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Rhône - Alpes
Elections : Le Front de gauche triomphe en Savoie
publié le 20 févr. 2012 23:46 par Jean-Pierre Rissoan [ mis à jour : 26 févr. 2012 18:50 ] Une élection cantonale partielle vient de se tenir à La Chambre (Savoie). C’est un canton situé dans la vallée de l’Arc, autrement dit de la Maurienne, en l’occurrence la Basse-Maurienne (560m d’altitude moyenne). Deux noms propres très connus : Beaufort et St-Jean de Maurienne permettent de se faire une idée de la vie économique du canton. Élevage et industrie chimique. Tradition et innovation. Cliquer sur ce lien pour lire le profil INSEE du canton de La Chambre. C’est un canton industriel où le salariat modeste[1] (ouvriers + employés) représente plus de 60% des actifs (recensement 2008) contre 51% en France métropolitaine. Mais l’emprise du catholicisme est suffisante pour que des ouvriers votent pour un candidat CNIP dont, autrefois, le fabricant de chapeaux, industriel, vichyste, Antoine Pinay était la figure de proue. Les élections ont eu lieu normalement en 2011. Mais l’écart entre les deux candidats ne fut que de quatre voix, au second tour, et l’élection fut annulée. Le conseiller général sortant, élu en 2004, maire du chef-lieu de canton, est un représentant de la droite traditionaliste savoyarde et française, tout à le fois, et a l’étiquette C.N.I.P.., parti dinosaure de la IV° république survivant sous la V° qui a donné beaucoup d’électeurs et de cadres au Front national.
ÉLECTION PARTIELLE DES 12 ET 19 FÉVRIER 2012.
* maire de La Chambre, CNIP = droite traditionaliste. Sources : ministère de l’Intérieur, Dauphiné libéré.
Le candidat du Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon, Jean-Louis Portaz, élu en 2011 se représente en février 2012 avec l’étiquette Front de Gauche, il a le soutien du PS et de EELV. Son adversaire CNIP est également sur les rangs. Mais ce dernier est en bisbille avec son conseil municipal et la droite départementale a préféré présenter un autre candidat, UMP, avec l’étiquette Union Pour la Savoie, c'est un notable : maire d'une commune du canton et conseiller régional. Le 12 février 2012, les résultats sont mauvais pour le maire de la Chambre qui n’obtient pas le quota de voix permettant de se présenter au second tour. La participation électorale était pourtant meilleure qu’au 1er tour de 2011. J.-L. Portaz semblait quant à lui avoir fait le plein des voix de gauche puisqu’il était candidat unique de celle-ci. Avec 42,5%, il progressait fortement par rapport à 2011 mais la droite et l’extrême-droite totalisaient 57,5%... Le second tour manifeste un sursaut de participation qui passe de 52 à 57% et cela a profité exclusivement à Portaz. Le candidat du Front de Gauche est élu avec 53,9% des voix au second tour. Gain de 12% en termes de suffrages exprimés. Victoire sans appel. Il gagne en électeurs inscrits puisque la participation électorale est nettement plus forte qu’en 2011. Le FN subit un revers passant de 12,6% en 2011 à 6,3% en 2012, chutant de 353 à 197 voix seulement. Où sa présidente va-t-elle chercher les 15 à 20% que lui donnent les sondages ? Cette élection partielle ne laisse en rien augurer un raz-de-marée frontiste. Ou alors un raz-de-marée du Front de Gauche. Ce qui n’a rien à voir. Une hirondelle de Maurienne fera-t-elle le printemps le 22 avril prochain ?
[1] Appellation INSEE. |
Le FN et les ouvriers communistes : l'argument massue (cas d'ANNONAY et de VILLEFRANCHE-sur-SAONE)
publié le 6 oct. 2011 20:54
par Jean-Pierre Rissoan
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Primaires socialistes : géographie électorale (cas du Rhône)
publié le 10 oct. 2011 16:32
par Jean-Pierre Rissoan
[
mis à jour : 13
oct. 2011 15:39
]
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Vote F.N. et vote ouvrier : le cas de l'Ardèche
26/05/2010 L'Ardèche est bien connue pour être un département où le comportement électoral s’explique avant tout par une variable majeure : la religion. Est-ce toujours valable ? Est-ce que l’éruption/irruption du F.N. a changé la donne ? Contrairement à son image, le département de l’Ardèche (le Vivarais d’autrefois) est industrialisé : la population active ouvrière (INSEE) est de 29,8% pour 25,6% en France métropolitaine. Il y a beaucoup d’ouvriers en milieu rural c’est sans doute ce qui donne cette fausse impression. Autre aspect essentiel : si l’Ardèche appartient à la région Rhône-Alpes, sa partie la plus méridionale, au sud du plateau des Coirons, a une sensibilité provenço-languedocienne. Je vais évoquer les Régionales 2010 mais un retour sur 1984 et 2004 est nécessaire.
Tableau 1 FN 1984 (européennes) et FN 2004 (régionales, 1er tour) dans quelques communes d'Ardèche
Source : établi à partir des statistiques du ministère de l'Intérieur et A.D. Ardèche. TGA = total gauche + extrême-gauche. XDR = FN + MNR. % Ouvr. = pourcentage d'ouvriers dans la pop. active (INSEE, 1999). 1. Sur le tableau n°1Les Communes ont été choisies - la plupart- pour leur petite taille, à l’écart de la vallée du Rhône et donc moins sensibles aux changements. Mais j’ai choisi également des communes riveraines du fleuve parce qu’elles relèvent d’un autre « comportement politique » comme dit A. Siegfried, c’est le cas du Teil et de La Voulte. Ce comportement politique est conditionné par une moindre influence de l’Eglise catholique et une sensibilité aux agitations de l’extrême-droite : dans les années Trente, le P.P.F. de Doriot y était très influent. Les deux autres comportements fondamentaux sont d’une part le vote catholique fortement teinté de traditionalisme (l’Ardèche du nord fut le fief de Xavier Vallat, commissaire aux questions juives sous Vichy) et d’autre part, le vote protestant, ces derniers étant qualifiés de « rouges » par les catholiques et sont des républicains déterminés. L’échantillon des communes du tableau est classé en fonction du vote pour l’extrême-droite lors des élections régionales de 2004. C’est presque un classement du nord au sud du département et les communes du bas de tableau sont protestantes (ou possèdent une forte minorité ‘réformée’). Elles sont sur-lignées en bleu. 1. Le vote Le Pen en 1984Les élections européennes de 1984 ont marqué l’irruption du FN dans l’espace politique national avec presque 11% des suffrages exprimées. L’Ardèche ne lui donne que 8,3%. A cette date, la droite traditionnelle tient encore bien ses troupes en main. A Pailharès, fief historique de feu X. Vallat, la droite fait 63,5%. Ses scores dépassant 70% sont légion. Le Pen n’a pas percé. Il a encore moins bien réussi dans les communes protestantes où il n’obtient parfois aucune voix. Seul Privas se distingue. Globalement, les communes protestantes votent nettement à gauche. La colonne qui indique le pourcentage d’ouvriers dans la population active montre que nous avons un vote de droite des ouvriers. On serait tenté de dire que plus le pourcentage d’ouvriers est important plus le vote à droite est élevé. Ce vote de droite va se transformer en vote d’extrême-droite. Pour résumer, en 1984, le FN obtient des scores pouvant aller de 