7. Guerre, Occupation et Résistance

  • portrait d'un résistant : Daniel CORDIER, la liberté au cœur         Le secrétaire de Jean Moulin, Daniel Cordier, est décédé à 100 ans tout juste, vendredi 20 novembre. Retour sur le parcours idéologique atypique d’un homme délicieux.    Toute sa vie ...
    Publié à 24 nov. 2020, 07:20 par Jean-Pierre Rissoan
  • L'appel du Général publié à Lyon, le 20 juin 1940...                                                                                                                                 ©Fondation Charles de Gaulle
    Publié à 21 juin 2020, 11:48 par Jean-Pierre Rissoan
  • L’appel du 18 Juin, mythe et réalités         À Londres, un marin et un aviateur des Forces françaises libres (FFL) affichent l'appel du général de Gaulle. © Tallandier/Bridgeman images    Le 17 juin 1840, Charles de Gaulle, général ...
    Publié à 18 juin 2020, 07:40 par Jean-Pierre Rissoan
  • portrait d'une résistante : Paulette SARCEY     Paulette Sarcey, le combat obstiné de la résistance    Rescapée d’Auschwitz, la militante communiste et compagnon d’arme sous l’Occupation d’Henri Krasucki, est décédée à l’âge de ...
    Publié à 14 mai 2020, 06:10 par Jean-Pierre Rissoan
  • Récit de la libération de Paris (18 août-25 août 1944) NB. Tout ce qui suit est une mise en forme PC de la masse d'informations publiées par l'Humanité le lundi 19 août 2019. Tout ne figure pas ici ...
    Publié à 20 août 2019, 08:00 par Jean-Pierre Rissoan
  • militant & résistant : Joseph PHILIPPE (1906-1944) Mémoire. Un combattant de la Résistance sort de l’ombreLundi, 11 Février, 2019Jean-Paul Piérot    Grâce à l’opiniâtreté de son petit-neveu, Joseph Philippe, militant du PCF ...
    Publié à 11 févr. 2019, 11:24 par Jean-Pierre Rissoan
  • 1944 : Ne pas oublier l’histoire du Comité d’action militaire (COMAC) Mardi, 21 Août, 2018 Pierre Mansat ancien maire adjoint PCF de ParisLe 19 août 1944, la libération de Paris. Les vainqueurs d’hier ne sont pas ceux d’aujourd ...
    Publié à 26 août 2020, 08:45 par Jean-Pierre Rissoan
  • Un patriote : Jean-Melchior De VOGÜE, VAILLANT dans la Résistance     Voici une tentative de portrait d'un personnage éminent de la Résistance, Compagnon de la Libération, et pourtant peu connu. Il a dirigé avec Villon et Kriegel-Valrimont, le COMAC ...
    Publié à 29 juin 2021, 05:24 par Jean-Pierre Rissoan
  • 25 août 1944 : Paris libéré par l’insurrection de son peuple ...    Chaque année, après le 15 août, une chaîne de Télé diffuse le film de René Clément "Paris brûle-t-il ?".  je publie un article qui met les choses au point ...
    Publié à 26 août 2020, 09:03 par Jean-Pierre Rissoan
  • jeunesse de France et résistance anti-nazie : Georges Séguy     Résistant à 15 ans, Georges Séguy rendait hommage à Guy Môquet et soulignait le rôle des Jeunes communistes dès les premières heures de la Résistance. Dans l’Humanité du 22 ...
    Publié à 4 janv. 2017, 04:06 par Jean-Pierre Rissoan
  • Au Panthéon, un hommage incomplet à la Résistance (28 mai 2015) http://www.humanite.fr/mot-cle/germaine-tillion Au Panthéon, un hommage incomplet à la Résistance Jean-Paul Piérot Mercredi, 27 Mai, 2015 L'Humanité oublies.jpg     « Faudra-t-il ...
    Publié à 9 mars 2021, 02:48 par Jean-Pierre Rissoan
  • Août 1944 : Provence, l’autre débarquement     par Philippe Jérôme       Le 15 août 1944, l’armée B du général de Lattre débarque avec succès, aux côtés des Anglo-Américains, sur les plages du Var.        Il est deux ...
    Publié à 17 août 2014, 10:28 par Jean-Pierre Rissoan
  • Juin 40 : continuer le combat ? 05/06/2010      Il y a 70 ans la France connaissait le malheur. Ce fut la débâcle puis l’exode. L’envahisseur nazi pénétrait chaque jour plus vite dans les ...
    Publié à 26 juin 2013, 12:28 par Jean-Pierre Rissoan
  • Le coup du 10 juillet 1940 : la République abattue……. 08/07/2010  Il y a soixante-dix ans, le 10 juillet 1940, à Vichy, les chambres (députés et sénateurs) réunies en Assemblée nationale, se donnent à Pétain qui en ...
    Publié à 2 févr. 2017, 04:51 par Jean-Pierre Rissoan
  • I. Et voilà que l'on nous ressort BRASILLACH…     Oui, je m’indigne comme nous le demande Jean-Luc Douin à la fin de son compte-rendu de lecture du livre intitulé « Brasillach : le procès expédié »[1]. Je m ...
    Publié à 25 avr. 2018, 01:16 par Jean-Pierre Rissoan
  • II. BRASILLACH ou l'imposture (suite de la critique de l’article de J.-L. Douin) Quels furent donc les "actes" de Brasillach ?   Adorateur de Darnand En bon fasciste –je rappelle une fois pour toutes que Brasillach revendique en permanence cette identité- Brasillach n'a aucune ...
    Publié à 1 févr. 2016, 09:41 par Jean-Pierre Rissoan
  • III. BRASILLACH, ce "poëte sacrifié", ce "déferlement de lumière".. cet article est la suite et fin de I. ET VOILA QUE L’ON NOUS RESSORT BRASILLACH… suivi de II. BRASILLACH, ou L’IMPOSTURE (suite de la critique de l ...
    Publié à 1 févr. 2016, 09:39 par Jean-Pierre Rissoan
  • Portrait d’un résistant : Pierre Sudreau     Pierre Sudreau est mort. C’est une grande figure de la Résistance qui disparaît. Son histoire, sa biographie si l’on veut, appartient maintenant au patrimoine national. C’est un ...
    Publié à 26 juin 2013, 12:17 par Jean-Pierre Rissoan
  • 18 JUIN : DE GAULLE ET L’ESPRIT DE REVOLUTION   14/06/2010  L’appel du général s’inscrit-il dans un esprit de révolution ? C’est une vaste question qui demande bien sûr une définition de ce terme. Je ...
    Publié à 26 juin 2013, 08:59 par Jean-Pierre Rissoan
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portrait d'un résistant : Daniel CORDIER, la liberté au cœur

publié le 24 nov. 2020, 07:20 par Jean-Pierre Rissoan


   

    Le secrétaire de Jean Moulin, Daniel Cordier, est décédé à 100 ans tout juste, vendredi 20 novembre. Retour sur le parcours idéologique atypique d’un homme délicieux.

    Toute sa vie, celui qui fut le secrétaire de Jean Moulin a eu la notion de liberté chevillée au corps et au cœur, et dans tous les domaines de sa vie. Daniel Cordier est décédé, vendredi 20 novembre, à l’âge de 100 ans tout juste. C’était un vieil homme vif, malicieux et délicieux. Il a témoigné de son parcours dans la Résistance en 2009, dans des mémoires, tardives, Alias Caracalla, du nom que lui avait donné Roger Vailland dans Drôle de jeu, après la guerre.

Admirateur de Pétain "sauveur" de la guerre de 14-18

    Et pourtant, rien ne prédestinait le jeune Daniel à devenir résistant aux côtés de de Gaulle. Daniel Cordier avait tout juste 20 ans quand l’armistice a été prononcé par Pétain, le 22 juin 1940. Issu d’une famille de droite, l’adolescent, depuis ses 16 ans, vouait un culte à l’écrivain Charles Maurras, et avait même monté à Bordeaux un cercle de l’Action française. Monarchiste, antisémite, admirateur de Pétain « sauveur » de la guerre de 14-18, Daniel Cordier frémit pourtant quand les clefs de la France sont offertes aux nazis. Avec l’aide de son beau-père, il prend un bateau qui, croit-il, l’emmène vers Alger. Il arrive en fait en Angleterre, face à de Gaulle, avec 630 autres jeunes gens. « Nous étions très peu, vraiment des fous, qui voulions que la France s’oppose à l’Allemagne. J’avais 19 ans, j’étais un des plus âgés. Mon meilleur ami avait 17 ans. Nous étions des enfants », remarquait-il en 2013.

