jeunesse de France et résistance anti-nazie : Georges Séguy

publié le 17 août 2016, 03:13 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 4 janv. 2017, 04:06 ]
    Résistant à 15 ans, Georges Séguy rendait hommage à Guy Môquet et soulignait le rôle des Jeunes communistes dès les premières heures de la Résistance. Dans l’Humanité du 22 octobre 2007 (propos recueillis par J.P. Piérot qui rédige l’article qui suit en hommage à G. Séguy).

    ci-dessous : G. Séguy rencontre des élèves d'un C.E.T. pour préparer la "journée" du 23 octobre 1976, consacrée à l'emploi des jeunes.

En 2004, treize figures de la Résistance lançaient un appel .à célébrer le 60e anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance adopté en pleine clandestinité le 15 mars 1944. Elles exhortaient les jeunes générations à porter les valeurs du programme du CNR, « pour que la flamme  de la Résistance ne s'éteigne jamais ». « Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France libre, nous appelons les jeunes générations à faire et à retransmettre l'héritage de la Résistance et les idéaux toujours actuels de démocratie sociale, économique et culturelle ». Ses signataires s'appelaient Lucie et Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin, Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimomt, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.

Aussi longtemps que ses forces le lui permirent, Georges Séguy accomplit avec passion ce travail de militant, de pédagogue auprès des jeunes dans les collèges et les lycées. Il fit entendre sa voix notamment lors de la rentrée scolaire 2007, qui suivit l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République. Le nouveau chef de l'État avait décidé que serait lue dans toutes les classes la lettre d'adieux de Guy Môquet avant son exécution par les nazis avec les vingt-six autres otages de Châteaubriant, le 22 octobre1941. Cet hommage au jeune martyr de 17 ans, militant de la Jeunesse communiste, pour légitime qu'il fût, n'était pas dénué de préoccupations politiciennes - il ne fut d'ailleurs jamais renouvelé- de la part d'un président qui ne devait guère se révéler comme un continuateur du programme du Conseil national de la Résistance. Georges Séguy, que l'engagement de jeune communiste toulousain rapprochait tant du lycéen parisien Guy Môquet, participa au débat suscité par l'initiative présidentielle, en particulier dans un entretien accordé à l'Humanité pour l'anniversaire du crime de Châteaubriant. L'ancien résistant de 15 ans, qui avait imprimé clandestinement journaux et tracts antinazis, faux papiers et certificats de baptême pour Mgr Salliège, archevêque de Toulouse et antifasciste, y rappelait le rôle des Jeunes communistes dans les premières actions de résistance. « Toulouse était dans la zone prétendument libre, mais en fait sous la tutelle des fascistes français. Nous n’obéissions pas à une organisation puisque tout était dissous, explique-t-il. Les Jeunes communistes ont bénéficié d'une sorte de prolongation de Iégalité. L'affaire n'est pas très connue. La Jeunesse communiste toulousaine se réunissait chaque dimanche matin sous couvert des Amis de l'Union soviétique, qui était une association autorisée jusqu'à l'entrée en guerre de Hitler contre l'URSS (juin 41, JPR). C'est au cours de l'une de ces réunions que les Jeunes communistes ont préparé la visite de Pétain à Toulouse, le 6 novembre 1940. Nous avons lancé depuis plusieurs fenêtres de la rue d'Alsace des tracts anti-vichystes et antinazis. Cela a eu un écho formidable. Une foule immense attendait Pétain. Quand les tracts sont tombés sur le sol, beaucoup de gens les ont ramassés et glissés dans leurs poches. Il n'y avait pas de directives précises. L'idée était venue de nous-mêmes entre copains de la J.C. (jeunesse communiste, JPR). Nous nous sommes dit : "On ne peut pas laisser venir Putain sans rien faire". Puis l'engagement s'est poursuivi selon les affinités de chacun».

« Notre désobéissance nous a valu d'être persécutés, emprisonnés, déportés dans les camps de la mort »

L'hommage à Guy Môquet était l'occasion de « balayer cette calomnie selon laquelle les communistes ne seraient entrés dans la Résistance qu'à partir du moment où l’URSS a été attaquée ». «Les Jeunes communistes de notre génération, comme Guy Môquet » insistait-il, « se sont engagés par amour de la liberté et pour défendre leur pays. Ils sont entrés dans l'action de leur proche chef».

Tout était désorganisé. L’information parvenait de manière chaotique. Le jeune Georges Séguy avait participé à des actions visant à permettre l'évasion de républicains espagnols des camps français. « Les Jeunes communistes étaient présents aux premières heures de la Résistance. Par la suite, ils furent rejoints par d'autres jeunes, beaucoup de catholiques qui avaient milité à la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne, JPR) et qui ne trouvaient pas d'organisation au sein de laquelle ils voulaient manifester leur volonté de lutte. Petit à petit, cette résistance est devenue militaire avec les FTP (francs-tireurs et partisans) qui ont su capter l'énergie de la jeunesse ».

Un regret: « Les élèves me posent beaucoup de questions sur nos conditions d'existence dans l'univers concentrationnaire, mais pas assez sur les raisons de notre déportation. Parmi les missions qui nous ont poussés à entrer dans la Résistance », soulignait celui qui fut à moins de 17 ans le plus jeune déporté français de Mauthausen « je voudrais en mentionner une qui prend de nos jours une signification particulière: notre refus de nous incliner devant les lois du gouvernement de l’État français légalement constitué (c’est erroné, Le coup du 10 juillet 1940 : la République abattue…….JPR, Vichy était un État de fait, pas un État de droit) à Vichy en juillet 1940. Notre volonté de nous insurger contre la politique de trahison de ce pouvoir maudit. » Une colère que le temps n'avait pas émoussée : « Cette désobéissance nous a valu d'être calomniés, persécutés, emprisonnés, déportés dans les camps de la mort, et même, comme Guy Môquet et ses camarades de Châteaubriant, d'être fusillés. Puis, après la Libération, d'être félicités, montrés en exemple, souvent décorés. » Mais, poursuivait Georges Séguy, « cet aspect de notre engagement dans la Résistance est de plus en plus occulté, cela vise à permettre à l'actuel gouvernement de I’État français de détruire systématiquement les avancées sociales et démocratiques de la Résistance ».

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