15/06/2011 Dans le premier article, j’ai présenté les diverses variables qui peuvent expliquer le comportement électoral des sous-régions du département du Rhône. J’en viens maintenant aux résultats eux-mêmes. On va raisonner à partir des résultats de la présidentielle 2007. Les chiffres qui suivent sont obtenus par calcul à partir du nombre des électeurs inscrits. Pour ce qui concerne le premier tour, les chiffres de "la droite" vont paraître élevés. Cela s’explique par le fait que j’y ai incorporé les chiffres de F. Bayrou[1]. Celui-ci a obtenu les suffrages d’électeurs du centre-gauche. Les résultats du second tour atténuent fortement le déséquilibre Gauche-Droite accentué au premier par l’éphémère phénomène Modem. C’est pourquoi je présente les tableaux des deux tours simultanément. COMPORTEMENT ÉLECTORALPour des raisons pratiques, je présente les résultats de la France et du Rhône dans un tableau à part. Il sert de référence.
Tableau 1 : Résultats du 1er tour 2007 (inscrits)
ANBl. = abstentions, votes nuls et blancs. NB. Dans l'ordre : Limonest, Lyon, Meyzieu, Thizy, Vaugneray et Vénissieux. Tableau 2 : Résultats du 2ème tour 2007 (inscrits)
Globalement, au premier tour de 2007, le Rhône a été plus civique (ANBl. de 13% au lieu de 15,8 en France), plus à droite mais moins à gauche et moins lepéniste que la moyenne française. Il y a là, déjà, une information : en 2002, le Rhône avait placé LePen en tête de tous les candidats ! Avec le MNR, l’extrême-droite avait totalisé 21,9% des suffrages exprimés au lieu de 19,2 dans l’Hexagone. Les duettistes Madelin-Boutin, candidats de la droite extrême, avaient réalisé le score cumulé de 7,1% au lieu de 5,1 en France (exprimés). La fonte de l’électorat lepéniste en 2007 a profité à la droite et à N. Sarkozy : ce n’est plus une surprise de le dire aujourd’hui. Les électeurs Madelin-Boutin ont également serré les rangs derrière le candidat des riches[2]. Sur ce point, je me permets de renvoyer le lecteur à l’article de mars 2011 : 3. LE F.N. et le vote stratégique des Riches : PRESIDENTIELLE 2002 Concernant l’abstention, les votes nuls et blancs (ANBl.)Les cas concrets des cantons de Limonest et de Vaugneray montrent, encore une fois, que les riches et ultra-riches savent parfaitement où se trouve leur intérêt : ils votent ! Presque 9 inscrits sur 10 expriment un vote valable dans ces cantons. A Vénissieux, le salariat modeste s’abstient ou vote nul ou blanc pour 20%. Le canton de Thizy également ouvrier s’abstient plus que la moyenne. Quelques rappels utiles concernant la présidentielle 2002Tableau 3 : Score de l’extrême-droite et droite-extrême en 2002 (inscrits).
DEX = droite extrême ; U.L. = ultra-libéral (ou antifiscaliste)
Ce tableau mérite quelques explications. L’extrême-droite n’a pas qu’une démagogie ouvriériste comme discours, elle est aussi anti-fiscaliste et sa cible est double : les possédants et le salariat modeste. Voir la série d’articles intitulée : - 1. Le F.N. ? c’est d’abord les riches… A preuve : regardez le score obtenu à Limonest (14,5%) et à Vaugneray (13,2% des inscrits). Mais en 2002, il y eut aussi la candidature Madelin, candidat ultra-libéral qui obtint autant de voix chez les patrons que J. Chirac et J.-M. Le Pen. Quant à Mme Boutin, elle réclama une "droite bien à droite !", le moins-d’Etat, un Etat réduit aux fonctions régaliennes, sous-entendu : moins d’Etat-Providence, la charité étant le rôle des associations caritatives si possible dirigées par la Cité catholique. Bref, les votes Madelin-Boutin visaient à faire pression sur J. Chirac pour "libérer les patrons" écrasés par les célébrissimes "charges". Le canton de Limonest donne presque 10% des inscrits à cette droite-extrême. Vaugneray, plus de 7%. En revanche, les prolos de Vénissieux sont parfaitement insensibles à ce discours ultra : 1,8% seulement des inscrits, exactement la moitié du score national. Lyon est sensible à ce discours, surtout dans ses deux arrondissements riches : le VI° et le II°. A Thizy, Madelin fait un bon score : cela s’explique par la perpétuation de l’influence des Indépendants & Paysans, le bon vieux parti d’Antoine Pinay truffé d’influences catholiques de droite (comme la Cité catholique que j’évoque dans mon livre, chap.18). Mais à Thizy, Le Pen fait un très gros score en 2002 : c’est un bon exemple de vote FN des ouvriers lesquels votaient à droite auparavant. Dans le canton de Meyzieu, le vote FN s’explique sans doute en partie par un vote ouvrier mais, outre le fait que la bourgeoisie patronale est bien représentée, les professions intermédiaires