06/02/2011 Cet article pourrait s’intituler « de l’utilité de la révolution » en réponse à l’article du monde du 3 février intitulé « de l’inutilité d’un parlement ». "Le Monde" a publié un article fort intéressant sur la situation économique et sociale du Venezuela en même temps que sur la situation morale de sa classe dirigeante. On y apprend que ce pays –surnommé "Koweït" de l’Amérique latine- est un pays riche. Il dispose de 6% des réserves mondiales prouvées de pétrole. La rente pétrolière s’élève chaque année à plus de 10 milliards de dollars. La Société des pétroles du Venezuela (PVD SA) est une multinationale qui possède des réseaux de raffineries et de distribution d’essence aux Etats-Unis et en Europe. Tout cela est connu. Mais le pays possède en mêmes proportions des réserves d’or et de bauxite. Il produit de 60 à 80 tonnes d’or chaque année. Le PIB/hab. est conséquemment un des plus élevés, sinon le plus élevé d’Amérique latine. Etc.… Pourtant "le tableau social, encore et toujours (sic), n’est en revanche pas très rose" écrit l’auteur de l’article, un des meilleurs connaisseurs français de l’Amérique latine. 43% de la population survit en état de "pauvreté critique". La malnutrition touche 20% des enfants, l’analphabétisme est élevé et 45% des Vénézuéliens n’ont pas d’instruction primaire selon un document officiel. Pire, un économiste interrogé par Le Monde affirme que "le salaire réel est inférieur à celui d’il y a quarante ans". Les services publics de l’eau et du téléphone sont défaillants. Il est vrai que le pays a dû subir une cure d’austérité imposée par l’incontournable F.M.I.. Remèdes éternels et universels de l’institution de Washington : libération des prix et des taux de change, austérités budgétaire et salariale, libéralisation du commerce extérieur. L’opération "vérité des prix" -c’est-à-dire suppression des subventions pour les plus pauvres- par la hausse des tarifs des transports a provoqué des émeutes qui ont fait de 300 à 1000 morts selon les évaluations. Le F.M.I. a encore frappé. Mais, dira-t-on fort légitimement, où passent l’argent, les richesses produites par ce Koweït hispanophone ? Ils sont bien évidemment accaparés par une couche étroite de la population dont l’auteur de l’article, de façon regrettable, ne dessine pas les contours. Il nous indique toutefois que "vue du cinquantième étage des tours verre et acier du Parc central (…) Caracas, symphonie de gratte-ciel au pied de la montagne de l’Avila, a belle allure. (…). Son réseau géant de voies express est encombré de belles américaines". Cette fracture sociale abyssale et immorale a généré une délinquance élevée. Dans les quartiers huppés où sont garées le soir les belles américaines on peut voir "grilles, gardiens, et système d’alarme sophistiqués". C’est que "la crainte du voleur tourne à l’obsession car les truands ont le couteau facile. Et 52% des habitants de Caracas affirment avoir été victimes de la délinquance qui fait en moyenne vingt morts chaque fin de semaine". Mais que fait le gouvernement est-on en droit, tout aussi légitimement, de s’interroger ? Hélas, le rapport annuel du procureur général est accablant. On y apprend que la corruption est "le trait le plus caractéristique de la société" ; que le pouvoir judiciaire est "soumis aux pressions des partis" ; que, pour redresser la situation, il y a un "manque de volonté politique" ! La classe dirigeante est pourrie jusqu’à l’os. Une série de scandales a ému l’opinion : "des militaires de haut rang et civils proches du pouvoir (ont été) compromis dans des affaires de pots-de-vin pour des contrats d’armement", "des personnalités de l’establishment (ont été) impliquées dans le trafic de drogue et les relations avec les cartels colombiens"… Les partis politiques se renvoient les accusations les uns sur les autres. "En fait" écrit le journaliste du Monde "c’est l’ensemble de la classe politique qui est éclaboussé par les scandales". Même le parti socialiste "MAS de Teodoro Petkoff, l’ancien guérillero devenu membre à part entière du club des notables". Bref, la population marque son mépris par une abstention électorale record : 70% ! Que voilà un magnifique article (et encore l’ai-je diablement réduit) qui dresse un tableau magistral d’un pays sous-développé, source documentaire précieuse pour tous les professeurs d’histoire-géographie de classes terminales. Mais…mais… et Chavez dans tout cela ? Et bien figurez-vous, face à une situation pareille, Hugo Chavez a décidé de faire la révolution. Pas seul, pour sûr, sinon ce n’eût pas été une vraie révolution et il s’appuie benoîtement sur le suffrage universel. Hélas ! Le Monde ne le lui pardonne toujours pas. Il est vrai que M. Nierdergang –l’auteur- est totalement à court de solutions et son article n’en propose aucune, d’autant qu’en 1991, c’est un bon social-démocrate, membre de l’Internationale socialiste qui dirige le Venezuela, l’ami Carlos Andres Perez. Que fallait-il faire ? Pleurer et subir ? Sans doute. Le Monde est plutôt traditionaliste. L’article que j’ai résumé et qui a maintenant valeur historique –je le souhaite en tout cas pour le peuple vénézuélien- a été publié le 13 septembre 1991, cela va faire vingt ans. Nonobstant, il donne une bonne idée de la situation dont a hérité Chavez. Et tout homme de bien admettra que la corruption n’a pu disparaître d’un seul claquement de doigts ou que la démocratie est difficile à installer quand on a un tel pourcentage d’illettrés. Mais cette authentique révolution heurte les intérêts des propriétaires des "belles américaines". Et Le Monde du 3 février 2011 publie un article vipérin anti-Chavez dans lequel il est fait une bonne part aux manifs de casseroles des bourgeoises de Caracas qui se remémorent, bien sûr, leurs copines de Santiago du Chili qui effectuaient le même tintamarre et qui appelaient de leurs vœux le criminel Pinochet. Ce n’est que dans ces situations historiques que ces bourgeoises manipulent des casseroles. Le même Monde qui n’a de cesse de fustiger le "populisme" de J.-L. Mélenchon conclut sur le coût de la garde-robe civile et militaire de H. Chavez. On sait aller à l’essentiel. Lecture à compléter par celle-ci : II. CHAVEZ : l'expérience vénezuelienne sans concession |