Pendant cette période, les relations est-ouest restent à un haut niveau de tension malgré l’apparition de nouveaux acteurs diplomatiques (I). Les graves crises du tout début des années 60’ montrent que les quelques efforts faits pour détendre l’atmosphère politique mondiale sont bien vains (II). 1. Chez les grandes puissancesa) Aux Etats-Unis: l'administration républicaineL'administration Eisenhower avec J.F. DULLES est élue sur la base d'une politique de fermeté et de refoulement (Roll Back) du communisme. Dulles concrétise sa "pactomania" avec des traités d'alliance avec les pays entourant le bloc socialiste : OTASE (1954) et pacte de Bagdad (1955). L'échec de la C.E.D. est compensé par l'entrée de la R.F.A. dans l'OTAN (octobre 55) qui provoquera, en réaction, la création du Pacte de Varsovie. Cependant, du fait de la personnalité du Président et de son appartenance politique (il est républicain[1]), les américains sont prêts à accepter des contacts avec l'U.R.S.S voire des accords sur des points particuliers. b) En URSS : monsieur "K"En U.R.S.S, la mort de Staline crée une conjoncture nouvelle. Dès l'annonce de sa mort des troubles éclatent à Berlin, réprimés par l'Armée Rouge. Ils témoignent d'un désir de changement. Ce que comprend N. Khrouchtchev, le successeur en septembre 53, appelé rapidement M. "K" par les journalistes. "K." pratique la "déstalinisation". Sa stratégie est la "coexistence pacifique" avec le bloc occidental, afin de soulager l'effort d'armement, de rendre plus prospère la société soviétique et, à terme, d'arriver à une certaine libéralisation. Sa politique est rendue publique lors du XX° congrès du P.C.U.S.. La rencontre entre ces nouveaux acteurs (Eisenhower qui se sent plus fort pour négocier et K. qui assouplit les méthodes du gouvernement soviétique) permet une stabilisation des rapports est-ouest : juillet 53 : armistice de PAM MUN JOM juillet 54 : accords de GENÈVE (création de la R.P.Nord-Viet Nam) mai 55 : traité de paix avec l'Autriche (neutralité de l’Autriche) c) Mais la logique des blocs demeure fondamentale :En 1954, les E.U. interviennent au Guatemala (en Iran dès 1953). En octobre 56, les Polonais ont manifesté pour plus de liberté et obtenu la libération de GOMULKA (cf. cours précédent). Les Hongrois ont manifesté, d'abord par solidarité avec les Polonais, puis pour changer la politique de leur pays. Fin octobre 56, le P.C. hongrois perd le contrôle de la situation. Quand le nouveau gouvernement NAGY envisage de sortir la Hongrie du Pacte de Varsovie, l'URSS s'y refuse d'autant plus que l'affaire du canal de Suez (les deux crises -SUEZ et Hongrie- sont contemporaines) montre à ses yeux un regain de tension internationale et qu'elle ne veut courir aucun risque pour sa sécurité en Europe[2]. Finalement, les troupes soviétiques écrasent l'insurrection de Budapest et KADAR, très fidèle à l'URSS au plan diplomatique, met en place un modèle "hongrois" ‘qui n’est pas contre nous est avec nous’ (sic). 2. L’apparition du "tiers monde"a) La fin de la "décennie asiatique" et le rôle diplomatique des nouveaux Etats- Après les lendemains de la Guerre, de nouveaux pays apparaissent comme l’Inde et Pakistan (1947), c'est la "décennie asiatique" de la décolonisation, à l'issue de laquelle 15 pays accèdent à l'indépendance dont 13 asiatiques. - La politique de ces États est souvent dynamique. Il ya d'abord l'affaire iranienne. En Iran, le docteur MOSSA DEGH avait nationalisé le pétrole iranien, tenté une laïcisation du pays et amorcé un rapprochement avec l'URSS. La CIA américaine provoque une révolte, la république est renversée et le SHAH (empereur) est rétabli dans ses fonctions. Le SHAH pratique une politique délibérément pro-américaine[3]. 