L' O.N.U (1945-1990)

publié le 21 sept. 2013, 09:28 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 7 oct. 2016, 05:18 ]

PLAN GÉNÉRAL DU COURS

 

I. LA MISE EN PLACE DU SYSTÈME ONUSIEN

A. LA MISE PLACE DE L'ONU ET LE "SYSTÈME ONUSIEN"

1. Chronologie

2. Organigramme.

B. LES ORGANES DE FONCTIONNEMENT

Conseil de sécurité, l'A.G., la C.I.J., le comité d'état-major.

II. LES PROBLÈMES DE L'ORGANISATION A LA FIN DE LA GUERRE FROIDE

A. LES ÉCHECS L'EMPORTENT SUR LES RÉUSSITES

B. CAUSES ET REMÈDES

1. Les causes dues au manque d'efficacité des moyens d'action

2. Les causes liées à la modalité de la prise de décision

 

    Déjà, la 1ère guerre mondiale avait fait naître l’idée de la prévention de tels conflits et la S.D.N. était née, sur initiative américaine et les Américains n’y adhérèrent jamais. Durant la Seconde guerre mondiale -son existence même était une négation de la S.D.N.- cette idée d’organisation mondiale de maintien de la paix est reprise et sera menée à bout. Signe des temps : son siège est à New York alors que la SDN siégeait à Genève. L’O.N.U. est l’héritière de la S.D.N. au sens légal : tous les biens de l’une passe à l’autre et le siège de la SDN à Genève est aujourd’hui un autre lieu de réunion de l’ONU.

    L’O.N.U. est mal-aimée. Staline dira "c’est un nid d’espions impérialistes", De Gaulle dira "c’est un machin", Reagan dira : "c’est la maison des morts". Quant aux différentes opinions publiques, elles en attendent monts et merveilles alors qu’elles n’arrivent pas à comprendre que l’O.N.U. n’est pas un gouvernement mondial avec ses propres impôts et sa propre armée, mais est au contraire dépendante de l’accord entre ses principaux membres, membres qui sont presque toujours en désaccord.

    Après avoir étudié la mise en place du « machin » avec ses organes de fonctionnement (1ère partie), je verrai ses problèmes qui sont loin d’être résolus avec les G8 et autres G20 qui en font, effectivement, "la maison des morts", sauf lors de crises comme celle de la Syrie où l’on se souvient -pas tous et pas toujours- que l’ONU est là pour dire le droit international en l’espèce (2ème partie).

 

I. LA MISE EN PLACE DU SYSTÈME ONUSIEN

A. LA MISE PLACE DE L'ONU ET LE "SYSTÈME ONUSIEN"

1. Chronologie.

        L’ONU est en germe dans la Charte de l’Atlantique (art. 8). Une réunion préparatoire à lieu à Dumbarton Oaks (banlieue de Washington, août-octobre 1944) avec des diplomates américains, britanniques, soviétiques et chinois. Les travaux sont suffisamment élaborés pour que les trois Grands réunis à Yalta (février 45) décident la création de l’Organisation des nations unies. Pour éviter le fiasco devant le sénat américain comme en 1919, on décide que la création de l’O.N.U. sera indépendante des traités de paix et sera fondée par un traité spécifique. Les Alliés convoquent donc les pays amis pour une conférence à San Francisco, en juin 1945. 48 États sont présents plus l’Ukraine, la Biélorussie et la Russie au nom de l’URSS. Soit 51 signatures. Lire l’article Wikipaedia : Liste des membres fondateurs de l'Organisation des Nations unies, très instructif : les Américains et Britanniques y ont tous leurs pays vassaux même Cuba, à l’époque annexe des Américains. Staline sentait qu’il allait être très isolé. C’est pourquoi, il avait demandé 15 places pour chacune des 15 républiques soviétiques. Il en obtint 3 à Yalta. 

A San Francisco est adoptée la Charte des Nations unies. Elle entre en vigueur le 24 octobre 1945.

2. Organigramme.

L’organigramme est compliqué. Le « système des nations unies » ne comprend en réalité que les institutions et services spécialisés où, si vote il doit y avoir, on pratique le principe 1 État = 1 voix, où la voix des États-Unis compte autant que celle du Zimbabwe. C’est pourquoi, il faudrait retirer le FMI, la BIRD, l’AID. L'OMC a remplacé le GATT qui nous intéresse dans un premier temps..


