J’ai regardé le débat entre J.-L. Mélenchon et Jean
d’Ormesson. Je vous invite à le visionner aussi, sur le blog de
Mélenchon.
Aussi respectable que soit Monsieur d’Ormesson, ami de Louis Aragon, qui
refusa
publiquement à la TV l’amalgame entre Hitler et Staline, il a répété
cette
contre-vérité "beaucoup d’ouvriers
sont passés du Parti Communiste au Front national". Je renvoie le
lecteur à tous mes articles d’analyses électorales. Je vais enrichir mon
argumentaire avec la présentation de deux cas concrets : Annonay et
Villefranche-sur-Saône. Pourquoi ces localités ? Parce que j’y dispose
de
correspondants qui me fournissent en statistiques électorales. Aussi
parce que
ce sont deux villes moyennes suffisamment grandes pour présenter un "zoning
social", c’est-à-dire une
juxtaposition de quartiers qui se différencient les uns des autres par
l’argent, la catégorie socio-professionnelle. Villes-marchés pour leur
plat
pays, elles disposent d’un centre, voire d’un hypercentre, qui fourmille
de
chalands le samedi, où vivent commerçants et autres catégories aisées,
elles
sont aussi villes industrielles et l’expansion des années glorieuses a
fait
construire ces barres d’immeubles à la périphérie, paysage urbain que
tout le
monde connaît et reconnaît (Beligny et Belleroche à Villefranche ;
Ripaille à Annonay…).
Quelle fut ma
méthode ?
Pour chacune des deux villes :
-j’ai classé les bureaux de vote par ordre décroissant des
résultats de la Droite classique, les élections de 1984 furent
excellentes pour
elle.
- j’ai calculé les résultats du PCF et du FN par rapport
aux inscrits ; ce qui présente l’avantage de gommer l’impact de
l’abstention.
- pour chacun des deux partis, j’ai calculé l’indice de
chaque bureau de vote par rapport à la moyenne obtenu sur la ville, la
moyenne
sur la ville est affectée de l’indice 100. Un indice de 82 pour un
bureau de
vote signifie que le parti concerné obtient 18% de moins sur ce bureau
que sur
l’ensemble de la ville. L’indice 143 indique un "bon" bureau pour le
parti.
- ensuite, j’ai établi un graphique que je peux publier sur
ce site alors que je ne pouvais pas le faire sur mon blog du Monde.
Pourquoi les
Européennes 1984 ?
Parce que ce fut la première présentation nationale du FN
lors d’une élection concernant l’ensemble du pays. Elles permettent de
juger de
la réaction immédiate de l’électorat face à ce nouveau-venu. Le score
supérieur
à 10% des exprimés fut un choc pour les Français et il eut des
conséquences : certains Français réalisèrent qu’il était possible de
voter
pour un autre parti que les traditionnels représentants de la Droite et
de la Gauche
et le score de 1986 (encore plus élevé) du FN est pour partie une
conséquence
du score obtenu en 1984.
Les résultats bruts (tableaux 1 et 2)
Tableau 1
Les résultats 84 par
bureau de vote à Annonay
Tableau 2
Les résultats 84 par
bureau de vote à Villefranche-sur-Saône
Ces tableaux arides sont bien plus parlants si on les
transforme en graphique :
Graphique 1
PCF et FN à Annonay
(1984)
Graphique 2
PCF et FN à
Villefranche-sur-Saône (1984)
Ces graphiques parlent d’eux-mêmes : le FN obtient ses
meilleurs résultats dans les bureaux de droite et les moins bons dans
ceux de
gauche. C’est l’inverse pour le Parti communiste. Il est inutile de
s’appesantir sur ce point. Il y a là confirmation de toutes les autres
études
électorales que j’ai présentées sur ce site.
L’idée du vote FN par les communistes est une contre-vérité,
une malhonnêteté. L’utilisation du vote en termes de suffrages exprimés
peut
expliquer certaines méprises mais, en l’occurrence, il est essentiel de
parler
en termes d’électeurs inscrits. Voir le rôle de l’abstention dans
l’appréciation des résultats dans l’article : le
vote F.N. à PARIS…**
Le cas de la Moselle-Alsace où les
ouvriers votaient
massivement à DROITE durant les périodes gaulliste et giscardienne et
qui
maintenant votent massivement FN suffit à éclairer les lanternes les
mieux
faites.