Sur place, les garçons sont accueillis fraîchement par le général de Gaulle : « Je ne vous féliciterai pas d’être venus, vous avez fait votre devoir. » Il suit des formations de renseignement et des rudiments de guerrier. Même s’il conservera toute sa vie un regret : « J’étais parti pour tuer des boches et n’en ai tué aucun », confiait-il à l’Humanité en 2013. Du coup, longtemps il ne s’est pas senti « légitime » pour raconter son histoire. Il est versé dans le renseignement, et rejoint Lyon dès 1941. Une série de rencontres font alors lentement évoluer le jeune homme sur ses bases. Comme sur son antisémitisme dont il a gardé jusqu’à la fin de sa vie une vraie honte : « M on rejet de l’antisémitisme s’est produit quand je suis allé à Paris la première fois et que j’ai vu un juif portant l’étoile jaune, un père ou un grand-père, avec son enfant. C’était d’une violence extraordinaire. J’aurais voulu demander pardon à cet homme d’avoir été antisémite. Je le savais pourtant, grâce aux journaux. Mais, entre savoir et voir, il y a une différence. »

Une rencontre qui change une vie

    Sa rencontre avec Jean Moulin change sa vie. Il est tout de suite impressionné par la carrure du préfet, chargé d’unifier les différents mouvements de Résistance. « C’était un homme qui avait beaucoup de charme. Il était très beau, très drôle. » Il reste durant deux ans son secrétaire clandestin. À son contact, il apprend beaucoup, sur la politique, mais aussi sur l’art : Jean Moulin avait rêvé, jeune, de devenir artiste peintre. Son père l’en avait empêché, mais l’ancien préfet ne rechignait pas à caricaturer ses contemporains, et avait une très grande culture en histoire de l’art. Cordier raconte, dans Alias Caracalla, que Moulin voulait l’emmener au Prado après la guerre. L’arrestation et la mort de l’ancien préfet représentèrent un vrai choc pour le jeune homme de 23 ans. Qui alla quand même visiter le Prado après la guerre et en tira un tel « choc amoureux » que sa vie en fut « transformée » : après la guerre, il devint collectionneur puis marchand d’art, et consacra toute sa vie au beau.

Sentiment d’illégitimité

    Longtemps, Daniel Cordier est resté dans l’ombre, ne se sentant pas forcément « légitime » pour parler de cette période. Ni forcément à l’aise, comme en témoigne son passage, en 1977, dans les Dossiers de l’écran, sur Antenne 2. Résistance de l’intérieur, Résistance de Londres, courant idéologiques différents de la Résistance : « Il y a beaucoup de drames et de tensions dans cette histoire de la Résistance. Début 1942, les chefs de la Résistance, comme Henri Frenay, Emmanuel d’Astier de La Vigerie, Henri Giraud… estimaient que, contrairement au général de Gaulle, ils n’avaient pas quitté la France, et que, par conséquent, les futurs chefs de la France, c’étaient eux. »

En lutte pour les droits des homosexuels

    Daniel Cordier s’est aussi battu pour les droits des homosexuels. Il a tu, pendant toute la période de la Résistance, ses préférences sexuelles : en 1944, le sujet était absolument tabou. Et lui-même venant d’une famille catholique, il était donc doublement culpabilisé, comme il le confiait dans les Feux de Saint-Elme : « La haine à l’égard de l’homosexualité était terrible. » Au final, Daniel Cordier se battra : « Je me suis battu pour la liberté. Et la liberté, c’est aussi celle de faire ce qu’on veut avec son corps et avec son sexe. C’est très important », a-t-il raconté au Monde.

    Daniel Cordier est décédé quelques semaines après Pierre Simonnet, autre compagnon de la Libération. Il ne reste désormais plus qu’un seul d’entre eux, Hubert Germain. C’est lui dont la dépouille sera enterrée dans la crypte réservée au dernier des compagnons, au Mont-Valérien.

    Une petite citation de Daniel Cordier à l’Humanité, en 2013, en ces temps liberticides : « La leçon, c’est que seule la liberté compte dans la vie. Et pour la liberté, il faut risquer la mort, si on vous menace de vous en priver ! »

    L'Humanité

    Lundi 23 Novembre 2020
    Caroline Constant


L'appel du Général publié à Lyon, le 20 juin 1940...

publié le 18 juin 2020, 08:27 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 21 juin 2020, 11:48 ]


    
                                                                                        

                                    ©Fondation Charles de Gaulle



L’appel du 18 Juin, mythe et réalités

publié le 18 juin 2020, 07:36 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 18 juin 2020, 07:40 ]


   

    

À Londres, un marin et un aviateur des Forces françaises libres (FFL) affichent l'appel du général de Gaulle. © Tallandier/Bridgeman images


    Le 17 juin 1840, Charles de Gaulle, général de brigade jusque-là quasi inconnu, est reçu par le premier ministre britannique Winston Churchill. Le lendemain, il prononcera son premier discours radiophonique qui deviendra le plus célèbre.

    Le 18 juin 1940 peu après 18 heures, Charles de Gaulle termina par ces mots son célèbre appel lancé sur les ondes de la BBC : « Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Demain, comme aujourd’hui, je parlerai à la radio de Londres. » Comment cet homme alors presque inconnu, promu le 11 mai précédent général de brigade à la tête de la 4e division cuirassée, se retrouva-t-il à Londres cinq semaines plus tard ?

    Paul Reynaud, chef du gouvernement depuis le 21 mars, connaissait bien de Gaulle, ayant défendu en 1935 son projet d’armée mécanisée. Le 5 juin, il le nomma sous-secrétaire d’État à la Guerre pour tenter de faire contrepoids au maréchal Pétain, vice-président du Conseil depuis le 18 mai et partisan affiché d’un arrêt des combats. Il lui confia la tâche de resserrer les liens en train de se distendre avec l’allié britannique alors que les armées françaises battaient partout en retraite. De Gaulle se retrouva ainsi à négocier directement avec Winston Churchill le 9 juin à Londres, le 11 à Briare, le 13 à Tours, le 16 à nouveau à Londres, où fut élaboré dans l’urgence un projet de fusion politique et militaire des deux alliés.

Pour les gaullistes, un acte fondateur

    Rentré en avion le soir même à Bordeaux où se trouvait le gouvernement pour défendre ce projet, il apprit que Reynaud venait de démissionner. Avec l’assentiment de celui-ci qui lui accorda 100 000 francs pris sur les fonds secrets, il repartit le 17 au matin à Londres pour chercher les moyens de continuer la guerre depuis l’Empire, solution qu’il prônait depuis son entrée au gouvernement. Churchill, qui venait d’apprendre la demande d’armistice faite par le maréchal devenu président du Conseil, le reçut dans l’après-midi et lui demanda de lancer le lendemain à la radio un appel à poursuivre le combat.

Pour les gaullistes et d’abord pour de Gaulle, qui contribua plus que tout autre à imposer cette idée, le discours du 18 Juin marque le point de départ de la Résistance, premier épisode d’une longue geste menant à la victoire sous la conduite du « chef de tous les Français libres », titre que les Britanniques lui reconnurent le 28 juin. Jean-Louis Crémieux-Brilhac a résumé cela dans un article de la revue gaulliste Espoir (2000) : « Par la volonté de son auteur et du fait de l’autorité grandissante qu’il acquiert, l’Appel aura été acte fondateur, et même doublement fondateur. Acte fondateur de la Résistance, tous les mouvements de résistance et tous les actes de la résistance autochtone découlant, dans la vision gaullienne, du 18 Juin. Acte fondateur aussi d’un régime, même si celui-ci naîtra seulement vingt ans plus tard.  »

Ralliement des troupes coloniales

Sans minimiser l’événement, on doit pourtant relativiser ses effets et l’inscrire dans un autre cadre interprétatif. « L’Appel », dont on n’a pas conservé de trace enregistrée, ne fut entendu que par quelques milliers de personnes. Dans la France déboussolée par l’exode et l’effondrement de la République, écouter la BBC – la France libre obtint une émission quotidienne de cinq minutes en juillet 1940, de dix minutes en mars 1941 – n’était pas chose aisée. Rejoindre les côtes britanniques moins encore, même pour les 130 hommes de l’île de Sein qui s’embarquèrent le 24 pour le Royaume-Uni. De Gaulle n’appelait pas à une résistance de masse mais au ralliement des militaires, et misait avant tout sur les troupes des colonies. Mais quand il fonda le Conseil de défense de l’Empire en novembre, seule l’Afrique équatoriale française, les Nouvelles-Hébrides et Tahiti avaient abandonné Vichy, et la France libre ne comptait qu’une dizaine de milliers de soldats.

La résistance intérieure prend son essor

Ce fut sans lien avec l’appel du 18 Juin que naquit, au prix d’immenses difficultés, la Résistance sur le sol national, portée au départ par des individus isolés. Le 17 juin, Edmond Michelet, responsable de l’Action catholique, distribua des tracts contre l’armistice à Brive-la-Gaillarde. Le dirigeant communiste Charles Tillon dans la région de Bordeaux fit de même (voir notre encadré). Le même jour, Jean Moulin, préfet d’Eure-et-Loir, tenta de se suicider plutôt que d’obéir à une demande infamante des Allemands. Le 19, Étienne Chavanne, ouvrier agricole, sectionna les câbles téléphoniques de l’aérodrome de Rouen occupé par les Allemands. Le 23, Léonce Vieljeux, armateur et maire de La Rochelle, refusa de hisser le drapeau nazi au fronton de sa mairie…

Durant plus d’une année, résistance en France et résistance hors de France prirent – lentement et douloureusement – leur essor mais sans lien ou presque entre elles. Ce n’est qu’en novembre 1941 que de Gaulle envoya Yvon Morandat pour une première mission politique exploratoire en zone sud. Et c’est Jean Moulin, en accord avec de Gaulle, qui fut le grand artisan de l’union des résistances intérieure et extérieure, scellée par la fondation du Conseil national de la Résistance (CNR) le 27 mai 1943.

