publié le 23 juin 2011, 10:18 par Jean-Pierre Rissoan
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mis à jour : 4 juil. 2011, 05:56
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29/03/2010
| Catégories S.-P.* | Régionales 2010** | 2002 | Prés. 2007*** | Canton | BP | PI | SM | GA | DR | FN | EX02 | Dr07 | Ga07 | Meyzieu | 19,5 | 26,9 | 53,5 | 21,1 | 16,0 | 9,1 | 30,2 | 62 | 38 | Décines | 20,3 | 27,5 | 52,3 | 21,8 | 15,6 | 8,I | 27,4 | 60 | 40 | St d'Ozon | 20,9 | 29,6 | 49,4 | 23,1 | 16,6 | 9,3 | 27,8 | 62 | 38 | St Priest | 11,8 | 23,2 | 65,0 | 22,8 | 11,1 | 8,0 | 30,2 | 53 | 47 | Bron | 17,7 | 27,5 | 54,8 | 27,0 | 13,3 | 7,0 | 24,6 | 53 | 47 | St Fons | 12,4 | 24,9 | 62,8 | 24,7 | 11,6 | 7,9 | 36,5 | 51 | 49 | Villefranche (ville) | 13,4 | 21,5 | 65,1 | 20,5 | 15,0 | 7,4 | 26,9 | 57 | 43 | Givors (canton) | 15,1 | 22,8 | 62,1 | 25,1 | 11,1 | 7,1 | 24,5 | 49 | 51 | Givors (ville) | 10,9 | 18,6 | 70,5 | 24,3 | 6,1 | 6,5 | 21,7 | 40 | 60 | Vénissieux | 08,9 | 20,4 | 70,6 | 24,5 | 6,4 | 6,1 | 22,9 | 39 | 61 | Pierre-Bénite (ville) | 12,5 | 22,9 | 64,7 | 25,0 | 8,6 | 5,5 | 22,6 | 45 | 55 | Vaulx-en-Velin | 10,1 | 16,3 | 73,6 | 22,1 | 5,2 | 5,2 | 24,6 | 36 | 64 | France | 19,7 | 23,1 | 54,4 | Moyennes régionales | 19,4 | 53 | 47 | | | | | 24,2 | 16,2 | 7,3 | | | | *= Bourgeoisie patronale (artisans, commerçants, patrons, cadres et professions intellectuelles supérieures) (BP) –hors agriculteurs, nous sommes ici en milieu urbain (sauf canton de Givors)- ; Professions intermédiaires (PI) ; Salariat modeste (ouvriers, employés) (SM).**= Pourcentage par rapport aux inscrits. *** = Pourcentage par rapport aux exprimés. Le tableau fournit les résultats électoraux dans quelques cantons et villes de la banlieue lyonnaise, plus le canton et la ville de Givors[1]. Toutes ces circonscriptions ont été, à un moment donné, administrées par la gauche. Jean Poperen a été maire de Meyzieu et député de la circonscription qui comprenait aussi Décines et Saint-Priest. Aujourd’hui, la circonscription a un député UMP, ex-MPF. Meyzieu est passé à droite alors que Décines a gardé sa municipalité socialiste. Saint-Priest a réélu sa maire socialiste en 2008. Bron est une municipalité socialiste ancienne, administrée par J.-J. Queyranne, président réélu de la Région Rhône-Alpes. Villefranche est un fief UMP mais a été dirigée par le socialiste Poutissou avant l’irruption du FN. Saint-Fons vient d’élire une municipalité de gauche – maire socialiste- après un bref intermède UMP. Quant à Givors, Vénissieux, Pierre-Bénite et Vaulx-en-Velin, ce sont toujours des municipalités communistes, derniers bastions d’un PCF qui ne veut pas mourir. La première municipalité communiste de Vénissieux a été élue en 1935. Givors élit un maire PC en 1953. En 2002, aucun de ces cantons ou villes n’a échappé à la fièvre lepéniste avec un pourcentage toujours supérieur à la moyenne nationale des suffrages exprimés en faveur de Le Pen : 19,4%[2]. Mais dans les villes communistes la fourchette va de 21,7 à 24,6% alors que dans les municipalités anciennement ou toujours socialistes, elle s’élargit de 24,6 à 30,2%. Ce qui est une différence nette. Lors de l’élection présidentielle de 2007, toutes les municipalités communistes donnent la majorité au second tour à la candidate socialiste dont le programme n’était pourtant pas fait pour soulever leur enthousiasme. Ce n’est le cas d’AUCUN des autres cantons ou communes dont le score est parfois très largement favorable à N. Sarkozy (62% à Meyzieu et à Saint-Symphorien d’Ozon). Même Saint-Fons, socialiste depuis des lustres, vote pour le candidat de droite. Les élections régionales de 2010Comment s’est comporté cet échantillon lors des récentes élections régionales ? En termes d’abstention (53,6% en France métropolitaine), les municipalités communistes ont été très peu « participatives ». 73% d’abstentionnistes à Vaulx-en-Velin semble constituer un record, y compris au plan national, mais Givors et Vénissieux ne sont pas loin avec 68%. Les autres collectivités du tableau votent un peu plus, avec une fourchette d’abstentions comprise entre 57 et 64%. Pour le vote de second tour, les municipalités communistes confortent la majorité de J.-J. Queyranne puisqu’elles votent à plus de 24,2% des inscrits en faveur de la liste de gauche. Seule, Vaulx-en-Velin se distingue, du fait de son abstention massive. Les municipalités socialistes ou ex-socialistes de cette banlieue Est de Lyon affaiblissent le score régional de la gauche avec des scores toujours inférieurs à 24,2% sauf à Bron pour des raisons bien compréhensibles : J.