10 à 14,1% (c’est-à-dire égaux ou supérieurs à son score national) dans trois types de régions d’Ardèche : - la « montagne ». C’est celle de Siegfried et non pas celle de J. Ferrat ! La montagne d’A. Siegfried est représentée par les cantons qui tiennent la ligne de crêtes, la ligne de partage des eaux entre le versant rhodanien et le versant ligérien[1]. Ainsi sont le canton de Coucouron et des communes haut-perchées du canton d’Annonay-sud. - un axe L’Argentière - Privas. L’INSEE classa ces cantons dans la catégorie « pôles d’emplois avec habitat collectif » caractérisés par un habitat collectif important et un chômage important, MAIS on y compte également le canton de Vals-les-bains -station touristique- qui a les caractéristiques sociologiques d’une « couronne résidentielle » (peu d’habitat collectif, peu de population étrangère) et celui de Privas qui a le type de « banlieue de cadres »[2]. - deux cantons méridionaux de la vallée du Rhône : Bourg-St-Andéol et Viviers. Classés par l’INSEE d’abord en « pôles d’emplois avec habitat collectif » puis en « cantons ouvriers », MAIS il y a là deux petites villes de 8.000 habitants : Le Teil et Bourg-St-Andéol. Cette dernière ville avec 14,1% bat tous les records et annonce un comportement politique nouveau. J’y reviendrai mais je précise tout de suite que dans le canton de St-Andéol, la catégorie INSEE « ouvriers » est sous représentée (25% au lieu de 29 en Ardèche) alors que la « bourgeoise patronale » est supérieure de 3% à la moyenne départementale. 2. Vingt ans après…Le vote FN (en réalité FN plus MNR) a bondi de 8,3 à 18,4%, ce score demeure inférieur à celui de l’ensemble Rhône-Alpes. La droite classique a perdu 16% soit le tiers de son influence. Ces 16% se répartissent en 10 points supplémentaires pour le FN et 6% pour la gauche qui progresse. Les ouvriers qui votaient à droite votent pour l’extrême-droite (ou partiellement pour la gauche). On retrouve le phénomène mosellan que j’ai présenté dans un autre article. Ce ne sont pas des ouvriers communistes qui ont abondé le vote FN. Il faut le répéter une fois de plus. Les communes protestantes votent de deux à trois fois moins pour l’extrême-droite que les communes catholiques de la « montagne » même si le FN y progresse aussi. Dans la vallée, au Teil et à La Voulte, le FN dame le pion à la droite. C’est un autre « comportement politique » : le type méditerranéen. Le vote aux Régionales 2010 le confirme avec netteté. 3. L’influence méditerranéenneLe type méditerranéen peut être défini de la manière suivante : une gauche qui « tient le coup » même si elle ne retrouve pas ses audiences de naguère ; une droite qui se tasse et qui est talonnée voire dépassée par le Front National. Ainsi pour la région P.A.C.A. la distribution des suffrages exprimés au second tour s’effectue de la manière suivante : FN = 26,5% ; Droite = 30,5% ; Gauche = 42,9%. L’Ardèche appartient pour partie au monde méditerranéen des géographes. La description qu’en fait A. Siegfried reste parfaitement valable. C’est encore plus vrai au plan historique. Les paroisses protestantes du sud du département (canton de Vallon-Pont d’Arc) appartiennent au foyer protestant languedocien. Jusqu’en 1789, le Vivarais relevait de la généralité-intendance du Languedoc et du gouvernement (circonscription militaire) de Montpellier. Comme en pays méditerranéens, il y a une forte tradition républicaine : Bourg-St-Andéol fut un des principaux foyers révolutionnaires en 1789 avec une société populaire particulièrement dynamique. Mais l’Ardèche avait aussi, comme en Provence, ses « pénitents » que l’ont vit resurgir après Thermidor. Bref, le midi n’est pas que « bleu » -couleur républicaine- et « rouge » couleur révolutionnaire, il est aussi « blanc » et à Bourg St-Andéol, au Teil jusqu’à La Voulte même, la sensibilité est provenço-languedocienne. Or, il y a dans ces régions, un courant provincialiste, « fédéraliste », que le FN n’est pas seul à propager. Le FN ne parle pas dans ses circulaires électorales consacrées aux Régionales de « régions » mais de « nos provinces », c’est très bonaldien. Georges Frèche avec sa « Septimanie » renvoie à un passé plus lointain, et Bompard, avec sa Ligue du Sud joue sur la même corde. …
Tableau 2 Le tempérament politique méditerranéen en Ardèche
L’apogée du FN se situe en 2004. Sauf à La Voulte la gauche perdit même des points. En 2010, il ne retrouve pas ce niveau mais fait bien mieux qu’en 1984. La Gauche consolide ses positions et progresse fortement lors de ces dernières Régionales mais n’est pas majoritaire absolue à Bourg St-Andéol (49,1%). La droite classique connaît une déperdition de voix tout à fait considérable (la moitié de son influence à La Voulte entre 1984 et 2010). 4. 1984 : un vote de classe (mais pas celle qu’on croit)Contrairement à ce qu’on pourrait croire (à ce que l’on nous a fait croire), le vote FN de 1984 - si important parce qu’il a déclenché le phénomène ultérieur - n’est pas dû aux ouvriers mais à la bourgeoisie patronale (vocable qui recouvre les catégories INSEE de chefs d’exploitation agricoles, artisans, commençants, chefs d’entreprises, cadres et professions intellectuelles supérieures). Au nord de l’Ardèche, Annonay est une ville moyenne (18.000 hab.) qui a connu une industrialisation importante et non importée mais issue des initiatives locales. Le salariat modeste est sur-représenté mais on observe toutefois dans le tissu urbain un « zonage » sociologique, les quartiers sont distincts : il y a un centre-ville qui concentre les commerçants et services, des quartiers « bourgeois » et des quartiers très ouvriers. En 1984, Annonay possède une grosse usine de Renault V.I. (2.000 salariés) qui a eu recours à l'immigration étrangère. L'habitat traduit cette réalité avec des quartiers où cette population ouvrière est concentrée et l’habitat collectif type H.L.M. dominant (bureaux de Font-Chevalier et Ripaille). Tableau 3 FN et PC à Annonay en 1984
Base 100 : score obtenu par les partis sur l’ensemble de la ville. Dans le tableau 3, j’ai disposé les huit bureaux de vote - des Cordeliers à Ripaille - en fonction décroissante du vote pour la droite classique. Pour chaque bureau de vote, j’ai calculé l’indice obtenu par le FN et le PCF par rapport à leur résultat respectif sur l’ensemble de la ville. Exemple : aux Cordeliers, le PCF a un indice de 51 pour une base 100 sur Annonay ; cela signifie que son influence dans ce quartier est de moitié inférieure à celle qu’il a sur tout Annonay. A Ripaille, son indice est de 132, etc… Le bureau Cordeliers partage avec celui du Centre les électorats de l'hypercentre annonéen : commerçants, professions indépendantes. Le bureau Cordeliers de mémoire annonéenne n'a jamais voté à gauche. La Croisette correspond au quartier de l'hôpital, avec maisons individuelles et intégrait, en 1984, un hameau paysan. Prématré est un bureau de la vieille ville avec bâtiments anciens non ou mal entretenus. On
observe la concrétisation
locale d'un phénomène général à l'échelle du pays. Ce sont les
bureaux les
plus à droite qui donnent le meilleur score au Front National. Le
P.C.F.
