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Le coin du bachotage > L'HISTOIRE DE FRANCE >
f. LA 5° REPUBLIQUE
La vie politique en France, avant et après 1981.
L’élection de F. Mitterrand en 1981 est évidemment une date charnière. Pour la première fois depuis sa création en 1958, la V° république a un président socialiste à l’Élysée. Les cadres de l’action politique sont restés les mêmes jusqu’à cette date : les institutions comme le jeu des quatre partis dominants. La participation des électeurs aux divers scrutins est alors très forte, l’union de la Gauche créant autant d’espoirs chez les employés et ouvriers que de crainte dans les rangs de la Droite, dans laquelle se reconnaissent les diverses bourgeoisies. Après avoir présenté les cadres de la vie politique (1ère partie), nous évoquerons la mobilisation du corps électoral et les enjeux de la vie politique (2ème partie).
I. LES CADRES DE L'ACTION POLITIQUE
En 1986, sous la présidence Mitterrand, les Français élisent
une majorité de droite à l’assemblée. Un fait nouveau apparaît : la
"cohabitation". Le jeu des quatre partis jusqu’alors dominants est perturbé par
l’apparition de deux nouveaux : le Front national (FN) et les écologistes
(les Verts). A. Les Institutions1. Le "fait majoritaire"C’est le fait que -concrètement- un président élu obtient immédiatement après son élection la majorité des députés -une majorité "présidentielle"- sur son nom. Ce sont les élections de 1962 qui débutent ce trait caractéristique de la V° République. Autrement dit, l’Élysée, Matignon et Palais Bourbon ont la même couleur politique. Bémol : en 1974, Giscard d’Estaing est élu président
mais conserve l’assemblée élue en 1973, qui était de droite, mais la majorité
au sein de la majorité était gaulliste et non point giscardienne. On a parfois
appelé cette période « la petite alternance » parce qu’elle marque la
fin de "l’Etat-UDR" autrement dit de l’Etat entièrement aux mains des
gaullistes. Giscard choisit comme premier ministre Jacques Chirac en 1974 [1].
Puis, en 1976, Chirac choisit une voie personnelle en démissionnant et en
menant une politique de plus en plus critique à l’égard du président et de son
Premier ministre : Raymond Barre. R. Barre doit alors utiliser le fameux
article 49.3 de la constitution.(Cf. infra) Cela conduit à la présidentielle de 1981, où Chirac et Giscard s’affrontent alors que la percée de Mitterrand est imminente. Mais l’avenir de J. Chirac était lié à la défaite de Giscard d’Estaing. En cas de victoire de ce dernier, J. Chirac et les gaullistes n’auraient pas pu mener une nouvelle "guéguerre" de 7 ans contre le président réélu [2]. 2. La "grande alternance" de Mai 81Mitterrand, élu le 8 mai 1981, dissout immédiatement la Chambre élue en 1978 et le "fait majoritaire" joue à fond, les Français lui donnent une majorité ABSOLUE de socialistes en juin. C’est la "vague rose". Les socialistes peuvent se dispenser des communistes pour gouverner. La stratégie de Mitterrand aboutit à une victoire totale. Mais le président ne peut pas faire comme si les électeurs communistes n’avaient servi à rien lors de son élection : G. Marchais -candidat du PCF à la présidentielle avait obtenu 15% des suffrages exprimés, 15% qui ont permis les 51% de voix à Mitterrand au second tour-. Le président accorde donc quatre strapontins aux communistes qui entrent au gouvernement pour la première fois depuis 1947. C’est le gouvernement MAUROY. En juillet 1984, après un nouveau recul retentissant aux élections européennes de juin, et aussi après le tournant de la "rigueur" pris par les socialistes en 1983, le PCF décide de retirer ses ministres du nouveau gouvernement FABIUS. Les élections législatives régulières de 1986 ont lieu sur le mode proportionnel. La droite est vainqueure, le FN fait son entrée au parlement. Pour la première fois depuis 1962, les Français n’ont pas respecté le "fait majoritaire". On a une "cohabitation" -le mot entre dans le vocabulaire politique- entre un président socialiste et un premier ministre gaulliste : J. Chirac. Cette cohabitation fonctionne durant deux ans (1988 : élection présidentielle après la fin du septennat). N.B. Cela démontre que le pouvoir personnel reproché au général De Gaulle était lié à son interprétation singulière de la Constitution. Je rappelle le texte intégral de l’article 20 : « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».[3] Cette cohabitation favorise F. Mitterrand qui est largement réélu
en 1988. Il dissout à nouveau l’assemblée mais, là encore, le fait majoritaire
ne joue pas : les socialistes n’ont qu’une majorité relative. Le président
« ouvre » alors son gouvernement vers la droite, tâchant de débaucher
quelques personnalités de droite accommodantes (O. Stirn, Soisson, etc…). Le
Premier ministre (M. Rocard) exploite lui aussi le 49.3. B. Les Partis1. Avant 81 : le quadripartisme bipolaireJusqu’à la grande alternance, la scène politique est occupée par quatre partis qui sont regroupés deux à deux en deux pôles électoraux. A droite : le RPR -gaulliste de J. Chirac- et l’UDF de V. Giscard d’Estaing. A gauche : le PS, membre de la pittoresque Internationale socialiste, et le PCF. Les électeurs adoptent progressivement la discipline des désistements prônée par les partis et votent en faveur du candidat de droite ou de gauche le mieux placé après le premier tour des législatives. Le second tour se résume donc généralement, dans chaque circonscription législative, à un duel gauche-droite. NB. Ce tableau est très bien fait. Je regrette néanmoins que les Radicaux de gauche (MRG dans la colonne "centre") figurent parmi les centristes. Ce parti, issu d'une scission du parti Radical, avait signé le Programme commun et fait donc partie intégrante de la Gauche.2. Après 81 : de nouveaux acteursDeux partis nouveaux apparaissent : le FN et les Verts. Le F.N. obtient plus de 10% de suffrages exprimés aux élections européennes de 1984. C’est un choc. J’ai montré que ce sont surtout les « riches » qui votent pour lui à cette occasion [4]. Ce n’est qu’à la fin des années 80’ que le vote ouvrier devient important pour le FN. Le FN joue sur deux tableaux : il est d’abord antifiscaliste et est le parti des petits et moyens patrons qui sont écrasés par les charges sociales depuis des temps immémoriaux. Ensuite, voyant l’impact du thème de l’immigration sur les électeurs, il en fait son cheval de bataille. Mais jamais, il ne remet en cause le capitalisme, même si aujourd'hui, Marine LePen utilise un très démagogique vocabulaire de "gauche". Les Verts sont bien connus pour leur sensibilité à
l’écologie. On peut trouver deux tendances : les environnementalistes qui ne se réclament ni de la gauche, ni de la
droite (A. Waechter, B. Lalonde) et les politiques
souvent issus de l’extrême-gauche mais pas toujours. Ce sont surtout ces derniers qui relèvent de la dénomination "Verts". Le PCF devient un parti mineur au plan national, il garde
néanmoins une forte implantation locale (de l’ordre de 10%). Quant à l’UDF,
elle se scinde en deux sensibilités : l’UDF maintenue et l’UDC (Union
démocratique du Centre) proche de Raymond Barre et qui « flirte »
avec le gouvernement Rocard à partir de 1988. NB. L'UDC n'est pas inscrite sur tableau ci-dessus. Elle n'en a pas moins existé, fût-ce temporairement et uniquement en tant que groupe à l'Assemblée.
