le vote F.N. à PARIS…**

publié le 27 juin 2011, 01:31 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 19 sept. 2015, 08:51 ]
  ** lecture à compléter par celle de l'article suivant : PARIS, LES ARRONDISSEMENTS, LES VOTES, L’HISTOIRE…(PETIT ATLAS)
        ainsi que par la lecture des tableaux de résultats de la présidentielle 2012 à Paris, en avril 2012...

 

    Les statistiques fournies par l’hébergeur du site me permettent de savoir le grand intérêt qui est porté aux résultats du F.N.. Mais c’est souvent pour tâcher de comprendre pourquoi « tant d’ouvriers votent F.N. », personne ne semble s’intéresser aux élites. Il est vrai que ce parti en exploitant le filon publicitaire fabriqué par les médias, filon du « premier parti ouvrier de France », contribue à ce matraquage. C’est ignorer l’impact puissant de ce parti sur les catégories aisées. Depuis qu’il existe le FN mène campagne contre l’impôt. Et l’on sait que ces catégories sont écrasées depuis des temps immémoriaux[1] par une fiscalité trop injuste à leur égard. Regardez Mme Bettencourt !

    Je vais donner les résultats du Front National sur Paris intra-muros en 1984, date historique puisque c’est de là que date son essor. Rappelons qu'au plan national, la liste de J.-M. Le Pen obtient alors 10,9% des exprimés, 6,1% des inscrits.

    Les chiffres qui suivent seront, le plus souvent possible, calculés par rapport aux inscrits. Cette méthode permet de gommer le différentiel d’abstentions. En effet - et c’est de là que vient cette forme de supercherie - le chiffre en suffrages exprimés est trompeur. Prenons un cas concret. A Vaulx-en-Velin (Rhône), ancienne et toujours municipalité communiste, le FN obtient, en 1984, 19,4% des exprimés. A Paris VIII°, temple de l’argent, il obtient 19,1%. D’où le cri unanime des médisants : les ouvriers communistes ont voté FN ! Mais à Vaulx-en-Velin, la participation ne fut que de 38% alors qu’à Paris VIII° elle dépassa les 61%. Conclusion : par rapport aux inscrits, le FN obtient 11,5% dans cet arrondissement parisien (soit presque le double du niveau national) et 7,2% à Vaulx assez proche de la moyenne nationale. Cela change fortement l’appréciation que l’on peut porter.

 

A Paris en 1984.

    Le tableau donne les résultats de la présidentielle de 1965 et des législatives 1962 : il faut toujours inscrire les choses en perspective.

    Les résultats du XX° arrondissement confirment ceux des élections municipales de l'année précédente où J.-M. Le Pen avait été élu au conseil d'arrondissement et qui étaient déjà le reflet de problèmes locaux. Il ne faut pas exagérer le "gauchisme" des arrondissements de l’Est de Paris. En 1958 et en 1962, aucun d’entre eux n’élira un député de gauche. Et l’on sait également – la presse le répéta à satiété – que Jacques Chirac obtint un "20 sur 20" aux élections municipales de sa belle époque. 

Tableau

Le vote d'extrême-droite dans quelques arrondissements parisiens.

Arrondissements

16°

17°

19°

20°

Tixier-V. 1965 (Paris : 5,81%)

7,74

8,43

8,5

6,4

4,31

4,32

Indice (Paris : 100)

133

145

146

110

74

74

C.N.I.P. 1962[2] (Paris : 19,31%)

37

37,4

29

29

14

15,2

Indice (Paris : 100)

191

194

150

150

72

78

Européennes 1984 (Paris : 8,5)*

9,42

11,52

10,72

9,93

8,17

9,3

Indice (Paris : 100)

111

136

126

117

96

109

*Par rapport au nombre d'électeurs inscrits.

 

    Il est hautement significatif que ce soit le VIII° arrondissement qui place Le Pen en tête de ses résultats parisiens (36% de plus que sa moyenne intra-muros, 40 points d’écart avec le XIX° arrondissement). Le VIII° est le QCA, le quartier central des affaires, où le prix du m2 et le montant des loyers sont les plus élevés. La bourgeoisie patronale y représente 53,4% des actifs contre 19,7 en France entière [3]. Les votes passés en faveur de Tixier-Vignancour (dont J.-M. Le Pen fut directeur de campagne) et en faveur des candidats Indépendants & Paysans (le même J.-M. Le Pen fut élu député de Paris avec cette étiquette en 1958) illustrent la coloration politique de cet arrondissement avant l'éclosion du Front. Le VII° arrondissement - à la sociologie identique - fut longtemps le fief d’ Edouard Frédéric-Dupont (1902-1995), que l’on vit trainer du côté de la Concorde, le 6 février 1934, et qui présenta une liste commune avec Le Pen, en 1986 [4]. La filiation est ici patente.

    Le populeux XIX° reste fidèle à son passé révolutionnaire.

