1ère partie : la décolonisation de 1943 à 1966

publié le 30 juil. 2011, 04:57 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 19 sept. 2019, 04:26 ]

Déjà ébranlés avant 1939 par des mouvements de libération nationale, les empires coloniaux sont remis en cause pendant la Seconde guerre mondiale dont les conséquences créent les conditions de la décolonisation (Ière partie). L'apparition de nouveaux pays indépendants qui refusent de choisir entre l'Est et l'Ouest conduit à la conférence de Bandung qui marque l'entrée en scène sur le théâtre politique mondial d'un nouvel acteur : le Tiers Monde et une nouvelle problématique se pose : l’opposition entre les pays riches (le « Nord ») et les pays pauvres (le « sud ») (IIème partie).

Livre utilisé : Hachette Éducation, Terminales, direction Jean-Michel LAMBIN, Paris, 1998[1].

(NB. cours à compléter par celui qui a pour titre "POLITIQUE EXTÉRIEURE ET COLONIALE DE LA FRANCE DE 1945 A 1958".et par : L' O.N.U (1945-1990) (impact de la décolonisation sur le fonctionnement de l'O.N.U.).


I.

LES CONSÉQUENCES DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

 

    Ces conséquences modifient le contexte international en favorisant la lutte pour la décolonisation.


A.    Le contexte international hérité de la guerre

    1.      La guerre amplifie la crise de l'impérialisme

Les défaites de 1940-41 face aux Japonais détruisent le mythe de la supériorité de "l'homme blanc" (2/223)[2]. La Charte de l'Atlantique (signée par Roosevelt et Churchill en 1940) évoque le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. A la différence de 14-18, certaines colonies ont été le théâtre d'opérations militaires : 1942 dans l’empire des Indes, débarquement allié au Maroc provoquant la rencontre entre Roosevelt et Mohamed V à Casablanca[3].

    2.      La politique variable des E.-U. et de l'URSS

    Ce sont deux États dont le politique est anticolonialiste. Mais la conjoncture évolue : au moment de la "Grande alliance" : les USA critiquent la France (4/223) et les Anglais, l'URSS (la 8° condition pour l'adhésion à la III° internationale communiste exigeait la lutte anticoloniale) est discrète pour ne pas blesser ses alliés.

Au moment de la Guerre froide, les USA soutiennent leurs alliés (soutien des Américains aux Français en Indochine, par ex.) et l'URSS condamne tout impérialisme -qui ne concerne que les Occidentaux- (4/223).

    3.      La politique ambiguë des métropoles :

Des promesses d'émancipation sont faites dès 1942 : Inde, Indonésie, Syrie, Liban. Mais après la guerre, les dirigeants continuent de penser que l'Empire "reste un attribut de la puissance" (Churchill) (1/219). A Brazzaville (fév. 1944) De Gaulle parle de "participation à la gestion" mais en aucun cas d'autonomie encore moins d’indépendance (5/227). D'ailleurs dès le 8 mai 1945 des massacres ont lieu à Sétif (Algérie), et une tuerie à Madagascar en 1947. Sans oublier 1946 et le début de la guerre d’Indochine.


B.     L’essor des mouvements de libération nationale


    La lutte pour l’indépendance revêt trois formes différentes : la lutte armée, la résistance religieuse, la lutte politique.

1.      Les mouvements de résistance armée (doc 4/225 (Giap))

    Au Vietnam, le Viêt-Minh (page 234) s'oppose à la fois aux Japonais et aux Français. Ho-Chi-Minh proclame la république en septembre 1945 (biographie, page 5/225). Mais les colonialistes français ne veulent rien lâcher : ce sera la « guerre d’Indochine ».

    En Algérie c’est le parti de peuple algérien de Messali Hadj. Autres cas : Birmanie, Malaisie (guérilla communiste)…

2.      Les mouvements religieux

Catholiques et protestants ont collaboré à l'œuvre coloniale. Les « locaux » n’acceptent pas toujours, rejettent souvent, ces religions arrivées avec le colonisateur. La résistance, dans ce domaine, prend différentes formes :

- Le syncrétisme, où se mêlent christianisme et religion locale : Afrique noire avec l’animisme, Indonésie où le protestantisme hollandais se mêle aux traditions locales.

- Le retour à la religion indigène : c'est le réveil de l'Islam. Avec deux tendances : 1) la tendance "révolution arabe", qui veut rénover l'islam en empruntant à l'Occident ce qu'il a de meilleur (cf. le colonel Nasser en Égypte (4/227) mais aussi, à cette date, la Syrie et l’Irak); 2) la tendance traditionaliste qui ouvre la porte à l'intégrisme. Le panarabisme engendre la formation de la Ligue arabe (après la création d’Israël) qui vise à coordonner les actions dans la lutte contre l’Occident colonial. 

3.      Les mouvements politiques

    Deux grandes tendances politiques coordonnent l'action des anticolonialistes dans les pays dominés :

            Le courant libéral, regroupant les notables, les bourgeois qui défendent leurs intérêts tout en s'identifiant à la cause nationale.