Tout cela coûte cher, comment est-ce financé ? Il y a deux types de ressources : les contributions obligatoires, on ne peut être membre de l’ONU sans verser une sorte de cotisation qui est calculée en fonction de la population, du degré d’industrialisation, du PIB national. Et il y a les contributions volontaires des États qui veulent bénéficier de la coopération technique des services et participer à l’aide humanitaire. A la fin des années 80, ces ressources ($ 5,5 milliards) étaient dispersées de la manière suivante :

34,7% pour l’ONU elle-même

28,9% pour quatre agences OIT, UNESCO, FAO, OMS.

2,6% pour l’AIEA (agence internationale de l’énergie atomique à Vienne)

4,9% pour les petites mais très utiles agences techniques (UPU, UIT, OMM, OMI -maritime-, OACI, OMPI (propriété intellectuelle)

29% pour les grands programmes opérationnels : PAM, PNUD, UNICEF (ou FISE), Fonds de la population.

B. LES ORGANES DE FONCTIONNEMENT

NB. le conseil de tutelle qui s’occupait de territoires sous tutelle des NU, comme quelques îles d’Océanie, a pratiquement disparu.

Le Conseil de sécurité est l’organe le plus médiatique, d’ailleurs ses séances sont publiques et télévisées. Vous avez déjà entendu « et le pays a décidé de saisir le Conseil de sécurité de l’ONU »… Le Conseil a en effet pour mission de défendre la paix. Composé au départ de 11 membres, il en compte 15. Cinq États en sont toujours membres : ce sont les "permanents", les cinq vainqueurs de la Seconde guerre (EU, UK, France, URSS, Chine). Au départ, c’était la Chine nationaliste qui était titulaire du siège, elle l’a gardé après la victoire de Mao et du PCC jusqu’en ce que les USA, selon leur bon vouloir, décide de faire rentrer la Chine-Pékin en lieu et place de la Chine-Taïwan. Ces cinq États disposent chacun du droit de veto : si l’un d’entre eux vote NON, aucune décision ne peut être prise (article 27, alinéa 3, de la Charte). Après l’éclatement de l’URSS, la Russie a logiquement pris sa place. Les 10 autres membres sont élus pour deux ans et renouvelables.

On glose beaucoup sur le droit de veto qui permet à un seul pays de bloquer le processus. Il est vrai que l’URSS en a sur-abusé au début, en pleine Guerre froide. Actuellement, ce sont les EU qui bloquent toute décision onusienne concernant le conflit israélo-palestinien : on ne peut rien faire contre Israël qui continue en toute impunité à coloniser la Cisjordanie, territoire qu’il occupe depuis 1967.

Mais les EU avaient trouvé une parade contre le veto soviétique. En 1950, guerre de Corée, ils ont fait voter cette motion n°377 : "en cas de veto au Conseil, en cas de conflit militaire, l’Assemblée générale peut prendre des décisions". Et c’est ainsi que se fit l’intervention américaine en Corée, de jure intervention de l’ONU et les GI avaient le sigle UN -United Nations-sur leur casque. D’où le mot de Staline cité plus haut. NB. cela fut possible car l’URSS était carrément absente des débats, et l’on adopta le principe "abstention ou absence ne sont pas des vetos". Second NB. Cela fut possible aussi car la motion 377 fut adoptée à la majorité des deux tiers des pays à l’Assemblé générale, condition sine qua non inscrite dans la charte, mais, encore une fois, lisez la liste des pays-membres en 1950 : ce sont des pays amis/soumis/plan-Marshallisés etc… on a vu, à propos de quelque conflit, le Conseil de sécurité refuser une motion américaine mais, aujourd’hui, les EU n’ont plus la majorité des 2/3, et bien ils s’en passent et bombardent seuls… par contre, aucun autre pays n’ose intervenir en Cisjordanie !

                                                                            L’Assemblée Générale.

Le document ci-contre se lit verticalement. Il indique pour chaque continent, le pourcentage de pays présents à l'Assemblée générale. Ainsi, en 1945, les États américains représentent, à eux seuls, 45% des sièges. l'Afrique n'en occupe que 8%. En 1988, après les vagues de décolonisation, l'Afrique occupe plus de 30% des sièges de l'AG de l'ONU...