II. LES ÉLECTEURS ET LA VIE POLITIQUE
Avant 1981, on peut dire que la vie politique est suivie
avec intérêt par le corps électoral : ne parle-t-on pas de changer de
société, de "rompre avec le
capitalisme" comme le dit F. Mitterrand lui-même et sans rire ? Après 1983,
les désillusions commencent et l’idée que l’on ne peut rien faire, rien
attendre de la politique, pénètre les esprits. A. La Participation ÉlectoraleSoit le cas des élections législatives : tableau
de l'abstention ci-dessous. C’est en 1978 que la participation est la plus forte. A cette date, les partis de gauche se présentent unis avec un programme commun de gouvernement. L’année précédente, la Gauche avait remporté les élections municipales avec des résultats spectaculaires : St-Étienne, Reims, Bourges, Le Mans, Le Havre, Nîmes et d’autres villes moyennes ont un maire communiste. Tout le monde s’attend à une victoire de la gauche en 1978. Mais, en réalité, les partis PS - PCF sont en train de se déchirer. La droite l’emporte au second tour. En 1981, immédiatement après la victoire de Mitterrand, la participation aux législatives baissent sensiblement. Beaucoup d’électeurs de droite s’abstiennent La participation aux élections de 1986 est élevée : la droite veut sa revanche. A partir de 1988, alors que l’abstention ne fut que de 15,9 % au second tour de la présidentielle (réélection de Mitterrand), la participation s’effondre aux législatives du mois suivant : 34,3% d'abstentions au premier tour. Pour les Français, l’élection stratégique est celle du Président. Par la suite, les résultats confirment ce désintérêt pour l’élection des députés (40% d'abstentions au second tour de 2007 !), alors que le duel Sarkozy-Royal fut arbitré par 84% des électeurs. La crise de la participation fut illustrée, dramatiquement, par le premier tour de la présidentielle de 2002 où plus de 28% des électeurs ne se déplacèrent pas. Le candidat FN fut placé en seconde position : l’abstention lui profite toujours. Avant 1981, la participation, non seulement aux élections, mais aux manifestations publiques (1er mai…) est très forte et les partis, syndicats, associations diverses ont de nombreux adhérents. Après 1981, seules les présidentielles mobilisent la population. Les adhérents désertent leur parti ou syndicat -sauf pour les nouveaux partis-. Dans la jeunesse, après la "génération 68", on parle de "bof génération". Les années 80’ sont les années fric avec des scandales qui touchent même le parti socialiste. Quel est le sens de l’action politique ? B. La Vie Politique1. L'union de la gaucheAvant 1981, le combat politique était clair et mobilisateur : l’union PC-PS allait-elle remporter, pour la première fois sous la V° république, la majorité ? La France allait-elle avoir, pour la première fois depuis 1947 et seule comme grand pays occidental, des ministres communistes ? A Epinay -congrès fondateur du nouveau parti socialiste (1971)- F. Mitterrand n'y était pas allé de main morte. Voici un extrait de son intervention au congrès :"Réforme ou révolution ? J'ai envie de dire - qu'on ne m'accuse pas de démagogie, ce serait facile dans ce congrès - oui, révolution. Et je voudrais tout de suite préciser, parce que je ne veux pas mentir à ma pensée profonde, que pour moi, sans jouer sur les mots, la lutte de chaque jour pour la réforme catégorique des structures peut être de nature révolutionnaire. Mais ce que je viens de dire pourrait être un alibi si je n'ajoutais pas une deuxième phrase : violente ou pacifique, la révolution c'est d'abord une rupture. Celui qui n'accepte pas la rupture - la méthode, cela passe ensuite -, celui qui ne consent pas à la rupture avec l'ordre établi, politique, cela va de soi, c'est secondaire..., avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste". En fait, l’union s’est brisée en 1978. Les dirigeants communistes constatent que la prophétie de Mitterrand -"avec le programme commun, je vais montrer que le PS peut prendre 2 à 3 millions de voix aux communistes"- est en train de prendre corps. À toutes les élections (locales, cantonales, partielles…) à partir de 1974 -où F. Mitterrand était le candidat commun de la gauche - le PC stagne ou recule alors que le PS progresse. La stratégie Mitterrand était fondée sur l’idée suivante : avec le PCF, les Français savent qu’ils auront du socialisme mais ils craignent pour leurs libertés. Avec la vieille SFIO, ils n’avaient rien. Avec le nouveau parti socialiste (Epinay 1971), les Français pensent qu’ils auront du socialisme -puisqu’il s’allie au PCF et qu’il a signé avec ce dernier un programme politique- mais ils auront aussi les libertés. Pour pasticher un mot célèbre, les Français "auront une photocopie aussi bonne que l’original".C’est pourquoi, les Communistes demandent une radicalisation du Programme commun, radicalisation que Mitterrand refuse. C’est l’époque du « je t’aime moi non plus ! » (durant les années 1977-1981) selon un titre célèbre du journal Libération. La déception se lit avec le phénomène Coluche, l’humoriste se présentant comme candidat à la présidentielle de 1981, pour finalement y renoncer, mais son aventure montre qu’il exprimait déjà un désarroi devant ce comportement de frères ennemis qu’offraient le PC et le PS. 2. La "décennie Mitterrand"Après certaines réformes (relance de la consommation, décentralisation, 39 heures, loi Auroux…), le gouvernement s’oriente à partir de 1983 vers "la rigueur", politique d’austérité qui n’ose pas dire son nom. Cela montre clairement que peu de choses vont réellement changer. 1981 - 1984 : les nationalisations On lira avec intérêt l’éditorial du Financial Times qu’analyse Le Monde du 21 avril 1990. Les Socialistes au pouvoir ont finalement accepté un taux de chômage élevé afin de réduire l’inflation. C’était la politique du "franc fort". "Un socialisme centré sur la désinflation et la libéralisation douce", alors que l’on parlait -mais c’était avant les élections- d’une rupture avec le capitalisme. F. Mitterrand défraye la chronique en disant, lors d’une conférence de presse : "en matière de chômage, on a tout essayé", manière de dire : vous voyez que c’est un problème insoluble… Tout cela déçoit énormément et explique l’abstention massive dans les catégories employés et ouvriers. Certains socialistes tentèrent de
tirer la sonnette d’alarme : c’est le cas de l’association "La
Mémoire courte" citée dans l’article du Monde du 11 décembre 1989. « Le gouvernement est piégé par l’économie »,