obtient ses scores les plus faibles dans les quartiers que je
qualifierais de
"bourgeois" faute de mieux. Contrairement à ce qui a été souvent
écrit et dit, le F.N. fait ses scores les plus faibles dans les
quartiers
ouvriers comme à Ripaille où la gauche résiste fort bien y
compris le
P.C.F.. La comparaison des pourcentages obtenus par le F.N. et le P.C.F.
est
intéressante : globalement, l'un est faible là où l'autre est fort :
le
graphique Excel - que le blog n’accepte pas ! -montrerait des courbes
en « ciseaux ». A cet égard, Croisette
et Ripaille sont à l'exact opposé
l'un de l'autre. la mise en graphique du
tableau 3 est visible dans l'article Le
FN et les ouvriers communistes : l'argument massue (cas d'ANNONAY et de
VILLEFRANCHE-sur-SAONE) Conclusion : en 1984, lors de l'entrée fracassante du F.N. dans la vie politique nationale, ce parti n'a pas "mordu" sur les couches populaires, beaucoup moins que sur les couches et catégories aisées qui lui donnent ses meilleurs scores. Le thème de l'immigration n'a pas perturbé l'électorat des quartiers populaires. Il n'y a pas, en 1984, de vote ouvrier en faveur du F.N., ce sont les quartiers huppés, sans immigrés mais sensibles aux thèmes ultra-libéraux de J.-M. Le Pen, qui se sont le plus mobilisés pour ce parti (NB. : cet aspect est général en France, j’aurais l’occasion d’y revenir[3]). C’est sans doute la part relativement faible de « bourgeoisie patronale » dans l’ensemble de sa population active et son vote protestant hostile qui explique la faible percée du FN en 1984 en Ardèche. * * *
Biblio : André SIEGFRIED, Géographie électorale de l’Ardèche sous la III° république, Cahiers de la F.N.S.P., A. Colin, Paris, 1949, 140 pages. Alain SABATIER, Religion et politique au XIX° siècle, le canton de Vernoux-en-Vivarais, publié à Vernoux chez Sabatier, 1975, 280 pages. L DUCROS et G. RUFIN, comité d'histoire de la seconde guerre mondiale, "Les Eglises et les chrétiens en Ardèche durant la seconde guerre mondiale", colloque de Grenoble, 1976, P.U.L., pp. 269-282. INSEE - RHONE-ALPES, la lettre n°30, novembre 2004, 4 pages, « Six grandes familles de cantons en Rhône-Alpes ». VOTRE SERVITEUR, cet article renvoie aux chapitres XVI (La Cagoule, le retour…) et surtout XXI (le coup de pouce du patronat).
Source : établi à partir des statistiques du ministère de l'Intérieur et A.D. Ardèche. TGA = total gauche + extrême-gauche. XDR = FN + MNR. % Ouvr. = pourcentage d'ouvriers dans la pop. active (INSEE, 1999).
N.B. en 2007, les voix de F. Bayrou n’ont pas été prises en compte (le total des trois colonnes est donc inférieur à 100). En 2010, en revanche, les voix MODEM se sont reparties sur les trois listes au second tour, le total est donc égal à 100%. [1] Alors que celle de Jean Ferrat est plutôt la « pente » définie par Siegfried, c’est-à-dire le plateau qui descend en pente douce de la crête à la vallée du Rhône (exclue). N.B. : dans la « montagne » définie par Siegfried, il faut bien noter l’exception du canton de St-Agrève qui est protestant et, donc, vote à gauche. [2] Ces informations sont tirées de « La lettre INSEE Rhône-Alpes », n°30 de novembre 2004. [3] Voir
le chapitre XXI qui aborde ce
thème, fondamental pour comprendre notre histoire récente. |
Elections : Le Front de gauche triomphe en Savoie
Une élection cantonale partielle vient de se tenir à La Chambre (Savoie). C’est un canton situé dans la vallée de l’Arc, autrement dit de la Maurienne, en l’occurrence la Basse-Maurienne (560m d’altitude moyenne). Deux noms propres très connus : Beaufort et St-Jean de Maurienne permettent de se faire une idée de la vie économique du canton. Élevage et industrie chimique. Tradition et innovation. Cliquer sur ce lien pour lire le profil INSEE du canton de La Chambre. C’est un canton industriel où le salariat modeste[1] (ouvriers + employés) représente plus de 60% des actifs (recensement 2008) contre 51% en France métropolitaine. Mais l’emprise du catholicisme est suffisante pour que des ouvriers votent pour un candidat CNIP dont, autrefois, le fabricant de chapeaux, industriel, vichyste, Antoine Pinay était la figure de proue. Les élections ont eu lieu normalement en 2011. Mais l’écart entre les deux candidats ne fut que de quatre voix, au second tour, et l’élection fut annulée. Le conseiller général sortant, élu en 2004, maire du chef-lieu de canton, est un représentant de la droite traditionaliste savoyarde et française, tout à le fois, et a l’étiquette C.N.I.P.., parti dinosaure de la IV° république survivant sous la V° qui a donné beaucoup d’électeurs et de cadres au Front national.
ELECTION PARTIELLE DES 12 ET 19 FEVRIER 2012.
* maire de La Chambre, CNIP = droite traditionaliste. Sources : ministère de l’Intérieur, Dauphiné libéré.
Le candidat du Parti de Gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon, Jean-Louis Portaz, élu en 2011 se représente en février 2012 avec l’étiquette Front de Gauche, il a le soutien du PS et de EELV. Son adversaire CNIP est également sur les rangs. Mais ce dernier est en bisbille avec son conseil municipal et la droite départementale a préféré présenter un autre candidat, UMP, avec l’étiquette Union Pour la Savoie, c'est un notable : maire d'une commune du canton et conseiller régional. Le 12 février 2012, les résultats sont mauvais pour le maire de la Chambre qui n’obtient pas le quota de voix permettant de se présenter au second tour. La participation électorale était pourtant meilleure qu’au 1er tour de 2011. J.-L. Portaz semblait quant à lui avoir fait le plein des voix de gauche puisqu’il était candidat unique de celle-ci. Avec 42,5%, il progressait fortement par rapport à 2011 mais la droite et l’extrême-droite totalisaient 57,5%... Le second tour manifeste un sursaut de participation qui passe de 52 à 57% et cela a profité exclusivement à Portaz. Le candidat du Front de Gauche est élu avec 53,9% des voix au second tour. Gain de 12% en termes de suffrages exprimés. Victoire sans appel. Il gagne en électeurs inscrits puisque la participation électorale est nettement plus forte qu’en 2011. Le FN subit un revers passant de 12,6% en 2011 à 6,3% en 2012, chutant de 353 à 197 voix seulement. Où sa présidente va-t-elle chercher les 15 à 20% que lui donnent les sondages ? Cette élection partielle ne laisse en rien augurer un raz-de-marée frontiste. Ou alors un raz-de-marée du Front de Gauche. Ce qui n’a rien à voir. Une hirondelle de Maurienne fera-t-elle le printemps le 22 avril prochain ?
