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Grèce. Révolution de 1821, « la liberté ou la mort »

publié le 23 avr. 2021, 09:50 par Jean-Pierre Rissoan

Vendredi 23 Avril 2021

    Il y a deux cents ans, le pays se soulevait après quatre cents ans d’occupation ottomane, mais aussi vénitienne, génoise, franque… Si le peuple prend les armes, les grandes puissances se mêlent également au conflit.

    par Dimitri MANESSIS, docteur en Histoire contemporaine

    L'Humanité,

    C’est le début d’une guerre terrible, de près de dix ans, qui eut un écho retentissant dans le monde entier. Le 25 mars 1821, un soulèvement protéiforme de révolte éclate sur cette terre occupée.

    C’est un double mouvement qui aboutit au soulèvement grec. D’abord par le « bas ». La population supportait de plus en plus mal la domination pluriséculaire turque, le pillage des ressources, le pouvoir des potentats locaux et des riches grecs au service de l’Empire. Le mouvement des klephtes (qu’on peut tenter de traduire par voleurs ou bandits d’honneur) mêlait banditisme, lutte contre les Turcs et les puissants à leur service. Ce mouvement populaire fut une base pour la naissance d’un sentiment national grec. Mais il s’agit également d’un mouvement venu du « haut » : la bourgeoisie commerçante fut séduite par les idées de la Révolution française et des Lumières.

Près de 1 200 hommes partent combattre sur le sol grec

    L’incarnation de ce courant bourgeois et républicain est sans doute l’homme de lettres Rigas Féraios. Fils de marchand, il élabora un projet de Constitution républicaine pour une future Grèce indépendante. Ce texte affirmait la liberté individuelle et nationale, d’expression, de conscience, de religion, de réunion ; l’abolition de l’esclavage, l’interdiction de l’usure ; la nécessaire résistance à la violence et à l’injustice. La place des femmes n’était pas oubliée puisque le texte prévoyait leur égalité avec les hommes. Livré aux Turcs par l’Autriche, Rigas fut exécuté en 1798.

    Ces deux courants se sont trouvés, bon gré, mal gré, réunis par et dans le soulèvement du 25 mars 1821, initié par la Filikí Etería (Société amicale), organisation secrète comme il en existait tant dans l’Europe d’alors et dont la devise, « La liberté ou la mort », sera consacrée comme emblème national.

    La guerre d’indépendance rencontre un écho très favorable au sein des opinions publiques du monde. Corsetés par l’Europe du traité de Vienne, bouleversés par le souffle révolutionnaire et napoléonien, les peuples investissent la question grecque de leurs attentes de liberté. Ce mouvement philhellène, Byron en fut le symbole, lui qui investit sa réputation, son argent, son énergie et finalement sa vie pour la cause grecque. Le poète mourut de la malaria sous les remparts de Missolonghi, alors assiégée, en 1824. Victor Hugo (l’Enfant grec), Eugène Delacroix ( le Massacre de l’île de Chios) ou Hector Berlioz (symphonie la  Scène héroïque), parmi bien d’autres, expriment alors leur soutien. Mais le philhellénisme, bien étudié par l’historien Hervé Mazurel, touche aussi des catégories plus modestes des populations. Près de 1 200 hommes partent combattre sur le sol grec, une expérience qui se solde le plus souvent par la désillusion. La Grèce imaginée par ces volontaires n’est pas celle qu’ils rencontrent dans cette sanglante guérilla…

    L’intervention des grandes puissances (Grande-Bretagne, Russie et France) va s’avérer décisive pour l’avenir du soulèvement. L’Autriche est hostile à l’indépendance grecque : son chancelier, Metternich, ne désire que le maintien de l’équilibre issu de la défaite napoléonienne. Mais il en va différemment de la Russie, dont les objectifs géopolitiques sont de s’ouvrir l’accès au sud et à la Méditerranée. Soutenir les Grecs (en mettant en avant la solidarité orthodoxe) est une occasion d’affaiblir l’Empire ottoman, son rival. La Grande-Bretagne ne veut pas voir la Russie seule dans le jeu et s’engage aussi aux côtés des Grecs. Enfin, la France décide qu’elle doit reprendre son rôle de puissance et se joint aux Anglais et aux Russes.

Grande-Bretagne, Russie et France imposent la monarchie

    Alors que les Grecs sont dans une situation militaire critique, les flottes des trois grandes puissances détruisent la flotte ottomane en 1827. La Sublime Porte finit par céder et l’indépendance de la Grèce est finalement proclamée et acceptée par les Ottomans (1832, traité de Constantinople).

    Malgré les efforts du gouverneur de la Grèce Ioánnis Kapodístrias, ce sont les trois puissances qui décident du destin du pays, au travers de leurs partisans grecs (partis anglais, russe, etc.). Elles finissent par imposer une monarchie à la Grèce, avec un prince bavarois à sa tête. L’assujettissement du pays aux puissances étrangères sera le fil rouge de son histoire…

    Les empreintes de 1821 et de ses martyrs apparaîtront longtemps en Grèce. Metaxas, le dictateur fasciste (1936-1941), interdisait une pièce en l’honneur de Rigas Feraios. Durant la guerre, la Résistance affichait les portraits des héros de l’indépendance et, face à l’interventionnisme britannique, chantait la geste de Byron. Contre la junte des colonels, une organisation de jeunesse, initiée par les communistes, prenait dès 1967 le nom du poète révolutionnaire.



    NB. Pour aller plus loin : « la Grèce par amour », exposition en ligne de l’Institut français de Grèce et de la BNF sur le site : 1821.ifg.gr
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