La compétence de l'assemblée est illimitée, elle peut se saisir de toute question sauf lorsque le Conseil est saisi d’une question de maintien de la paix. Les décisions importantes sont prises à la majorité qualifiée des deux-tiers des voix. Mais qu’est-ce qu’une décision importante ? L’AG ne peut prendre aucune décision juridiquement contraignante. Elle ne peut faire que des recommandations. Ainsi elle condamna la politique algérienne de la France, De Gaulle la méprisa et la traita de "machin"…

Vous savez qu’avec le processus de décolonisation, le nombre d’État-membres a fortement augmenté. Le mouvement anti-colonialiste et l’opposition Sud-Nord, favorisé par l’Union soviétique, a décrédibilisé l’Occident et leur figure de proue. Il y avait plus de 160 pays-membres à la fin des années 80’. Les Américains ont perdu le contrôle de leur jouet qu’ils avaient jusqu’ici choyé. On a vu la motion 377 être exploitée par l’URSS qui contra un veto US au Conseil par un vote des deux-tiers à l’AG (conflit israélo-arabe de 1973).

La Cour Internationale de Justice siège à La Haye.

Elle est composée de 15 membres élus conjointement par le Conseil de Sécdurité et l’AG. Elle peut se saisir de tout conflit et ses avis sont consultatifs. Cependant, si les États en cause dans un conflit consentent de soumettre le contentieux à la Cour, les arrêts de cette dernière sont alors juridiquement obligatoires. Hélas, depuis son arrêt sur la Namibie, en 1966[1], qui a été très mal reçu en Afrique et dans le Tiers Monde, elle a subit une désaffection, apparaissant comme un organe conservateur.

En 1985, cinquante pays seulement avaient ratifié la clause de compétence obligatoire de la Cour dont 10 africains. Qu’est-ce ? C’est un engagement par lequel un État accepte que la C.I.J. soit compétente pour connaître et juger d’un différend qui l’oppose à un autre État. Mais, la parole des États est volatile. Ainsi, la France avait accepté cette clause mais lorsque l’Australie porta plainte devant la CIJ pour condamner les essais nucléaires français de Mururoa, la France dénonça sa parole. De même, les EU qui avaient accepté la compétence de la Cour, la refusa lorsqu’ils agressèrent le Nicaragua progressiste.

On voit par là que ce n’est pas l’ONU qui est faible mais la volonté des États qui est défaillante.

Le comité d'état-major.

La Charte prévoit, en cas de conflit, la réunion des 5 comités d’État-major des cinq membres permanents. Clause rédigée dans l’euphorie de la victoire de la Grande Alliance. Ce comité ne s’est JAMAIS réuni : la Guerre froide est passée par là !

Et les célèbres casques Bleus direz-vous ? Cela n’a rien à voir. Il s’agit de forces d’interposition (crise de Suez, 1956) qui sont des contributions volontaires d’États pour une tâche bien précise et bien définie.

 

II. LES PROBLÈMES DE L'ORGANISATION A LA FIN DE LA GUERRE FROIDE


A. LES ÉCHECS L'EMPORTENT SUR LES RÉUSSITES

        1. les réussites de l’ONU

    Il ne faut pas tout voir en noir et jeter l’enfant avec l’eau sale de la baignoire. IL faut aussi situer las responsabilités. L’ONU a joué un rôle incontestablement positif :

-          Aide à la décolonisation, avec notamment (1960), sa déclaration sur la libération des peuples colonisés.

-          Contrainte morale exercée en faveur des Droits de l’Homme ; la planète est devenu un "village" - au moins au plan médiatique. Rappelons, dans ce domaine, le rôle de la déclaration universelle des droits de l’homme (1948, à Paris) dans laquelle, l’ONU insère une deuxième génération de droits : les droits économiques et sociaux.

-          Consolidation du droit international avec les droit de la mer (Zone économique exclusive, etc…) et droit de l’espace.

-          Mise en avant de la situation des P.M.A. (pays les moins avancés) avec le vote, en 1974, de la résolution sur "les droits et les devoirs économiques des États"

    En un mot, l’ONU a constitué un espace politique mondial absolument nécessaire. Dans le domaine de la paix, les mécanismes de la Charte ont permis des issues favorables lors des crises de Cuba (1962), de Rhodésie (1966) du Proche-Orient en 1973.

