Il est clair que LPM (pour LePen Marine) lance une grande offensive ouvriériste, exploitant le filon de création médiatique du thème « premier parti ouvrier de France ». C’est parfaitement immoral sachant que le F.N. se prononce -par exemple - pour la retraite par capitalisation -c’est-à-dire que plus on a les moyens financiers, plus le montant de la retraite sera élevé-. Le F.N. pourrait faire des projections et nous dire à quel montant un ouvrier agricole peut espérer voir sa retraite s’élever… Historiquement -pour beaucoup 1984 c’est déjà de l’histoire- le F.N. a d’abord été soutenu par les riches, ce sont eux qui l’ont mis sur la rampe de lancement. Ce fut à l’occasion des élections européennes de 1984. Puis ce succès relatif de 1984 qui a étonné -mot de la famille de "tonnerre"- les médias et l’opinion a été la cause des succès ultérieurs. On sait que la France a construit des "ghettos" tant pour les riches que pour les pauvres. Il y a un zoning social prononcé et la loi SRU est vivement combattue par les bourgeoisies qui ne veulent pas voir débarquer des pauvres ou des petits salariés chez eux. En juillet 2007, comme inspiré par l’élection de N. Sarkozy, le journal L’Express publiait une enquête[1] intitulée « où vivent les riches ?» citant à cette occasion les travaux de plus en plus célèbres des sociologues Pinçon et Pinçon-Charlot. Il donne la liste des Trente premières villes de France où habitent les plus hauts revenus[2]. J’ai immédiatement voulu savoir comment ces villes de riches -ces "villes sans immigrés" comme le demande un lecteur- avaient voté en 1984 puisque dans mon livre je traite de ces questions (cf. le chapitre "le coup de pouce du patronat") et je voulais avoir confirmation de mes démonstrations/affirmations. Le résultat est le tableau suivant que l’on obtient en cliquant sur : essai-blog-lundi-7-mars.1299496267.xls
J’ai ajouté des arrondissements de Paris et Lyon -non cités par L’Express- notoirement connus pour être des ghettos du Gotha. La comparaison avec les moyennes nationales France et avec la ville donnée par L’Express comme "la plus pauvre de la Région Rhône-Alpes" (Vaulx-en-Velin) s’impose. On pourra négliger des villes qui ne relèvent pas du "Gotha" mais qui sont riches par que ce sont des villes frontalières de la Suisse avec des travailleurs migrants-alternants qui vivent en France mais travaillent en Suisse (communes de Feigères, Archamps, Zimmersheim, Challex). Premier constat : ces villes[3] sont massivement peuplées des catégories de la bourgeoisie patronales. Je rappelle que contrairement à ce qu’affirmait récemment un Frontiste, à la télévision, un artisan -mot connoté, bien sûr, qui évoque le sabotier du village d’autrefois ou le maréchal-ferrant- est un chef d’entreprise, il est propriétaire de son outil, il embauche des apprentis. Bref, c’est un patron. Il faut le distinguer du salariat modeste qui comprend les salariés et les employés. On peut trouver dans les banlieues ouvrières, des commerçants qui vivement chichement. Mais d’autres gagnent très bien leur vie. L’exploitation des données INSEE nous entrainerait trop loin et d’ailleurs je ne suis pas sûr qu’on puisse trouver les revenus déclarés des commerçants par commune de résidence. Quant aux cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS), la majorité d’entre elles embauchent des femmes de ménage, ont une secrétaire à leur bureau, des collaborateurs non propriétaires alors qu’eux le sont, ont des revenus du patrimoine en sus de leurs revenus. A ce titre, ils votent dans le collège "employeurs" lors des élections prud’homales. Les cadres dirigeants ont un comportement de patrons : dans les grandes entreprises ce sont eux qui font les entretiens d’embauche, qui évaluent, en fin d’année, le travail de ceux qu’ils "encadrent", proposent ou non une augmentation de salaires plus ou moins élevée. Eux aussi ont des revenus du patrimoine. J’admets que l’on puisse discuter mais quant on lit un taux de Bourgeoisie patronale de 49,5% à Saint-Cyr au Monts d’or et de 9,9% à Vaulx-en-Velin (Rhône), on voit tout de suite que l’on est dans deux communes sociologiquement distinctes. Euphémisme. Les communes frontalières évoquées plus haut, sont plutôt "ouvrières" et d’ailleurs votent, en 1984, différemment des ghettos du Gotha.