[1] Appellation INSEE. |
le cas du canton de Givors : Givors - Millery.
Le canton de Givors se trouve au sud du département du Rhône. La ville éponyme est au confluent de la rivière du Gier et du fleuve. Dans la vallée donc. C’est une ville industrielle qui a valorisé le charbon de Saint-Étienne. Le centre de gravité du canton est à Givors que jouxte la petite ville de Grigny, très ouvrière également. Le Gier coule dans un sillon qui sépare les Monts du Lyonnais au Nord, le massif du Pilat au sud. Le canton est à cheval sur ces trois unités physiques : la vallée du Rhône et du Gier, le plateau lyonnais qui est le prolongement des Monts du Lyonnais et les premiers contreforts du Pilat. Dans l’article "Riches et pauvres : comportement politique dans le Rhône", j’ai tracé les contours -incertains- de la sous-région départementale (avec la présentation d’un canton-type, celui de Vaugneray) qui part à la conquête du plateau lyonnais. Les communes du canton de Givors situées au Nord de cette ville-chef-lieu appartiennent au plateau lyonnais, historiquement et, aujourd’hui, urbanistiquement. La commune de Millery, par exemple, s’adonna longtemps à l’arboriculture et à la culture de la vigne. "Plus tard, en 1984, la qualité des vins millerots est à nouveau reconnue grâce à l’obtention de l’AOC « Coteaux du lyonnais » "[1]. La physionomie du village a bien changé avec l’expansion urbaine de l’agglomération lyonnaise. "A la fin du Moyen Age, des maisons étroites se serrent autour de l’église. Ce « bourg » central est entouré de petits hameaux satellites qui au cours des trois siècles suivants vont être reliés au centre par la construction discontinue de maisons d’habitation de plus en plus spacieuses. L’explosion de l’habitat pavillonnaire, dans les années 70, a fortement modifié la silhouette compacte de l’ancien bourg juché en "sentinelle" dans l’écrin de leur enclos et de leurs cultures"[2]. Durant la période intercensitaire 1990-1999, Millery augmenta sa population de 13,4%, Chassagny de 42% ! Saint-Andéol-le-château de presque 20%. Lire sur le tableau 3, l’évolution démographique comparée de Givors-ville et de Millery. Enfin, autre signe de l’apparence à l’ouest lyonnais, trois communes du canton -très majoritairement à gauche, avec conseiller général communiste- votèrent à droite en 1981, à rebours de toutes les autres communes : Millery, Chassagny, St-Jean-de-Toulas. Givors et St-Romain-en-Gier qui, comme leur nom l’indique, se trouvent sur l’artère du Gier, ont profité de la 1ère révolution industrielle qui fut, ici, fondée sur le charbon de Saint-Étienne et ont donc particulièrement souffert de la crise. Cette crise est bien antérieure aux chocs pétroliers de 1973 et 1979. On se souvient de la grève des mineurs de 1963. Pour la même période intercensitaire, Givors perd presque 7% de sa population et St-Romain stagne à +0,2%... Mais les chiffres remontent depuis 1999…Ces industries (sidérurgie, métallurgie, industries du feu -verreries, briqueteries…-) sont dites "peuplantes" par les géographes et la population de Givors attint son maximum en 1975 avec presque 22.000 hab. les chiffres varient selon la conjoncture : la population baisse durant la grande dépression de 1873-1896, puis après 1a crise de 1929 et après les Trente Glorieuses. Autrement dit, l’immigration joue un rôle important. Elle est ancienne. L’italienne remonte au moins à la fin du XIX° siècle. Laissons parler un ancien maire-adjoint de Givors, chargé par le PCF de s’occuper de la question de l’immigration : « Ma commune, Givors, a une longue tradition d’accueil d’immigrés. Non pas parce que ses habitants les appellent particulièrement mais parce que cette petite ville a une vieille tradition ouvrière et que les patrons d’industrie ont toujours eu besoin de main-d’œuvre. (…). Givors est donc une ville cosmopolite : des habitants d’origine italienne, espagnole, portugaise, algérienne, (…). Cette cohabitation se passe bien, seuls quelques jeunes d’origine algérienne ont chois la délinquance comme moyen à la fois de s’exprimer et de survivre »[3]. Givors a une solide tradition révolutionnaire. Lire l’article en deux parties : Révolution française, sociétés populaires, sans-culottes : Givors-sur-Rhône. Depuis 1953, elle est dirigée par une municipalité communiste et son maire -C. Vallin- fut aussi sénateur. Aujourd’hui, le maire est toujours communiste et est conseiller général du canton (Martial Passi). Le canton a aussi une solide tradition républicaine. Dans mon livre, je cite les résultats du referendum de 1962 sur les Accords d’Evian. Le canton les ratifia à hauteur de 95% de "oui" alors que le "non" obtenait 10% à l’échelle nationale. Je donne les résultats électoraux du canton pour quelques consultations : Tab 1. (en italique : élections cantonales, en bleu : européennes 84, les autres lignes : élections présidentielles)
· FN+MNR en 2002 L’élection de 1981 fut un premier échec pour le PCF qui perd le quart de ses voix. Givors n’y échappa pas : mais le PCF fait encore figure honorable avec un peu moins du quart des inscrits. Le second grand décrochement date des élections européennes de 1984. J’en ai beaucoup parlé car elles marquent la venue au grand jour de l’extrême-droite, jusque là confidentielle depuis Vichy. Hélas, ma série statistique est incomplète et je n’ai les résultats que pour 18.000 inscrits du canton, ce qui correspond tout de même à 87% de la population totale. On peut donc réfléchir à partir de ces chiffres. En voici les résultats détaillés : Tab.2. Elections européennes(1984) dans quelques communes du canton de Givors
*résultats portant sur 18.000 électeurs du canton (soit 87% de la pop. totale). On notera ce fait d’importance : les Givordins ont voté LePen à hauteur de 5,3% des inscrits au lieu de 6,05 en France entière. C’est là le résultat d’un long travail politique du PCF au sein d’une population "cosmopolite" pour reprendre les termes du maire-adjoint Pelosato. Je le redis : ce ne sont pas les ouvriers communistes qui ont mis le pied à l’étrier de LePen en 1984. En revanche, observons le comportement politique de la commune de Millery qui vota à droite en 1981. Trois ans plus tard, la réaction patronale se fait sentir et près de 10,5% des électeurs inscrits de cette commune votèrent Le Pen. Comme dirait l’autre, les immigrés sont à Givors mais c’est à Millery qu’on vote LePen. Ce « détail » confirme, s’il en était besoin, mon article "le FN ? c’est d’abord les riches". Lire la ligne « revenu médian » dans le tableau 3. C’est que les deux villes sont le contraire l’une de l’autre. Voici le portrait que l’on peut en faire : Tab.3 analyse comparée Givors-Millery
