Sarkozy ou Marlborough s’en va-t-en guerre...

publié le 9 janv. 2012, 06:27 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 9 janv. 2012, 06:28 ]

Voici l’éditorial du dernier numéro de la revue L’Improbable, numéro 75 de Nivôse CCXX. Sur cette revue, je donne quelques précisions en fin. J.-P. R.

 

 « Qu'il vienne, qu'il vienne,

Le temps dont on s'éprenne!»

 Arthur Rimbaud

Chanson de la plus haute tour

 

    C'est dans les temps sombres que l'on éprouve le besoin de chanter ce poème que, près d'un siècle après sa parution, Colette Magny avait mis en musique.

    Car comment chanter notre tout dernier lustre, marqué par la cuistrerie, l'incompétence et la nuisance ? Comment chanter les mots qui viennent, qui nous enragent et nous donnent des haut-le-cœur : Fouquet's, Bolloré, yacht, karcher, Rolex et lunettes noires, «casse-toi», «pauvre con», «travailler plus», «tous propriétaires», «président du pouvoir d'achat», «bouclier fiscal», «moitié moins de SDF en cinq ans», Princesse de Clèves, Prince Jean, «Rougeon »-Macquart, Roland «Barthès», «Africains pas entrés dans l'histoire», Roms et immigrés-délinquants, «le curé supérieur à l'instituteur » ? Comment chanter cela ?

    Pour faire oublier cette image dégradée de sa personne et dégradante pour la France, et les ratages de sa diplomatie vis-à-vis des révoltes arabes, Malbrough s'en fut en guerre en Libye. C'est triomphant qu'il s'en revint… de la guerre la plus étrange jamais vue, puisque sans la moindre bavure ni la moindre victime. Les chiffres à disposition pour illustrer celle-ci sont pourtant nombreux : ceux des sorties d'avions (plus de 26.000), ceux des attaques aériennes (9.650), celui du coût approximatif (300 millions d'euros du côté français, dont 100 millions pour les munitions). En ce qui concerne le coût en vies humaines, hourra ! et alléluia !, il est de zéro victime…du côté de l'OTAN : du jamais vu, un modèle pour d'autres opérations à venir. Les dictateurs qui ne sont pas pro-occidentaux n'ont qu'à bien se tenir : ils devront choisir entre le sort de Saddam Hussein ou celui de Ben Laden, ainsi que l'a appris Kadhafi, massacré en direct au terme d'une opération qualifiée de « croisade » par le ministre français de la police. Pas de morts libyens, pas même de « morts kadhafistes », malgré les attaques aériennes, à saison de deux ou trois bombes par attaque, parce que, à l'image des victimes des guerres coloniales, ce sont des victimes sans noms, ni nombre : on ne compte jamais les victimes « indigènes » des guerres coloniales, glorieuse tradition reprise pour les interventions de l'OTAN, dont il est malpoli de dire qu'elles sont des guerres post ou néo coloniales L'ordre règne en Libye, comme il règne en Irak et règnera en Afghanistan, et avec lui, la paix des cimetières.

    Malbrough avait aussi déclaré la guerre aux marchés et aux paradis fiscaux. Cette fois, il s'en revint penaud… les deux pieds les deux mains dans la merde. De sa parole magique, il avait certes fait disparaître lesdits paradis fiscaux, mis au pas les marchés financiers - même s'il en était le seul convaincu -, mais lui qui se targuait de moraliser le capitalisme n'a pu empêcher - l'a-t-il seulement souhaité ? - que les « repreneurs » de la Grèce, de l'Italie, de l'Espagne et de la BCE soient tous d'anciens responsables de Goldman Sachs. Exemplaire victoire de la vertu financière…

    S'il est vrai que Malbrough a perdu son triple A, il a, en contrepartie, décroché un chômage à deux chiffres. Qu'importe ! Il poursuit la guerre, entamée dès avant 2007, contre les pauvres, un mot jamais prononcé, toujours remplacé par des mots « bien en chair» : «Roms», «jeunes des banlieues», individus «au faciès non gaulois», «travailleurs sans- papiers», «résidents devenus permanents des campings», «présumés fraudeurs à la Sécu et aux faux-papiers», «bénéficiaires du RSA». Tous forcément délinquants, ce que prouve l'usage répété du mot «kalachnikov», que les médias diffusent jusqu'au délire, semant un efficace frisson d'insécurité, justifiant la traque de délinquants réels, mais plus encore supposés, et dont le but ultime est une tout autre traque : celle des voix du FN. Cela, alors que toutes les statistiques sérieuses (cf. les études de Muchielli) attestent une baisse continue de la délinquance dans tous les domaines… sauf évidemment dans celui de la finance.

    C'est par des temps sombres que l'on a besoin de chanter :

« Qu'il vienne, qu'il vienne,

Le temps dont on s’éprenne! »

    Ne sont-ce pas là les meilleurs vœux que puisse formuler L'Improbable pour 2012 ?

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Voici les activités prochaines de l’Improbable qui peuvent donner une idée de la place de cette association dans le P.I.L. : paysage intellectuel lyonnais (JPR).

Banquet républicain

30 nivôse An CCXX

Vendredi 20 janvier 19 h 30

Le Cercle Marcel Bruno

110 rue du 4 août 1789

Villeurbanne

Tricentenaire J.J.Rousseau

Odile Schoendorff : Relire Rousseau

Mercredi 25 janvier -19 h MJC du Vieux-Lyon

5 place Saint-Jean

Tricentenaire J.J.Rousseau (suite)

Claude Mazauric : Jean-Jacques Rousseau,

en partenariat avec l'Espace Marx-Lyon

Mardi 31 janvier-19 h Maison des Passages

44 rue Saint-Georges -Vieux-Lyon

Rencontre

Les éditions Delga

Samedi 4 février-15 h

Au Cedrats

27 Montée Saint-Sébastien 69001 -Lyon

(lieu à confirmer sur notre site)

Rencontre

Christian Corouge & Michel Pialoux

Résister à la chaîne

en partenariat avec la Maison des Passages,

Vendredi 2mars-20 h Maison des Passages

Lecture

Lola Lafon

Mardj 6mars-19 h

Journée internationale du droit des Femmes

MJC du Vieux-Lyon

Rencontre

Gérard Le Puill, auteur de Bientôt nous aurons faim !

et Denis Jambon, viticulteur,

Samedi 17 mars-15 h

MJC du Vieux-Lyon.

 

Adresse de l’association : maison des Associations, 5 place Saint-Jean, 69005 Lyon.

www.limprobable.org

courriel : limprobable88@orange.fr
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