1953 : MOSSADEGH TOMBE SOUS LES COUPS DE LA CIA par Dominique BARI En Égypte, un coup d’État militaire (1952), renverse le roi Farouk, pro-occidental, et, en 1954, le colonel NASSER dirige l'Egypte. La même année c'est la création de la R.P.Nord-Viet Nam (socialiste) et le début de l'insurrection algérienne. - ces États esquissent à l'ONU un regroupement visant à définir une politique indépendante des deux "blocs" et une attitude commune sur les questions coloniales. Dès 1952, d'ailleurs, l'ONU prend position en faveur de la décolonisation. Au printemps 1955, la conférence de BANDUNG constitue une étape essentielle dans l'émergence d'un "non-alignement". A la conférence sont représentés 29 pays dont 23 asiatiques et 6 africains (aucun sud-américain). L’année suivante, se rencontrent le yougoslave TITO, l'indien NEHRU et l'égyptien NASSER : le neutralisme gagne du terrain et ils s'affirment comme les leaders d'une zone de paix. - K. apprécie la contribution de ce "neutralisme" au maintien de la paix dans le monde. Les arguments de BANDUNG et ceux de l'URSS sont souvent les mêmes. "K." provoque une réconciliation spectaculaire avec TITO, il conclut avec l'Inde, l'Afghanistan et l’Égypte des accords économiques exempts de conditions politiques. Au contraire, DULLES refuse toute aide à l’Égypte à ses yeux, trop neutraliste. C’est une grave erreur de sa part. b) La crise de SUEZElle est le reflet précis de ce rôle nouveau joué par les pays décolonisés. En 1954, l’Égypte accède à une indépendance effective à la suite de l'accord obtenu par NASSER sur l'évacuation totale des troupes britanniques. Nasser comprend qu'il n'y a pas de liberté politique sans liberté économique, il veut sortir son pays du sous-développement. Pour
obtenir l'énergie nécessaire à son pays, NASSER veut construire un
barrage sur
le Nil, à Assouan. Les Américains lui
refusent une aide. Il décide de nationaliser la Compagnie du canal
de Suez,
britannique, qui perçoit les péages pour le passage des navires. Dans le
cadre
du conflit entre Israël et les pays arabes, il interdit le passage des
navires israéliens
sur le canal. Article détaillé sur ce site : 26 juillet 1956, nationalisation du canal de Suez par Nasser C'est alors l'expédition militaire franco-anglaise sur Port-Saïd avec l'aide de l'armée israélienne. Cette entreprise échoue sur la double pression des Soviétiques et des Américains. Bilan de la crise de Suez[4] 1) Cette crise est typique d'une tentative néo-coloniale : la mentalité XIX° siècle n'était pas morte. 2) A Paris, on a rêvé de régler le problème algérien en abattant NASSER, lequel était l'hôte du gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA). 3) Les attitudes convergentes des "deux grands" permettent à NASSER de transformer une défaite militaire en grand succès politique et montrent que FRANCE et GRANDE-BRETAGNE ont perdu leur rang de grandes puissances. 4) l'URSS commence à jouer un rôle actif au Proche-Orient : elle finance le barrage qui est inauguré par Mr K. lui-même. 5) cependant qu'à l'issue de cette deuxième guerre israélo-arabe, les E.U. prennent définitivement le relais des Anglais dans cette partie du monde. Ce conflit régional prend en compte une dimension "EST-OUEST"[5]. 6) Un fait marque l'opinion mondiale : l'action convergente des E.U. et de l'URSS pour arrêter la crise : va-t-on vers un "duopole" ? Cette situation est refusée notamment par la France de DE GAULLE et la Chine de MAO. 7) Suez ouvre la voie à la décolonisation économique. Les problèmes du Tiers Monde ne peuvent être résolus si l'on ne prend pas en compte les problèmes économiques. 8) L'ONU crée à cette occasion "les casques bleus". Les relations est-ouest à cette période semblent plus souples, les blocs se fissurent, une multipolarité semble naître mais de graves crises (Berlin, Cuba) montrent que la Guerre froide est toujours présente. 1. Fissures dans les blocs et non-alignementa) Le mouvement des non-alignés et la lutte pour le développement Le
Mouvement des Non-alignés est né après Bandung à la conférence de
Belgrade
(1961) avec 25 Etats. Il s'inscrit dans une problématique est-ouest
: le refus de la guerre froide et de
l'alignement derrière l'un ou l'autre bloc. L'A.G. de l'ONU a
radicalement
changé grâce à l'afflux des nouveaux membres et leur sert de tribune
ainsi que