* : BP= chefs d’exploit. agri. ; artisans, commerçants, chefs d’ent., cadres sup et prof. Intellectuelles supérieures. **actifs ayant un emploi. Deux grands éléments sont intervenus pour modifier la structure de la population active. Il y a d’abord la fonte des emplois industriels -qui touche la vallée ; et ensuite, la vague de rurbanisation, venue du nord (comprendre de l’agglomération lyonnaise) et qui touche le nord-ouest du canton qui est sur le plateau et est limitrophe de cantons comme Mornant et Vernaison. Lire l’évolution de la population par période intercensitaire, en moyenne annuelle, tant à Givors-ville qu’à Millery (Tab.3). La ville de Givors est massivement peuplée par le salariat modeste (SM, terminologie INSEE) : 70%. Chiffre élevé (trop ?) qui montre un faible encadrement par la fonction publique ainsi que par les prestataires de services comme les professions libérales. La bourgeoise patronale déserte Givors et habite Millery : 35,6% en 2008, sur le plateau, à l’ombre des vergers en fleurs[4]. En revanche, les ouvriers quittent Millery. On peut s’attarder sur les PI : professions intermédiaires, petits chefs, contremaîtres, agents de maîtrise du privé très sensibles au vote FN, surtout si ce sont des accédants à la propriété (ligne : logement). Tab.4 Les élections à Givors-ville
Tab4 bis Les élections à Millery (canton de Givors)
En 2002, près de 16% des inscrits à Givors-ville votent pour LePen. Il y a incontestablement vote ouvrier-employé pour ce candidat mais on ne saurait oublier qu’il vit près de 20% de professions intermédiaires dans la ville. C’est un vote opportuniste, deux ans après, lors de la cantonale, le FN perd la moitié de ses voix. En revanche, le maire communiste obtient plus de 43% des exprimés et presque le quart des inscrits à cette élection. Les électeurs PCF restent fidèles au bastion mais ils présentent un comportement différent aux élections nationales et aux élections locales (tab.4). En 2007, S. Royal obtient un résultat fort modeste dans le canton (Tab.5) compte tenu de la sociologie. Le vote Sarkozy de plusieurs ouvriers est manifeste. La déception se lit dans les résultats des cantonales de 2011. Surtout à Millery. Pour le canton, l’UMP est éliminée après le premier tour. La cantonale 2011. Comme partout ailleurs, la participation électorale est en chute libre. Martial Passi arrive largement en tête avec 35% des suffrages exprimés mais cela ne représente guère que 12,7% des inscrits. L’électorat FN est toujours très mobilisé et ne perd que quelques dizaines de voix par rapport à la cantonale précédente (2004). Si bien que le candidat recule de 1 point en termes d’électeurs inscrits. Par contre, en termes de suffrages exprimés, il passe de 11 à 22,2% des voix, doublement d’un score qui défraye la chronique. L’UMP -dont le candidat a changé il est vrai- perd presque 1.300 voix et se retrouve en 3° position. Le second tour est donc un duel PC-FN. Le second tour dans la commune de Givors. Au second tour, il y a -pour la commune de Givors- 607 votants supplémentaires. Les voix disponibles pour les deux candidats restant en lice sont au nombre de 421(écolo.) + 346 (PS) + 333 (UMP) + 607, soit 1707. Les votes blancs et nuls augmentent de 170 voix. Il y a donc 1537 suffrages exprimés supplémentaires. Martial Passi obtient 2703 voix soit un gain de 1153 voix. Le FN passe de 761 à 1145 soit un gain de 384 voix. M. Passi est élu avec 70,2% des exprimés alors que la gauche ne totalisait que 67% au premier tour. On peut donc dire qu’il a « fait le plein » à gauche, qu’il a obtenu la plupart des voix des votants supplémentaires du second tour et, pourquoi pas, quelques voix républicaines de l’UMP. Les 170 votes blancs et nuls supplémentaires du second tour sont à mettre à l’actif, selon toute vraisemblance, des électeurs UMP qui ont refusé de voter pour le Front national. Quant au candidat FN, il obtient des votes de l’UMP plus celles d’abstentionnistes du premier tour, car ce parti disposait d’une réserve de voix[5]. Le second tour dans la commune de Millery. A Millery, ville bourgeoise de cadres supérieurs et moyens, on vote convenablement, « comme il faut », et on place l’UMP en tête (34,4% des exprimés). Le FN n’en fait pas moins 200 voix, ce qui est supérieur à son score de la présidentielle 2007 (170 v.). Compte tenu des abstentions, cela monte son chiffre de suffrages exprimés à 18,2% au lieu de 7,1% en 2007. Comment cette commune très droite/extrême-droite va-t-elle se comporter face au duel PC/FN du second tour ? Le maire communiste de Givors a tout de même obtenu 230 v. au premier tour, preuve de son enracinement local. Les voix disponibles au second tour se montent à 378 (UMP) + 155 (écol.) + 137 (PS) et 91 votants supplémentaires. Soit 761 suffrages auxquels il faut défalquer 139 votes blancs et nuls. Les deux candidats du second tour avaient donc 622 voix pour les départager. Passi monte de 230 à 675 voix (gain de 445 v.). Le FN passe de 200 à 377 soit un gain de 177 voix. Il est loin des 578 théoriques (somme FN + UMP) que les résultats du 1er tour pouvaient lui laisser entrevoir. Il lui en manque deux cents que les votes blancs et nuls n’expliquent pas en totalité. Plusieurs dizaines de voix de l’UMP sont se sont portées sur M. Passi. Comportement républicain.
Tab.5. Les seconds tours au niveau du canton.
* candidats du F.N. [1] Site Wiki de la commune. [2] Idem. C’est moi qui souligne. [3] A. PELOSATO, « les Algériens, l’Algérie et la France », 2000, disponible sur le net. La ville de Givors est jumelée avec une ville algérienne. [4] Au printemps… [5] Le Pen obtint 1551 voix au premier tour de la présidentielle 2002 à Givors-Ville. |
II. Riches et pauvres : comportement politique dans le Rhône
15/06/2011 Dans le premier article, j’ai présenté les diverses variables qui peuvent expliquer le comportement électoral des sous-régions du département du Rhône. J’en viens maintenant aux résultats eux-mêmes. On va raisonner à partir des résultats de la présidentielle 2007. Les chiffres qui suivent sont obtenus par calcul à partir du nombre des électeurs inscrits. Pour ce qui concerne le premier tour, les chiffres de "la droite" vont paraître élevés. Cela s’explique par le fait que j’y ai incorporé les chiffres de F. Bayrou[1]. Celui-ci a obtenu les suffrages d’électeurs du centre-gauche. Les résultats du second tour atténuent fortement le déséquilibre Gauche-Droite accentué au premier par l’éphémère phénomène Modem. C’est pourquoi je présente les tableaux des deux tours simultanément. COMPORTEMENT ÉLECTORALPour des raisons pratiques, je présente les résultats de la France et du Rhône dans un tableau à part. Il sert de référence.
