à Paris, en avril 2012...

publié le 5 mai 2012, 16:33 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 7 févr. 2015, 03:47 ]

    Je publie ce tableau extrait des colonnes du Parisien.fr


    Les résultats à Paris, sont étonnants. Le Front de gauche - dont il était difficile d’ignorer la couleur rouge du drapeau, surtout pour les Parisiens qui ont pu (re)prendre la Bastille - arrive en troisième position. Loin derrière Hollande et Sarkozy qui obtiennent chacun environ le tiers des voix exprimées, mais Mélenchon dépasse les 11% obtenant dans la capitale le même score qu’au plan national. Il est le "troisième homme" dépassant et Bayrou et LePen.

    Mais Paris c’est plus d’un million deux cents mille électeurs répartis sur vingt arrondissements. Les lecteurs parisiens de ce site connaissent presque par cœur la géographie électorale traditionnelle de leur ville. Je rappelle le lien : PARIS, LES ARRONDISSEMENTS, LES VOTES, L’HISTOIRE…(PETIT ATLAS) à compléter par le vote F.N. à PARIS…**.

 

Nicolas Sarkozy

    Une fois encore et visiblement cela est appeler à durer, les arrondissements de l’ouest se distinguent par les scores idolâtriques qu’ils déposent aux pieds de leur héros N. Sarkozy : pour un score de 27,2% France entière, de 32,2% sur Paris intra-muros, les 7°, 8° et 16° arrondissements lui accordent respectivement 58,2 ; 58,3 et 64,8% des suffrages exprimés. Dans le 16°, cela correspond à 51,9% des électeurs INSCRITS dès le premier tour ! Si les ouvriers et employés savaient reconnaître avec une pareille sagacité l’un des leurs dans l’offre politique, comme disent les journalistes, les résultats du PCF naguère, du Front de gauche aujourd’hui seraient bien plus élevés qu’ils ne le furent et le sont. Mais contrairement à ce qu’avait dit Guy Mollet, la droite française n’est pas la plus bête du monde[1]…elle sait parfaitement le "who is who" du paysage politique. Le salariat modeste -dénomination INSEE- est plus aisément manipulable, la campagne électorale menée par les médias l’a démontré à foison.

    Corollaire de cet engouement, les scores des candidats de gauche sont bien faibles dans ces beaux quartiers : respectivement 18,4 - 17,6 - 14,5% pour F. Hollande et 3,5 - 4,1 - 3,2% pour Jean-Luc Mélenchon. Même LePen est relativement délaissée dans ces arrondissements. C’est nouveau. Dans les articles de ce site que j’ai cités en référence, j’ai montré que LePen obtenait des scores supérieurs à sa moyenne parisienne dans ces quartiers. Ainsi, lors des Régionales 2010, c’est le 16° qui donne le meilleur pourcentage de la liste FN. Mais cela était l’expression d’une colère et d’un vote stratégique : il fallait exiger de la droite classique qu’elle fît une politique vraiment à droite, vraiment antifiscaliste. En 2012, ayant obtenu satisfaction et désirant que ce régime qui la dorlote continue, la bourgeoisie fait bloc et ne disperse pas/plus ses voix. A Paris, en tout cas. Mais ailleurs aussi. Lien Présidentielle 2012 : le président des riches, le bien nommé .

 

Jean-Luc Mélenchon

    Le candidat du Front de gauche (FdG) réalise un score improbable. En 2007, les deux candidats dont l’électorat pouvait se retrouver dans les propositions du FdG - Mme Buffet et J. Bové[2]- obtenaient 2,2% des exprimés, 23.000 voix environ. Là, J.-L. Mélenchon "fait" 11,1% et obtient plus de 110.000 voix. Je ne reviens pas sur ses trois mauvais arrondissements. Partout ailleurs, il dépasse les 7% - sauf dans le 6° avec 6%-. Dans deux arrondissements favorables aux Verts - les 2° et 3°[3]- il dépasse 10% et devance largement Mme Joly laquelle, avec 5,2 et 5,6% y fait pourtant ses meilleurs scores parisiens.