cela veut dire piégé par l’économie capitaliste mondialisée qui s’affirme déjà
dans ces années-là. L’avatar européen de cette mondialisation, c’est la course
à l’intégration des économies européennes qui culmine, pour notre période, au
traité de Maastricht. La ratification de ce traité soumis à referendum n’est
obtenue que par 51% de oui -et donc
49% de non- soit 34,4% des électeurs inscrits (l’abstention,
les votes blancs et nuls représentant le tiers des inscrits). la situation politique se présente aujourd'hui de la manière suivante (suite du tableau des forces politiques) : - les Trotskystes sont divisés en NPA (ex-LCR) avec leur leader Besancenot et LO -Lutte ouvrière- avec il y a peu Arlette Laguiller. - le PCF a créé avec J.L. Mélenchon (fondateur du Parti de Gauche issu du PS) et avec C. Piquet, un ancien dirigeant du NPA, le FRONT de GAUCHE. - L'U.M.P. a été créée par la fusion du parti gaulliste, des libéraux et des centristes. - le MODEM de F. Bayrou est un parti centriste qui a refusé cette fusion. -les Verts se sont élargis sur leur droite pour créer Europe-écologie-Les verts (EELV). Concernant l'article 49-3 Voici ce que j'avais écrit sur les implications de cet article lorsqu'il fut utilisé par le gouvernement Valls alors qu'il n'était pas sûr d'avoir la majorité sur ce texte à la chambre Ainsi
donc Valls engage la responsabilité du gouvernement
en utilisant la procédure de l’article 49-alinéa 3 de la constitution.
Il a
peur. Si rien ne se passe, la loi Macron est adoptée sans vote. En
revanche, si
avant demain 16h30, le groupe UMP dépose une motion de censure, alors il
y aura
débat pour ou contre la censure (c’est-à-dire le renvoi) du gouvernement
Valls. Évidemment, les députés PS qui sont contre la loi Macron ne
peuvent pas voter la
censure d’un gouvernement socialiste ! et c’est là le subterfuge
constitutionnel
de ce 49-3. La loi passera puisque la censure ne sera pas votée
majoritairement
mais les députés de gauche hostiles à la loi Macron n’auront pas pu
s’exprimer
par un vote sur cette dite-loi. Valls peut ne pas avoir la majorité sur
la loi
Macron mais on ne le saura jamais. La loi Macron passera puisque la censure du gouvernement ne
sera
pas votée. L’escroquerie politique continue. ***
[1] Jacques Chirac avait trahi les gaullistes en ne soutenant pas le "baron" J. Chaban-Delmas mais en appelant à voter Giscard dès le premier tour. [2] Après sa défaite, Giscard d’Estaing s’est répandu à longueur d’antenne, pour dire que les chiraquiens avaient lancé le mot d’ordre secret de "voter Mitterrand" au second tour… [3] Vous constaterez qu’aujourd’hui, sous la présidence Sarkozy, l’article 20 est quotidiennement bafoué. [4] Lire l’article : "le F.N., c’est d’abord les riches…". Ou, mieux encore, le chapitre 21 (vol.2) de mon livre « le coup de pouce du patronat ». |
2ème partie. De Gaulle : « La durée » (1962-1969)
"C’était l’époque de la guerre d’Algérie à laquelle chacun savait que seul De Gaulle avait chance d’imposer une solution. Au point que certains auraient voulu lui donner une délégation de pouvoir absolu pour deux ou trois ans avec l’idée qu’il réglerait le problème algérien et qu’on pourrait ensuite retourner à ses habitudes. Pour ceux-là, disait Albert Bayet, De Gaulle est « un mauvais moment à passer »". Georges Pompidou, Assemblée nationale, 24 avril 1964. Ces propos de G. Pompidou, alors Premier ministre, illustrent bien les enjeux de l’année 1962. Maintenant que la guerre d’Algérie est finie, que faire de De Gaulle ? pensent tous les nostalgiques de la IV° république -qui sont, je le rappelle, MAJORITAIRES à la chambre des députés élue en 1958-. La crise de 1962 est un tournant politique majeur dans l’histoire de la V° république. D’ailleurs, on parle de la constitution de 1958-62… la solution à cette crise qui se fait dans un sens très favorable au général De Gaulle donne à la V° république son vrai visage, en tout cas celui que le général voulait lui donner (I). Le régime évolue vers un mode de gouvernement présidentiel et même personnel alors que les mutations économiques provoquent un essor des luttes sociales et un regroupement des forces de gauche. Cela conduit à la crise de Mai 68 dont le général subit le contre-coup en chutant au referendum de 1969 (II). N.B. la politique extérieure du général de Gaulle est exposée dans le cours sur "la détente". Fort de son prestige né de la paix en Algérie, De Gaulle accélère les choses à l’automne 62. Le fait majeur est la modification constitutionnelle de 1962. De Gaulle met en application son vieux projet de faire élire le président de la république au suffrage universel. Ce mode d’élection donnerait au président une autorité encore bien plus forte que celle que lui confère la constitution de 1958. Mais pour beaucoup cette réforme est vécue comme la vraie mort du régime parlementaire de la IV° république, elle a des relents bonapartistes. Tous les partis - à l’exception notable du PCF- constituent un « cartel des non » après l’annonce du referendum constitutionnel par De Gaulle. Le général procède à cette révision constitutionnelle sans respecter le texte de la constitution -il utilise l’article 11- en son article 89. C’est une « forfaiture » déclare le président du sénat. A la chambre, les députés du « cartel » dépose une motion de censure contre le gouvernement Pompidou, elle est votée le 5 octobre 1962 [1]. Sous la IV°, le président aurait demandé à un leader de parti de former un nouveau gouvernement mais il en va différemment avec De Gaulle qui garde Pompidou et dissout la chambre des députés ! De Gaulle enjoint les Français - de voter massivement « oui » au referendum du 28 octobre 62 sur la révision constitutionnelle. - d’élire une majorité de députés gaullistes qui soutiendra indéfectiblement son action : les législatives sont prévues pour les 18 et 25 novembre 1962. Les résultatsLe « oui » obtient 67% : c’est un recul mais c’est encore beaucoup. Les élections de députés donnent la majorité absolue à l’UNR et aux Républicains-Indépendants, parti nouveau-né, créé par un jeune ambitieux, Valéry Giscard d’Estaing, qui rompt avec A. Pinay pour soutenir De Gaulle. C’est le fait majoritaire qui s’installe. Les électeurs vont prendre l’habitude d’envoyer à la chambre une majorité de la même couleur politique que l’hôte de l’Élysée [2]. Les députés élus -surnommés godillots par les humoristes- permettent à Pompidou et à De Gaulle de gouverner sans entrave d’autant plus que la constitution avait institué un « parlementarisme rationalisé » (par exemple, la censure n’est valable que si la majorité absolue des députés -présents ou non à la chambre- la vote, l’ordre du jour à la chambre est fixé par le gouvernement et pas par l’assemblée, etc…). Le climat politique est d’autant plus lourd que le général a une lecture très personnelle du texte de la constitution. Par exemple concernant l’article 30 : De Gaulle estime que c’est un pouvoir discrétionnaire du président alors que tous les juristes sont d’accord pour dire que c’est une obligation pour le président. Par ailleurs, il use et abuse de la télévision où la censure s’applique. Chose inimaginable aujourd’hui, c’est le ministre de l’Information qui vient en personne présenter aux téléspectateurs à quoi va ressembler le nouveau J.T. ! La vie politique est morne jusqu’à la présidentielle de