de moyen pour une stratégie de lutte contre le sous-développement.Article détaillé sur ce site : 1955 : Bandoeng La lutte pour le développement s'inscrit, lui, dans une logique nord-sud. Elle oppose le "nord" riche à un "sud" pauvre. Déjà, en 1960, les pays exportateurs de pétrole ont créé l'OPEP qui réclame un prix du pétrole plus rémunérateur. Les nouveaux États exploitent également les possibilités offertes par l'ONU. C'est ainsi qu'en décembre 1962, l'AG adopte l'idée d'une CNUCED -conférence des nations unies pour le commerce et le développement- qui comptera 123 États-membres en mars 1964, le jour de sa première réunion. b) Notes discordantes dans les "blocs"La cohésion des années cinquante semble prendre fin. 1. C'est le bloc soviétique qui se fissure le premier avec le "schisme" chinois. A partir de 1958, les relations se détériorent entre les deux grands pays qui se réclament du socialisme. MAO n'approuvent pas la déstalinisation opérée par "K." ni la coexistence pacifique. Dès le 20 juin 1959, l'URSS dénonce son accord nucléaire avec la Chine. Les divergences idéologiques éclatent lors de la conférence des P.C. du monde entier de 1960. C'est la rupture avec la doctrine Jdanov. L’Albanie, à son tour quitte le COMECON. Dans le conflit sino-indien de 1959 et 1962, à propos du Tibet, l'URSS prend position en faveur de l'Inde. La rupture est consommée en 1963. Cette rupture crée des difficultés pour la diplomatie soviétique qui est critiquée à la fois par l'Ouest et par la Chine qui énonce la thèse des "deux impérialismes" (l’américain et le russe). En réalité, on s'achemine vers un flirt Chine - Etats-Unis. 2. Du côté occidental, la rupture est moins nette. L'arrivée du général DE GAULLE au pouvoir change cependant la donne. La France est beaucoup moins alignée sur les E.U. que ne l'était la IV° République. En faisant exploser la première bombe atomique française en 1960 (Sahara) DE GAULLE montre sa volonté d'indépendance nationale. De même, en invitant Mr. K. en France, il témoigne de ses distances à l'égard de la politique des blocs. 2. Les limites au rapprochementLes visites de K. aux E.U. (1959) puis en France (1960) pourraient laisser penser qu'une détente s'amorce. Mr. "K" est un adepte de la politique léniniste de coexistence pacifique. Cette formule est d'ailleurs employée dans divers traités et actes diplomatiques : texte sino-soviétique en 1954, Bandung en 55, Belgrade 1961. En fait, la Guerre froide continue bel et bien. Il y a deux arguments : a) La course aux armements est un fait permanent.Après la Bombe-A américaine, les soviétiques font exploser la leur en 1949. Après la Bombe-H américaine, c'est la bombe-H soviétique en 1953. Les Américains forts de leur supériorité aérienne adoptent "la stratégie des représailles massives" fondée sur la menace d'utilisation des armes nucléaires -même en cas de guerre limitée- sur le "sanctuaire" de l'adversaire. Cela induit un nouvel effort de développement de la flotte aérienne nucléaire et la construction des premiers I.R.B.M. (1953) -missile à tête nucléaire de moyenne portée - puis les I.C.B.M. (1955), missiles intercontinentaux suivis des S.L.B.M. (missiles envoyés par les sous-marins lanceurs d’engins). De son côté, l'armement soviétique progresse : annoncée à la fin de 1955, la possession par Moscou de I.C.B.M. est attestée en octobre 1957. En octobre 1957, le lancement de SPOUTNIK I apporte la preuve que le territoire des E.-U. n'est plus invulnérable. Cela crée aux E.U. l'angoisse -injustifiée- du "missile gap" qui relance la course aux armements. En 1961, KENNEDY adopte la stratégie de la "riposte graduée" qui vise à proportionner la riposte à la menace et à l'enjeu. La supériorité des américains était pourtant incontestable :
L'installation de missiles soviétique à Cuba s'inscrit dans cette logique de course aux armements.
b) Les crises : Congo ; Berlin ; Cuba.1. Au Congo ex-belge La
crise congolaise est un exemple de conflit post-colonial qui prend une
dimension est-ouest. Au Congo devenu indépendant, Bruxelles veut
sauvegarder
les intérêts de l'Union minière du Haut-Katanga, société occidentale qui
exploite le cuivre. Le jeune pays est politiquement divisé en
centralisateurs
avec Lumumba et fédéralistes avec Tschombé, lequel est soutenu par
l'Union minière.