    Le FdG retrouve peu ou prou les forces du PCF dans les arrondissements de l’est parisien[4].

 

Arrond.

10°

11°

18°

19°

20°

PARIS

Rég.2010

8,5

7,9

8,3

9,2

10,5%

6,1%

Prés.2012

14,9

14,1

15,3

15,7

17,4%

11,1%

.

    Les chiffres du tableau sont donnés en suffrages EXPRIMES. Pour apprécier les progrès réalisés, il faut tenir compte de la participation électorale beaucoup plus élevée en 2012 : 47,7% seulement de participation lors des Régionales 2010 et 80,4% en 2012. Ainsi, en termes d’électeurs INSCRITS, le FdG obtenait 4,7% en 2010 dans le 20° arrondissement, et en 2012, 13,6%... On peut dès lors parler d’un mouvement de fond.

    Concernant ce 20° arrondissement, il faut se garder de dire qu’il s’agit d’un arrondissement "ouvrier". Le recensement de 1999, donnait un taux de bourgeoisie patronale supérieur à 30% pour le 20°, la moyenne nationale étant de 19,2%[5]. La bourgeoise patronale est constituée par les catégories INSEE : ACCE (artisans, commerçants et chefs d’entreprise) et CPIS (cadres et professions intellectuelles supérieures). Certes, le taux de salariat modeste y est bien plus élevé que dans le 16° arrondissement. On peut, pour l’Est parisien, parler encore de mixité sociale et cela en fait le charme. Je rajoute que le FdG a eut un impact non négligeable dans les catégories sociales "supérieures". Nombreux sont les ACCE et autres CPIS qui mêlèrent leur voix à celles de l’électorat traditionnel du PCF. D’ailleurs, l’électorat FdG déborde largement celui du PCF. A preuve les 10,3% de votes exprimés en faveur de Jean-Luc Mélenchon dans le 5° arrondissement.

    Ce n’est pas sans fondement que l’on a pu dire que le Front de gauche se muait peu à peu en Front du peuple.  

 addenda

Aperçu sur la sociologie du 16°en 2008

http://www.recensement.insee.fr/tableauxDetailles.action?zoneSearchField=PARIS&codeZone=75116-ARM&idTheme=12&idTableauDetaille=54&niveauDetail=2

Aperçu sur la sociologie du 20°en 2008

http://www.recensement.insee.fr/tableauxDetailles.action?zoneSearchField=PARIS&codeZone=75120-ARM&idTheme=12&idTableauDetaille=54&niveauDetail=2

 Géographie des partis selon les arrondissements en 2014

Municipales 2014 à PARIS (1er tour, atlas)



[1] Le sens de cette formule célèbre de G. Mollet est le plus souvent détourné (un peu comme je le fais dans mon texte d’ailleurs). C’était en pleine Guerre froide. Pour le leader du PS-SFIO "le PCF n’était pas à gauche mais à l’Est !". Et de reprocher à la droite de faire une politique économique et sociale telle qu’elle renforce le PC. Autrement dit, cette formule est une illustration de l’anticommunisme de la SFIO de la IV° république plus qu’une preuve d’un positionnement réellement à gauche du PS de l’époque.

[2] A cette date, J. Bové n’avait pas rejoint EELV et avait une étiquette "altermondialiste" et ses soutiens appartenaient à la FASE, élément constitutif du FdG aujourd’hui.

[3] Lors des Régionales 2010, Cécile Duflot conduisait une liste Vert-écologie homogène en concurrence à celle du PS Huchon. Il fallait alors montrer ses muscles. Dans le 2°, Duflot obtint 28,9%, s’offrant le luxe de dépasser la liste PS et 27,9 dans le 3° (score parisien de 20,6%).

[4] Dans les années 60’ et 70’, Paul Laurent, père de Pierre Laurent fut député PCF du 19° (quartiers Amérique, Pont de Flandres, une partie de La Villette).

[5] Chefs d’exploitation agricole exclus.

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