1965. Il s’agit de la première élection au suffrage universel depuis celle de Louis-Napoléon Bonaparte en 1848. Il y a 5 candidats qui bénéficient chacun de deux heures de télévision et deux heures de radio. C’est un air frais qui passe sur les ondes. De Gaulle néglige le premier tour et n’apparaît pas à la télé, sauf le dernier soir. Les Français découvrent tout ce que la télé officielle leur avait caché. Un évènement à portée lointaine est à souligner. Le PCF préfère ne pas présenter de candidat (« les Français ne sont pas mûrs ») et opte pour F. Mitterrand. C’est une grave erreur politique : au lieu de se demander pourquoi les Français ne sont pas « mûrs » pour élire un président communiste (il eût fallu s’interroger sur le programme et la stratégie du PCF), le PCF soutient un candidat très éloigné de ses options. Mais le PCF avait un souci sincère : réaliser « l’union de la Gauche » pour battre le pouvoir gaulliste. Mitterrand obtient 32% au premier tour (PCF+SFIO+Radicaux). Lecanuet, figure du MRP, annonce que son mouvement change de nom pour devenir « le Centre démocrate » et obtient un bon 14%. De Gaulle, surprise mondiale, est en ballotage. Il obtient 43% (UNR + R.I.). Il est élu au second tour avec 55% des voix contre F. Mitterrand. N.B. : face à De Gaulle, il y a une opposition multiple : Lecanuet, Mitterrand, le PCF.. Et les gaullistes exploitent à fond cette dispersion incapable de former une majorité soudée. C’est pourquoi les Communistes lancent l’idée d’un programme commun de gouvernement de la gauche qui sera un contrat entre cette dernière et les Français. Au
total, le pouvoir est affaibli mais c’est la continuité… Ils ont marqué cette fin de XX° siècle et l’extrême-droite (Le Pen) ou la droite décomplexée (N. Sarkozy) en appellent encore au XXI° siècle à « une réforme intellectuelle et morale »[3] pour l’expiation des fautes de Mai.
1. Les mutations de la société françaisePendant les Trente Glorieuses, la France s’industrialise rapidement -et davantage qu’au XIX° siècle- sa population rajeunit avec le célébrissime Baby boom, les universités doivent repousser leurs murs pour recevoir les étudiants. Les classes moyennes évoluent en « ciseaux » : les traditionnelles (paysannerie, artisans, commerçants) baissent régulièrement - alors que les nouvelles - les « cols blancs- (cadres et professions intellectuelles supérieures[4]) montent en flèche. Le pays s’urbanise. Cette France jeune, urbaine et diplômée est de plus en plus sensible aux valeurs véhiculées par le gaullisme et qu’incarne particulièrement Mme De Gaulle[5] : catholicisme, puritanisme, censure, autorité dans lesquelles se reconnaissent les classes moyennes traditionnelles lesquelles sont justement en perte de vitesse. Bref, le traditionalisme se heurte à l’esprit de révolution. On souhaite une société plus permissive, une libération comme le comprendront les fondateurs d’un journal toujours en vente aujourd’hui[6]. 2. La montée du mouvement revendicatifParallèlement à ce conflit de civilisation, on observe une montée du mouvement revendicatif, mouvement fondé sur le refus de la dégradation du pouvoir d’achat et des conditions de travail et sur l’exigence de négociations toujours refusées par le patronat. Au contraire, la législation se durcit : ainsi, il faut déposer un préavis de 5 jours avant une grève). En 1966, la CGT et la CFDT signent un accord d’unité d’action. En mars 1967, lors des législatives, la coalition UNR-RI frôle la défaite (1 voix de majorité à la chambre). Les "manifs" du 1er mai 1967 sont particulièrement puissantes ainsi que celles du 1er mai 68. Mais le détonateur se trouve dans les universités. Des actions ont lieu à Nanterre (création du mouvement du 22 mars) puis à la Sorbonne où dominent alors les « gauchistes » qui prétendent se placer à la gauche du PCF. Les « évènements » -tout ce qui suit est à compléter par des lectures personnelles - peuvent se décomposer en trois temps. 1. La crise étudianteAprès des sanctions prises à Nanterre, la Sorbonne est occupée par ses étudiants. Le recteur en décide la fermeture. 5 leaders étudiants sont emprisonnés. Le 10 mai des barricades bloquent le Quartier latin. La répression policière est particulièrement brutale et scandalise les habitants du quartier aussi bien que les journalistes. Le mouvement est animé par trois organisations : le syndicat étudiant UNEF, le syndicat universitaire SNESup[7], et un parti : le PSU où s’illustre M. Rocard, plus révolutionnaire que lui, on meurt. Partout en France, les « facs » sont en ébullition. 2. La grève ouvrièrePour protester contre la brutalité policière, les syndicats ouvriers décident une manifestation de soutien avec grève -sans respect du préavis- pour le 13 mai. C’est un immense succès, seule la Libération en 44 avait connu des chiffres pareils. Succès tel qu’il devient la cause d’une prise de conscience de leur force par les travailleurs. Dès le 14, au matin, on apprend qu’une usine de la Loire-Atlantique s’est mise en grève illimitée avec occupation des locaux. Puis, c’est une trainée de poudre : les usines sont occupées dans toute la France, peut-être 10 millions de grévistes. La France est littéralement paralysée. Le mouvement se généralise : à la radio, même à la télé ! le festival de Cannes n’aura pas lieu… La parole libre -déchaînée- les affiches, les graffitis expriment un mouvement social d’une extraordinaire complexité.une affiche de mai 68 revisitée... G. Pompidou engage rapidement des discussions avec les syndicats ouvriers, au ministère du travail, rue de Grenelle. Les syndicats ne peuvent évidemment pas refuser. Pompidou a une idée derrière la tête : donner satisfaction aux ouvriers, reprise du travail et isolement des étudiants. 