        2. les échecs sont cependant troublants pour les amis de la paix

    Reprenons les trois grandes idées de départ qui ont fondé et légitimité la création de l’ONU.

    a) le maintien de la paix. En fait, on a eu la paix armée Est-Ouest -Guerre froide-, les nombreux conflits sud-sud, la course aux armements et l’on pourrait ajouter le commerce des armements par les pays du Nord, ce qu’un ami géographe belge appelait "l’aide au sous-développement". De plus, les négociations sur le désarmement se tenaient hors du cadre de l’ONU https://sites.google.com/site/jeanpierrerissoan/le-coin-du-bachotage/les-relations-internationales/la-detente-1962-1975/1962-1975ladetenteest-ouest et, à partir de 1961, réunion K-K à Vienne, les sommets des "deux super-Grands" ont montré que tout se jouaient entre eux (et aujourd’hui les scandaleux G8 et G20 font pareils). Mise à part les forces de maintien de la paix (Congo, Proche-Orient, Chypre, etc…), mis à part le rôle du Secrétaire général, l’impuissance flagrante de l’ONU révèle qu’une mission impossible lui a été confiée.

    b) seconde idée : l’aide au développement et la coopération par une approche sectorielle (produit par produit) donc non intégrée, grâce aux agences spécialisées de l’ONU. En réalité, c’est la pratique des zones d’influence qui prévaut. On a un système morcelé d’aides bilatérales (la France aide le Mali) souvent concurrentes -on a pu calculer qu’un pays recevait vingt aides de pays différents et l’aide qui transite par l’ONU -aide désintéressée politiquement par définition- ne représente que 6,5% de l’ APD (aide publique au développement [2]) à la fin de notre période.

    c) Organisation d’un forum central pour un nouvel ordre économique et social du monde. Il existe un organe de l’ONU pour cela : (cf. organigramme), le Conseil économique et social (CES). Le CES a été élargi aux nouveaux États-membres et les grands pays sont allés voir ailleurs. La création de la CNUCED -voir cours- en 1964, a constitué un second forum central et si l’on y ajoute le GATT, il y en eut trois ! Cette fonction -la CNUCED étant aujourd’hui délaissée et le GATT-OMC n’ayant pas vocation à améliorer la situation- n’est remplie par aucune instance mondiale, le G20 -comme son nom l’indique- laisse 173 pays de côté…


B. CAUSES ET REMÈDES

1. Les causes dues au manque d'efficacité des moyens d'action

    L’ONU cherche toujours des formules souples, non-contraignantes, qui évitent de faire perdre la face aux parties en présence (les bons offices du secrétaire général, la médiation -appel à un tiers-, enquête et conciliation). Avec le rôle des médias, elle constitue une réelle pression sur les États. Mais les décisions juridiquement obligatoires n’existent pas, sauf s’il y a accord préalable des États en conflit pour accepter le verdict. C’est le problème fondamental de tout le droit international public. Dans tout pays, il y a un gouvernement qui dispose de forces de police et de gendarmerie pour faire appliquer les décisions de justice. Mais l’ONU n’est pas et ne peut pas être un gouvernement mondial disposant d’une armée disponible à tout instant. Imagine-t-on une AG élue au suffrage universel mondial ? Non, bien sûr, alors arrêtons de demander à l’ONU ce qu’elle ne peut pas donner.

    L’action répressive de l’ONU comporte des moyens non-militaires comme le boycott (appliqué contre l’apartheid en Afrique du sud) et militaires, prévus par l’article 47. Mais cet article, on l’a vu, n’a jamais été mis en œuvre. Les casques bleus sont distincts des contingents armés prévus à l’article 47, ce sont des contributions volontaires des États-membres, une structure ad’hoc, comme dit le capitaine, pour un temps donné et des circonstances données. 

    La clause de compétence obligatoire (cf. supra). Accepter la juridiction de la C.I.J. de La Haye et s’incliner devant ses arrêts, ce serait pour un État créer une situation qui lui permettrait d’exiger le même comportement de la part des autres États. De grands espoirs se sont levés[3] avec la politique du dirigeant soviétique M. Gorbatchev (1985-1991) qui avait déclaré : "la juridiction obligatoire doit être reconnue par tous". On a cru à une renaissance de l’ONU. Malheureusement, il a été remplacé par Eltsine qui n’avait pas du tout la même envergure et d’ailleurs enterra l’URSS malgré le referendum positif de 1991 [4].

    NB. La Cour pénale internationale (CPI) -2002- est une institution permanente chargée de promouvoir le droit international, et son mandat est de juger les individus (et non les États, ce qui est du ressort de la Cour internationale de justice), ayant commis un génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité ou des crimes d'agressions (depuis juin 2010).

    Second problème : comment prendre une décision pour agir ?