Tunisie : Bourguiba avec le Néodestour 239

Maroc : sultan Mohamed avec l'Istiqlal[4]

Algérie : Ferhat Abbas

Indonésie : Soekarno du parti national indonésien

Inde : Gandhi 3/225 puis Nehru (226) avec le parti du Congrès.

Face à cette bourgeoisie se dresse la bourgeoisie compradore[5] dont les intérêts sont liés aux colonialistes.

Le courant marxiste : le marxisme est alors une idéologie conquérante par son analyse des mécanismes de l'impérialisme[6], par les perspectives qu'il ouvre à l'alliance entre le peuple des colonies et la bourgeoisie nationale (c'est-à-dire celle qui combat aussi l'impérialisme). Il est très influent en Indochine, au Ghana, Kenya, Algérie (Hadj), en Malaisie. Congo ex-belge (Lumumba).

 

II.

LE TIERS MONDE : TROISIÈME ACTEUR DIPLOMATIQUE

 

On distingue classiquement la "décennie asiatique" de la "décennie africaine". L'apparition de nombreux nouveaux États a des conséquences diplomatiques importantes.


A.    La décolonisation

    1.       La "décennie asiatique" :

a)      Les causes de l'antériorité asiatique

Carte pp. 220-221 : De 1943 à 1954, quinze États accèdent à l'indépendance dont 13 asiatiques plus la Libye et l'Islande.

L'Asie est animée par de vigoureux mouvements anticolonialistes grâce à trois influences

1) le Meiji japonais (1867) qui a fait entrer un pays asiatique dans la Révolution industrielle ;

2) la révolution nationaliste chinoise de 1911 aux allures anticolonialistes et la proclamation de la république par Sun-Yat-Sen 

3) la révolution soviétique de 1917 qui a concerné beaucoup de peuples d'Asie et a contribué à la diffusion du marxisme en Asie. A quoi s’ajoute ensuite l’impact de la victoire de Mao en 1949.

b)      Les processus

- Ainsi en Inde,30 janvier 1948 : mort de Gandhi. Un héritage plus lourd que prévu... l'action de Gandhi et de ses militants est un succès mais l'indépendance a été mal préparée par les Anglais et cela aboutit à la "vivisection"[7] de l'Inde et du Pakistan 2/225 (canaux d'irrigation qui partent d’Inde et arrivent au Pakistan, Calcutta est séparé de son arrière-pays, un État pakistanais non-viable avec deux parties distantes de 2000 km…). Dans la foulée naissent la Birmanie et Ceylan. Pour la Malaisie c'est plus difficile car les Anglais se heurtent en plus à une guérilla communiste en pleine Guerre froide. L'indépendance est acquise en 1957, mais Singapour[8] enlevé à la Malaisie reste anglaise jusqu'en 1965.

- Soekarno [9] proclame l'indépendance de l'Indonésie en 1945. Les Pays-Bas font une intervention militaire mais doivent finalement renoncer devant une conjonction de forces hostiles : la guérilla, la solidarité asiatique, les menaces conjointes USA et URSS, la condamnation de l'ONU. L'indépendance est acquise en 1949.

- Au Viêt-Nam, le mouvement indépendantiste de Ho-Chi-Minh HO-CHI-MINH : un combattant de l'émancipation humaineest au point de jonction du mouvement communiste européen[10], des idéaux de 1789, et du mouvement paysan asiatique (type Mao). Après une tentative de conciliation (une république du Viet Nam dans le cadre de l'Union Française), les forces colonialistes françaises (Thierry d'Argenlieu) imposent la guerre à un gouvernement parisien affaibli (1946). Mais l'armée de métier française malgré l'aide financière des USA doit s'incliner devant la guérilla (défaite de Dien Bien Phu, 225) (§ B/224). A la conférence de Genève en 1954 la France reconnaît l'indépendance des trois États indochinois -Viêt-Nam, Laos et Cambodge- (1/224) et le Viêt-Nam est divisé en deux. Un referendum devra dire si le « Sud » veut se rallier au Nord au régime de type soviétique.

    2.      La "décennie africaine" :

Entre 1956 et 1968, 50 États deviennent indépendants dont 38 africains, 6 asiatiques, 4 américains et 2 océaniens. Il s'agit le plus souvent d'une passation de pouvoirs (préparée par la loi Deferre de 1956 pour ce qui concerne les colonies françaises) car les hommes politiques -pas tous, hélas- ont pris la mesure des événements (5b/227).

Mais ce n'est le cas ni au Cameroun (guerre de 1958-60) ni - surtout - en Algérie (guerre de 1954-62) pour ce qui concerne la France. Le drame du Congo belge est celui d'une décolonisation avec guerre civile instiguée par les sociétés financières occidentales (228-229). Des conflits frontaliers extrêmement nombreux attestent que les frontières des nouveaux États ont été tracées à la va-vite (Nigeria…) mais les responsables locaux ou internationaux refusent de les reconsidérer de peur de faire s'écrouler tout l'édifice (sécession réprimée du Biafra nigérian).