3. La crise politiqueA gauche, les partis sont divisés : il n’y a pas eu d’accord sur un programme commun. La F.G.D.S.[8] cherche même une issue à la crise sans le PCF. Le 22 mai, une motion de censure est repoussée à la chambre (à 1 voix près). Le 24 mai, le général prononce un discours où il annonce un referendum sur la participation. C’est un bide total, comme on disait à l’époque. Bref, c’est la crise. La nuit du 24 au 25 mai est une nuit d’émeutes à l’issue de laquelle un certain Cohn-Bendit est expulsé de France. Bris de vitrines et incendie de voitures sont les arguments des gauchistes si ce ne sont ceux de policiers-provocateurs infiltrés. Le 27 est une date importante : le secrétaire de la CGT, G. Séguy, présente aux ouvriers de Renault rassemblés en assemblée générale, le bilan des discussions de « Grenelle ». Les ouvriers refusent cet accord. L’après-midi se tient au stade Charléty une curieuse manifestation : UNEF, SNESup et PSU appellent à manifester contre … le PCF. On y trouve, égaré, Mendès-France, d’autres exultent comme Rocard, certains déchirent théâtralement leur carte du parti communiste… Mai 68 est un mouvement complexe[9]. Pendant tous ces jours, la France est sans nouvelle du général De Gaulle. Où est-il ? Le 28 mai, Mitterrand ne trouve rien d‘autre à faire que de présenter à la presse un gouvernement provisoire ! alors qu’il y a un gouvernement toujours légitime -constitutionnellement parlant- à Matignon. Cette faute ne lui sera pas pardonnée et explique son absence à la présidentielle de 1969. Pendant ce temps, les excès se poursuivent : reprise en mains, la TV montre chaque voiture brûlée, chaque arbre abattu pour faire barricade, chaque bris de vitrine, etc… 4. L’issueDe Gaulle, assuré de l’appui des militaires - il était allé à Baden-Baden - sort de son silence le 30 mai et prononce un de ces discours vigoureux dont il a le secret. « Dans les circonstances présentes, je-ne-me-re-ti-re-rai-pas ! ». Il annonce le recours au suffrage universel après dissolution de la chambre des députés. Tous les partis acceptent. Le même jour, comme par hasard, un million de manifestants descendent les Champs-Élysées pour soutenir le général. M. Debré et A. Malraux hurlent «La Marseillaise ». Il en va de même dans d’autres villes de France. La situation s’effrite. Les syndicats de branche professionnelle signent, un à un, les accords de Grenelle. La France se remet progressivement au travail. Les 23 et 30 juin 1968, c’est un raz-de-marée gaulliste qui
submerge le Palais Bourbon. Les gaullistes n’ont même pas besoin des députés
giscardiens pour avoir la majorité. 1. Sur le long termea) Au plan social :Les salaires sont fortement relevés dont le SMIG qui augmente de 35% (sic) : c’est dire le retard accumulé. Droit à la formation professionnelle des jeunes, amélioration des conditions de femmes travailleuses, élargissement des droits syndicaux avec la reconnaissance de la section syndicale d’entreprise, engagement à tenir une politique contractuelle par la suite[10]. b) Au plan de l’éducationEdgar Faure réforme l’université en mettant en place des conseils d’université élus, le président étant lui-même élu. Collèges et lycées ont aussi des conseils élus avec représentants des élèves. En 1970, il y aura une réforme de l’autorité parentale. En 1974, est votée la majorité à 18 ans. c) Au plan des mœursLa libéralisation s’accélère : le polo remplace la cravate[11], le « jean » devient le nouvel uniforme, les tenues exotiques fleurissent. La sexualité s’émancipe : affirmation du féminisme, naissance de gay-pied revue « gay ». En 1974, Mme Veil fait voter la loi sur l’I.V.G.. Concernant la contraception, la loi Neuwirth de 1967 entre enfin en application grâce aux décrets pris en 1971. Globalement, il est certain que Mai 68 marque une victoire de l’esprit de révolution sur le traditionalisme. C’est ce que certains ne pardonnent toujours pas. 2. Sur le court termeConcrètement, les évènements ont des conséquences aussi bien à droite qu’à gauche. a) La chute du généralComme il l’a annoncé le 24 mai 68, De Gaulle tient à son referendum sur la participation et la suppression du sénat. Il l’organise en 1969. De Gaulle est alors « victime » d’une manœuvre pompidolo-giscardienne. A Rome, répondant aux journalistes -il n’est plus premier ministre- G. Pompidou annonce que, oui, si De Gaulle devait partir, il serait candidat à son remplacement. Ce disant, il enlève chez les Français ce sentiment qui faisait la force du général : la peur du vide. C’est une indélicatesse évidente. ‘Moins pire’ cependant que celle de Giscard qui, lui, annonce clairement à la télévision, qu’il votera « non » (Pompidou lui a promis le portefeuille des Finances). Le « non » l’emporte (53%), De Gaulle s’en va. Pourquoi cette « manœuvre » ? De Gaulle s’opposait farouchement à l’entrée des Anglais dans l’Europe. Il était devenu un obstacle au développement du capitalisme à l’échelle européenne. b) La réorganisation de la gaucheCe départ provoque la présidentielle de 1969 où Mitterrand est absent. Le candidat socialiste est Gaston Deferre, maire de Marseille, qui se présente en duo avec Mendès-France et qui regarde vers sa droite. Le PCF présente alors un de ses leaders historiques : Jacques Duclos. Michel Rocard, l’homme du célèbre « élections, piège à cons » se présente aussi. Les résultats sont les suivants à gauche ; Deferre 5%, Duclos 21,5%, Rocard 3,7% (alors que la révolution était soi-disant à portée de main, un an auparavant…). Par ailleurs Pompidou obtient 44%, Poher -centriste- 23,4. F. Mitterrand tire les conclusions : la stratégie Deferre est impossible, il faut s’allier au PCF. En 1971, il crée avec ses amis le nouveau PS -l’appellation SFIO disparaît- à Épinay-sur-Seine, où il annonce sans vergogne la rupture avec le capitalisme. En 1972, il signe le programme commun de gouvernement de la gauche avec le PCF et les Radicaux-de-gauche[12]. Quarante-huit heures après cette signature, il annonce devant l’Internationale socialiste -inquiète- qu’il a signé « pour démontrer que le PS français pouvait prendre 2 à 3 millions de voix au PC ». Supercherie coûteuse. [1] Je rappelle que, si aucune motion de censure n’a été votée avant 1962, c’est par un consensus entre députés et présidence : il fallait régler le problème algérien. Les gaullistes étaient minoritaires à la chambre des députés. [2] Cela sera interrompu en 1986 avec la cohabitation Mitterrand - Chirac. [3] Lire cet article sur le site, onglet « vie de l’esprit », rubrique « histoires sur la philosophie ». [4] Appellation INSEE [5] C’est elle qui fait interdire le passage dans les salles du film La religieuse de Diderot. [6]
