lien vers la 1ère partie : 1. Le F.N. ? c’est d’abord les riches… Dans la série, le F.N. c’est d’abord les riches, voici maintenant deux tableaux comparatifs, l’un concerne le département du Rhône, l’autre la banlieue parisienne. J’ai choisi les communes « communistes » qui sont celles où G. Marchais arrive en tète de tous les candidats en 1984 et dont le maire est membre du PCF à cette date. Pour le Rhône j’ai choisi les cinq communes connues depuis des lustres pour avoir une municipalité communiste. Il s’agit de répondre à l’argument controuvé "le cocos ont voté F.N.". Pour ce qui concerne les communes concentrant les bourgeoisies patronales, j’ai choisi celles où la liste de droite RPR-UDF obtint la majorité absolue de exprimés. Au total, les échantillons permettent de traiter des résultats réels qui portent sur le comportement électoral de centaines de milliers d’électeurs. J’ai puisé mes sources dans les colonnes du Monde et du Progrès de Lyon qui rendent compte des résultats des européennes de 1984. Clés de lecture : BP = bourgeoisie patronale (artisans, commerçants, chef d'entreprise + cadres et professions intellectuelles supérieures) ; SM = salariat modeste (vocabulaire INSEE = ouvriers et employés).
Tableau I Européennes 1984, vote Le Pen dans les communes de droite et les communes communistes. Commune du Rhône (69)
Dans le tableau I, je donne le pourcentage de votants et dans le tableau II le pourcentage d’abstentions. Petite incohérence que le lecteur voudra bien me pardonner. Dans les deux cas, je rappelle qu’il s’agit de prendre en compte le pourcentage des INSCRITS. Dans la Rhône les électeurs communistes -comme partout en France - SE SONT MASSIVEMENT ABSTENUS : vingt points de moins que dans les communes de la bourgeoise patronale (43,6 au lieu de 63,4). Autant la bourgeoisie était en colère contre la gauche, autant le salariat modeste était déçu par la "politique de rigueur" et, comme sœur Anne, ne voyait rien venir. Beaucoup d’électeurs du PCF se demandaient ce que ce parti faisait dans cette galère gouvernementale. Mais, au total, les villes communistes du Rhône (70860 électeurs inscrits) ne donnent que 6,7% au FN : 0,6% de plus que la moyenne française. Les villes huppées, les villes ghettos du Gotha comme Saint-Cyr-au-Mont-D’or (qui donne plus de 14% des inscrits à Le Pen) s’abandonne lâchement au vote FN ; résultats d’autant plus remarquables que la droite parlementaire avait appelé à serrer les rangs derrière elle et que ces catégories socio-professionnelles sont généralement disciplinées. Là, la colère -politique- l’emporte : 10,8% des inscrits (échantillon de 40.549 personnes et de 14 communes) soit 4,7% de plus que la moyenne nationale. Si l’on raisonne en indice c’est 177 pour 100 France entière.
Les mêmes observations peuvent être faites pour les échantillons de la banlieue parisienne. L’échantillon du Gotha parisien a voté à 9,83% pour le FN ce qui est moins que les villes comparables de la banlieue lyonnaise. Mais la bourgeoise lyonnaise durant la période coloniale et la guerre d’Algérie était bien plus activiste que partout ailleurs. Le "non" au referendum de 1962 sur l’approbation des accords d’Evian atteint des sommets avec 27% pour une moyenne nationale de moins de 10%. L’écart entre la vote FN des municipalités communistes et la moyenne nationale est vraiment faible : 0,4% ; mais pour les villes de la bourgeoisie patronale : +3,7%. On aura remarqué que Neuilly où le taux de BP dépasse 62% donne le pire score au FN : 12,1% des inscrits. Honneur et gloire aux villes d’Ivry-Vitry qui restèrent fidèles au souvenir de leur député Maurice Thorez (3,7 et 5,8 seulement pour LePen). Tableau II Européennes 1984, vote Le Pen dans les communes de droite et les communes communistes. (Ile-de-France)
Tout cela peut être récapitulé : Tableau III BP et SM face au FN en 1984
*BP I-de-F : communes de l’échantillon Ile de France, représentatives de la BP. ** : communes de la banlieue lyonnaise représentatives du SM.