-J. Queyranne est le maire de facto sinon de jure. Concernant le vote à droite. Les municipalités communistes n’ont guère contribué aux 16,2% des inscrits obtenus par Mme Grossetête, avec des apports de voix allant de 5,2 à 8,6% des inscrits. Ce n’est pas le cas pour Meyzieu, Décines, Saint-Symphorien d’Ozon voire Villefranche-sur-Saône qui abondent l’électorat UMP. Si on a pu observer un effet « Queyranne » à Bron, il n’y a pas eu d’effet « député Meunier » à Meyzieu, ville dont il est originaire, où il fut directeur de cabinet du maire et qui figurait en seconde position sur la liste UMP du Rhône. Concernant maintenant le vote F.N.. Les villes de l’Est constituent le cœur de la XIII° circonscription du Rhône, toujours « travaillée » par le leader national du FN – Gollnisch- tête de liste régionale en Rhône-Alpes. La différence est très nette entre les villes communistes et les autres. Pour une base 100 en Rhône-Alpes (7,3% des inscrits pour le FN au second tour), les municipalités communistes ont – dans l’ordre descendant du tableau - les indices de 89, 84, 75 et 71. Pour les municipalités ou canton socialistes ou ex-socialistes, les indices du vote FN – Bron mis à part pour les raisons déjà indiquées – s’échelonnent de 101 (Villefranche, où le FN s’effondre littéralement) à 127 à Saint-Symphorien d’Ozon, avec un indice à 125 à Meyzieu où le député n’a pas été un rempart. Les villes socialistes de St-Priest et de St-Fons ont des indices respectifs de 110 et de 108. Il y a 56 points d’écart entre Vaulx-en-Velin et Saint-Symphorien d’Ozon. La propension à voter FN, en 2002 comme en 2010, est bien plus faible dans les municipalités communistes. La thèse selon laquelle les « ouvriers » sont passés du PC au FN est une fumisterie qui ne résiste pas à l’analyse. Il y a comme première raison, l’ancienneté de l’implantation communiste et le travail politique effectué par ce parti auprès de son électorat. La sociologie apporte aussi une explication. Les municipalités communistes ont un pourcentage de « salariat modeste » - appellation INSEE – extra-ordinaire : presque les trois-quarts de la population active à Vaulx-en-Velin ! presque 20% de plus que la moyenne nationale. Vaulx est la commune la plus pauvre de Rhône-Alpes[3]. Le taux de « bourgeoise patronale » est deux fois moindre qu’au plan français. En revanche, les « autres » cantons et communes sont caractérisés par une nette sur-représentation des catégories intermédiaires[4]. Or, ces catégories – particulièrement celles du secteur privé – ont une très forte propension à voter FN. Si elles ont pu – un temps – faire confiance au parti socialiste, particulièrement durant les « Trente Glorieuses » où elles s’endettèrent pour construire leur pavillon de banlieue, elles basculèrent rapidement dans le vote FN. Voici ce qu’expriment deux chercheurs sur le comportement électoral des professions intermédiaires (ces chercheurs analysent le vote du 21 mars 2004 -élections municipales- mais généralisent à partir de l’élection présidentielle de 2002). « (…) Le vote des classes moyennes salariées du privé est beaucoup plus proche de la droite et de l'extrême droite que celui des professions intermédiaires du public, lesquelles sont beaucoup plus portées à voter pour la gauche. Dans un même département (…) on peut constater d'importantes différences entre des villes (…) à forte proportion de salariés moyens du public votant à gauche et sanctionnant la droite et des villes (…) à plus forte concentration de salariés moyens du privé, sanctionnant droite et gauche pour voter davantage FN. Ces différences radicales dans le vote traduisent les très profondes différences existant dans les conditions d'exercice de l'activité et, partant, dans le rapport à l'Etat, d'une part, et au marché, de l'autre. La situation de nombre de professions intermédiaires d'entreprise n'est plus foncièrement différente de celle des indépendants et des non-salariés, notamment dans les fonctions commerciales. Avec, en outre, une exposition croissante au chômage : à conjoncture donnée, le risque de perte d'emploi est 30 % plus élevé aujourd'hui qu'il y a vingt ans chez ces cols blancs du privé, notamment dans le commerce et les services. Partageant les