2. Les causes liées à la modalité de la prise de décision

    a) Au niveau du Conseil de Sécurité

    Deux problèmes : le nombre d’États permanents doit être revu : des pays comme le Brésil, l’Afrique du sud, l’Inde devraient être admis. Le droit de veto d’un seul État fait problème. Je vois mal cependant les EU y renoncer : cela signifierait qu’ils ne pourraient plus s‘opposer -seuls- à l’immense majorité des pays du monde qui condamnent la politique d’Israël dans les territoires occupés (Cisjordanie et Gaza).

    Par ailleurs, le rôle du Secrétaire général devrait être politiquement et diplomatiquement revalorisé.

    b) Au niveau de l’AG.

    51 États au départ (San Francisco), 193 aujourd’hui (2013), 160 dans les années 1980’. Les États-Unis n’avaient pas prévu cela ! Bien entendu, la cause de tout cela est d’une part et surtout la décolonisation et d’autre part, la fin du modèle soviétique et l’éclatement de pays fédéraux (Yougoslavie, par exemple, Tchécoslovaquie aussi). Au cours des années 60’ et 70’, effets de la conférence de Bandung, le Tiers Monde a pris conscience de sa force et s’est rendu compte qu’il dominait l’AG des Nations Unies où il avait la majorité des 2/3 d’autant plus que les États de bloc soviétique votaient avec lui. Je vous renvoie au cours   Le Tiers-Monde dans l'abîme : 1973-1985

    Des textes fondamentaux ont été votés mais voilà, la loi est restée au plus fort, aux plus forts. Progressivement, les pays occidentaux, lassés par le discours tiers-mondiste, ont utilisés d’autres structures qu’ils dominaient comme le FMI, la BIRD, le Gatt ; ou des structures régionales comme l‘Union européenne, l’OCDE.

    Le tournant radical a été pris après le 1er choc pétrolier et les accords de la Jamaïque avec ce que les médias ont appelé la conférence Nord-Sud (1975-1977). Pour régler cette question fondamentale du commerce des matières premières, Giscard d’Estaing, méprisant le système onusien, décide d’inviter 27 pays à Paris pour en discuter. Pour accorder leurs violons, les 7 pays occidentaux les plus riches décident de se réunir avant cette conférence. Puis de se réunir chaque année : c’est l’origine de G7 (devenu G8 depuis que la Russie a rejoint le camp des bienheureux du capitalisme).

    Désormais, l’ONU est abandonnée : c’est la "maison des morts" du sinistre Reagan, heureux de voir l’Amérique "back". En 1985, les EU jettent un pavé dans la mare[5] en demandant l’adoption par l’AG du "vote pondéré"    . En bons calvinistes, les Américains ont vite fait leurs calculs. Qui paient ? Trente pays fournissent 85% des ressources de l’ONU et du système onusien (UNESCO, etc ;..) (EU 25%, URSS 12% ; Japon 11% ; RFA 8,2% ; France 6,3% etc…) et 129 -à cette date- fournissent 15% … et ce sont eux qui dirigent l’organisation ! Les EU voulurent en finir avec ce qu’ils appelaient la "majorité automatique" tiers-mondiste et anti-occidentale, faite de micro-États et de petits contributeurs, qui adopte constamment et systématiquement des résolutions contraires aux idées et aux pratiques politiques des pays occidentaux.

    Ils mirent d’ailleurs leur menace à exécution à l’UNESCO, qu’ils boycottèrent et à laquelle ils ne payèrent plus leur cotisation. Et c’est ainsi que le bulletin de l’UNESCO dut radicalement modifier/émasculer sa ligne éditoriale. 

    Cette proposition qui donnerait aux seuls pays riches les clés de l’ONU n’est pas acceptable. L’AG de l’ONU est un exemple de démocratie mondiale, aussi mal en point qu’il puisse être, il faut le conserver. Peut-être faudrait-il baisser la majorité qualifiée (revenir à la majorité simple de 50% ?) pour réduire le poids des tout petits pays (Monaco ?)… en tout état de cause le système du G20 n’est pas satisfaisant : il exclut 173 États.

 

 ***

    L’Onu n’est pas un gouvernement mondial. Son fonctionnement, dès l’origine, repose sur les principes de la souveraineté de chaque État et sur la non-ingérence dans les affaires intérieures de chaque État. Un autre principe est donc celui du consensus.

    Dans les années 50’, le système est bloqué à cause de l’URSS qui applique méthodiquement son droit de veto (c’est la Guerre froide).  Puis, seconde étape, l’ONU est dominée par les pays du Tiers Monde qui luttent pour un Nouvel ordre économique mondial (NOEI), mais après 1975-77, forts de la montée du cours des matières premières, les pays du Tiers Monde laissent tomber cette lutte et tombent dans le piège de l’endettement qui se referme sur eux lorsque les taux d’intérêt montent à 20% ! Nouvelle et brève étape avec l’ère Gorbatchev, embellie rapide après laquelle l’ONU retombe sous influence américaine[6]. Actuellement, les G7 et G20 remplacent l’ONU.