Gilles Richard, historien
L'Humanité, 18 juin 2020


L’appel de Charles Tillon

Un tract rédigé par le dirigeant syndicaliste CGT et député communiste Charles Tillon, qui créera quelques mois plus tard les Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF) et en deviendra commandant en chef, est diffusé à Bordeaux et dans sa région. Dans ce tract, on peut lire : « Le peuple français ne veut pas de la misère de l’esclavage du fascisme. » Et de lancer cet appel : « Peuple des usines, des champs, des magasins, des bureaux, commerçants, artisans et intellectuels, soldats, marins, aviateurs encore sous les armes, unissez-vous dans l’action ! »

portrait d'une résistante : Paulette SARCEY

publié le 5 mai 2020, 05:45 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 14 mai 2020, 06:10 ]

    Paulette Sarcey, le combat obstiné de la résistance

    Rescapée d’Auschwitz, la militante communiste et compagnon d’arme sous l’Occupation d’Henri Krasucki, est décédée à l’âge de 96 ans.


    Née le 11 avril 1924 à Paris, Paulette Szlifke vient d’avoir 16 ans quand Pétain signe l’acte de capitulation de la France le 22 juin 1940 et se voit octroyer les pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale le 10 juillet de la même année. Issue d’une famille ouvrière d’émigrés polonais fuyant la misère et les persécutions antisémites arrivée en France l’année qui précéda sa naissance – son père Froïm, ouvrier du cuir, militant syndicaliste et communiste, avait déjà fait de la prison dans son pays ; sa mère, Jenta Przepiorka, travaillait dans la confection –, Paula fréquente les milieux syndicalistes et communistes de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) du quartier de Belleville dans les années 1920 et 1930.

    Le foulard rouge des « pionniers » noué autour du cou, elle participe aux fêtes et soirées des salles de la Mutualité ou de la Bellevilloise et vend à la criée, tous les dimanches au métro Belleville, le journal  Mon Camarade à côté de son père vendant la Naïe Presse, quotidien progressiste et antifasciste d’expression yiddish. Elle participe aux actions de solidarité auprès de l’Espagne républicaine.

    C’est au cours de l’été 1940 qu’elle crée, avec Henri Krasucki et Pierre Beckerman, le premier « triangle » de résistance clandestine du 20e arrondissement, qui manifestera contre l’Occupation et le gouvernement Pétain-­Laval, le14 juillet 1941, habillé de bleu-blanc-rouge. « Nous faisions des lancers de tracts sur les marchés, dans les cinémas de quartier, dans les usines et les métros. Les gens les ramassaient mais ne les lisaient pas sur place. On faisait aussi des actions spectaculaires. On brûlait des poteaux indicateurs le soir. Dans la rue des Panoyaux, à l’occasion du 25 anniversaire de l’Armée rouge, on a accroché un drapeau rouge le long d’un fil électrique. Il est resté deux jours. Ce sont les pompiers qui l’ont décroché », témoigne-t-elle dans un entretien publié dans l’Humanité du vendredi 9 février 2007.

    Responsable des jeunes de la MOI avec Henri Krasucki sur la capitale, elle est arrêtée par les policiers français des brigades spéciales avec son compagnon d’arme le 23 mars 1943 alors qu’ils occupaient une planque située près de la porte de Bagnolet. Internée à Drancy, déportée à Auschwitz-Birkenau le 23 juin, elle sera libérée par les Soviétiques début mai 1945 après une « marche de la mort» qui l’avait conduite à Ravensbrück puis à Neustadt.

« Son idée, c’était de témoigner de ce qui s’était réellement passé »

    « Tout au long de sa vie, elle a continué de militer et puis surtout de procéder à un travail de mémoire, participant à des débats dans des collèges et dans des lycées et, en particulier, en écrivant un livre, Paula survivre obstinément (Tallandier, 2015), témoigne son fils Claude Sarcey : son idée, c’était de témoigner de ce qui s’était réellement passé en rappelant notamment que ce ne sont pas les Allemands qui l’avaient arrêtée mais la police française et en insistant sur des aspects éducatifs qui sont quelquefois édulcorés dans les enseignements scolaires. Toujours avec ce sentiment qu’il fallait privilégier la Résistance quand c’est nécessaire. »

    Mariée en 1946 avec Max Swiczarczyk, membre des FTP-MOI et des Bataillons du ciel parachuté en juin 1944 en Normandie qui participa à toutes les batailles de la Libération jusqu’à la prise du nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden, Paulette obtint avec son mari le droit, en 1968, de « franciser » (Sarcey) leur nom… difficile à prononcer.

    Jérôme Skalski
    article paru dans L'Humanité du 5 mai 2020

Récit de la libération de Paris (18 août-25 août 1944)

publié le 20 août 2019, 02:58 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 20 août 2019, 08:00 ]

NB. Tout ce qui suit est une mise en forme PC de la masse d'informations publiées par l'Humanité le lundi 19 août 2019. Tout ne figure pas ici : un conseil ? achetez le journal en ligne). 

et d'abord, un reproduction de l'affiche originale de l'appel du 18 août 1944 appelant à l'insurrection :

Le Paris de l’appel au peuple

    Le commandant de la région parisienne des F.F.I. c’est le colonel ROL-TANGUY.
    Le COMAC, vous le connaissez, 1944 : Ne pas oublier l’histoire du Comité d’action militaire (COMAC) lui-même dirigé par les "Trois V" : Jean de VOGÜE (dit Vaillant), Villon, Valrimont-Krieg

    Lorsqu’il lance l’insurrection dans une capitale devenue un chaudron, Rol-Tanguy, passant outre les réticences, mise sur les forces de la Résistance et sur la mobilisation populaire.

    «La ville n’avait plus de signification tactique. En dépit de sa gloire historique, Paris ne représentait plus qu’une tache d’encre sur nos cartes », a pu écrire dans ses mémoires le général américain Bradley, confirmant après coup la décision qui était a priori celle de lui-même et d’Eisenhower, commandant les forces alliées, de contourner la capitale pour foncer tout de suite vers le Rhin. Comment ne pas opposer à la tache d’encre de Bradley, sur une carte d’état-major, « l’affiche qui semblait une tache de sang », celle des fusillés du Mont Valérien, les torturés dans les caves hideuses de la Gestapo ou du 93, rue de Lauriston, au siège de la milice. Le 17 août encore, 35 jeunes résistants tombés dans le piège qui leur a été tendu ont été fusillés à la cascade du bois de Boulogne. Dans sa prison, la jeune résistante et poète Madeleine Riffaud, condamnée à mort à 17 ans, attend son exécution. Voilà quatre ans, selon les mots de Paul Éluard, que « Paris a faim, Paris a froid (…) Paris a mis de vieux vêtements de vieille », voilà quatre ans que Paris est outragé, martyrisé.

La barbarie de la Gestapo et des SS n’a pas cessé

    Faudra-t-il attendre encore ? Que les nazis tuent avec toute la rage d’un monstre à l’agonie. Qu’ils détruisent Paris, comme l’a ordonné Hitler au commandant de la place, le général Dietrich von Choltitz. « Il ne faut pas que Paris passe aux mains de l’ennemi ou alors sous la forme d’un champ de ruines. » Il veut que la résistance allemande à Paris soit à l’égal de celle des Soviétiques à Stalingrad, espérant ­inverser ainsi le cours de la guerre. Les images de liesse que l’on peut voir aujourd’hui, celles mêmes du cinéma avec des succès populaires – justifiés – comme Paris brûle-t-il ?, au-delà des distances prises avec la réalité – von Choltitz y apparaît presque, contre toute réalité, comme un brave homme rondouillard –, tendent à nous donner une version un brin idéalisée de ces journées qui vont du 18 au 25 août, quand bien même on ne boude pas notre plaisir.

    On ne peut que tenter d’imaginer ces heures qui vont précéder la décision que prendra Henri Rol-Tanguy, le commandant en chef des Forces françaises de l’intérieur (FFI), pour la région parisienne. Il n’y a pas de modèle, ce n’est pas écrit dans les manuels d’instruction militaire. Le risque est énorme. L’insurrection de Varsovie, le 1er août, sera impitoyablement écrasée après deux mois de terribles combats. L’Armée rouge pouvait-elle intervenir ? Question ouverte pour certains historiens.

    Sans doute, un peu plus de deux mois après le Débarquement, la Bataille de Normandie est gagnée, même si la poche de Falaise, qui est le lieu d’une bataille d’une rare violence où les Allemands vont perdre plus de 5 000 hommes, tués, et 40 000 blessés dans ce qui sera appelé « le couloir de la mort », ne sera réduite que le 21 août. Leurs troupes sont partout sur le recul, mais elles opposent une résistance acharnée à l’avancée des Alliés. La barbarie de la Gestapo et des SS – les massacres de Tulle et d’ Oradour l’ont amplement prouvé – n’a pas faibli. Une division SS est en marche vers Paris. Des artificiers de la Luftwaffe sont arrivés sur place avec la mission de miner les ponts et les grands bâtiments publics.

depuis plusieurs semaines"la peur a changé de camp" 

    L’armée allemande est encore constituée dans la capitale de 16 000 hommes équipés de 80 chars. Pourtant, comme le notait Maurice Kriegel-Valrimont, l’un des trois dirigeants du comité d’action militaire des FFI avec Pierre Villon et Jean de Vogüé, depuis plusieurs semaines, « la peur a changé de camp ». Le 14 juillet, 20 000 personnes ont manifesté à Belleville, encadrées par des Francs-tireurs et partisans en armes (FTP), émanation du PCF, sans que les Allemands interviennent. Paris est un chaudron. Le 10 août, les cheminots se mettent en grève, puis c’est le métro et, trois jours plus tard, la gendarmerie. Le 15, c’est au tour de la police, dans un spectaculaire retournement. Ce sont des policiers français qui ont procédé à la rafle du Vél’d’Hiv. Le 17, 500 détenus parviennent à s’évader de la Santé.

