Née
le 11 avril 1924 à Paris, Paulette Szlifke vient d’avoir 16 ans quand
Pétain signe l’acte de capitulation de la France le 22 juin 1940 et se
voit octroyer les pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale le
10 juillet de la même année. Issue d’une famille ouvrière d’émigrés
polonais fuyant la misère et les persécutions antisémites arrivée en
France l’année qui précéda sa naissance – son père Froïm, ouvrier du
cuir, militant syndicaliste et communiste, avait déjà fait de la prison
dans son pays ; sa mère, Jenta Przepiorka, travaillait dans la
confection –, Paula fréquente les milieux syndicalistes et communistes
de la Main-d’œuvre immigrée (MOI) du quartier de Belleville dans les
années 1920 et 1930.
Le foulard rouge des « pionniers » noué autour du cou,
elle participe aux fêtes et soirées des salles de la Mutualité ou de la
Bellevilloise et vend à la criée, tous les dimanches au métro
Belleville, le journal Mon Camarade à côté de son père vendant la Naïe Presse,
quotidien progressiste et antifasciste d’expression yiddish. Elle
participe aux actions de solidarité auprès de l’Espagne républicaine.
C’est au cours de l’été 1940 qu’elle crée, avec Henri
Krasucki et Pierre Beckerman, le premier « triangle » de résistance
clandestine du 20e arrondissement, qui manifestera contre l’Occupation
et le gouvernement Pétain-Laval, le14 juillet 1941, habillé de
bleu-blanc-rouge. « Nous faisions des lancers de tracts sur les
marchés, dans les cinémas de quartier, dans les usines et les métros.
Les gens les ramassaient mais ne les lisaient pas sur place. On faisait
aussi des actions spectaculaires. On brûlait des poteaux indicateurs le soir. Dans la rue des Panoyaux, à l’occasion du 25e
anniversaire de l’Armée rouge, on a accroché un drapeau rouge le long
d’un fil électrique. Il est resté deux jours. Ce sont les pompiers qui
l’ont décroché », témoigne-t-elle dans un entretien publié dans l’Humanité du vendredi 9 février 2007.
Responsable des jeunes de la MOI avec Henri Krasucki sur
la capitale, elle est arrêtée par les policiers français des brigades
spéciales avec son compagnon d’arme le 23 mars 1943 alors qu’ils
occupaient une planque située près de la porte de Bagnolet. Internée à
Drancy, déportée à Auschwitz-Birkenau le 23 juin, elle sera libérée par
les Soviétiques début mai 1945 après une « marche de la mort» qui
l’avait conduite à Ravensbrück puis à Neustadt.
« Son idée, c’était de témoigner de ce qui s’était réellement passé »
« Tout au long de sa vie, elle a continué de militer et
puis surtout de procéder à un travail de mémoire, participant à des
débats dans des collèges et dans des lycées et, en particulier, en
écrivant un livre, Paula survivre obstinément (Tallandier, 2015), témoigne son fils Claude Sarcey : son
idée, c’était de témoigner de ce qui s’était réellement passé en
rappelant notamment que ce ne sont pas les Allemands qui l’avaient
arrêtée mais la police française et en insistant sur des aspects
éducatifs qui sont quelquefois édulcorés dans les enseignements
scolaires. Toujours avec ce sentiment qu’il fallait privilégier la
Résistance quand c’est nécessaire. »
Mariée en 1946 avec Max Swiczarczyk, membre des FTP-MOI et
des Bataillons du ciel parachuté en juin 1944 en Normandie qui
participa à toutes les batailles de la Libération jusqu’à la prise du
nid d’aigle d’Hitler à Berchtesgaden, Paulette obtint avec son mari le
droit, en 1968, de « franciser » (Sarcey) leur nom… difficile à
prononcer.