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Ce que propose vraiment Syriza pour sortir de l’austérité

publié le 6 janv. 2015, 09:40 par Jean-Pierre Rissoan
Mardi dans l'Humanité
Rosa Moussaoui
Mardi, 6 Janvier, 2015
L'Humanité

    Adossé à un travail sérieux de chiffrage des dépenses et des recettes (13,5 milliards d’euros annuels), 
le programme économique de Syriza dessine, selon les termes d’Alexis Tsipras, une « sortie de crise fondée sur l’idée de progrès et de justice ». Il implique l’effacement d’une partie de la dette, jugée illégitime.

    «Je n’aimerais pas que des forces extrémistes prennent le pouvoir. » Quels extrémistes le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, désignait-il, le 12 décembre, en parlant de la Grèce ? Les néonazis d’Aube dorée ? Les nostalgiques de la dictature des colonels ? Non. Dans son viseur, dans celui d’Angela Merkel, qui menace la Grèce de bannissement, il y a la gauche. Pas celle qui s’est convertie au néolibéralisme. La gauche qui prône la sortie de l’austérité, qui veut guérir la crise humanitaire, renégocier la dette, investir dans l’économie réelle, faire le choix de l’humain contre les diktats de la finance. Alors que Syriza se trouve, à Athènes, au seuil du pouvoir, toutes les stratégies sont bonnes pour lui barrer la route. Le FMI menace, les marchés financiers attaquent, les éditorialistes diabolisent. Et comme il faut jouer sur tous les tableaux, s’élève une nouvelle petite musique, celle de la « normalisation » de Syriza, qui n’aurait pas d’autre choix que de rentrer dans le rang, une fois aux affaires. En fait, le programme de la gauche grecque est le seul crédible, après cinq années de dévastation économique et de démolition sociale.

    Les Grecs ont servi de cobayes aux extrémistes néolibéraux, pour mettre au pas tous les peuples d’Europe. Dans l’épreuve, ils peuvent, demain, initier une expérience alternative, porteuse d’espoir pour tout le continent. Je n’aimerais pas que des forces extrémistes prennent le pouvoir. » Quels extrémistes le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, désignait-il, le 12 décembre, en parlant de la Grèce ? Les néonazis d’Aube dorée ? Les nostalgiques de la dictature des colonels ? Non. Dans son viseur, dans celui d’Angela Merkel, qui menace la Grèce de bannissement, il y a la gauche. Pas celle qui s’est convertie au néolibéralisme. La gauche qui prône la sortie de l’austérité, qui veut guérir la crise humanitaire, renégocier la dette, investir dans l’économie réelle, faire le choix de l’humain contre les diktats de la finance. Alors que Syriza se trouve, à Athènes, au seuil du pouvoir, toutes les stratégies sont bonnes pour lui barrer la route. Le FMI menace, les marchés financiers attaquent, les éditorialistes diabolisent. Et comme il faut jouer sur tous les tableaux, s’élève une nouvelle petite musique, celle de la « normalisation » de Syriza, qui n’aurait pas d’autre choix que de rentrer dans le rang, une fois aux affaires. En fait, le programme de la gauche grecque est le seul crédible, après cinq années de dévastation économique et de démolition sociale. Les Grecs ont servi de cobayes aux extrémistes néolibéraux, pour mettre au pas tous les peuples d’Europe. Dans l’épreuve, ils peuvent, demain, initier une expérience alternative, porteuse d’espoir pour tout le continent.

    «Oligarques comme tyrans se méfient du peuple. » Comment ne pas citer Aristote, à la vue des dirigeants européens qui, de Jean-Claude Juncker à Angela Merkel, se déchaînent depuis plusieurs semaines pour conjurer le démon grec ? Le chef de file de Syriza, Alexis Tsipras, serait la dangereuse incarnation d’un « populisme » menaçant les bases mêmes de l’édifice européen. Menace, chantage, diabolisation, tout est bon pour dissuader les Grecs d’emprunter le chemin d’une alternative aux politiques d’austérité. « Syriza ne prône pourtant que des choix de raison, dans un pays où l’austérité sème la destruction sociale, économique, démocratique. Il faut d’urgence restaurer l’État de droit et stopper le processus des mémorandums, qui relève de l’intégrisme néolibéral », résume l’anthropologue ­Panagiotis Grigoriou, qui dresse dans son blog Greek Crisis le portrait d’une société sacrifiée sur l’autel de la rentabilité financière. Dans ce paysage de désastre que laisse derrière elle la troïka (Banque centrale ­européenne, FMI et Commission de Bruxelles), le programme économique de Syriza, d’inspiration néokeynésienne, relève en effet davantage d’options pragmatiques que de dérives extrémistes.