Rol-Tanguy en appelle à toute la Résistance

    Au sein du Comité parisien de libération, l’insurrection ne fait pas l’unanimité, les gaullistes Jacques Chaban-Delmas et Alexandre Parodi y sont opposés face aux communistes Rol-Tanguy ou André Tollet qui sont déterminés. La divergence est sans doute plus profonde. Pour les gaullistes, la Résistance est une force d’appoint militaire. Pour les communistes, elle est, elle doit être davantage, la levée en masse du peuple. Chaban, après un bref aller-retour à Londres où il a rencontré de Gaulle, trouve un tel climat à Paris qu’il se rallie à l’insurrection et à l’analyse, le pari peut-être, de Rol-Tanguy qui est d’en appeler à toute la Résistance, mais aussi à appeler les citoyens aux armes. Les communistes comme André Tollet le savent. Le Paris populaire, ouvrier, immigré est résistant dans sa masse : « L’influence des ­communistes y était considérable, comme le rôle des syndicats clandestins et des milices patriotiques qu’ils développèrent dans les entreprises. » Le 18, jour où Rol-Tanguy lance l’appel, les premières barricades s’élèvent à Ivry. Dans la nuit, des affiches couvrent les murs : « Nous appelons le peuple de Paris et de la banlieue à l’insurrection libératrice ».

Combats et bombardements feront 1 500 morts

    Les FTP ont déjà pris la mairie de Montreuil, ils prennent celle d’ Ivry. La CGT a décrété la grève générale insurrectionnelle. Les policiers occupent la préfecture le 19. Une brève trêve est négociée avec l’occupant. Elle ne tient pas devant l’élan qui soulève la capitale. La mairie est occupée à son tour. Un groupe de journalistes prend le contrôle de l’Office français d’information de Vichy et crée l’AFP, qui publie son premier communiqué : « Les premiers journaux libres vont paraître. » L’état-major de Rol lance : « Tous aux barricades ! » Hommes, femmes et enfants se mettent à la tâche. Arbres abattus, pavés, sacs de sable… On en comptera 600.

    Mais il faut absolument tenir. Le commandant Gallois, un des adjoints de Rol-Tanguy, parvient à rejoindre le QG de Bradley et rencontre le général Leclerc, à la tête de la 2e DB, qui reçoit enfin l’ordre attendu de rouler sur Paris. Il y a un arrière-plan politique. Les Américains avaient le projet de placer la France sous leur administration, l’ Amgot. L’insurrection parisienne, de fait, va les en empêcher.

    Au-dessus des tours de Notre-Dame, un petit avion largue un message : « Tenez bon, nous arrivons. » Les Allemands ne lâchent pas et l’issue des affrontements, qui font de nombreux morts et blessés, est incertaine. On lit aujourd’hui encore les noms de combattants morts ces jours-là, dans les rues de la capitale. Les premiers chars arrivent dans la soirée du 24. À leur bord, les républicains espagnols de la Nueve intégrés dans la 2e DB, qui compte également 25 % de combattants maghrébins. Rien n’est encore joué. Depuis Longchamp, des batteries allemandes tirent sur la capitale. Combats et bombardements feront 1 500 morts.

    Le 25, la 2e DB entre dans Paris. Les combats durent encore, mais Leclerc et Rol-Tanguy reçoivent à la préfecture de police la reddition de Dietrich von Choltitz. On sait que, déjà, les calculs politiciens auraient voulu écarter de la reddition allemande celui qui fut le chef de l’insurrection, mais en ce moment, les cloches de Notre-Dame sonnent à toute volée, les drapeaux tricolores remplacent les croix gammées. La liesse populaire est indescriptible malgré les morts, les blessés et les terribles cicatrices de quatre années. De Gaulle va entrer en scène : « Mais Paris libéré… »

Maurice Ulrich

 Paris-brûle-t-il ?






militant & résistant : Joseph PHILIPPE (1906-1944)

publié le 11 févr. 2019, 11:24 par Jean-Pierre Rissoan


Mémoire. Un combattant de la Résistance sort de l’ombre

Lundi, 11 Février, 2019

    Grâce à l’opiniâtreté de son petit-neveu, Joseph Philippe, militant du PCF et de la CGT, assassiné par la milice et la Gestapo le 26 juin 1944, a été décoré de la médaille de la Résistance lors d’une cérémonie à l’Hôtel des Invalides.

    Le 26 juin 1944, quatre automobiles font irruption dans la cour de la ferme de la famille Brillant au lieu-dit La Brosse, commune du Plantis (Orne). Les pneus crissent, les freins hurlent, les portes claquent, des cris… En un instant, la ferme est cernée, puis occupée par des soldats en uniforme de la Wehrmacht, des policiers allemands et des miliciens français. Ils recherchent le père et le fils, tous deux absents, pressent de questions ponctuées de coups Armelle Brillant, qui reste muette. Ces détails sont rapportés dans le rapport d’un gendarme venu sur les lieux le 1er juillet. La ferme est fouillée de fond en comble, deux hommes sont découverts. « Ces jeunes gens, sur le compte desquels aucune identité n’est connue, poursuit le gendarme, ont été principalement interrogés par les Français. Sous un déluge de coups et après avoir brisé un manche de pelle sur les épaules des jeunes gens qui avaient les poignets liés derrière le dos, les Français ont dû interrompre leurs mauvais traitements sur la réprobation de l’autorité allemande. » Et le gendarme d’émettre une hypothèse bien dans l’air du temps : « Ces jeunes gens devaient faire partie d’une organisation politique servant les intérêts d’une puissance étrangère. L’autorité allemande a voulu déceler cette organisation », conclut ce brigadier rompu aux éléments de langage du régime de Pétain.

Des années de recherches sont à l’origine de cette reconnaissance

    Poursuivons le récit à la lumière d’un autre rapport de gendarmerie, établi en avril 1945, soit après la Libération. Armelle Brillant, devenue conseillère municipale, explique qui étaient les deux hommes découverts chez elle : « Mon mari et moi avons hébergé dans le courant du mois de juin 1944 le résistant Philippe Joseph, résidant au Mans. Cet homme était accompagné d’un autre résistant du nom de Jarrier Lucien. Philippe était arrêté par la milice et la Gestapo, pendant que Jarrier prenait le large. Philippe a été frappé sauvagement. Et devant son refus de répondre aux questions qu’on lui posait, il a été aligné sur le mur de l’écurie et fusillé. » Un médecin qui examina le corps de la victime dénombra 29 impacts tirés à bout portant. Ainsi mourut, à quelques semaines de la Libération, Joseph Philippe, à l’âge 38 ans, père d’une petite fille de 8 ans, combattant du maquis au sein du mouvement Vengeance, que les policiers collaborationnistes avaient vraisemblablement réussi à infiltrer.

Soixante-quinze ans après son assassinat, samedi, en l’Hôtel des Invalides, la médaille de la Résistance a été décernée à titre posthume à ce militant du Parti communiste et de la CGT. À l’origine de cette reconnaissance, il y eut l’opiniâtreté de Sébastien Corrière, son petit-neveu qui a consacré plusieurs années de recherches à reconstituer les étapes de la vie de son aïeul, né en 1906 à Saint-Nicolas-près-Granville (Manche), dans une famille ouvrière et militante. Son père, cheminot, est membre de la SFIO. Deuxième d’une fratrie de quatre enfants, Joseph est ouvrier ajusteur au Mans. Il épouse Germaine en 1932. De leur union naîtra une fille en 1936. Il participe activement au Front populaire. Mobilisé à la déclaration de guerre, fin 1939, il est arrêté et fait l’objet d’un internement administratif dès l’armistice de 1940. Le militant communiste, qui n’acceptera jamais de renier son parti, sera interné successivement à Saint-Lô, à Rennes puis dans le Tarn à Saint-Sulpice-la-Pointe et à Rabastens, d’où il s’évade en mars 1943 pour rejoindre le maquis au sein du mouvement Vengeance.

"J’ai voulu retracer avec précision le parcours de Joseph"

    « Très attaché aux souvenirs que ma grand-mère normande me rapportait sur son grand frère lorsque j’étais adolescent, j’ai voulu retracer avec précision le parcours de Joseph. Bien que vivant à Antibes, j’ai encore de la famille en Normandie, ce qui m’a permis de me rendre sur place », explique aujourd’hui Sébastien Corrière. Pendant plusieurs années, le jeune homme a enquêté, exploré les services d’archives du ministère de la Défense à Vincennes, des départements du Tarn, de l’Orne, du Calvados… Ces recherches permirent notamment de faire porter la mention « mort pour la France », qui avait été oubliée sur l’acte de décès, et de faire corriger la date de sa mort sur sa tombe à la nécropole de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente). À son décès, sa veuve avait entrepris quelques démarches administratives, lui attribuant le statut d’interné politique et d’interné résistant. « Je souhaitais que lui soient attribuées les récompenses que la nation lui devait », poursuit son neveu. En 2016, le ministère des Anciens Combattants lui attribua le statut de combattant volontaire de la Résistance ; en avril 2018, est paru le décret présidentiel lui décernant la médaille de la Résistance.