Mais qui n’est pas le Libération né
pendant la Résistance et la ligne éditoriale du journal de 1968 n'est plus la même que celle d’aujourd’hui... [7] Il syndique davantage des assistants-thésards que des professeurs-mandarins. [8] Fédération de la Gauche, démocrate et socialiste. Conglomérat de partis (SFIO, radicaux, conventionnels) qui présente des candidats uniques aux élections. F. Mitterrand ira jusqu’à présenter à la presse un gouvernement alternatif sans aucun ministre communiste (le PCF représentait 22% des voix en France). [9] Il est intéressant de voir ce que sont devenus ces ultra-révolutionnaires, comme André Glucksmann, maoïste qui viendra faire l’éloge du capitalisme à l’université d’été du patronat (MEDEF) à Jouy-en-Josas, Serge July, autre maoïste, grand ami de N. Sarkozy… [10] Le gouvernement s’engage à réunir chaque année les syndicats de fonctionnaires pour négocier les traitements, par exemple. [11] Observez-bien les documents télévisés des années 60’ : même Johnny porte la cravate ! [12] Ceux de droite -majoritaires- passeront dans la majorité actuelle. |
1ère partie. De Gaulle : le "recours" (1958-1962)
Je fais cette leçon en deux parties. En 1958, « on » fait appel au général De Gaulle. Sera-t-il, comme Clemenceau en 1917, ou P. Mendès-France en 1954, l’homme de la solution algérienne dont on se débarrassera par la suite ?[1] Ou bien le régime qu’il met en place est-il assuré de la durée ? C’est en 1962 que le débat sera tranché avec la mise en place définitive d’un régime de type présidentiel qui rompt, non seulement avec les pratiques de la Quatrième république mais avec toute la tradition parlementaire française. D’où les deux parties : - Le" recours" 1958-1962 Introduction
En 1958, pour résoudre le problème algérien -où sévit la
guerre depuis 1954 avec les soldats du contingent envoyés au combat en 1956-
les Français et la masse de leurs élus ont recours au général De Gaulle. C’est
comme un appel au secours. Mais le général arrive au pouvoir dans des
conditions dramatiques et le thème de l’Algérie ne peut pas être unique, dans
cette leçon, car chacun sait que De Gaulle profite des évènements pour créer
une nouvelle république : la cinquième (I). En quatre ans, la politique
économique et la diplomatie de la France reçoivent l’empreinte du général (IIa)
mais ce n’est qu’en 1962, après d’âpres difficultés, que la France donne l’indépendance
aux Algériens vainqueurs alors que beaucoup des protagonistes du 13 mai 58
espéraient tout le contraire (IIb). 1. La crise de mai 1958a) L'éphémère gouvernement PFLIMLIN Après le bombardement sanglant de l’école et du village tunisiens
de Sakhiet Sidi Youssef par l’aviation française, s’ouvre une crise
gouvernementale. C’est l’indécision habituelle (voir le cours sur la IV°).
Finalement, le M.R.P. Pierre Pflimlin sollicite l’investiture le 13 mai 1958. C’est
un démocrate, chrétien bien sûr -MRP- qui a toujours dénoncé l’usage de la
torture et qui s’est déclaré favorable à une négociation avec les
« fellaghas ». Autrement dit, l’extrême-droite le déteste comme tous
les partisans de l’Algérie française. Il est président du Conseil « désigné »
par le président de la république R. Coty. Il lui faut maintenant être investi par les députés. Cette détestation va jusqu’au bout : le jour du débat d'investiture à la chambre des députés, le 13 mai, une émeute éclate à Alger instiguée par les colons et les militaires qui refusent cette politique « d’abandon ». Le siège du Gouvernement général [2] à Alger est pris d’assaut et un Comité de salut public s’installe présidé par le général MASSU. Massu avait reçu les pleins pouvoirs, en 1957, avec G. Mollet, pour mener « la bataille d’Alger ». Ce comité s’oppose à l’investiture de Pflimlin et exige un gouvernement à Paris qui s’engage à maintenir l’Algérie partie intégrante de la France. Les émeutiers d’Algérie dressent les plans d’une opération parachutée sur la France métropolitaine (le 24 mai, ils se poseront sur la Corse). Le 14 mai au matin, Pflimlin obtient un vote favorable à la chambre : il est président du Conseil « investi ». Mais sa faiblesse politique apparaît aussitôt puisqu’il nomme le général SALAN au gouvernement général d’Alger, alors que celui-ci avait approuvé le Comité de salut public de Massu ! Le 15 mai, le général De Gaulle se déclare « prêt à assumer les pouvoirs de la République » ! Alors qu’il y a un gouvernement parfaitement légitime, au plan constitutionnel, celui de Pflimlin ! b) L'investiture de DE GAULLE, président du conseilDe Gaulle utilise la menace militaire pour revenir au pouvoir mais il entend respecter des formes, il ne veut pas apparaître comme un général fasciste. Mais il ne veut pas non plus utiliser la procédure habituelle de la Quatrième qu’il a toujours rejetée. Pour forcer la main aux députés, il laisse grandir la menace militaire. Le 19 mai, il déclare : « l’armée a jugé de son devoir d’empêcher que le désordre s’établisse. Elle l’a fait et elle a bien fait ». Par un usage habile des médias -et notamment des conférences de presse télévisées, ce qui est tout nouveau- il apparaît peu à peu comme la seule issue pacifique à la crise. Les députés et les différents partis politiques sont hostiles à De Gaulle, mais la situation leur échappe. Le socialiste Guy Mollet est au centre du jeu. Il fait condamner par son parti (la SFIO) le recours à De Gaulle mais entre en contact avec lui : « respecterez-vous les règles constitutionnelles -celles de la 4°, JPR- pour former un gouvernement ? ». Reçu à Colombey-les-Deux-Églises, alors que son parti appelle à la manifestation de défense républicaine du 28 mai, il reçoit l’accord de De Gaulle pour l’investiture façon IV°. Peu à peu, le MRP (Bidault, Pflimlin), les Indépendants (Pinay) se rallient, et le 29 mai, après la démission de Pflimlin, le président Coty fait appel « au plus illustre des Français » pour former un gouvernement. De Gaulle est alors président du Conseil « désigné ». ° Le débat d’investiture a lieu le 1er juin dans une ambiance lourde. De Gaulle est investi par 329 voix favorables contre 224 hostiles. De Gaulle est investi par les socialistes mollétistes, les « modérés » de Pinay, une bonne partie de l’extrême-droite. Les apparences ont été respectées. La guerre civile évitée. Le 2 juin, l’assemblée vote les pleins pouvoirs à De Gaulle en Algérie mais aussi celui de préparer une nouvelle constitution qui devra être approuvée par referendum. (C’est irrégulier, l’assemblée n’ayant pas à déléguer son pouvoir constituant dérivé). 