municipalités, des comités de surveillance. Sa responsabilité semble engagée dans les massacres de septembre 1792. La Commune insurrectionnelle fit peser sur la Convention tout le poids de la vigilance populaire. A partir de septembre 1793, le Comité de Salut Public réussit à imposer son pouvoir. Après la chute de Robespierre et des Montagnards, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), la Convention parvient à anéantir le pouvoir municipal (93 membres de la Commune furent guillotinés). La constitution de l’an III (1795), constitution bourgeoise qui rétablit le suffrage censitaire et confie le pouvoir exécutif à cinq directeurs, supprime le conseil municipal de Paris pour empêcher toute velléité de rassemblement révolutionnaire et crée 12 municipalités qui deviendront des arrondissements portés à 20 sous le Second Empire[5]. Mais dans l’ensemble du pays, les communes subsistent comme divisions administratives, les maires étant nommés la plupart du temps par le pouvoir central. C’est en référence à la Commune insurrectionnelle de 1792, que le Conseil Municipal de Paris, élu en mars 1871, choisit, pour désigner l’entité politique parisienne, le nom de Commune de Paris (28 mars). Peut-on parler de communes dès septembre 1870, pour les villes, comme Lyon et Villefranche, où les républicains prennent le pouvoir ? La commune a toujours eu un double statut antagoniste : la plus petite division administrative (d’un pouvoir centralisé) et la structure de base de la démocratie. Dans l’idéologie communaliste, la commune est le centre de la vie administrative, l’Etat n’étant qu’une fédération de communes. Cette conception issue en grande partie des idées de Proudhon, mais pas uniquement, n’est pas nouvelle au printemps1871. C’est celle d’un grand nombre des révolutionnaires parisiens qui, comme leurs ancêtres de 1792, essaient d’imposer leur vision politique à l’ensemble du pays. La Commune de Paris a donc bien une place à part, non seulement par sa dimension tragique, mais aussi par la révolution politique qu’elle a essayé d’impulser. Pour les autres villes, la prise de pouvoir par les républicains, l’élection d’un conseil municipal à majorité républicaine et d’un maire républicain, participent au rétablissement de la commune dans sa dimension politique, mais assiste-t-on à des tentatives d’émancipation du pouvoir de l’Etat ? C’est cette revendication qui permet de déceler l’adhésion à la thèse fédéraliste. Pour Villefranche la réponse est négative, mais à Lyon, en septembre 1870, il s’agit bien d’une "Commune". Ainsi, en 1870, le terme de commune peut avoir des sens un peu différent selon les villes. Dernière mise au point sémantique : les militants de la Commune se nommaient entre eux, des communeux et non des communards. Ce terme péjoratif -comme tous les mots terminés par le suffixe "ard" - était employé par les opposants. Dommage que l’Histoire n’ait retenu que ce terme ! [1] Livre de Laure Godineau, "La Commune de Paris par ceux qui l'ont vécue", Parigramme édition. [2] Société populaire de Villefranche-sur-Saône, "Villefranche pendant la guerre de 1870 et la Commune de 1871", numéro spécial, n°15, mai 2011, 58 pages. Disponible au siège de la Société : 55 rue Hoche, 69400 Villefranche. societepopulaire@free.fr [3] Extrait du chapitre I de mon livre « Traditionalisme et Révolution ». , [4] Lire les Actes du Colloque sur la Charte de Villefranche, organisé par l’Académie de Villefranche, les 3 et 4 décembre 2010, en particulier la brillante intervention de Bruno Galland. L’intervenant compare les chartes de Lyon, de Vienne et de Romans. [5] Pour les mêmes raisons, les fondateurs de la IIIème République maintiennent la ville de Paris sous la dépendance de l’Etat (le préfet aidé du préfet de police exerce le pouvoir sur l’ensemble de la ville). Il faut attendre la loi du 31.12.1975 pour que la fonction de Maire de Paris soit crée et que la ville retrouve le statut commun. |
Quand il reviendra, le temps des cerises…
28/05/2011 Aujourd'hui, dernier jour de la Semaine sanglante. Dernier jour…[1]: « (…) les derniers combats ont lieu rue du Faubourg-du-Temple, rue Oberkampf, rue Saint-Maur, rue Parmentier. Où se situa la dernière barricade ? Lissagaray la localise rue Ramponneau, la faisant entrer dans la légende d'un combat désespéré mais héroïque : « Pendant un quart d'heure, un seul fédéré la défend. Trois fois il casse la hampe du drapeau versaillais arboré sur la barricade de la rue de Paris. Pour le prix de son courage, le dernier soldat de la Commune réussit à s'échapper », lance-t-il lyriquement. Des historiens la situent rue de Tourtille, à l'angle de la rue Ramponneau. Peu importe, au fond». En fin d'après-midi, une affiche est collée sur les murs de Paris : « Habitants de Paris, L'armée de la France est venue vous sauver. Paris est délivré. Nos soldats ont enlevé à quatre heures les dernières positions occupées par les insurgés. Aujourd'hui la lutte est terminée : l'ordre, le travail et la sécurité vont renaître. Au quartier général, le 28 mai 1871. Le maréchal de France, Commandant en Chef, Maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta». Circulez, y'a plus rien à voir… à part les 30 à 35 000 cadavres qu'il va falloir vite évacuer pour éviter une épidémie… Serge Laurent. lire aussi Le temps des cerises… avec le chant de Jean-Baptiste Clément, autre combattant des barricades. Et aussi 18 mars : la Commune n’est pas morte ![1] Livre de Laure Godineau, "La Commune de Paris par ceux qui l'ont vécue", Parigramme édition. |
18 mars : la Commune n’est pas morte !
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