Pour les raisons politiques de ce vote FN de la bourgeoisie, je renvoie à la lecture de mon livre, publié sur ce blog ; chapitre XXI « le coup de pouce du patronat » dans le volume 2. Je donne quelques éléments extraits du chapitre.
Analyse de la profession de foi lepéniste de 1984 Voici comment se répartissent les 695 mots de la profession de foi lepéniste de 1984. Que le lecteur ne cherche pas une cohérence systématiquement, j'ai regroupé les phrases ou portions de phrases par thèmes. D'où l'aspect parfois "décousu" du texte. D'abord, 207 mots pour se présenter, exploiter la crise et faire un peu (?) de démagogie ; soit 29,78%. (…). Ensuite, 182 mots utilisés pour marquer son hostilité à la gauche, l'anticommunisme dont on sait que Le Pen le qualifie de "viscéral" et l'anti-soviétisme qui ne l'est pas moins, soit 26,18% du texte. "•Secteur après secteur, le Gouvernement socialo-communiste réalise la révolution marxiste qui conduit à la perte de nos libertés avec pour fin inéluctable les horreurs du goulag. Ce n'est plus une politique économique et sociale, c'est une trahison de la confiance populaire. (…) •Pour sortir de la crise, pour redonner au pays et à notre jeunesse un avenir d'espoir, il faut tourner le dos au marxisme et à ses formules bureaucratiques et inhumaines, ainsi qu'au pseudo-libéralisme et à ses solutions de mollesse et de compromis. (…) •Notre objectif est aussi de devancer la liste communiste de MARCHAIS pour mieux précipiter la défaite de la gauche en 1986. Battre les communistes, c'est faire échec à la révolution marxiste qu'ils préparent avec l'appui des organisations d'immigrés. (…) •Face aux menaces de l'hégémonie soviétique nous devons organiser, avec nos alliés, notre résistance militaire et psychologique. Nous devons aussi d'urgence, préparer la défense de nos populations civiles contre les risques de guerre nucléaire, chimique, bactériologique. (…) •celui que la Gauche socialo-communiste désigne, chaque jour, comme son principal adversaire, donc comme votre meilleur ami. (…) •Pour faire reculer la guerre et le communisme…" 79 mots servent à dire l'hostilité du F.N. à l'endroit de la droite parlementaire ; soit 11,37% du texte. (…). 75 mots seulement servent à traiter du problème de l'immigration, soit 10,8% (…). Pour manifester son engouement pour l'ordre libéral, J.-M. Le Pen emploie 113 mots, soit 16,25% des mots du texte. "Pour reconstruire la France, il faut réduire : - le domaine de l’État, - le nombre des fonctionnaires, - les dépenses publiques, C'est le seul moyen de diminuer, rapidement, les impôts abusifs et de permettre parallèlement la création d'emplois grâce à des investissements nouveaux rendus ainsi possibles. Pour cela, il faut également : rétablir : - l'ordre, - la sécurité publique, - la peine de mort. (…) restaurer les libertés : - d'enseignement, - d'entreprise, - de travail, - et de presse. (…) Vous tous qui travaillez dur, qui êtes de plus en plus accablés de charges et d'impôts [1], qui supportez l'arbitraire des bureaucrates et les grèves des services publics, (…) •la dictature fiscale… ". 39 mots sont consacrés à l'expression de la pensée nationaliste de l'auteur et à l'ordre moral : 5,6%.
Bon. Tout cela est valable pour 1984 direz vous. C’est vrai.Je parlerai la prochaine fois du comportement électoral de la BP en 2002.
A suivre…
[1] La cible est bien précise : la bourgeoisie patronale. Tout le reste du texte d’ailleurs. |