2. La mise en place d'un nouveau régimeVous aurez plus de détails dans l’article de ce site10 députés PCF comme en ...1958 et Le Pen député gaulliste. La constitution -le grand public s’en apercevra plus tard- est aussi un compromis. Si le président a des pouvoirs renforcés (comme l’article 16), le gouvernement ne lui est pas inféodé. L’article 20 dit textuellement « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation »[3]. La constitution de 1958 est soumise à la ratification populaire le 28 septembre 1958. Les gens votent « oui » à De Gaulle et non pas pour une constitution qu’ils n’ont généralement pas lue. Seul en tant que parti, le Parti communiste français appellent à voter « non ». Il est rejoint par des personnalités isolées comme Mitterrand ou Mendès-France. Le « oui » obtient presque 80% des suffrages exprimées : 79,25%... dès lors, il faut mettre en place les institutions prévues par le texte fondamental. Les élections législatives se tiennent en deux tours car on passe de la proportionnelle au scrutin majoritaire. Le PCF totalement isolé obtient 19% des voix : c’est une chute considérable. Il avait obtenu 25% en 1956. Seul contre tous, il n’a plus que 10 députés. Les socialistes appellent à voter pour les gaullistes au second tour et réciproquement. Avec à peu près le même nombre de voix que le PCF au premier tour, le nouveau parti gaulliste, l’ UNR, obtient 198 sièges. C’est-à-dire qu’il n’a pas la majorité absolue. Les
socialistes, les radicaux, les MRP s’effondrent. L’autre grand vainqueur est le C.N.I.P., les Indépendants de Pinay,
anciens pétainistes partisans de l’Algérie française [4]. Ici aussi, pour ceux qui désirent approfondir, il y a un article à lire : L’Artois 1947 - 1981 (3ème partie) Le Conseil de la république redevient le Sénat. De Gaulle avait exigé et obtenu l’élargissement du collège électoral pour la présidentielle. Sous les III° et IV° républiques, l’hôte de l’Élysée était élu par les députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles. Avec la nouvelle constitution, les représentants des conseils municipaux sont électeurs. Le vote a lieu le 21 décembre 1958. 74391 voix s’expriment et De Gaulle obtient 57649 voix [5]. Après la passation des pouvoirs entre Coty et De Gaulle, le général nomme son premier Premier Ministre -la titulature de « Président du Conseil » disparaît- : c’est Michel Debré. Nous sommes le 8 janvier 1959 : la V° est en place. 1. Dès le départ une politique "gaullienne"a) La politique économique : adaptation de l'outil à l'ouverture extérieure.Le traité de Rome du 25 mars 1957 marque pour la France l’entrée dans une nouvelle époque. Comme prévu et malgré le retour des Gaullistes, la France entre dans la C.E.E. le 1er janvier 1959. La France repliée frileusement sur son empire colonial : c’est fini. Place à l’ouverture - progressive - des frontières et à la concurrence avec les entreprises allemandes, hollandaises, belges, etc… C’est pourquoi toute la politique gaullienne est tendue vers l’investissement industriel, la concentration des entreprises -l’industrie est pulvérisée en milliers d’entreprises, il faut les concentrer-. La vie économique est rythmée par le plan quinquennal et les plans gaulliens mettent l’accent sur la compétitivité, l’expansion (dont la recherche scientifique) et l’aide de l’État. Cette aide favorise les secteurs les plus concentrés, les plus intégrés à l’économie européenne, les plus aptes à la concurrence. C’est ce qui fonde l’argumentation des communistes qui accusent le gaullisme d’être « le pouvoir des monopoles ». G. Pompidou, directeur général à la banque Rothschild puis chef de cabinet du général peut difficilement les contredire. En nommant Antoine Pinay aux Finances, De Gaulle savait que la politique menée allait être monétariste, favorable aux rentiers et aux propriétaires. Le fait signifiant est évidemment la création du nouveau Franc, dit aussi Franc lourd symbole de la volonté d’avoir une monnaie forte et stable. Auparavant, le Franc a été dévalué de 17,5% ce qui stimula nos exportations. Pinay en bon patron « Indépendant » mène une politique déflationniste : blocage des salaires et des prestations sociales, déflation, recherche de l’équilibre du budget. La convertibilité du franc est rétablie. Il est encore l’auteur d’un emprunt, l’emprunt Pinay, indexé sur l’or qui ‘éponge’ les liquidités excédentaires en circulation. L’agriculture entre dans une période décisive : la fin des paysans. Le PCF crée le MODEF -attention à la confusion ! - : le mouvement de défense des exploitations familiales. C’est que la Politique agricole commune (PAC) favorise les moyennes et les grandes exploitations. De grandes manifestations paysannes sont organisées. La politique des prix est cardinale : en fixant le prix européen garanti à 100, on élimine celui dont le prix de revient est à 105 et on engraisse celui dont le prix de revient est à 80… Dans l’enseignement, deux éléments : la loi Debré de soutien à l’école privée religieuse. Le plan Rueff - Armand qui, pour la première fois, met l’école au service de l’économie. La création des collèges se propose de former les ingénieurs et cadres, les ouvriers qualifiés et les autres à partir des trois filières mises en place dès la sixième. b) La politique extérieureLe général ne peut pas développer la grande politique mondiale dont il rêve pour la France : le problème algérien le préoccupe chaque jour. Il exprime sa solidarité atlantique et se rapproche de l’Allemagne de l’ouest. Deux faits cependant montrent que la politique gaullienne est sur ses rails : - D’une part, en 1960, la première bombe atomique française explose au Sahara (site de Reggane) : c’est l’amorce de l’indépendance militaire de la France. - D’autre part, De Gaulle invite monsieur « K » à visiter la France (1960). Premier signe du refus de la politique des « blocs ». 