mêmes insécurités, les professions intermédiaires du privé votent autant pour le FN que les artisans et commerçants. Dans certains secteurs (comme le BTP ou les services) où les entreprises sont petites, les classes moyennes salariées votent même plus souvent FN que les non-salariés, lesquels restent globalement plus fidèles à la droite classique. Les instituteurs, les infirmiers et les professions intermédiaires de la santé évoluent évidemment dans des univers professionnels complètement différents et, à bien des égards, leurs inquiétudes vis-à-vis du rôle de l'Etat et du marché sont exactement inverses de celles des professions intermédiaires du privé. Instituteurs(-trices), infirmiers(-ères) et autres professionnels de la santé sont les catégories ayant le moins voté FN de l'ensemble du corps social. Du coup, le 21 mars, c'est au sein des classes moyennes salariées que l'on trouve à la fois les catégories ayant le plus voté FN (représentants de commerce, agents de maîtrise du BTP) et celles ayant le moins voté FN (enseignants, professionnels de la santé) » [5]. Dans l’Est lyonnais, il y a, je l’ai déjà dit, sur-représentation de ces catégories intermédiaires et, au sein de celles-ci, on constate une sur-représentation des catégories du secteur privé par rapport au secteur public (rapport de 70 à 30, dans le canton de Meyzieu, par exemple). De surcroît -et à la différence des communes à municipalités communiste - ces communes de l’Est ont un taux de bourgeoise patronale proche de la moyenne nationale. Goux et Maurin concluent : « le vote des différentes fractions de la classe moyenne était déjà tout aussi hétérogène le 21 avril 2002 et reflétait déjà les mêmes profondes différences dans le rapport au travail et à l'avenir existant au sein des classes moyennes salariées » et enfin : « considérées dans leur ensemble[6], les classes moyennes plus que toutes les autres grandes zones de l'espace social sont traversées par les clivages entre salariat et non-salariat, petites et grandes entreprises, public et privé. Elles se distinguent également par le métissage de leurs origines sociales et l'incertitude sur la destinée sociale de leurs enfants. Elles sont davantage des zones de transit de l'espace social qu'un ensemble cohérent du point de vue de ses origines et de ses destinées. Souvent envisagées (et convoitées) sous le mode apaisé de noyau stable de la société, les classes moyennes sont en réalité le lieu où s'expriment les aspirations les plus intenses à l'ascension sociale et les craintes les plus considérables de déclin et déclassement. L'addition des craintes devant l'avenir est aujourd'hui supérieure à celle des espoirs : c'est sans doute ce qui explique que le rejet de l'exécutif n'a guère été plus faible ici que parmi le salariat modeste ».
[1] Givors et la ville voisine de Grigny appartiennent au « Grand Lyon » ou COURLY. [2] Il s’agit de la somme des suffrages FN + MNR du premier tour. [3] En 1999, le revenu médian par habitant était de 9714€ à Vaulx-en-Velin au lieu de 30224€ à Saint-Cyr-au-Mont-D’or… (Moyenne nationale : 15849€). Statistiques fournies par l’hebdomadaire, numéro spécial du 28 juin 2007 « où vivent les riches ? ». [4] Catégories INSEE dites « professions intermédiaires » : 42 | Professeurs des écoles, instituteurs et assimilés | 43 | Professions intermédiaires de la santé et du travail social | 44 | Clergé, religieux | 45 | Professions intermédiaires administratives de la fonction publique | 46 | Professions intermédiaires administratives et commerciales des entreprises | 47 | Techniciens | 48 | Contremaîtres, agents de maîtrise | [5] Dominique GOUX (ENS) & Éric MAURIN (CNRS), « Anatomie sociale d'un vote », article paru dans l'édition du 14.04.2004 du « Monde ».[6] Contrairement à ma démarche, Goux et Maurin incluent les artisans et commerçants dans les « classes moyennes ». Observons que l’INSEE ne fait pas entrer ces derniers dans les « professions intermédiaires ». Artisans et commerçants sont des propriétaires qui embauchent -généralement- des employés. C’est pourquoi je préfère les intégrer dans le concept de « bourgeoise patronale ». Chez Goux et Maurin, les patrons ont disparu. Le mot n’est pas utilisé dans leur article. N.B. pour quelques statistiques électorales supplémentaires, voir aussi "qui vote écolo ? " et le "vote FN eb Moselle" (2 parties).
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