La guerre civile éclate. Tschombé proclame la sécession du Katanga aidé
directement par la Belgique. Lumumba se rapproche des Soviétiques et
l'ONU,
encore sous influence américaine, n'intervient pas en sa faveur. Lumumba
déclare au contraire : "l'ONU
colonise le Congo". Finalement, après son assassinat, un régime
pro-occidental est mis en place avec MOBUTU qui garantit l'intégrité du
"Zaïre". L'affaire du Congo est aggravée par la mort mystérieuse du secrétaire général de l'ONU, Dag Hammarskjöld, en septembre 1961, avant la fin de la crise.1961 : un aspect du drame du Congo "belge" : Qui a tué le secrétaire général de l’ONU ?"... 2. le problème allemand. En Allemagne, l'impasse subsiste sur la question de Berlin. Les négociations échouent devant le refus de la RFA, soutenue par les E.U., de se retirer de l'OTAN, de reconnaître la RDA. "K." propose soit l'annexion de Berlin-ouest par la R.D.A., soit son internationalisation sous l'égide de l'ONU. Cette proposition est renouvelée à Kennedy lors du premier sommet des "deux super-grands" à Vienne en 1961 = c'est un échec. C'est que les dirigeants de la RDA ne peuvent supporter l'hémorragie humaine qui a conduit, en 15 ans, trois millions d'Allemands à émigrer à l'Ouest en profitant du statut de Berlin : le passage est-ouest est, alors, parfaitement libre. Dans la nuit du 12 au 13 août 1961, est construit le mur qui circonscrit Berlin-Ouest. Le "mur" est pour l'image du socialisme d'un coût politique considérable : il symbolise durablement, à l'ouest, l'absence de liberté dans les pays soviétiques. Pour l'URSS, c'est le "mur de la paix". La question est gelée en l'état, en décembre 62, par la RDA qui déclare le caractère "non-prioritaire" du règlement berlinois. 3. à Cuba, la crise des fusées. La "crise des fusées" marque un seuil dans la compétition E.U.-URSS par son caractère d'affrontement direct et son enjeu nucléaire. En 1959, Cuba était dirigé par le dictateur BATISTA et son économie était une monoculture de la canne-à-sucre en même temps qu'un espace de loisirs pour les américains (tourisme sexuel). La révolution des "Barbudos" met un terme à cette situation : Fidel CASTRO prend le pouvoir. Au départ, il n'est pas communiste. Il déclare même, en avril 59, alors Premier ministre : "le capitalisme sacrifie l'homme ; l’État communiste par sa conception totalitaire sacrifie les droits de l'homme...". Mais aussitôt, il réalise une importante réforme agraire, nationalise les raffineries de sucre, ainsi que les propriétés d’ ESSO et de SHELL. C'est alors que les Américains, la CIA avec l'accord de Kennedy, tentent un débarquement d'opposants politiques cubains à la baie des Cochons, qui échoue (1961). Cuba se sent d'autant plus en danger que les Américains sont installés dans une base militaire sur l'île, à Guantánamo. F. CASTRO se rapproche de l'URSS avec laquelle il signe un traité d'amitié. K. obtient de pouvoir installer des rampes de lancement de missiles sur les E.-U. à partir du territoire cubain et des avions espions américains prennent des photographies de ces travaux (octobre 1962). Kennedy dénonce cette situation, affirme que les Américains ne peuvent accepter cela et décrète le blocus de l'île de Cuba et donne l'ordre à la marine américaine d'arraisonner tout navire qui se dirige vers Cuba. Ce blocus, contraire au principe de liberté des mers, est un casus belli[6]. Les E.U. saisissent le Conseil de sécurité de l’ONU qui demande la médiation du Secrétaire Général (27/28 octobre). L'URSS suspend la livraison des missiles, les E.U. lèvent le blocus. L'URSS s'engage à retirer ses rampes de lancement sous contrôle de l'ONU (29/10) et les E.U. promettent de respecter l'intégrité territoriale de Cuba. Vote unanime du Conseil. Cette action est positive pour l'ONU par utilisation des mécanismes de la Charte. Bilan : - l'impression générale d'alors est celle d'un succès de Kennedy et d'un cuisant échec pour Mr. K. dont la chute est inscrite dans cet échec. Les hommes de l'appareil du P.C.U.S. fomenteront un complot et BREJNEV prendra la place (octobre 64). - en fait, la crise introduit, par le biais de CUBA, un espace d'affrontement est-ouest au sein même de l'Amérique latine, jusqu'alors chasse-gardée des E.U.. Cuba devient « l’épingle dans le pied » des Etats-Unis, lesquels soumettent l’île à un blocus économique qui perdure aujourd’hui. Aucun navire étranger ne peut accoster dans un port états-unien s’il a fait escale auparavant dans un port cubain. - le dialogue E.U./ URSS se poursuit avec l'installation du "téléphone rouge" (télétype) le 20-6-63 et la signature du traité de Moscou sur l'interdiction des essais nucléaires dans l'atmosphère. Cela inaugure une période nouvelle : la "Détente".