Tableau 1 : Résultats du 1er tour 2007 (inscrits)
ANBl. = abstentions, votes nuls et blancs. NB. Dans l'ordre : Limonest, Lyon, Meyzieu, Thizy, Vaugneray et Vénissieux. Tableau 2 : Résultats du 2ème tour 2007 (inscrits)
Globalement, au premier tour de 2007, le Rhône a été plus civique (ANBl. de 13% au lieu de 15,8 en France), plus à droite mais moins à gauche et moins lepéniste que la moyenne française. Il y a là, déjà, une information : en 2002, le Rhône avait placé LePen en tête de tous les candidats ! Avec le MNR, l’extrême-droite avait totalisé 21,9% des suffrages exprimés au lieu de 19,2 dans l’Hexagone. Les duettistes Madelin-Boutin, candidats de la droite extrême, avaient réalisé le score cumulé de 7,1% au lieu de 5,1 en France (exprimés). La fonte de l’électorat lepéniste en 2007 a profité à la droite et à N. Sarkozy : ce n’est plus une surprise de le dire aujourd’hui. Les électeurs Madelin-Boutin ont également serré les rangs derrière le candidat des riches[2]. Sur ce point, je me permets de renvoyer le lecteur à l’article de mars 2011 : 3. LE F.N. et le vote stratégique des Riches : PRESIDENTIELLE 2002 Concernant l’abstention, les votes nuls et blancs (ANBl.)Les cas concrets des cantons de Limonest et de Vaugneray montrent, encore une fois, que les riches et ultra-riches savent parfaitement où se trouve leur intérêt : ils votent ! Presque 9 inscrits sur 10 expriment un vote valable dans ces cantons. A Vénissieux, le salariat modeste s’abstient ou vote nul ou blanc pour 20%. Le canton de Thizy également ouvrier s’abstient plus que la moyenne. Quelques rappels utiles concernant la présidentielle 2002Tableau 3 : Score de l’extrême-droite et droite-extrême en 2002 (inscrits).
DEX = droite extrême ; U.L. = ultra-libéral (ou antifiscaliste)
Ce tableau mérite quelques explications. L’extrême-droite n’a pas qu’une démagogie ouvriériste comme discours, elle est aussi anti-fiscaliste et sa cible est double : les possédants et le salariat modeste. Voir la série d’articles intitulée : - 1. Le F.N. ? c’est d’abord les riches… A preuve : regardez le score obtenu à Limonest (14,5%) et à Vaugneray (13,2% des inscrits). Mais en 2002, il y eut aussi la candidature Madelin, candidat ultra-libéral qui obtint autant de voix chez les patrons que J. Chirac et J.-M. Le Pen. Quant à Mme Boutin, elle réclama une "droite bien à droite !", le moins-d’Etat, un Etat réduit aux fonctions régaliennes, sous-entendu : moins d’Etat-Providence, la charité étant le rôle des associations caritatives si possible dirigées par la Cité catholique. Bref, les votes Madelin-Boutin visaient à faire pression sur J. Chirac pour "libérer les patrons" écrasés par les célébrissimes "charges". Le canton de Limonest donne presque 10% des inscrits à cette droite-extrême. Vaugneray, plus de 7%. En revanche, les prolos de Vénissieux sont parfaitement insensibles à ce discours ultra : 1,8% seulement des inscrits, exactement la moitié du score national. Lyon est sensible à ce discours, surtout dans ses deux arrondissements riches : le VI° et le II°. A Thizy, Madelin fait un bon score : cela s’explique par la perpétuation de l’influence des Indépendants & Paysans, le bon vieux parti d’Antoine Pinay truffé d’influences catholiques de droite (comme la Cité catholique que j’évoque dans mon livre, chap.18). Mais à Thizy, Le Pen fait un très gros score en 2002 : c’est un bon exemple de vote FN des ouvriers lesquels votaient à droite auparavant. Dans le canton de Meyzieu, le vote FN s’explique sans doute en partie par un vote ouvrier mais, outre le fait que la bourgeoisie patronale est bien représentée, les professions intermédiaires du secteur privé sont sur-représentées : on sait que la pénétration FN y est forte. Ce tableau montre donc où la pression politique sur la droite classique fut la plus forte. N. Sarkozy sut le comprendre et adapta son discours. Il rafla la mise en 2007. Le vote des sous-régionsA l’ouest de la ville-centre, la première couronne donne des résultats insolents à la droite qui obtient 66% des inscrits dès le 1er tour. Le vote FN s’effondre : Sarkozy a promis[3]. Au second tour, N. Sarkozy obtient 62,8 des inscrits à Limonest. En termes de suffrages exprimés, les chiffres sont affolants : 75% à St-Cyr-au-Mt d’Or, 76,6 à St-Didier, 77,4 à Charbonnières-les-bains 72 à Ecully. Les Liliane Bettencourt du secteur se sont déplacées en masse. Dans la seconde couronne (type Vaugneray), les suffrages sont également très nombreux, un peu moins favorables toutefois mais le soutien au candidat du Fouquet’s reste très élevé : 55,2% des inscrits dans le canton pris comme échantillon, soit 65,2 des exprimés. Dans les cantons de ce type, on trouve Bois-d’Oingt avec 62,6%, l’Arbresle 62% ; Anse 65,8 ; Mornant 61,5 ; Ste-Foy 62,2. Je rappelle qu’en France, N. Sarkozy obtint 53% des exprimés. Dans les Monts (Beaujolais, Tarare, Lyonnais), à Thizy, le pourcentage des ANBl. augmente au second tour : abstentions d’électeurs FN. Mais la tendance lourde du vote habituel à droite s’exprime à nouveau. Amplepuis 66% ; Lamure/Azergues 68,6% ; St-Symphorien-sur-Coise 68% ; St-Laurent de Chamousset 65,4 ; Monsols 72,1% des suffrages exprimés pour le futur président.