Décryptage :

1.Renégocier la dette, 
sortir de l’austérité

    La dette publique grecque est passée de 115 % du PIB en 2009 à 175 % aujourd’hui. Illustration de l’absurdité des politiques de compression des dépenses publiques et ­sociales dictées par la troïka. Le 13 septembre dernier, en présentant à Thessalonique son programme de gouvernement, Alexis Tsipras appelait à la tenue d’une « conférence européenne sur la dette ». Il revendiquait un moratoire, l’effacement d’une majeure partie de la dette détenue par le mécanisme européen de stabilité, une restructuration assortie d’une « clause de croissance » pour la dette détenue par le FMI et la BCE. Le chef de Syriza prônait enfin la sortie des investissements publics du calcul des déficits plafonnés par le pacte de stabilité et de croissance. « Nous déclarons aussi, haut et fort, que nous revendiquons toujours le remboursement du prêt imposé à la Grèce par les forces d’occupation nazies. (…) D’ailleurs, dès que notre gouvernement sera en charge, cette question fera l’objet d’une demande officielle », concluait Tsipras à l’attention de Berlin. Les dirigeants de Syriza admettent qu’ils s’attendent à des entraves, à des négociations « difficiles ». D’où leur volonté de se prévaloir d’un « mandat populaire » clair, quitte à recourir au référendum. « L’effacement d’une partie de la dette est indispensable pour dégager des ressources, des marges de manœuvre pour une autre politique. Nous voulons une solution à l’intérieur de la zone euro. Nous ne prendrons pas de mesures unilatérales. Sauf si nous y sommes contraints », prévient l’économiste Maria Karamenissi.

2. Répondre à l’urgence humanitaire

    Alexis Tsipras dit vouloir, en priorité, ­
« réparer les injustices commises par l’application des mémorandums ». Les programmes d’austérité ont plongé une majorité de Grecs dans des situations de détresse sociale telles que la plupart des observateurs n’hésitent plus à parler de « crise humanitaire ». Pour y faire face, Syriza prévoit de consacrer 2 milliards d’euros à la création d’un « bouclier de protection pour les couches sociales les plus vulnérables ». Ce programme inclurait la gratuité de l’électricité et la création de subventions alimentaires pour 300 000 familles vivant au-dessous du seuil de pauvreté, l’accès gratuit pour tous aux services publics de santé, la réhabilitation de logements ou d’hôtels abandonnés pour rendre disponibles 25 000 logements à loyers subventionnés. Ce premier train de mesures prévoit aussi le relèvement progressif des petites retraites et la réduction du prix des transports publics.

3.Une politique de relance 
et de création d’emplois

    Alors que l’austérité a coûté à la Grèce 25 % de son PIB et mis à l’arrêt 65 % de l’appareil productif, Syriza propose un « plan de relance de l’économie réelle ». Celui-ci serait financé en partie par une réforme fiscale mettant fin au matraquage des classes populaires et ­permettant à l’État de « puiser l’argent où il se trouve, c’est-à-dire chez les riches », avec une politique résolue de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Afin de soutenir les PME et les agriculteurs, une « banque de développement » serait créée dans le giron public. Un terme serait mis aux privatisations et le soutien public à l’industrie serait soumis à des « clauses d’emploi » et de respect de l’environnement. Pour relancer la demande, le salaire minimum serait rétabli, sans critères d’âge, au niveau d’avant les mémorandums. Le programme de Thessalonique table aussi sur la création de 300 000 emplois « dans les secteurs public, privé et dans l’économie solidaire ». Au total :  4 milliards d’euros seraient consacrés à un plan d’investissements publics qui s’inscrirait dans un « new deal » européen pour la croissance, appuyé par la Banque européenne d’investissements. Articulé autour de 27 propositions, adossé à un travail sérieux de chiffrage des dépenses et des recettes (13,5 milliards d’euros annuels), ce programme dessine, selon Tsipras, les contours d’un « projet de sortie de crise fondé sur l’idée de progrès et de justice ». Objectif : tourner enfin la funeste page de l’austérité.





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