militant & résistant : Joseph PHILIPPE (1906-1944)

publié le 11 févr. 2019, 11:24 par Jean-Pierre Rissoan

Mémoire. Un combattant de la Résistance sort de l’ombre

Lundi, 11 Février, 2019

    Grâce à l’opiniâtreté de son petit-neveu, Joseph Philippe, militant du PCF et de la CGT, assassiné par la milice et la Gestapo le 26 juin 1944, a été décoré de la médaille de la Résistance lors d’une cérémonie à l’Hôtel des Invalides.

    Le 26 juin 1944, quatre automobiles font irruption dans la cour de la ferme de la famille Brillant au lieu-dit La Brosse, commune du Plantis (Orne). Les pneus crissent, les freins hurlent, les portes claquent, des cris… En un instant, la ferme est cernée, puis occupée par des soldats en uniforme de la Wehrmacht, des policiers allemands et des miliciens français. Ils recherchent le père et le fils, tous deux absents, pressent de questions ponctuées de coups Armelle Brillant, qui reste muette. Ces détails sont rapportés dans le rapport d’un gendarme venu sur les lieux le 1er juillet. La ferme est fouillée de fond en comble, deux hommes sont découverts. « Ces jeunes gens, sur le compte desquels aucune identité n’est connue, poursuit le gendarme, ont été principalement interrogés par les Français. Sous un déluge de coups et après avoir brisé un manche de pelle sur les épaules des jeunes gens qui avaient les poignets liés derrière le dos, les Français ont dû interrompre leurs mauvais traitements sur la réprobation de l’autorité allemande. » Et le gendarme d’émettre une hypothèse bien dans l’air du temps : « Ces jeunes gens devaient faire partie d’une organisation politique servant les intérêts d’une puissance étrangère. L’autorité allemande a voulu déceler cette organisation », conclut ce brigadier rompu aux éléments de langage du régime de Pétain.

Des années de recherches sont à l’origine de cette reconnaissance

    Poursuivons le récit à la lumière d’un autre rapport de gendarmerie, établi en avril 1945, soit après la Libération. Armelle Brillant, devenue conseillère municipale, explique qui étaient les deux hommes découverts chez elle : « Mon mari et moi avons hébergé dans le courant du mois de juin 1944 le résistant Philippe Joseph, résidant au Mans. Cet homme était accompagné d’un autre résistant du nom de Jarrier Lucien. Philippe était arrêté par la milice et la Gestapo, pendant que Jarrier prenait le large. Philippe a été frappé sauvagement. Et devant son refus de répondre aux questions qu’on lui posait, il a été aligné sur le mur de l’écurie et fusillé. » Un médecin qui examina le corps de la victime dénombra 29 impacts tirés à bout portant. Ainsi mourut, à quelques semaines de la Libération, Joseph Philippe, à l’âge 38 ans, père d’une petite fille de 8 ans, combattant du maquis au sein du mouvement Vengeance, que les policiers collaborationnistes avaient vraisemblablement réussi à infiltrer.

Soixante-quinze ans après son assassinat, samedi, en l’Hôtel des Invalides, la médaille de la Résistance a été décernée à titre posthume à ce militant du Parti communiste et de la CGT. À l’origine de cette reconnaissance, il y eut l’opiniâtreté de Sébastien Corrière, son petit-neveu qui a consacré plusieurs années de recherches à reconstituer les étapes de la vie de son aïeul, né en 1906 à Saint-Nicolas-près-Granville (Manche), dans une famille ouvrière et militante. Son père, cheminot, est membre de la SFIO. Deuxième d’une fratrie de quatre enfants, Joseph est ouvrier ajusteur au Mans. Il épouse Germaine en 1932. De leur union naîtra une fille en 1936. Il participe activement au Front populaire. Mobilisé à la déclaration de guerre, fin 1939, il est arrêté et fait l’objet d’un internement administratif dès l’armistice de 1940. Le militant communiste, qui n’acceptera jamais de renier son parti, sera interné successivement à Saint-Lô, à Rennes puis dans le Tarn à Saint-Sulpice-la-Pointe et à Rabastens, d’où il s’évade en mars 1943 pour rejoindre le maquis au sein du mouvement Vengeance.

"J’ai voulu retracer avec précision le parcours de Joseph"

    « Très attaché aux souvenirs que ma grand-mère normande me rapportait sur son grand frère lorsque j’étais adolescent, j’ai voulu retracer avec précision le parcours de Joseph. Bien que vivant à Antibes, j’ai encore de la famille en Normandie, ce qui m’a permis de me rendre sur place », explique aujourd’hui Sébastien Corrière. Pendant plusieurs années, le jeune homme a enquêté, exploré les services d’archives du ministère de la Défense à Vincennes, des départements du Tarn, de l’Orne, du Calvados… Ces recherches permirent notamment de faire porter la mention « mort pour la France », qui avait été oubliée sur l’acte de décès, et de faire corriger la date de sa mort sur sa tombe à la nécropole de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente). À son décès, sa veuve avait entrepris quelques démarches administratives, lui attribuant le statut d’interné politique et d’interné résistant. « Je souhaitais que lui soient attribuées les récompenses que la nation lui devait », poursuit son neveu. En 2016, le ministère des Anciens Combattants lui attribua le statut de combattant volontaire de la Résistance ; en avril 2018, est paru le décret présidentiel lui décernant la médaille de la Résistance.

    Au cours de ses trois années d’internement, des demandes de libération avaient été adressées par son épouse. En vain. « La conduite de cet interné est bonne, écrit un commandant de camp, cependant il refuse de signer une déclaration condamnant le Parti communiste. Sa libération ne me paraît pas opportune… » 

Jean-Paul Piérot, artcile paru dans L'Humanité

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