Deuxième constat : la participation électorale. En 1984, les Français votent pour la première fois depuis 1981. Victoire de la gauche qui a été mal vécue par la Droite et les patrons : il y eut une "réaction patronale" comme après la victoire du Cartel des Gauches en 1924 ou du Front populaire en 1936. De plus, en 1984, on manifeste pour l’école privée catholique. Tout ce que la France compte de cléricaux descend dans la rue. Et le F.N. inclut une tendance catholique intégriste…Souvent, dans les villes de notre échantillon, on vote aux deux tiers des inscrits, on atteint même 75% dans la délicieuse Marnes-la-Coquette…71% à Saint-Didier aux Monts d’Or (Rhône). Inversement, et ce phénomène est admis par tous les observateurs, les villes ouvrières se sont massivement abstenues : 38% de votants seulement à Vaulx-en-Velin. Cela a eu des conséquences dont les gens de mauvaise foi se sont emparés immédiatement. En effet, à Vaulx-en-Velin, municipalité communiste, le F.N. de Le Pen obtient 19,4% ! On fait donner les grandes orgues, les tambours et les trompettes ! les cocos ont voté FN ! Cette manœuvre aura la vie dure et, à vrai dire, n’a pas disparu. Mais, du fait du taux d’abstention, Vaulx n’a voté FN qu’à hauteur de 7,2% des INSCRITS soit 1 point seulement de plus que la France. En revanche, les villes de riches donnent des scores dont on n’a jamais parlé : presque 16% des inscrits à St Marc Jaumegarde (13), plus de 12% des inscrits à Neuilly ! Qui le sait ? C’est un phénomène généralisé et valable partout. Bref, les villes de riches ont, en 1984, voté DEUX FOIS PLUS pour le Front national -et ce sont des villes sans immigrés ou alors qu’un lecteur de Neuilly me disent où ils habitent dans sa commune- deux fois plus que les villes ouvrières. On pourra lire sous la plume d’experts, systématiquement invités sur les médias, bref, des éditocrates, comme Mr Perrineau aux cheveux argentés qui écrit cette sottise : "le profil social particulier (fort pourcentage de cols blancs à haut niveau d'études et importance des personnes âgées) d'une ville comme Paris rend plus difficile la pénétration du populisme frontiste"[4]. Elle fut pourtant très facile dans le VIII° et XVI° arrondissement de Paris (respectivement 11,5 et 10,8% des INSCRITS), peuplés c’est bien connu de prolos qui profitent du chômage et truffés de taudis d’immigrés. C’est ce vote massif de la bourgeoisie patronale qui a fait le score élevé de Le Pen en 1984, qui lui a mis le pied à l’étrier.
A suivre. 2. Le F.N. ? c’est d’abord les riches… [1] Numéro 2921 du 28 juin au 4 juillet 2007. [2] Il s’agit du revenu médian par unité de consommation. [3] Elles n’ont pratiquement pas de chefs d’exploitation agricole. C’est pourquoi, il faut comparer avec le taux français diminué du nombre d’exploitants agricoles (19,7% au lieu de 22,4%) [4] P. PERRINEAU, directeur du CEVIPOF, "la percée du Front National". Revue L'Histoire, 2002. En termes d'électeurs inscrits, le FN obtient 8,5% sur Paris intra-muros contre 6,1% en France. Notons que cette analyse annonce les idées reçues qui fleuriront après la victoire du "non" au référendum sur la constitution européenne de 2005 : les instruits votent "oui" et les ignorants votent "non". |