du secteur privé sont sur-représentées : on sait que la pénétration FN y est forte. Ce tableau montre donc où la pression politique sur la droite classique fut la plus forte. N. Sarkozy sut le comprendre et adapta son discours. Il rafla la mise en 2007. Le vote des sous-régionsA l’ouest de la ville-centre, la première couronne donne des résultats insolents à la droite qui obtient 66% des inscrits dès le 1er tour. Le vote FN s’effondre : Sarkozy a promis[3]. Au second tour, N. Sarkozy obtient 62,8 des inscrits à Limonest. En termes de suffrages exprimés, les chiffres sont affolants : 75% à St-Cyr-au-Mt d’Or, 76,6 à St-Didier, 77,4 à Charbonnières-les-bains 72 à Ecully. Les Liliane Bettencourt du secteur se sont déplacées en masse. Dans la seconde couronne (type Vaugneray), les suffrages sont également très nombreux, un peu moins favorables toutefois mais le soutien au candidat du Fouquet’s reste très élevé : 55,2% des inscrits dans le canton pris comme échantillon, soit 65,2 des exprimés. Dans les cantons de ce type, on trouve Bois-d’Oingt avec 62,6%, l’Arbresle 62% ; Anse 65,8 ; Mornant 61,5 ; Ste-Foy 62,2. Je rappelle qu’en France, N. Sarkozy obtint 53% des exprimés. Dans les Monts (Beaujolais, Tarare, Lyonnais), à Thizy, le pourcentage des ANBl. augmente au second tour : abstentions d’électeurs FN. Mais la tendance lourde du vote habituel à droite s’exprime à nouveau. Amplepuis 66% ; Lamure/Azergues 68,6% ; St-Symphorien-sur-Coise 68% ; St-Laurent de Chamousset 65,4 ; Monsols 72,1% des suffrages exprimés pour le futur président.
Vers l’Est. La couronne ouvrière de l’Est lyonnais reste fidèle à la gauche : Villeurbanne (de justesse), Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Saint-Fons ont voté Royal au second tour. On peut ajouter Pierre-Bénite au sud. Mais les communes à municipalité socialiste de Bron, Décines, Saint-Priest et Feyzin ont voté Sarkozy. On notera également que la candidate socialiste est loin d’obtenir autant d’électeurs inscrits dans ces fiefs de gauche que le candidat de droite en obtient dans les siens. 46,9% des inscrits pour la gauche au second tour à Vénissieux, 62,8% des inscrits pour la droite à Limonest. Phénomène général. A l’image de Meyzieu, la seconde couronne a voté pour le candidat de la droite décomplexée. Alors que partout ailleurs, la Droite ne fait pas le plein de ses voix du 1er tour abondées de celles du FN, à Meyzieu elle fait mieux au second tour qu’au premier (en termes d’inscrits)[4]. Pourtant les ANBl progressent. Cela s’explique par un bon report des voix FN sur Sarkozy. D’ailleurs, l’autre canton de l’échantillon où le FN fait un gros score au premier tour, Thizy, a le même comportement. Au total, dans les cantons de cette couronne, les résultats sont bons pour N. Sarkozy : 61,7% des exprimés à St-Symphorien d’Ozon et 61,8% des exprimés dans le canton de Meyzieu. Mais, encore une fois, le niveau des revenus n’est pas le même que dans l’immédiate banlieue. Lyon a voté Sarkozy de manière nuancé. Le vainqueur y obtient 53% des exprimés comme à l’échelle nationale. Mais il le doit à deux arrondissements de riches : 68,2% des exprimés et 57,4% des inscrits dans le VI° arrondissement, 62,5%des exprimés et 51,2% des inscrits dans le II° qui compte un quartier ouvrier où un bureau plaça Royal en tête (mais un bureau célèbre donne 74,6% des exprimés et 64,6 des inscrits à Sarkozy). Mais Lyon est multiple, et cinq arrondissements sur neuf ont voté Royal. Touts ces éléments, permettent de comprendre la géographie des cantonales. Ce qui peut faire la matière d’un prochain article. [1] L’évolution de M. Mercier, conseiller général MODEM de Thizy, président MODEM du Conseil général du Rhône, devenu ministre de N. Sarkozy suffit à montrer que "le centre est à droite". [2] Il y avait, certes, la candidature de Ph. De Villiers mais ce candidat fait moins bien dans le Rhône (1,94% exp.) qu’au plan national. [3] Sur les cadeaux fiscaux aux riches, on peut affirmer qu’il a réellement tenus ses promesses. [4] Je m’explique (tableau 1) : dans le Rhône, le total droite + ext-droite est égal à 58,6% : c’est le potentiel théorique de Sarkozy pour le 2ème tour ; or il ne fait que 46,9 ce qui est moins bien que la Droite seule au 1er tour. Beaucoup de voix sont allées soit de Bayrou sur la gauche, soit du FN à l’abstention. C’est un phénomène général. A l’inverse, à Meyzieu, Sarkozy, au second tour, fait mieux que la droite seule au 1er. On retrouve cette situation à Thizy. Ces deux cantons ont la particularité d’avoir donné un gros score à LePen au premier tour. |