Vers l’Est. La couronne ouvrière de l’Est lyonnais reste fidèle à la gauche : Villeurbanne (de justesse), Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Saint-Fons ont voté Royal au second tour. On peut ajouter Pierre-Bénite au sud. Mais les communes à municipalité socialiste de Bron, Décines, Saint-Priest et Feyzin ont voté Sarkozy. On notera également que la candidate socialiste est loin d’obtenir autant d’électeurs inscrits dans ces fiefs de gauche que le candidat de droite en obtient dans les siens. 46,9% des inscrits pour la gauche au second tour à Vénissieux, 62,8% des inscrits pour la droite à Limonest. Phénomène général. A l’image de Meyzieu, la seconde couronne a voté pour le candidat de la droite décomplexée. Alors que partout ailleurs, la Droite ne fait pas le plein de ses voix du 1er tour abondées de celles du FN, à Meyzieu elle fait mieux au second tour qu’au premier (en termes d’inscrits)[4]. Pourtant les ANBl progressent. Cela s’explique par un bon report des voix FN sur Sarkozy. D’ailleurs, l’autre canton de l’échantillon où le FN fait un gros score au premier tour, Thizy, a le même comportement. Au total, dans les cantons de cette couronne, les résultats sont bons pour N. Sarkozy : 61,7% des exprimés à St-Symphorien d’Ozon et 61,8% des exprimés dans le canton de Meyzieu. Mais, encore une fois, le niveau des revenus n’est pas le même que dans l’immédiate banlieue. Lyon a voté Sarkozy de manière nuancé. Le vainqueur y obtient 53% des exprimés comme à l’échelle nationale. Mais il le doit à deux arrondissements de riches : 68,2% des exprimés et 57,4% des inscrits dans le VI° arrondissement, 62,5%des exprimés et 51,2% des inscrits dans le II° qui compte un quartier ouvrier où un bureau plaça Royal en tête (mais un bureau célèbre donne 74,6% des exprimés et 64,6 des inscrits à Sarkozy). Mais Lyon est multiple, et cinq arrondissements sur neuf ont voté Royal. Touts ces éléments, permettent de comprendre la géographie des cantonales. Ce qui peut faire la matière d’un prochain article. [1] L’évolution de M. Mercier, conseiller général MODEM de Thizy, président MODEM du Conseil général du Rhône, devenu ministre de N. Sarkozy suffit à montrer que "le centre est à droite". [2] Il y avait, certes, la candidature de Ph. De Villiers mais ce candidat fait moins bien dans le Rhône (1,94% exp.) qu’au plan national. [3] Sur les cadeaux fiscaux aux riches, on peut affirmer qu’il a réellement tenus ses promesses. [4] Je m’explique (tableau 1) : dans le Rhône, le total droite + ext-droite est égal à 58,6% : c’est le potentiel théorique de Sarkozy pour le 2ème tour ; or il ne fait que 46,9 ce qui est moins bien que la Droite seule au 1er tour. Beaucoup de voix sont allées soit de Bayrou sur la gauche, soit du FN à l’abstention. C’est un phénomène général. A l’inverse, à Meyzieu, Sarkozy, au second tour, fait mieux que la droite seule au 1er. On retrouve cette situation à Thizy. Ces deux cantons ont la particularité d’avoir donné un gros score à LePen au premier tour. |
I. Riches et pauvres : comportement politique dans le Rhône
14/06/2011 L’INSEE
Rhône-Alpes vient de publier un « quatre-pages » sur les revenus
fiscaux des habitants de la région Rhône-Alpes[1]. Le
journal Le Progrès[2]
apportent quelques informations et cartes supplémentaires. C’est l’occasion
pour moi d’effectuer une analyse du comportement politique du département et
des sous-régions de ce département. NB. je parle ici du département d'avant la séparation avec la métropole de Lyon. Tout le monde sait que le Rhône est un département situé à l’ouest de … la Saône[3]. La progression de l’agglomération bloquée par les Monts du Lyonnais, à l’ouest, s’est faite vers l’est, vers la plaine du bas-Dauphiné. Après 1966, le département absorba une partie importante de ce Bas-Dauphiné[4]. Pendant longtemps, il y eut donc Lyon et sa banlieue et, au nord, les Monts du Beaujolais, de Tarare et du Lyonnais. En position plus méridionale, le long du Rhône, on a les cantons de Givors et de Condrieu. La banlieue, ce fut à l’est et au sud, une banlieue ouvrière et au nord et à l’ouest, déjà à l’attaque du plateau lyonnais et de ses vergers, une banlieue bourgeoise. Depuis quelques décennies, on assiste à la création de deux nouvelles sous-régions : vers l’ouest une marée de villas grimpe sur les Monts du Lyonnais, avec son cortège de navetteurs qui viennent tous les matins travailler en voiture à Lyon. A l’est, les cantons ouvriers du bas-Dauphiné sont eux-aussi envahis par les maisons individuelles des néo-propriétaires issues des professions intermédiaires. Jusqu’à présent, mais tout va très vite, l’ouest avait meilleure presse que l’est[5]. La "vieille" banlieue ouvrière de l’est, de Vaulx-en-Velin à Saint-Fons, via Vénissieux, a souffert des restructurations industrielles, du vieillissement de l’habitat collectif et connaît les problèmes des "cités", pour parler en litote. J’ai choisi un canton ou une grosse commune que j’ai estimés représentatifs de leur sous-région. Pour chacun voici la composition socio-professionnelle. Pour la définition des concepts de bourgeoisie patronale, de professions intermédiaires, je vous renvoie à la lecture de mon article du 29 mars 2010 dont voici le lien : Les chiffres ont changé du fait que je m’appuie ici sur le recensement INSEE de 2006. Classées par ordre alphabétique, voici les circonscriptions choisies :
Population active de 15 ans ou plus ayant un emploi par catégorie socioprofessionnelle Source : INSEE, RP2006 exploitation complémentaire. Le canton de Limonest représente la vieille banlieue bourgeoise. Celui d’ Ecully est de la même veine. Ce sont les ghettos du Gotha. La ville de Lyon aurait mérité une analyse par arrondissement mais une analyse globale n’est pas inintéressante et avec ses arrondissements ouvriers (VIII° et IX°) ou très huppés (II°, VI°), c’est au final une ville équilibrée, pour l’instant. Meyzieu a été choisie comme canton type de l’Est lyonnais. Encore très ouvrier, la part des professions intermédiaires y est très élevée. Et le taux de bourgeoisie patronale est le même que celui du pays tout entier. Thizy est un canton du beaujolais "vert", celui des sapins. Tourné vers la Loire, il relevait des régions d’industrie diffuse, avec prolifération des PME / PMI du textile. Frappé de plein fouet par la crise qui perdure, sa démographie est déclinante. Vaugneray est le type même du canton du péri-urbain, de la rurbanisation, etc… les villas y poussent comme des champignons. Vénissieux, fief de l’industrie automobile, a une sociologie déséquilibrée. Toutes ces nuances -bien trop résumées- se traduisent par les disparités de revenus telles qu’elles sont mentionnées dans le tableau suivant. On regardera avec intérêt les chiffres de la colonne indiquant le pourcentage des ménages propriétaires de leur résidence principale.