    Au cours de ses trois années d’internement, des demandes de libération avaient été adressées par son épouse. En vain. « La conduite de cet interné est bonne, écrit un commandant de camp, cependant il refuse de signer une déclaration condamnant le Parti communiste. Sa libération ne me paraît pas opportune… » 

Jean-Paul Piérot, artcile paru dans L'Humanité

1944 : Ne pas oublier l’histoire du Comité d’action militaire (COMAC)

publié le 30 août 2018, 05:48 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 26 août 2020, 08:45 ]

Mardi, 21 Août, 2018

Pierre Mansat

ancien maire adjoint PCF de Paris

Le 19 août 1944, la libération de Paris. Les vainqueurs d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui. Ce qu’on nous raconte aujourd’hui est bel et bien une réécriture de l’Histoire, et cela a permis d’effacer le rôle de la Résistance intérieure et en particulier celui des trois hommes qui ont décidé, organisé et imposé l’insurrection de Paris, les trois du COMAC. Le COMAC est le Comité d’action militaire clandestine, ministère de la Guerre à trois têtes (les 3 V), qui a dirigé et unifié toutes les Forces françaises de l’intérieur (notamment les FFI).

L’histoire des trois V n’a jamais été racontée. Villon, Valrimont-Kriegel et Vogüé comptent parmi les oubliés de l’Histoire. Si le rôle du COMAC a été en partie occulté, c’est pour que l’histoire officielle soit plus conforme à la volonté de certains.

Sous l’égide du Conseil national de la Résistance (CNR), les trois V ont mis en œuvre des comités départementaux de libération (CDL), constitués de représentants des mouvements, partis et syndicats, en fonction des situations locales.

Ces comités départementaux ont assuré provisoirement la représentation, c’est-à-dire la permanence de l’État républicain. Ce sont eux qui ont permis, avec les insurrections de Paris, au général de Gaulle d’affirmer l’indépendance de la France et d’éviter l’administration directe par les Américains (AMGOT, gouvernement militaire allié des territoires occupés ; en anglais, Allied Military Government of Occupied Territories).

Pendant la période décisive de l’insurrection parisienne, le COMAC sera présent dans les différents centres de commandement : parisien, Francilien… C’est d’ailleurs cette présence au plus près des combattants qui va lui permettre de jouer un rôle central dans l’épisode de la trêve, donc dans la libération de Paris.

LA TRÊVE

Il faut, pour comprendre cette période cruciale (la trêve), rappeler que les représentants (à Paris) du gouvernement provisoire décident d’une trêve (avec les Allemands) sans prévenir tous les membres du CNR, le COMAC et l’état-major des FFI.

Lors de la réunion qui entend les différents protagonistes, le 21 août 1944, au 8 avenue du Parc-Montsouris devenu aujourd’hui le 8 avenue René-Coty, la trêve est définitivement repoussée grâce au COMAC et non pas décidée par deux personnages douteux (Nordling et Von Choltitz) ou par les Alliés qui auraient aimé être les seuls libérateurs de Paris.

Car, le 22 août, juste après cette réunion décisive, les barricades s’installent partout, empêchant les chars de circuler dans la capitale et, par là, sauvent Paris de la destruction bel et bien programmée par Von Choltitz (le Boucher de Sébastopol, qui a, par ailleurs, tué autant de Français qu’il a pu).

Le général de Gaulle aurait-il pu prononcer son discours[1]"Paris martyrisé… mais Paris libéré par lui-même par son peuple…" – si la trêve avait été acceptée ?

En 1944, les Parisiennes et les Parisiens, notamment à l’appel du COMAC (cf. texte lu à la radio tous les quarts d’heure par Pierre Crénesse), n’attendirent pas l’arrivée des forces alliées pour se libérer de l’occupant nazi car, comme toujours, Paris s’unit quand l’essentiel est en jeu.

Si les trois V – Villon, “Vaillant” de Vogüe, Valrimont – se sont, les uns comme les autres, accommodés avec un minimum d’amertume d’être passés par pertes et profits, ce qu’ils sont parvenus à accomplir – le rassemblement de la population tout entière qui a mis en péril la machine de guerre nazie – doit être raconté à la jeunesse pour pouvoir affronter les problèmes à venir.

PARIS BRÛLE-T-IL ?

Le film Paris brûle-t-il ? présenté le 25 août sur grand écran sur les murs de l’Hôtel de Ville – cette fiction, dont le réalisateur René Clément disait : « Ce n’est pas un film, mais une intense partie diplomatique », où l’histoire de l’insurrection d’août 1944 à Paris avait été remodelée au profit des hommes au pouvoir – avait, à sa sortie en 1966, soulevé de vives protestations de la part de ceux (hommes et associations) qui avaient participé à la libération de la capitale et qui avaient dit : « Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées… » Parmi bien d’autres, le chef des FTP à Paris, André Ouzoulias. Même si ce film exalte le courage des résistants.

Cette fiction de propagande porte un dessein politique (germano-américain) qui cherchait à dissocier, rétrospectivement, l’armée allemande du parti nazi, faisant de Von Choltitz un héros idéal, le général qui n’a pas brûlé Paris malgré les ordres d’Hitler.

Jusqu’ici, la position négationniste était tenue par l’esprit de Vichy, jamais éteint, toujours remis en lumière par les plus réactionnaires qui sont revenus à l’offensive à travers une sournoise et très efficace propagande (pièces de théâtre, films comme Diplomatie, livres souvent subventionnés celui de Raoul Nordling, Sauver Paris, etc.). Tout cela n’a jamais donné lieu à une contestation de la part des historiens. Pourquoi est-il si utile d’évoquer cette mémoire ? Sans doute parce que le but de toute cette propagande reste banal : l’argent et la politique.

C’est pour toutes ces raisons que les noms de Jean de Vogüé, qui a un rôle décisif dans le refus de la trêve pendant les combats de la libération de Paris, et de Pierre Villon, résistant de la première heure, architecte du programme du CNR, doivent être inscrits dans la mémoire parisienne comme ceux de Marie-Claude Vaillant-Couturier et de Maurice Kriegel-Valrimont.

 





[1] En voici la teneur exacte (source : https://www.gouvernement.fr/partage/9406-discours-du-general-de-gaulle-place-de-l-hotel-de-ville ) « Reçu ensuite à l’Hôtel de Ville par Georges Bidault, président du Conseil national de la Résistance (CNR), le général de Gaulle apparaît pour la première fois devant la foule parisienne en liesse. Sa voix s’élève : "Nous sommes ici chez nous dans Paris levé […] Paris, Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé, mais Paris libéré ! Libéré par lui-même, libéré par son peuple avec le concours des armées de la France, avec l'appui et le concours de la France tout entière : c'est-à-dire de la France qui se bat. C'est-à-dire de la seule France, de la vraie France, de la France éternelle." »

Un patriote : Jean-Melchior De VOGÜE, VAILLANT dans la Résistance

publié le 30 août 2018, 02:14 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 29 juin 2021, 05:24 ]

    Voici une tentative de portrait d'un personnage éminent de la Résistance, Compagnon de la Libération, et pourtant peu connu. Il a dirigé avec Villon et Kriegel-Valrimont, le COMAC , comité d'action militaire du CNR, le Conseil National de la Résistance.1944 : Ne pas oublier l’histoire du Comité d’action militaire (COMAC) Il appartient à l'aristocratie dans ce qu'elle a de meilleur : le sens de l'honneur et l'amour de la patrie. Malgré cela Jean de Vogüé n'était pas "gaulliste" au sens étroit du terme. Il relevait de la Résistance intérieure - chef de CDLR - et n'avait pas la même perception du réel que ceux de Londres. On verra qu'il agit toujours pour que "ça bouge", pour que les Français se mobilisent, arme au poing, pour bouter les Boches hors de France, en plein accord de ce point de vue avec les communistes : le colonel Rol-Tanguy, Kriegel-Valrimont et Villon, entre autres. Il se distingue en cela des "attentistes" qui pensent qu'il faut attendre l'arrivée des armées de la France Libre et celles des Alliés. Pour moi, il est clair que ces différences politiques expliquent, par exemple, le refus qui lui a été opposé de prendre le commandement d'une unité de fusiliers-marins dans la marine de la France libérée. De même, le colonel Rol-Tanguy sera intégré dans l'armée de la France combattante comme lieutenant-colonel, alors que son envergure -commandant des FFI de l'Ile-de-France- lui permettait d'accéder au grade de général de brigade. De Gaulle a tenté de réduire le rôle du COMAC  en nommant le général Koenig au poste de commandant en chef des FFI à Londres. Mais les organes parisiens de libération étaient nés sui generis, ils étaient ancrés dans la chair du peuple de Paris et de sa banlieue. Jean de Vogüé - VAILLANT  par son nom de résistance - l'avait bien senti malgré ses origines sociales qui l’éloignaient du Titi parisien. Mais c'est cela la RÉSISTANCE FRANÇAISE..
    J’utilise comme canevas le texte du site du Musée de la Résistance en ligne mais je l'ai modifié à ma guise selon ce qui me paraissait plus proche de la vérité, plus précis. J.-P. R.