2. De Gaulle et la guerre d'AlgérieC’est la grande question du début du septennat. a) Une politique pragmatiqueLa politique algérienne du Général n’obéit pas à un plan pré-établi. Elle est pragmatique, c’est-à-dire réactive aux évènements. L’opinion française souhaite la paix, mais pas encore l’indépendance de l’Algérie. De Gaulle semble, dans un premier temps, se situer dans une perspective « Algérie française » : le 4 juin1958, tout de suite après son investiture, il part à Alger où il prononce un discours et lance son fameux « je vous ai compris » dont les historiens se demande toujours ce qu’il faut comprendre. En octobre, il propose la « paix des braves » : c’est-à-dire l’arrêt des combats, sans négociation politique préalable, ce qui ne peut satisfaire le F.L.N. qui a créé le G.P.R.A. [6]. Puis, on applique le « plan de Constantine » soit un plan de développement économique, quinquennal, de l’Algérie. Si l’idée est bonne en soi, elle sera longue à porter ses fruits. En attendant, les combats continuent, toujours dans le cadre
de la politique de pacification
mollétiste : on veut bien discuter mais pas avec des rebelles, il faut
donc les éliminer militairement, pacifier l’Algérie et alors on pourra discuter. En attendant la guerre continue. b) L'idée d'autodétermination et la "stratégie" du referendumLe premier grand virage gaulliste dans le politique algérienne est le discours du 16 septembre 1959 : De Gaulle lance l’idée de l’autodétermination. Le peuple algérien devrait pouvoir déterminer par lui-même (auto) quels seront ses rapports à la France. Première remarque concernant le fonctionnement des institutions. Les grandes étapes de l’évolution de la politique algérienne sont marquées non point par des débats parlementaires, ni même par des prises de position du gouvernement (article 20) mais par les discours télévisés du chef de l’État. Deuxième remarque. Cette idée suscite l’opposition furieuse des ultras de l’Algérie française qui voient bien le virage en train d’être négocié. Le principal obstacle viendra désormais des partisans du statu quo colonial. Du 24 au 31 janvier 1960, se déroule la semaine des barricades à Alger. Des Français tirent sur des gendarmes français. Il y a des morts. En France, cela suscite la mobilisation des milieux anti-fascistes. En mai 1960, le général déclare : « la France restera en Algérie, j’en réponds ! ». Mais le thème de l’Algérie algérienne ayant été lancé, De Gaulle est chahuté lors de ses voyages à Alger et Oran en décembre 1960. C’est pourquoi De Gaulle, pour montrer aux factieux qu’il n’est pas seul, adopte la stratégie du referendum : l’approbation populaire montrera aux partisans de l’extrême-droite que ce sont eux qui sont isolés. Le 8 janvier 1961, est organisé le referendum sur l’autodétermination : 75,25% de « oui ». c) Le putsch des généraux et les accords d' Evian.Le 7 avril 1961 s’ouvrent à Evian les premiers échanges entre le GPRA et la France. Le 11, De Gaulle s’affirme persuadé que « l’État algérien sera souverain ». C’est alors que se produit le coup d’État des généraux à Alger les 21/22 avril 1961. C’est un « putsch » comme on disait alors. Quatre généraux - Challe, Salan, Jouhaux et Zeller - disent avoir pris le pouvoir en Algérie. C’est un coup d’État militaire. Passons sur les détails. Le putsch échoue pour plusieurs raisons. - De Gaulle applique immédiatement l’article 16 de la constitution qui lui permet d’agir par décret sans vote de la chambre. Celle-ci, cependant, ne peut plus être dissoute. - L’attitude du contingent est résolument hostile. Les bidasses sont tenus informés de la situation grâce à leurs « transistors » : nouveauté technique des Trente glorieuses. - PCF et CGT lancent un mot d’’ordre de grève pour le 24 avril -c’est un lundi- , grève suivie par 12 millions de salariés. Le 25, Challe se rend. Les desesperados de l’Algérie française se jettent dans l’aventure sanglante de l’ OAS, organisation terroriste qui balance des bombes et tuent des innocents. Les pourparlers d’ Evian ont repris. Ils échouent sur le problème du Sahara que les Gaullistes et autres Indépendants veulent garder : on y a trouvé du pétrole et on y fait exploser nos bombes ! Caractère impérialiste de cette guerre. Finalement, De Gaulle cède et l’on peut aboutir aux accords d’ Evian du 18 mars 1962. Les accords sont approuvés à nouveau par referendum : le PCF appelle à voter « oui » alors que les Indépendants du CNIP votent « non » ! C’est comme un renversement des alliances par rapport à 1958. Le « non » obtient tout de même 10% des exprimés. Les attentats de l’OAS redoublent. Le 12 février 1962, une manifestation anti-OAS est interdite mais se tient quand même. La police du préfet de police Papon, maintenant bien connu, charge les manifestants dont certains se trouvent coincés par les grillages des bouches de métro qui ont été fermées. A la station Charonne, les policiers dans l’exercice de leur fonction, font 8 morts, tous communistes ou sympathisants. Les obsèques des victimes seront suivies par un peuple ému et silencieux d’un million de personnes. En Algérie, c’est le chaos. Après les avoir toujours refusées, l’ OAS -une partie d’entre elle, en tout cas - entame des négociations avec le F.L.N. ! Trop tard… Les plus déchaînés pratiquent la terre brûlée. La quasi-totalité des Pieds noirs quittent leur lieu de naissance pour la métropole. C’est un déchirement. L’ Algérie ravagée, décimée, désorganisée devient la République démocratique et populaire d’Algérie (juillet 1962). NB. : sur la manifestation cruellement réprimée du 17 octobre 1961, lire : http://www.humanite.fr/politique/17-octobre-1961-c-est-un-pas-extremement-important-pour-alain-ruscio-506715 [1] Ceux que cela passionne peuvent lire, évidemment, le chapitre XX, vol. II, de mon livre, disponible sur ce même site. (voir la page d’accueil). [2] Le gouverneur général était nommé par la président du conseil et le représentait en Algérie. [3] Ainsi le socialiste Jospin a-t-il mené la politique de son choix sous la présidence Chirac. Ainsi cet article est-il aujourd’hui quotidiennement violé sous la présidence Sarkozy. [4] Parmi les députés de ce parti, un certain J.-M. Le Pen, résolument gaulliste à cette date (voir Marine LE PEN, le F.N. et le GAULLISME…) l’article, sur ce site). [5] Le reste se distribue entre un candidat SFIO et un candidat PCF. [6] Clin d’œil évidemment au G.P.R.F. créé par De Gaulle en 1944. |
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