*part des ménages propriétaire de leur résidence principale en 2007 en %. Le
faible nombre de propriétaires sur Lyon peut surprendre. Cela s’explique d’une
part, par l’importance du logement social dans des arrondissements où le
salariat modeste est encore très présent ; d’autre part, il faut relever
l’importance des logements faiblement occupés (deux personnes ou moins). Il
s’agit d’étudiants, jeunes diplômés, couples sans enfants, migrants fraîchement
installés, bref, une population jeune, locataire plutôt que propriétaire,
bourgeoise-bohème autrement dit les bobos
chez qui le PS et/ou les Verts trouvent un large écho. Mais la gauche révolutionnaire (FI + PCF) obtient d'excellents scores (23% sur le tout-Lyon au 1er tour de 2017). L’importance des propriétaires à Limonest était attendue. A Vaugneray également. Dans ce canton, les migrants viennent pour s’installer définitivement. Leur "tempérament politique" n’est pas du tout le même que dans la ville-centre. A Meyzieu, le nombre des accédants à la propriété est élevé. Or, la sociologie n’est pas la même qu’à Vaugneray. On a là des professions intermédiaires et des ouvriers qualifiés qui ont emprunté pour acheter leur logement et qui ont été sensibles à la crise et à la baisse du pouvoir d’achat conséquent. On comparera avec intérêt, les taux du canton de Thizy et de la commune de Vénissieux. Dans cette ville de banlieue, les salariés sont des locataires à une très large majorité (2 sur 3). A Thizy, les ouvriers et employés sont bien davantage propriétaires de leur logement : c’est l’héritage de leurs parents ou grands-parents agriculteurs ou forestiers. Eux-mêmes sont, possiblement, des ouvriers-paysans[6]. Ils ont un patrimoine. Leur "tempérament politique" hérité de la tradition catholique et de cette sociologie n’est pas le même que celui des ouvriers communistes[7] de Renault-Trucks anciennement Renault-VI, anciennement Berliet. Autres approches statistiquesLe bilan démographique d’une localité est la somme de l’accroissement naturel AN[8] (natalité-mortalité) et du solde migratoire SM[9] (entrées-sorties). Le vieillissement de la population peut être appréhendé par le nombre de plus de 60ans parmi la population masculine. Le taux de chômage est un indicateur de la vitalité économique.
(c) : canton ; (v) : ville. *Variation de la population : taux annuel moyen entre 1999 et 2007, en % ** % de plus de 60 ans dans la population masculine (RP99) Chômage des 15-64 ans en 2007 (INSEE)
Par rapport aux moyennes françaises, le Rhône est un département plus jeune, au dynamisme démographique plus élevé et moins frappé par le chômage. Lyon est une ville rajeunie au fort accroissement naturel. La rénovation urbaine a fait fuir des habitants mais depuis deux ou trois ans, le solde migratoire est redevenu positif. Vers l’ouest de la ville-centre, la première couronne (type Limonest) reste attractive et l’accroissement naturel est modeste. Les jeunes ménages sont ailleurs[10]. La seconde couronne (type Vaugneray) a une attractivité élevée : +0,8% par an et le solde naturel est supérieur à la moyenne nationale. C’est une zone en croissance très rapide avec une situation de quasi plein emploi[11]. La troisième "couronne", c’est-à-dire les moyennes montagnes du département ont un accroissement naturel négatif. Les plus de 60 ans sont ici en nombre élevé. Le solde migratoire est souvent négatif. Cependant, les départs sont parfois compensés par l’installation de rurbains venus de villes extérieures au département : ainsi, les cantons du beaujolais viticole accueillent des travailleurs de Mâcon, ceux du Beaujolais vert, des travailleurs de Roanne[12]. A l’Est et au Sud de Lyon, l’hémorragie des travailleurs à la recherche d’un emploi (type Vénissieux) est compensée par un fort accroissement naturel. Le chômage est élevé. Une seconde couronne (type Meyzieu), à l’expansion récente par rapport à la vieille banlieue, a une population jeune qui donne un accroissement naturel assez élevé. Le chômage y est moindre. Le comportement électoral de ces sous-régions du département fait l’objet de l’article suivant. (à suivre) II. Riches et pauvres : comportement politique dans le Rhône [1] "La lettre Rhône-Alpes", INSEE, n°146, juin 2011. (Disponible sur le net). [2] Édition du 9 juin 2011. [3] Pour ce qui concerne le nord de l’agglomération. C’est au sud de Lyon, après le confluent de la Mulatière que le Rhône sert de limite au département (cantons de Givors et de Condrieu). [4] Cantons de Décines-Charpieu, de Meyzieu, de St-Symphorien d’Ozon. Cela à cause de la catastrophe survenue à la raffinerie de Feyzin, bien connue des vacanciers empruntant l’A7, ravagée par un gigantesque incendie qui fit plusieurs morts chez les sapeurs-pompiers. A cette date, Feyzin appartenait administrativement au département de l’Isère : c’est donc Vienne (sous-préfecture) et Grenoble (préfecture) qui devaient prendre en mains la lutte contre l’incendie au lieu de Lyon tout proche. Cette catastrophe fit comprendre aux décideurs qu’un changement de la géographie administrative s’imposait : il fallait tenir compte de l’expansion lyonnaise vers le sud et l’est. [5] Les petits-bourgeois de l’ouest se dressent comme un seul homme pour éviter toutes les infrastructures qui permettraient de contourner l’agglomération lyonnaise. Alors que l’Est est suréquipé de ce point de vue et même saturé. Mais la connexion entre l’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry et la gare TGV de la Part-Dieu accélère le dynamisme de « l’Est lyonnais » à quoi s’ajoute l’effet « stade des Lumières » . [6] En 1981, les cantons de cette sous-région du département ont voté massivement pour Giscard d’Estaing : Lamure-sur-A. 64% ; Amplepuis 59% ; Monsols : 68% ; St-Laurent-de-Chamousset 65% ; St-Symphorien-sur-Coise 75%, etc.. (Le Progrès du 11 mai 1981). [7] Vénissieux a une municipalité communiste depuis 1935. [8] Variation due au solde naturel : taux annuel moyen entre 1999 et 2007, en % (INSEE, données locales) [9] Variation due au solde apparent des entrées sorties : taux annuel moyen entre 1999 et 2007, en % [10] Ecully perd 2% de sa population entre 1990 et 1999… C’est ici que s’applique l’analyse sur les milliardaires français qu’incarne parfaitement Mme Bettencourt : « L'échantillon de milliardaires français étudiés par « Forbes » détient au moins une palme, celle de l'âge, avec une moyenne de 74 ans, la plus élevée parmi les douze pays ou région étudiés. A 67 %, la fortune est issue d'un héritage». [11] Ainsi le maire de Messimy (15km de Lyon, canton de Vaugneray, +33,5% entre 1990 et 1999) a pu déclarer : "à mon goût, l’urbanisation se développe trop vite. C’est un avis partagé par le conseil municipal qui nous a conduit à modifier le POS en réduisant les surfaces constructibles". [12] Il faudrait pouvoir descendre au niveau de l’analyse par commune. Ainsi dans le canton de Thizy, si la commune éponyme perd 13,8% de sa population entre 1990 et 1999, sa voisine, Marnand en gagne +15%. Mais Cours-la-ville en perd 8,6 et Marnand en gagne plus de 15%, etc.. Dans le canton de Beaujeu, limitrophe de la Saône-et-Loire, la charmante commune de Chiroubles perd plus de 8% mais Juliénas gagne plus de 12,7%.... |
Régionales 2010, FN et banlieues : rôle des professions intermédiaires et de l’enracinement communiste
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