Jean Alexandre Melchior de VOGÜÉ dit "VAILLANT"

(1898 - 1972)


    Né à Paris le 27 avril 1898, (Parents : Robert de VOGÜÉ -1870-1936-&  Lucie SOMMIER [1] 1874-1946) Jean de Vogüé s'engage dans la Marine à dix-neuf ans. Admis à l’École navale (promotion 1917), il en sort enseigne de vaisseau (cf. lieutenant) en décembre 1917. Embarqué sur un torpilleur, il prend part à la guerre navale en Méditerranée. Après l'armistice, Vogüé est envoyé à la flottille du Danube [2] pendant l'année 1919. En 1921, Toulon est son port d’affectation. Promu lieutenant de vaisseau en 1924, il quitte la Marine deux ans plus tard. Il rentre alors dans les affaires familiales (sucreries) et devient l'animateur du Comité de répartition des sucres[3]. Il s’est marié à Paris, le 15 septembre 1927, à 29 ans, avec Hélène JAUNEZ, fille de Maximilien JAUNEZ lequel était juriste de formation, industriel, député sous l’occupation allemande -1903/1907-. Hélène JAUNEZ (1908-2002) sera présidente de la société HAVILAND (Limoges). Ainsi que le dit Kriegel-Valrimont, syndicaliste et communiste, "c’était donc un ennemi de classe"…Et pourtant, ils vont travailler main dans la main !

Mobilisé fin août 1939, il est désigné comme officier de liaison à l'Amirauté britannique. Promu capitaine de corvette (le guide des anciens de l’École navale indique Capitaine de frégate) -équivalent au grade de colonel dans l'armée de terre -  en mai 1940, il prend part aux combats et à l'évacuation de Dunkerque, qu'il quitte le 4 juin au matin. Jean de Vogüé est alors promu chevalier de la Légion d'honneur. Retourné en Angleterre, il refuse de reconnaître l'armistice et décide de rentrer en France en juillet 40 où il est aussitôt démobilisé. En 1940 et 1941, son action se porte sur la propagande dans tous les milieux de la zone Nord (occupée), dans le but de préparer le climat pour les luttes futures et d'entraîner des couches de plus en plus importantes de la population dans la Résistance. Il participe alors à la diffusion de nombreux journaux clandestins.

A partir de novembre 1942, il travaille en étroite coordination avec le mouvement Combat zone Nord. Grâce à l'appui de Combat, il peut développer un groupe en zone Nord. En février-mars 1943, à la demande du BCRA (missions de Brossolette et Passy) (Bureau Central de Renseignements et d’Action, à Londres), il fusionne ses forces avec le mouvement CDLR (Ceux De La Résistance) dirigé par Lecompte-Boinet, dont il devient l'adjoint. Il s'applique d'abord à donner une structure régionale et départementale solide, à la fois hiérarchisée et décentralisée.

En mai 1943, CDLR étant bien organisé, Jean de Vogüé prend une part active aux travaux du Comité de coordination des mouvements de zone nord. Il est l'un des créateurs, en juin 1943, du Comité central de la Résistance. Après des conversations avec des dirigeants d'autres mouvements, en particulier ceux de l'OCM (Organisation Civile & Militaire), de Vogüé propose de créer une organisation de Résistance unique pour la Région parisienne. Il rédige une note complète, passant en revue toute l'activité de la Résistance dans la Région parisienne, tant militaire qu'administrative et politique. Il propose que tous les mouvements fusionnent leur organisation de la Région parisienne pour n'en former qu'une seule. Par suite de certaines négligences, de certaines hésitations et à cause de la politique de certains chefs de mouvements, ce projet d'unification n'a pas été réalisé.

Le mois suivant, la direction nationale du Noyautage des administrations publiques (NAP) lui est confiée. Toujours dans le but d'étendre l'action de la Résistance et d'y entraîner les masses populaires, Vogüé ("Madelin") entre en contact en juin 1943 avec l'union des syndicats de la Seine. Au cours de ces conversations, Vogüé et Tollet –ouvrier tapissier, syndicaliste CGT, du PCF) ont l'idée de constituer un Comité parisien de la Résistance, faisant appel à toutes les organisations et à tous les partis décidés à mobiliser leurs forces pour chasser l'ennemi. Mais ce projet ne fut pas mis à exécution immédiatement. Il fut repris en septembre et donna naissance au CPL (Comité Parisien de la Libération) le 23 octobre 1943, présidé par Tollet.

Jean de Vogüé rédige à l'attention des régions et départements des instructions complètes concernant la préparation de l'action insurrectionnelle et de la prise du pouvoir en faveur du général de Gaulle (instructions du 10/8/43). (Il y a là, en germe, la création des CDL = comités départementaux de la Libération, JPR).

En novembre 1943, en l'absence de Lecompte-Boinet parti pour Londres, et par suite des arrestations des dirigeants de CDLR, il prend seul la direction du mouvement jusqu'en avril 1944. Il réorganise entièrement le mouvement en l'orientant vers l'action immédiate (c’est une différence nette avec les "attentistes" et les Gaullistes –souvent les mêmes- JPR) avec comme adjoint le colonel Grandval. Sur sa proposition le Comité central constitue, le 1er février 1944, une commission d'action militaire (COMIDAC) composée de trois membres. De Vogüé soumet aussitôt un plan de constitution d'un état-major national. Le 12 avril, il rédige à l'attention du CNR, un mémoire destiné à fixer le rôle des FFI et de leur commandement. Le CNR reconnaît alors le COMIDAC comme organe supérieur de commandement des FFI. Il devient le COMAC et est dirigé par Villon pour le FN [4], Kriegel-Valrimont pour la zone Sud et Vogüé pour la zone Nord. (Ce sont les trois V). Vogüé prend dès lors le nom de résistant Vaillant. A partir du 6 juin 1944, Vogüé décide de donner une vigoureuse impulsion à l'action des formations militaires et des groupes francs de CDLR dans la Région parisienne. Il s'adjoint Massiet, dit "Dufresne", qui sera chargé du recrutement, et de l'organisation des forces militaires de CDLR dans la Seine, et Cocteau, dit "Gallois", qui représente CDLR à l'état-major de l'Ile-de-France.

Le 19 août à Paris, éclatent les premiers combats de la libération, combats qui font suite à l’affiche de Rol-Tanguy (18 août) appelant à la mobilisation générale. Vaillant-Vogüé représentant du COMAC auprès du commandant FFI de la Seine, le colonel Lizé, prend une part active à la conduite des opérations qui ont abouti à la libération de la capitale[5]. (Pourquoi ne pas citer le colonel Rol-Tanguy commandant FFI de la région Ile-de-France ?). Fait hautement significatif, lors du débat sur "la trêve" décidée avec les Allemands par les "attentistes" (en fin de journée du 19), Jean de Vogüé s’y opposa énergiquement et fut de ceux qui emportèrent la décision de l’annuler. "Il n’était pas génétiquement gaulliste (JPR)". Je parle ici du débat du CNR où cette question fut débattue, débat mis en scène par René Clément dans son film, et où la Trêve fut dénoncée à une voix de majorité (21 août).

Après la Libération, Vaillant s'occupe particulièrement de tout ce qui concerne l'intégration des FFI dans l'armée française. Nommé délégué à l'Assemblée consultative en octobre 1944, il est vice-président de la commission de la défense nationale. Il avait demandé à faire la guerre, comme commandant de marine, avec une unité de fusiliers-marins ; on ne le lui accorda pas mais on lui offrit un poste honorifique avec le grade d'amiral, qu'il refusa.

Il revient alors aux affaires et devient, en 1945, président directeur général de la Compagnie nouvelle de sucreries réunies, vice-président de la raffinerie Lebaudy-Sommier. En 1950, il est administrateur de la Compagnie de commerce et de gérance pour les colonies. Il est également membre du comité de rédaction du journal Volontés. A partir de 1968, il est président d'honneur de la Générale sucrière.

Jean de Vogüé est décédé en septembre 1972.

Le 20 septembre 1972, Maurice Kriegel-Valrimont, communiste, lui rend hommage en ces termes : "Pour moi Jean de Vogüé est toujours resté Vaillant, celui qui représentait la moitié nord de la France au COMAC : le commandement de la Résistance militaire sur le territoire national. Il dirigea un mouvement de résistance. Il était délégué du commandement militaire suprême sur le territoire national auprès du commandement des FFI de Paris pendant l'insurrection d'août 1944. Le simple rappel de ces faits suffit à rendre surprenant le silence fait depuis vingt ans autour de son action. Si Paris avait brûlé, il eût été un des hommes que l'on en eût accusés. Quand Paris fut libéré, on ne lui en sut aucun gré. (...). Oui ! Vaillant a contribué à ce qu'aucun frein n'entrave la libération de Paris et de la France. Il a été, sans aucune naïveté, en faveur de l'action libératrice du peuple. (...) Je lui rends hommage dû au patriotisme le plus pur."

      Hommage.

