L'Humanité
Adossé à un travail sérieux de chiffrage des dépenses et des recettes
(13,5 milliards d’euros annuels),
le programme économique de Syriza
dessine, selon les termes d’Alexis Tsipras, une « sortie de crise fondée
sur l’idée de progrès et de justice ». Il implique l’effacement d’une
partie de la dette, jugée illégitime.
«Je n’aimerais pas que des forces extrémistes prennent le pouvoir. »
Quels extrémistes le président de la Commission européenne, Jean-Claude
Juncker, désignait-il, le 12 décembre, en parlant de la Grèce ? Les
néonazis d’Aube dorée ? Les nostalgiques de la dictature des colonels ?
Non. Dans son viseur, dans celui d’Angela Merkel, qui menace la Grèce de
bannissement, il y a la gauche. Pas celle qui s’est convertie au
néolibéralisme. La gauche qui prône la sortie de l’austérité, qui veut
guérir la crise humanitaire, renégocier la dette, investir dans
l’économie réelle, faire le choix de l’humain contre les diktats de la
finance. Alors que Syriza se trouve, à Athènes, au seuil du pouvoir,
toutes les stratégies sont bonnes pour lui barrer la route. Le FMI
menace, les marchés financiers attaquent, les éditorialistes
diabolisent. Et comme il faut jouer sur tous les tableaux, s’élève une
nouvelle petite musique, celle de la « normalisation » de Syriza, qui
n’aurait pas d’autre choix que de rentrer dans le rang, une fois aux
affaires. En fait, le programme de la gauche grecque est le seul
crédible, après cinq années de dévastation économique et de démolition
sociale.
Les Grecs ont servi de cobayes aux extrémistes néolibéraux, pour
mettre au pas tous les peuples d’Europe. Dans l’épreuve, ils peuvent,
demain, initier une expérience alternative, porteuse d’espoir pour tout
le continent. Je n’aimerais pas que des forces extrémistes prennent le
pouvoir. » Quels extrémistes le président de la Commission européenne,
Jean-Claude Juncker, désignait-il, le 12 décembre, en parlant de la
Grèce ? Les néonazis d’Aube dorée ? Les nostalgiques de la dictature des
colonels ? Non. Dans son viseur, dans celui d’Angela Merkel, qui menace
la Grèce de bannissement, il y a la gauche. Pas celle qui s’est
convertie au néolibéralisme. La gauche qui prône la sortie de
l’austérité, qui veut guérir la crise humanitaire, renégocier la dette,
investir dans l’économie réelle, faire le choix de l’humain contre les
diktats de la finance. Alors que Syriza se trouve, à Athènes, au seuil
du pouvoir, toutes les stratégies sont bonnes pour lui barrer la route.
Le FMI menace, les marchés financiers attaquent, les éditorialistes
diabolisent. Et comme il faut jouer sur tous les tableaux, s’élève une
nouvelle petite musique, celle de la « normalisation » de Syriza, qui
n’aurait pas d’autre choix que de rentrer dans le rang, une fois aux
affaires. En fait, le programme de la gauche grecque est le seul
crédible, après cinq années de dévastation économique et de démolition
sociale. Les Grecs ont servi de cobayes aux extrémistes néolibéraux,
pour mettre au pas tous les peuples d’Europe. Dans l’épreuve, ils
peuvent, demain, initier une expérience alternative, porteuse d’espoir
pour tout le continent.
«Oligarques comme tyrans se méfient du peuple. » Comment
ne pas citer Aristote, à la vue des dirigeants européens qui, de
Jean-Claude Juncker à Angela Merkel, se déchaînent depuis plusieurs
semaines pour conjurer le démon grec ? Le chef de file de Syriza, Alexis
Tsipras, serait la dangereuse incarnation d’un « populisme » menaçant
les bases mêmes de l’édifice européen. Menace, chantage, diabolisation,
tout est bon pour dissuader les Grecs d’emprunter le chemin d’une
alternative aux politiques d’austérité. « Syriza ne prône pourtant que
des choix de raison, dans un pays où l’austérité sème la destruction
sociale, économique, démocratique. Il faut d’urgence restaurer l’État de
droit et stopper le processus des mémorandums, qui relève de
l’intégrisme néolibéral », résume l’anthropologue Panagiotis Grigoriou,
qui dresse dans son blog Greek Crisis le portrait d’une société
sacrifiée sur l’autel de la rentabilité financière. Dans ce paysage de
désastre que laisse derrière elle la troïka (Banque centrale
européenne, FMI et Commission de Bruxelles), le programme économique de
Syriza, d’inspiration néokeynésienne, relève en effet davantage
d’options pragmatiques que de dérives extrémistes.