En conclusion, noter qu'il y a interférence avec le conflit est-ouest. Le conflit indochinois, le conflit congolais prennent une connotation Est-Ouest car les Américains interviennent pour empêcher qu’un nouvel État bascule dans le camp soviétique.


B.     Le rôle diplomatique des nouveaux États

Ce mouvement de décolonisation fait apparaître un nouveau type d’États qui ne sont ni occidentaux -au sens américain- ni socialistes au sens soviétique du terme : c'est le "Tiers monde" ou troisième monde (le mot est d’Alfred Sauvy, 2/231). Dès 1952, l'influence de ces nouveaux États alliés aux pays d'Amérique latine et aux pays du bloc soviétique se fait sentir à l'O.N.U.(4/231), dont l' A.G. proclame "le droit des territoires non autonomes à disposer d'eux-mêmes".

    1.      Concernant le non-alignement politique : Bandung, Belgrade

Certains de ces pays vont s'engager dans une diplomatie originale : celle du non-alignement. L'acte fondateur de cette diplomatie est la conférence de Bandung (ville universitaire d'Indonésie dans l'île de Java). Conscients de la solidarité objective qui lie ces pays d'Afrique et d'Asie, Soekarno et Nehru mettent au point une réunion internationale à laquelle ils convient la Chine qui vient d'entrer dans le concert des nations après la conférence de Genève (1954). C'est Bandung (1955). Qui est une conférence anticolonialiste (2/227) -à laquelle le FLN algérien fut invité- mais les mots-clés sont aussi : refus de l'alignement sur l'un ou l'autre bloc, coexistence pacifique, désarmement, développement économique (3/237). Article détaillé, sur ce site : 1955 : Bandoeng

Ces prises de position intéressent l'URSS. Mr « K » est favorable à la coexistence pacifique, au désarmement, au développement économique… A la différence des Américains, Khrouchtchev voit dans ces pays des alliés potentiels.

Le conférence de Belgrade en 1961 voit l'arrivée de la Yougoslavie et est un grand succès.

    2.      Pour l'émancipation économique

Mais les jeunes États, libres au plan politique, réalisent rapidement que cette liberté n'est possible qu'avec la liberté économique. Or, leur économie est aux mains des pays riches. Le lutte pour l'indépendance économique fut initiée par le docteur Mossadegh en Iran (pays qui fut non colonisé) qui nationalisa le pétrole iranien et noua des contacts avec l'URSS. Il fut renversé par un complot instigué par la C.I.A. américaine (1953). C’est une grande chance perdue pour l’Iran. On le voit aujourd’hui.

Nasser, en Égypte, nationalise la compagnie du canal de Suez (1956). L' O.P.E.P. est créée en 1960. Forts de leur nouvelle position à l'O.N.U., les nouveaux États font adopter le principe d'une C.N.U.C.E.D. en 1962 dont la première réunion se tient en 1964. C'est une nouvelle logique qui s'établit : l'opposition entre riches et pauvres, entre Nord et Sud (livre, page 234).

Mais certains leaders observent que cette problématique riches/pauvres concerne également les pays pauvres d'Amérique latine même si ces derniers ne sont pas concernés au XX° siècle par la décolonisation. C'est Fidel Castro qui réunit à La Havane, en 1966, la conférence tri-continentale (page 230) dont la tonalité est nettement anti-impérialiste, comprendre : anti-américaine.

C'est pourquoi un rapprochement s'opère entre les pays pauvres des trois continents et la conférence d'Alger en 1973 est très large géographiquement : carte page 236. La revendication majeure est alors celle d'un nouvel ordre économique international : N.O.E.I. (2/233) . Propriété des ressources du sous-sol par l'État souverain, maîtrise des prix par les pays producteurs sont alors les mots d'ordre principaux.

Mais le Tiers Monde n'échappa pas à ses contradictions 5/237. Par exemple, le Brésil est politiquement aligné sur les États-Unis mais, en tant que pays pauvre, il appartient au « Sud » qui s’affronte au « Nord ». Le rôle diplomatique du Tiers Monde s’amplifie avec et après les années soixante.

à suivre : Le TIERS MONDE pendant les "Trente Glorieuses"




[1] Si vous ne possédez pas ce livre, allez au C.D.I., la documentaliste l’a gardé en archives. Votre livre apporte souvent des documents identiques à celui-ci : faites l’effort de les chercher. Enfin, il vous reste internet.

[2] 2/223 = doc n°2 de la page 223.

[3] Ce qui est à l’origine d’un courant américanophile au Maroc.

[4] La lutte du sultan (grand-père du roi actuel) pour l’indépendance explique la légitimité de la monarchie auprès des Marocains dans leur majorité.

[6] Bien analysés par Lénine dans son livre « l’impérialisme, stade suprême du capitalisme ».

[7] Comme on coupe en deux un organisme vivant.

[8] Peuple de Chinois et non de Malais.

[9] Mis en place, on s’en souvient par les Japonais. Une fois ceux-ci partis, il applique la célèbre formule : « j’y suis, j’y reste », au grand dam des Hollandais.

[10] Ho fut membre du Parti communiste français.

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