 

NB. la photographie - extraite de La Libération, les archives du COMAC, mai-août 1944, Éditions de Minuit, 1964 - est empruntée au Musée de la Résistance en ligne. Lien :     http://museedelaresistanceenligne.org/media3257-Jean-de-VogA

              

[1] Fille d’Alfred SOMMIER, raffineur de sucre, amateur d’art et propriétaire du château de Vaux-le-Vicomte, dont Jean de Vogüé héritera.

[2] Le traité de Versailles a créé la Commission du Danube promu "fleuve international" à l’instar du Rhin. La France est membre de la Commission, le français langue officielle, avec d’autres, et dispose d’une flotte battant pavillon national.

[3] Il s’agissait de répartir le sucre fourni par les Allemands au titre des réparations aux populations françaises sinistrées des départements saccagés par la guerre et l’ennemi en retraite. Voir "Les réparations allemandes et la France, tome III (avril 1924-1936) ", par Weill-Reynard, Nouvelles éditions latines, 1948. https://sites.google.com/site/jeanpierrerissoan/le-coin-du-bachotage/les-relations-internationales/k-centenaire-de-la-guerre-1914-1918/laguerrelannee1917/destruction%20dune%20sucrerie.JPG

 [4] Il s’agit du Front National des patriotes, créé par le PCF mais au recrutement plus large.

[5] Les auteurs ne citent pas le colonel Rol-Tanguy car celui-ci commande le niveau supérieur : l’Ile-de-France.

25 août 1944 : Paris libéré par l’insurrection de son peuple ...

publié le 21 août 2018, 06:49 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 26 août 2020, 09:03 ]


   Chaque année, après le 15 août, une chaîne de Télé diffuse le film de René Clément "Paris brûle-t-il ?".  je publie un article qui met les choses au point sur l'essentiel. J.-P. R.

    Après quatre ans sous le joug allemand, la capitale sort de la nuit. L’action armée des résistants unis au sein des FFI, 
conjuguée avec le soulèvement de la population, 
parachevée par les blindés de Leclerc, chasse l’occupant.

    Samedi 26 août 1944, 15 heures. À l’Arc de triomphe, de Gaulle contemple le spectacle des Champs-Élysées, qu’il s’apprête à descendre. « Ah ! C’est la mer ! » relate-t-il, lyrique, dans ses Mémoires de guerre, « une foule immense est massée de part et d’autre de la chaussée. Peut-être deux millions d’âmes. (...) Si loin que porte ma vue, ce n’est qu’une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore. Je vais donc, ému et tranquille au milieu de l’exultation indicible de la foule, sous la tempête des voix qui font retentir mon nom. (...) Il se passe, en ce moment, un de ces miracles de la conscience nationale, un de ces gestes de la France qui parfois, au long des siècles, viennent illuminer notre histoire. » Le peuple de Paris fête sa victoire, même si, chez beaucoup, le cœur n’y est pas vraiment, trop lourd encore des drames vécus. Le général de Gaulle, fort de l’auréole de celui qui a su dire non dès juin 1940 à l’asservissement du pays, ramasse les lauriers de la gloire.

    La veille, von Choltitz, commandant du Gross Paris, a signé la capitulation allemande. Épilogue de sept jours d’un soulèvement populaire fait de combats armés, de barricades, de grèves, et qui, avec le concours des armées alliées, aura raison de l’occupant. Sept jours qui ajoutent un chapitre de prestige à l’histoire des combats de Paris pour la liberté, de la Révolution française à la Commune de 1871. Sept jours d’une insurrection aujourd’hui unanimement célébrée – non sans la tentation chez certains de l’instrumentaliser –, mais dont le déclenchement et la conduite n’allèrent pourtant pas de soi. Le 19 août, dans une ville où seuls les journaux de la collaboration ont encore voix au chapitre, les Parisiens découvrent, placardé sur les murs, l’appel au soulèvement :

    « L’heure de l’insurrection a sonné. C’est Paris capitale de la liberté, c’est Paris fier de son passé de lutte et d’héroïsme, c’est Paris libéré par les Parisiens eux-mêmes qui accueillera les Alliés. Le Comité parisien de la libération vous appelle tous au combat. » Au Comité Parisien de Libération (C.P.L.) comme au Conseil national de la Résistance, qui lance un appel similaire, comme à l’état-major des Forces françaises de l’intérieur de l’Île-de- France – les FFI, regroupant l’ensemble des organisations de résistance –, sous le commandement du colonel Rol-Tanguy, la situation est jugée pré-insurrectionnelle.

    L’aspiration du peuple de Paris à la libération est d’autant plus forte que, outre la privation des libertés essentielles, il subit des conditions de vie de plus en plus insupportables. Nourriture, médicaments, gaz, électricité, tout manque. À peine la moitié des besoins de la capitale en farine et en lait sont couverts. Le feu de la révolte couve. Le 14 juillet, coup d’envoi de l’insurrection avant l’heure, des milliers de personnes participent à des défilés, à Paris et dans les communes de banlieue, sous la protection de combattants FTP. On chante la Marseillaise, on accroche le drapeau tricolore aux fenêtres, les mots d’ordre sont patriotiques mais portent aussi sur la distribution de nourriture.

Le 10 août, les cheminots ouvrent la voie, paralysant le trafic ferroviaire

    Et puis la classe ouvrière entre en scène. En grève le 10  août, à la suite de l’arrestation de plusieurs des leurs, "pour faire reculer le boche, faire aboutir les revendications, pour la libération totale du pays", les cheminots ouvrent la voie, paralysant le trafic ferroviaire. Ils sont suivis le 15 août par les 21.000 policiers qui, après avoir, pour beaucoup, traqué les résistants, mené la rafle du Vél-d’Hiv, répondent en masse à l’appel de leurs propres organisations de résistance, quittent leurs uniformes, et basculent, avec leurs armes, dans le camp des FFI.

    La grève, que la CGT décrétera générale le 18 août, s’étend aux PTT, au métro, à la métallurgie, aux imprimeries… Militairement, les 
Allemands sont affaiblis depuis le débarquement de Normandie et leurs défaites à l’Est. La décision d’appeler à l’insurrection suscitera pourtant des réticences. Jacques Chaban-Delmas et Alexandre Parodi, 
représentants de De Gaulle, la jugeront d’abord prématurée – avant de s’y rallier –, invoquant le risque de représailles ; ils préconisent d’attendre l’action et le feu vert des Alliés. Unies sur l’objectif de chasser l’occupant et rétablir l’indépendance nationale, les forces de la Résistance seront à plusieurs reprises traversées de vifs débats, opposant "attentistes" et partisans de l’action immédiate lire 2. La Résistance. (notamment le drame de Tulle, qui pose la problématique JPR).

    On le verra aussi lors de l’épisode de la trêve que quelques membres du C.P.L. négocient, le 20 août, par le biais du consul de Suède, avec von Choltitz : les FFI cesseraient les combats jusqu’à l’évacuation totale de Paris par les Allemands, qui s’engageaient, eux, à ne pas attaquer les édifices publics occupés… Certains ont-ils vu là "une occasion inespérée"  de "mettre à la marge les organisations FFI, de prévenir les risques de turbulences, de confier aux résistants modérés les rênes de la capitale ?", interroge l’historien Roger Bourderon.

    " Il est des gens, même dans la Résistance, qui sont inquiets de ce mouvement populaire qui triomphe. Ils savent pourtant que l’objectif du combat arrêté en commun est national et patriotique, mais quand même, ces barricades tenues par les ouvriers, les usines tenues par les prolétaires qui le défendent… cela dépasse leur entendement. L’ordre, pour eux, ne peut sortir de là", observera André Tollet, l’ouvrier tapissier, syndicaliste et communiste, qui préside le Comité parisien de libération. La tentative de trêve fera long feu; les instances du CNR et du CPL, sous l’impulsion des communistes, forts de l’autorité acquise par leur détermination, leurs sacrifices dans les combats, et Rol-Tanguy s’y opposèrent, au diapason des combattants qui voulaient en découdre et qui, malgré la confusion, n’ont jamais cessé leur action. Dès le 19 août, les Allemands – une garnison de 20 000 hommes, 50 chars –, retranchés dans quelques dizaines de points d’appui fortifiés, sont harcelés lors de leurs déplacements dans la capitale.

    Malgré les risques, la répression sauvage qui continue – chaque jour des patriotes sont fusillés, comme les 35 de la cascade du bois de Boulogne, le 17 août –, nombre de Parisiens font le coup de feu, jettent des bouteilles incendiaires sur les véhicules de la Wehrmacht. En dépit d’appels répétés aux Alliés, les résistants manquent cruellement d’armes. Mais Rol-Tanguy en est convaincu, "le succès est fonction du nombre" , répète-t-il, multipliant les appels à la population à rejoindre les FFI [1], à prendre les armes sur l’ennemi – appels amplifiés par la presse de la Résistance qui, le 21, sort de la clandestinité –, diffusant moult instructions précises sur la manière d’entraver les chars, d’édifier une barricade… Des barricades qu’on comptera bientôt par centaines, tandis que se multiplient les occupations de bâtiments publics, à commencer par celles, retentissantes, le 19, de la préfecture de police et de l’Hôtel de Ville, dont les derniers débris de l’appareil de Vichy sont chassés, mais aussi les usines, les gares, les centraux téléphoniques.