    La crise syrienne rappelle que l’ONU demeure une structure de rencontre diplomatique irremplaçable (où le président de la France aurait-il pu rencontrer subrepticement le président iranien ? ).

***

PS. Voici une interview de Pascal BONIFACE, directeur de l'institut des relations internationales et stratégiques, parue dans Le Progrès de Lyon en date du 7 octobre 2016 et recueillie par Luc Chaillot

« Sans l'Onu, il y aurait beaucoup plus de guerres »

Le monde serait-il plus dangereux et instable sans l'Onu ?

    Il est de bon ton de critiquer l'Onu à cause de son impuissance à résoudre certains conflits, mais elle n'est due qu'à la division des membres permanents du conseil de sécurité. On voit les guerres mais pas les confus qui se terminent ou qui ne se déclenchent pas grâce à l'Onu. Ce n'est pas gouvernement mondial, mais si l'Onu n'existait pas, il y aurait beaucoup plus de guerres et de conflits qu'aujourd'hui.

Faut-il réformer l'Onu et élargir !e conseil de sécurité ?

    Oui. Le défaut majeur, c'est que la composition actuelle correspond à l'état du monde en 1945. Les projets d'élargissement portés en 2005 par Kofi Annan ont été bloqués par les vetos chinois et américain. Même si le conseil de sécurité était élargi, ça ne changerait pas la division des membres permanents actuels. Les pays évoqués étaient l'Allemagne et le Japon qui ne sont plus les vaincus et puis l'Afrique et Sud et le Brésil pour que tous les continents soient représentés, ainsi que l'Inde, deuxième pays le plus peuplé du monde.

En Syrie, l'Onu est-elle condamnée à regarder le désastre sans rien pouvoir faire ?

    Rien ne changera tant qu'il y aura une division profonde entre les Russes d’un côté les Occidentaux et les pays arabes de l'autre et que les Russes soutiendront quoi qu'il en coûte Bachar el-Assad. L'Onu est bloquée par le droit de veto, mais s'il n'y avait pas le droit de veto, l'Onu n'existerait pas.

Le choix d'Antonio Guterres (comme nouveau secrétaire général) est-il un bon choix ?

    C’est un excellent choix. Il a l’habitude du multilatéralisme puisqu'il a été à la tête du Haut-commissariat aux réfugiés pendant dix ans. C'est l'une des crises actuelles. Il a de l'énergie et une force personnelle. On peut penser qu'il sera plus indépendant par rapport aux membres permanents que ne l'était Ban Ki-moon.



[1] "L'affaire devient plus sérieuse lorsqu'en 1960 la Cour internationale est saisie pour juger, par un arrêt, la légalité du maintien du mandat (de l’Afrique du sud sur la Namibie) et l'ensemble de la politique d'apartheid au regard du droit international. Après s'être déclarée compétente (arrêt de 1962) malgré les exceptions soulevées par l'Afrique du Sud, la Cour de La Haye rejette au fond, par son arrêt du 18 juillet 1966, la requête introduite par l'Éthiopie et le Liberia (8 voix contre 7) ". http://www.universalis.fr/encyclopedie/namibie/3-vers-la-republique-de-namibie/ (extraits).

[2] "publique", c’est-à-dire étatique ou inter-étatique (type Union européenne), hors banques commerciales privées, etc…

[3] Lire Le Monde dossiers & documents, n°182, janvier 1989.

[4] Referendum sur le maintien ou pas de l’URSS (17 mars 1991). Les Soviétiques ont répondu largement « oui » (les peuples des pays baltes n’étaient pas consultés) à 76%. Nonobstant, Eltsine a passé outre avec le président de l’Ukraine et un autre. Bel exemple de coup d’État absolument pas dénoncé par la presse occidentale.

[5] Article de Claire BRISSET, Le Monde diplomatique, n° de février 1986.

[6] La résolution 3379 de l'Assemblée générale des Nations unies, adoptée un an après la résolution 3236 de 1974 (soutien au peuple palestinien), décrète que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Elle a été révoquée le 16 décembre 1991 par la résolution 4686. En 1974 et en 1991, la conjoncture n’est pas la même. (les textes figurent dans Wikipaedia)
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