financer les retraites ? néolibéralisme et fracture sociale…

publié le 26 juin 2013, 12:51 par Jean-Pierre Rissoan
21 octobre 2010

    Robert Pollin, professeur d’économie politique à l’Université du Massachusetts- Amherst, a prononcé une conférence sur la récession en Amérique[1]. J’ai été choqué par les chiffres ahurissants qu’il donne. Jugez-en :

    Aux Etats-Unis, la part des revenus allant au 1% les plus riches a plus que doublé entre 1950 et 2005, passant de 10,2% à 21,8%. Encore plus extraordinaire, dans la même période, la part des mille foyers les plus riches a plus que triplé, passant de 3,2% à 10,9%. Fin de citation.

    On a relevé que la « récession » ne concerne pas les plus hauts revenus. Si l’on a une idée même approximative du niveau des revenus obtenus sur l’ensemble des États-Unis, on est saisi par l’ampleur de ces fortunes. Qu’est-ce que mille foyers ? Quatre mille personnes environ sur trois cents millions d’habitants. Qu’est-ce que 10 % des revenus totaux américains ? Sur $14.266 milliards (2009), c’est 1.400 milliards de $ environ.

 

    Ces inégalités sont générales dans les pays capitalistes développés ou émergents.

    On sait que l’année 2008 a été « éprouvante» pour les grosses fortunes. L’éclatement de diverses « bulles » a provoqué un recul des revenus du patrimoine financier. Ainsi, en France, le nombre des HNWI (High Net Worth Individuals) définis comme les « particuliers disposant d'un patrimoine financier de plus d'un million de dollars hors résidence principale et biens de consommation » a chuté de 395.000 personnes en 2007 à 346.000 en 2008. Que l’on se rassure, grâce aux mesures prises pour rétablir la santé de « l’industrie financière », leur nombre a remonté à 383.000 en 2009.

    Cette remontée des effectifs est d’autant plus surprenante que la ‘croissance’ a été négative avec une baisse du PIB français de -2,2% … Cela signifie que les inégalités se sont encore accentuées.

    Si l’on raisonne non pas en termes de revenus mais en termes de patrimoine, la France d’aujourd’hui représente plus de 2,5 fois la France de 1975 (laquelle sortait de trente années dites ‘glorieuses’ et n’était donc pas ‘pauvre’). Et le coefficient de Gini -qui est un indicateur de la concentration du patrimoine et qui nous dit que plus il est proche de 1, plus la concentration est forte, plus il se rapproche de 0, plus la répartition est égalitaire- le coefficient de Gini est passé de 0,54 à 0,62 entre les deux mêmes dates de référence (1975 et 2000). C’est dire que la concentration du patrimoine entre les mêmes mains est de plus en plus élevée.

    L’euphorie de 2009 -qui ne concerne pas tout le monde - a des manifestations très concrètes comme la vente au salon de l’Auto de voitures à 465.000 €, ou encore la ruée chez LVMH  dont on nous dit qu’il ferme ses magasins une heure plus tôt afin de ne pas risquer d’être en rupture de stock pour les fêtes de fin d’année !! Liste non limitative.

    Le débat sur le financement des retraites met aux prises la finance et le salariat moyen et modeste.

    L’enjeu est considérable.

    Il faut empêcher un recul de civilisation.

    A la Libération, le coefficient de Gini était inférieur à 0,49. Le parti de la finance était politiquement isolé et le programme du C.N.R. put être mise en œuvre. Aujourd’hui, ce parti tient les rênes de l’Etat. Mais près de 3 Français sur 4 rejettent cette réforme des retraites ou souhaitent une renégociation (une vraie négociation, en fait). Rien n’est joué.  


[1] Avec son accord, l’Humanité du 16 octobre en a publié de larges extraits.
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