    Le 24 août, les FFI tiennent la rue, les Allemands sont confinés dans leurs retranchements, lorsque, dans la soirée, arrive à l’Hôtel de Ville un premier détachement de la 2e division blindée (2°DB) de Leclerc, celui du capitaine Dronne, composé de républicains espagnols. Suivront, le lendemain, guidés par les FFI, freinés par des foules en liesse tout au long de leur chemin, l’ensemble de la 2e DB ainsi que la 4e division d’infanterie américaine, qui, avec leur armement lourd, pourront "finir le travail", réduisant les derniers points fortifiés : le Palais Bourbon, le Luxembourg, la caserne de la République, l’École militaire, le central téléphonique Archives, l’hôtel Majestic, et enfin l’hôtel Meurice, QG de von Choltitz. Lequel signera l’acte de capitulation dans l’après-midi du 25 avec Leclerc et Rol-Tanguy. Il aura fallu la forte insistance des FFI auprès des généraux américains pour obtenir l’envoi de la 2e DB, encore placée sous leur commandement : leurs plans ne prévoyaient pas de passer par Paris, dépourvu à leurs yeux de "signification tactique", mais de le contourner. "Les FFI me forcèrent la main", reconnaîtra 
Eisenhower. L’insurrection populaire s’est imposée à lui, bousculant ses schémas. "Quand nous sommes arrivés, nous les troupes régulières, résumera le général américain, nous avons donné le coup de grâce à l’ennemi, mais Paris était déjà aux mains des Parisiens".

La Résistance montre que la France entend reprendre en main son destin

    En août 1944, alors que les armées allemandes refluent vers l’Est, l’enjeu militaire de Paris paraissait certes limité. Outre réprimer l’insurrection, von Choltitz avait mission d’assurer le passage des ponts sur la Seine pour les troupes de la Wehrmacht en retraite au sud. L’enjeu politique de la libération était, lui, considérable. En chassant l’occupant, la Résistance montre que la France entend reprendre en main son destin. Message de poids quand on sait que les Américains avaient envisagé de placer le pays – comme ils l’avaient fait en Italie – sous une administration militaire provisoire (l’AMGOT) et une monnaie idoine. Les fonctionnaires américains formés pour cela ne seront jamais mis en place. Aussitôt Paris libéré, le gouvernement provisoire de la République française, dirigé par de Gaulle, comprenant toutes les forces de la Résistance, s’installe. La libération totale du territoire ne sera pas obtenue avant mai 1945, mais la souveraineté nationale est d’ores et déjà rétablie. Peuvent s’engager les batailles de l’après-guerre : la reconstruction et l’application du programme de transformations sociales et économiques bâti par le C.N.R. 70° anniversaire de la création du COMITE NATIONAL de la RESISTANCE (CNR)..

    Yves Housson, journaliste à l’Humanité
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[1] il faut savoir qu'en Ile-de-France, donc à Paris aussi, les FFI et les FTP ont fusionné. C'est un communiste, le colonel Rol-Tanguy, qui dirige les FFI d'Ile-de-France.

jeunesse de France et résistance anti-nazie : Georges Séguy

publié le 17 août 2016, 03:13 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 4 janv. 2017, 04:06 ]

    Résistant à 15 ans, Georges Séguy rendait hommage à Guy Môquet et soulignait le rôle des Jeunes communistes dès les premières heures de la Résistance. Dans l’Humanité du 22 octobre 2007 (propos recueillis par J.P. Piérot qui rédige l’article qui suit en hommage à G. Séguy).

    ci-dessous : G. Séguy rencontre des élèves d'un C.E.T. pour préparer la "journée" du 23 octobre 1976, consacrée à l'emploi des jeunes.

En 2004, treize figures de la Résistance lançaient un appel .à célébrer le 60e anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance adopté en pleine clandestinité le 15 mars 1944. Elles exhortaient les jeunes générations à porter les valeurs du programme du CNR, « pour que la flamme  de la Résistance ne s'éteigne jamais ». « Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire et à retransmettre l'héritage de la Résistance et les idéaux toujours actuels de démocratie sociale, économique et culturelle ». Ses signataires s'appelaient Lucie et Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimomt, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.

Aussi longtemps que ses forces le lui permirent, Georges Séguy accomplit avec passion ce travail de militant, de pédagogue auprès des jeunes dans les collèges et les lycées. Il fit entendre sa voix notamment lors de la rentrée scolaire 2007, qui suivit l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Le nouveau chef de l'État avait décidé que serait lue dans toutes les classes la lettre d'adieux de Guy Môquet avant son exécution par les nazis avec les vingt-six autres otages de Châteaubriant, le 22 octobre1941. Cet hommage au jeune martyr de 17 ans, militant de la Jeunesse communiste, pour légitime qu'il fût, n'était pas dénué de préoccupations politiciennes - il ne fut d'ailleurs jamais renouvelé- de la part d'un président qui ne devait guère se révéler comme un continuateur du programme du Conseil national de la Résistance. Georges Séguy, que l'engagement de jeune communiste toulousain rapprochait tant du lycéen parisien Guy Môquet, participa au débat suscité par l'initiative présidentielle, en particulier dans un entretien accordé à l'Humanité pour l'anniversaire du crime de Châteaubriant. L'ancien résistant de 15 ans, qui avait imprimé clandestinement journaux et tracts antinazis, faux papiers et certificats de baptême pour Mgr Salliège, archevêque de Toulouse et antifasciste, y rappelait le rôle des Jeunes communistes dans les premières actions de résistance. « Toulouse était dans la zone prétendument libre, mais en fait sous la tutelle des fascistes français. Nous n’obéissions pas à une organisation puisque tout était dissous, explique-t-il. Les Jeunes communistes ont bénéficié d'une sorte de prolongation de Iégalité. L'affaire n'est pas très connue. La Jeunesse communiste toulousaine se réunissait chaque dimanche matin sous couvert des Amis de l'Union soviétique, qui était une association autorisée jusqu'à l'entrée en guerre de Hitler contre l'URSS (juin 41, JPR). C'est au cours de l'une de ces réunions que les Jeunes communistes ont préparé la visite de Pétain à Toulouse, le 6 novembre 1940. Nous avons lancé depuis plusieurs fenêtres de la rue d'Alsace des tracts anti-vichystes et antinazis. Cela a eu un écho formidable. Une foule immense attendait Pétain. Quand les tracts sont tombés sur le sol, beaucoup de gens les ont ramassés et glissés dans leurs poches. Il n'y avait pas de directives précises. L'idée était venue de nous-mêmes entre copains de la J.C. (jeunesse communiste, JPR). Nous nous sommes dit : "On ne peut pas laisser venir Putain sans rien faire". Puis l'engagement s'est poursuivi selon les affinités de chacun».

« Notre désobéissance nous a valu d'être persécutés, emprisonnés, déportés dans les camps de la mort »

L'hommage à Guy Môquet était l'occasion de « balayer cette calomnie selon laquelle les communistes ne seraient entrés dans la Résistance qu'à partir du moment où l’URSS a été attaquée ». «Les Jeunes communistes de notre génération, comme Guy Môquet » insistait-il, « se sont engagés par amour de la liberté et pour défendre leur pays. Ils sont entrés dans l'action de leur proche chef».

Tout était désorganisé. L’information parvenait de manière chaotique. Le jeune Georges Séguy avait participé à des actions visant à permettre l'évasion de républicains espagnols des camps français. « Les Jeunes communistes étaient présents aux premières heures de la Résistance. Par la suite, ils furent rejoints par d'autres jeunes, beaucoup de catholiques qui avaient milité à la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne, JPR) et qui ne trouvaient pas d'organisation au sein de laquelle ils voulaient manifester leur volonté de lutte. Petit à petit, cette résistance est devenue militaire avec les FTP (francs-tireurs et partisans) qui ont su capter l'énergie de la jeunesse ».

Un regret: « Les élèves me posent beaucoup de questions sur nos conditions d'existence dans l'univers concentrationnaire, mais pas assez sur les raisons de notre déportation. Parmi les missions qui nous ont poussés à entrer dans la Résistance », soulignait celui qui fut à moins de 17 ans le plus jeune déporté français de Mauthausen « je voudrais en mentionner une qui prend de nos jours une signification particulière: notre refus de nous incliner devant les lois du gouvernement de l’État français légalement constitué (c’est erroné, Le coup du 10 juillet 1940 : la République abattue…….JPR, Vichy était un État de fait, pas un État de droit) à Vichy en juillet 1940. Notre volonté de nous insurger contre la politique de trahison de ce pouvoir maudit. » Une colère que le temps n'avait pas émoussée : « Cette désobéissance nous a valu d'être calomniés, persécutés, emprisonnés, déportés dans les camps de la mort, et même, comme Guy Môquet et ses camarades de Châteaubriant, d'être fusillés. Puis, après la Libération, d'être félicités, montrés en exemple, souvent décorés. » Mais, poursuivait Georges Séguy, « cet aspect de notre engagement dans la Résistance est de plus en plus occulté, cela vise à permettre à l'actuel gouvernement de I’État français de détruire systématiquement les avancées sociales et démocratiques de la Résistance ».

lire absolument : Georges Séguy, une vie française dédiée à la liberté...

1-10 sur 19