Dans le journal Le Progrès de ce
13 janvier, André Gerin, député communiste de la XIV° circonscription du Rhône,
ancien maire de Vénissieux, annonce sa candidature à la candidature à la
présidentielle 2012 et s’oppose vigoureusement à une éventuelle candidature
Mélenchon soutenue par le PCF. Il déclare notamment : « Il serait mortifère pour les forces de
gauche et la France laborieuse que le Parti communiste français (PCF) soit
absent de cette échéance qui constitue la clé de voûte de la Ve
République ». Il ajoute aussi : « Mais en tout état de cause, je reste bien sûr fermement opposé au Front
de gauche qui n’existe que par la présence de Jean-Luc Mélenchon et perpétue
une démarche étriquée, périmée, ayant conduit à l’échec du gouvernement
Jospin ».
Je regrette vivement de tels
propos.
Sur la "clé de voûte" de la V°
république
L’élection
du président de la République au suffrage universel est une mauvaise chose pour
la gauche et pour la démocratie. Elle tend à la personnalisation du pouvoir,
elle tend à faire des citoyens des électeurs qui se "débarrassent"
de leurs responsabilités pendant sept ans - cinq aujourd’hui -, qui déposent
leur souveraineté dans les mains d’un seul homme. C’est une démarche
hétéronomique, qui prend une allure plébiscitaire.
Se soumettre à la tendance
générale qui fait de cette élection « la clé de voûte » de la V°
n’est pas très révolutionnaire. Il faut au contraire tout faire pour ancrer
dans les masses l’idée de démocratie directe ou de démocratie représentative du
type Convention de 1793.
Peut-on oublier comment fut mis
en place ce que F. Mitterrand avait appelé « le coup d’Etat
permanent » ? Ce fut le coup du 13 mai 1958, la confiance accordée à
De Gaulle sous la menace en juin1958, la rédaction par un petit comité du
projet de constitution (fait unique dans notre histoire constitutionnelle sauf
en 1940), ce fut l’approbation plébiscitaire[1]
à l’automne 58. Puis ce fut la forfaiture (le mot est de Gaston Monnerville,
président du Sénat) de 1962, De Gaulle utilisant, pour réviser la constitution,
l’article 11 au lieu d’utiliser l’article 89 correspondant au chapitre XIV
intitulé « De la révision »… mais De Gaulle était au sommet de sa
gloire après la paix en Algérie et il l’utilise pour imposer cette réforme par un
référendum là encore à caractère plébiscitaire[2].
Cette clé de voûte, et A. Gerin
le sait très bien, repose sur le mépris des partis politique, à tout le moins,
leur mise à l’écart. De Gaulle considérait que cette élection est un contrat
personnel entre le peuple et lui. Même le parti socialiste s’est rallié à cette
position. Il faut se souvenir qu’en 2002, une question de calendrier fut
posée :
-
Mandats du président et des députés arrivaient
tous à échéance.
-
Qui doit-on élire d’abord ?
-
le président puis les députés ? et alors
l’électorat confirmera nécessairement son vote présidentiel.
-
les députés d’abord ? et le président
ensuite ? tous les hommes politiques favorables à la démocratie
parlementaire auraient dû choisir cette solution.
Mais L. Jospin a tranché : ce sera le président d’abord
-il était sûr d’être élu- PUIS les députés qui seront de bons godillots.
Conception gaulliste reprise par le PS.
On connaît la suite. Victorieuse, l’UMP a le monopole du
pouvoir. On étouffe.
NON, A. Gerin, la clé de voûte c’est la mobilisation
populaire derrière les députés représentants du peuple.
Sur le Front de gauche
Comment écrire le « Front de gauche perpétue une démarche étriquée, périmée,
ayant conduit à l’échec du gouvernement Jospin » ? A l’époque de
Jospin on parlait de la Gauche plurielle
qui comprenait TOUS les partis de gauche et les Verts. Le Front de Gauche
exclut le PS et les Verts, c’est un rassemblement de trois courants
révolutionnaires dont deux ont QUITTE VOLONTAIREMENT leur formation d’origine
pour travailler avec le PCF[3].
J.-L. Mélenchon a déclaré textuellement (France Inter)
« dimanche (9 janvier) je serais à
Berlin devant la tombe de Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht, deux militants
révolutionnaires allemands assassinés par la social-démocratie » …Rien
que cette déclaration me suffit pour croire en sa sincérité.
Le Front de Gauche est un coup de jeune rafraichissant pour
le PC. Le PC est capable d’extraire de ses rangs des candidats de valeur comme
A. CHASSAIGNE, preuve de sa vitalité mais il faut savoir s’ouvrir sur le monde.
Je connais, dans le Rhône, des militants de la Gauche Unitaire qui ont milité
avec moi à la FSU, qui sont maintenant au Front de Gauche : rien ne
m’autorise à mettre en doute leur foi révolutionnaire.
N’oublions pas
enfin que la présidentielle sera menée de front avec les 577 élections
législatives. C’est une démarche capitale.
[1] Les gens ont voté
« oui » à De Gaulle bien davantage que « oui » à la
constitution.
[2] Sur ce thème, lire le
chapitre C20, « le coup du 13
mai » de mon livre (cf. colonne de gauche).
[3] Le Parti de Gauche a
quitté le PS et la Gauche Unitaire a quitté le NPA.