Une progression indexée sur la colère du peuple
Stéphane Aubouard
Athènes, envoyé spécial.
Depuis 2010, la gauche
radicale grecque s’est implantée puis renforcée dans le paysage politique, sur
la base d’un discours clair et audible.
Lorsqu’en
février 2010 la troïka (BCE, FMI, Commission européenne) demande au premier
ministre Georges Papandréou d’accélérer les coupes budgétaires, Syriza n’est
encore qu’une petite coalition de gauche composée d’ex-communistes, de
socialistes, d’écologistes et autres dont le poids électoral ne dépasse pas les
4%. Et lorsque le 27 février de la même année les syndicats du privé et du
public appellent à la grève générale envoyant 30.000 personnes dans les rues d’Athènes, le message
politique de Syriza ne porte pas encore dans le peuple. Mais l’année 2010 avec,
en mai, la signature par le gouvernement Pasok (socialiste, membre de l’Internationale
socialiste, JPR) et la troïka du premier mémorandum mettant le pays sous la
coupe de cette dernière, puis l’année 2011, avec en octobre la signature d’un
second mémorandum, vont être le théâtre d’un brusque rapprochement entre le
peuple et la coalition de la gauche radicale. Le discours d’Alexis Tsipras,
malgré le filtre des médias dominants, arrive peu à peu aux oreilles des Grecs
qui subissent baisse de salaires, baisse des pensions, baisse des minima
sociaux et casse des services publics… Les mots sont simples et offensifs : refus des politiques menées, refus des mémorandums,
annulation de la dette, réforme des statuts de la Banque centrale européenne…
EN
2012, 100 000
GRECS DANS LES RUES D’ATHÈNES
Depuis
lors, les scores électoraux de Syriza seront proportionnels à la colère mêlée
d’espoir nouveau du peuple grec. En 2011, les manifestations se multiplient et
atteignent leur apogée en février 2012 où quelque 100.000 Grecs descendent dans les rues d’Athènes… Trois
mois plus tard, Syriza, dont le discours est de plus en plus audible, atteint
aux premières législatives le score de 16,78 % des voix obtenant 52 sièges et
devenant la seconde force à la Vouli
(Parlement grec)… Mieux encore, pour la première fois depuis 1958, un parti de
la gauche radicale devient la seconde force politique du pays. Un mois plus
tard, lors de nouvelles législatives, le parti d’Alexis Tsipras atteint la
barre des 27 %… Depuis, le nouveau premier ministre de la Grèce, qui n’aura eu
de cesse de mettre le Pasok devant ses contradictions, s’attaquera à la droite
qui tiendra les rênes du pays dans la foulée… Alexis Tsipras avait en ce temps
déjà marqué son territoire face à celui qu’il vient désormais de remplacer,
Antonis Samaras, martelant lors d’un face-à-face télévisé : "Il ne peut pas y avoir un gouvernement de salut
national avec la droite qui a signé des mesures de rigueur et que le peuple a
rejetées.
". Dimanche soir, le peuple a, cette
fois-ci, fait les bagages des partisans des vieilles recettes, rejetant
définitivement la politique Pasok/Nouvelle Démocratie des trente dernières
années, en jetant son dévolu sur celui qu’il ne voyait pas, il y a trois ans à
peine.
SYRIZA,
UN PARTI HÉRITIER DU MOUVEMENT SYNASPISMOS CRÉÉ DANS LES ANNÉES 1990
Synaspismos
(Coalition de la gauche, des mouvements et de l’écologie, SYN) est un mouvement créé en 1991
par des communistes exclus du Parti communiste grec (KKE) parce qu’ils étaient
favorables à l’intégration européenne de la Grèce. Aux législatives de 2004, le
SYN s’allie avec plusieurs petits partis dans le cadre d’une coalition appelée
Syriza. En juillet 2013, Syriza devient un parti en fusionnant ses différentes
composantes, seule possibilité de toucher le bonus de 50 députés accordé au parti,
et non pas à la coalition, arrivé en tête d’une élection législative. Le
Synaspismos est alors dissous (1).
Mardi, 27 Janvier, 2015 , L'Humanité.
(1) en fait, SYRIZA est l'acronyme de Synaspismós Rizospastikís Aristerás. JPR