Décryptage :
1.Renégocier la dette,
sortir de l’austérité
La dette publique grecque est passée de 115 % du PIB en
2009 à 175 % aujourd’hui. Illustration de l’absurdité des politiques de
compression des dépenses publiques et sociales dictées par la troïka.
Le 13 septembre dernier, en présentant à Thessalonique son programme de
gouvernement, Alexis Tsipras appelait à la tenue d’une « conférence
européenne sur la dette ». Il revendiquait un moratoire, l’effacement
d’une majeure partie de la dette détenue par le mécanisme européen de
stabilité, une restructuration assortie d’une « clause de croissance »
pour la dette détenue par le FMI et la BCE. Le chef de Syriza prônait
enfin la sortie des investissements publics du calcul des déficits
plafonnés par le pacte de stabilité et de croissance. « Nous déclarons
aussi, haut et fort, que nous revendiquons toujours le remboursement du
prêt imposé à la Grèce par les forces d’occupation nazies. (…)
D’ailleurs, dès que notre gouvernement sera en charge, cette question
fera l’objet d’une demande officielle », concluait Tsipras à l’attention
de Berlin. Les dirigeants de Syriza admettent qu’ils s’attendent à des
entraves, à des négociations « difficiles ». D’où leur volonté de se
prévaloir d’un « mandat populaire » clair, quitte à recourir au
référendum. « L’effacement d’une partie de la dette est indispensable
pour dégager des ressources, des marges de manœuvre pour une autre
politique. Nous voulons une solution à l’intérieur de la zone euro. Nous
ne prendrons pas de mesures unilatérales. Sauf si nous y sommes
contraints », prévient l’économiste Maria Karamenissi.
2. Répondre à l’urgence humanitaire
Alexis Tsipras dit vouloir, en priorité,
« réparer les
injustices commises par l’application des mémorandums ». Les programmes
d’austérité ont plongé une majorité de Grecs dans des situations de
détresse sociale telles que la plupart des observateurs n’hésitent plus à
parler de « crise humanitaire ». Pour y faire face, Syriza prévoit de
consacrer 2 milliards d’euros à la création d’un « bouclier de
protection pour les couches sociales les plus vulnérables ». Ce
programme inclurait la gratuité de l’électricité et la création de
subventions alimentaires pour 300 000 familles vivant au-dessous du
seuil de pauvreté, l’accès gratuit pour tous aux services publics de
santé, la réhabilitation de logements ou d’hôtels abandonnés pour rendre
disponibles 25 000 logements à loyers subventionnés. Ce premier train
de mesures prévoit aussi le relèvement progressif des petites retraites
et la réduction du prix des transports publics.
3.Une politique de relance
et de création d’emplois
Alors que l’austérité a coûté à la Grèce 25 % de son PIB
et mis à l’arrêt 65 % de l’appareil productif, Syriza propose un « plan
de relance de l’économie réelle ». Celui-ci serait financé en partie par
une réforme fiscale mettant fin au matraquage des classes populaires et
permettant à l’État de « puiser l’argent où il se trouve, c’est-à-dire
chez les riches », avec une politique résolue de lutte contre la fraude
et l’évasion fiscales. Afin de soutenir les PME et les agriculteurs,
une « banque de développement » serait créée dans le giron public. Un
terme serait mis aux privatisations et le soutien public à l’industrie
serait soumis à des « clauses d’emploi » et de respect de
l’environnement. Pour relancer la demande, le salaire minimum serait
rétabli, sans critères d’âge, au niveau d’avant les mémorandums. Le
programme de Thessalonique table aussi sur la création de
300 000 emplois « dans les secteurs public, privé et dans l’économie
solidaire ». Au total : 4 milliards d’euros seraient consacrés à un
plan d’investissements publics qui s’inscrirait dans un « new deal »
européen pour la croissance, appuyé par la Banque européenne
d’investissements. Articulé autour de 27 propositions, adossé à un
travail sérieux de chiffrage des dépenses et des recettes
(13,5 milliards d’euros annuels), ce programme dessine, selon Tsipras,
les contours d’un « projet de sortie de crise fondé sur l’idée de
progrès et de justice ». Objectif : tourner enfin la funeste page de
l’austérité.