    Le Pen réalise donc des scores très élevés à Paris, en 1984, ce qui contredit totalement les propos de l'expert P. Perrineau qui écrit : "le profil social particulier (fort pourcentage de cols blancs à haut niveau d'études et importance des personnes âgées) d'une ville comme Paris rend plus difficile la pénétration du populisme frontiste"[5]. Et à Neuilly-sur-Seine, le F.N. obtient 17,6% chez d'autres cols blancs à haut niveau d'études (et hauts revenus et solides patrimoines ce que Perrineau se garde de souligner). Neuilly, c'est 62,3% de bourgeoisie patronale et 4,1% d'ouvriers parmi les actifs, et le pourcentage de personnes âgées est bien plus grand qu'en France. Autre commune à cols blancs, pas particulièrement "jeune", Marnes-la-Coquette : le F.N. monte à 16,94%...

Présidentielle 2002

    En 2002, au second tour de la présidentielle, ce sont les 8° et 16° arrondissements qui donneront le meilleur résultat au F.N. : 12% au lieu de 10 sur l'ensemble des vingt arrondissements.

Régionales 2010 à Paris

    Ces élections ne sont pas bonnes pour le F.N.. Il obtient 2,86% des inscrits intra-muros alors que l’extrême-droite (FN + MNR) obtenait 5,5% en 2004, aux précédentes régionales. Certes l’abstention a fortement progressé puisque les votants passent de 62,7 à 47,7% mais cela représente une baisse indiciaire de 26 points alors que le score du FN recule de 48 !

    Il est difficile de dire au profit de qui. On ne peut convenablement analyser le score de l’UMP qui, en 2004, avait contre elle une liste menée par J. Santini qui avait l’étiquette officielle de l’UDF. En 2010, l’essentiel de cette UDF a rejoint l’UMP (c’est le Nouveau Centre) et faisait campagne pour madame Pécresse. Le MODEM ne recueille que 4% des exprimés en 2010 contre plus de 16% pour J. Santini en 2004. Il est donc normal que la liste UMP progresse en termes de suffrages exprimés.

    Les cinq arrondissements de l’Ouest (15°, 16°, 17°, 7° et 8°) confirment leur ancrage à droite en donnant un score supérieur à la moyenne FN intra-muros (entre 2,96 et 3,2% des inscrits). Les 12°, 13°, 14° et 18° arrondissements donnent également un score supérieur (entre 2,88 et 3,15%). C’est le centre de Paris qui est le moins frontiste. Si l’on regroupe les quatre premiers arrondissements - que l’histoire et la sociologie unissent par des liens très forts - on obtient les résultats groupés suivants : 2,13% des inscrits pour le FN et 12,1% pour la liste des Verts. Ces derniers ne réalisent que 9,6 dans l’intra-muros. Dans ce secteur, ces derniers dament parfois le pion au Parti socialiste comme dans le deuxième arrondissement. C’est le 1er arrondissement qui donne le meilleur score aux Verts sur l’ensemble des vingt de la capitale.

    Le Front de Gauche bat sur le fil le Front national sur l’intra-muros. Dans le XX° arrondissement, il franchit la barre des 10% des exprimés soit 4,7% des inscrits contre 2,9 pour le FN. Dès lors, le « coude à coude » entre ces deux formations s’explique par le score du FN dans l’Ouest, là où le Front de gauche obtient un score très faible voire nul. Les trois arrondissements, historiquement les plus ancrés à droite (7°, 8° et 16°), à la sociologie caricaturale, donnent 0,6% des inscrits (922 voix sur 145.368 inscrits) au Front de Gauche mais 3,1% au FN (4443 voix sur ces trois arrondissements).

    Voici une carte du vote FN aux municipales 2014 ; cf. un atlas dans Municipales 2014 à PARIS (1er tour, atlas)


Municipales à Paris : le score du FN.

    PARIS, LES ARRONDISSEMENTS, LES VOTES, L’HISTOIRE…(PETIT ATLAS)

    à Paris, en avril 2012... (présidentielle, score de tous les candidats, par arrondissement).


[1] Sur les rapports entre l’argent, la politique, la bourgeoisie et le vote F.N. lire le chapitre « Le veau d’or », n°C22.

[2] J'ai ajouté les voix du "Centre républicain" à la dénomination trompeuse.

[3] Chefs d’exploitation agricole exclus.

[4] Alors les élections législatives eurent lieu à la proportionnelle, scrutin de liste.

[5] P. PERRINEAU, directeur du CEVIPOF, "la percée du Front National". Revue L’Histoire, 2002. En termes d'électeurs inscrits, le FN obtient 8,5% sur Paris intra-muros contre 6,1% en France. Notons que cette analyse annonce les idées reçues qui fleuriront après la victoire du "non" au  référendum sur la constitution européenne de 2005 : les instruits votent "oui" et les ignorants votent "non". 

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