[1] Alors que dans l’entourage de Roosevelt, il y avait des membres du PC des USA. Ce qui jeta la suspicion sur le parti Démocrate. [2] La Hongrie avait une frontière commune avec l’U.R.S.S., donc l’URSS veut la contrôler, d’autant plus que la Hongrie fut alliée d’Hitler. Noter qu’aujourd’hui, l’extrême-droite hongroise qui défraye la chronique n’est qu’une renaissance. [3] Ce qui provoquera la réaction religieuse que l’on sait. On notera le rôle criminel de la CIA qui prive l’Iran d’une expérience laïque et moderne. [4] En géographie économique et maritime, la crise a une conséquence très importante. Le canal de Suez apparaît peu sûr, en tout cas risqué. Pendant la crise, il fallut passer par le cap de Bonne-espérance, ce qui multiplia la longueur des voyages. Les Japonais prirent le créneau les premiers : ils construisirent des navires géants qui permirent une massification qui baissa le prix de la tonne transportée. C’est le gigantisme maritime. Révolution nautique du dernier quart du XX° siècle : Introduction : gigantisme maritime, conteneurisation... [5] A cette date, l’Irak, la Syrie, l’Égypte sont des pays musulmans modernistes, proches diplomatiquement de l’URSS. [6] Un cas de guerre (expression latine courante dans ce cas). |
d. LA STABILISATION : 1954/1955-1962
Le "bloc" soviétique 1945 - 1968
SOMMAIRE
I. UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE QUI TARDE A DEVENIR UN "BLOC"
A. LA DIVERSITE DES CONDITIONS AUX LENDEMAINS DE II° GUERRE MONDIALE. U.R.S.S., Yougoslavie, Pologne et Hongrie ne sont pas la Bulgarie ou la Roumanie, le cas Tchécoslovaque. Chine et Viet-Nam. B. LES ETAPES DE SA CREATION 1. En 1945/46 : la stratégie des "fronts nationaux" 2. Sa constitution est largement une conséquence de la Guerre froide.
II.
UNE VOLONTÉ UNIFICATRICE QUI ÉCHOUE
A. LA MISE EN OEUVRE DU MODÈLE STALINIEN 1. Le régime de parti dominant 2. Le "stalinisme économique" B. LES FRACTURES : Le refus de TITO, La crise à Berlin-Est, La crise de 1956, Le "schisme chinois ".
LE BLOC SOVIÉTIQUE 1945-1968
Les pays du bloc soviétique forment un ensemble hétérogène et ne constituent un "bloc" qu'à cause de la Guerre froide (1ère partie). Alors le modèle stalinien de "construction du socialisme" est imposé partout mais les spécificités nationales sont telles que les fissures apparaissent partout et le bloc finit par se fragmenter (2ème partie).
I. UN ENSEMBLE HÉTÉROGÈNE QUI TARDE A DEVENIR UN "BLOC"
A. LA DIVERSITÉ DES CONDITIONS AUX LENDEMAINS DE WWII 1. U.R.S.S.C'est le pays "phare", le vainqueur, le "grand frère". Ne faut-il pas imiter son modèle puisqu'il a triomphé de l'Allemagne hitlérienne ? Le socialisme semble alors incontesté dans l'Union. Son modèle, c'est le régime de parti unique et l'abolition de la propriété privée des moyens de production (à l'exception des lopins de terre individuels que chaque Kolkhozien peut cultiver à côté de son travail à la coopérative). La sécurité militaire et les intérêts nationaux de l’URSS priment tout. A sa décharge, il faut dire que l’URSS a subi des pertes humaines terrifiantes (20 millions de morts, nombreux massacres à caractère génocidaire, des centaines d’Oradour…) et des dégâts matériels incommensurables, les nazis s’en donnant à cœur joie durant leur "retraite élastique" pour démolir, détruire, saccager tout ce qui pouvait être considéré comme un capital économique. Soit le barrage hydroélectrique de Dniepropetrovsk : construit par les Soviétiques, détruit par eux lors de la retraite de 1941, reconstruit par les nazis, détruit par eux lors de leur retraite élastique, reconstruit à la libération en 1943. 2. YougoslavieElle a triomphé seule de l'occupant allemand. Tito est le leader incontesté : son "front national" a triomphé aux élections d'après-guerre mais c'est un pays très divers et Tito -qui est lui-même croate- sait que les Croates par exemple, catholiques qui ont collaboré avec l'occupant nazi (cf. les Oustachis), ne sont pas prêts pour un régime de type soviétique. La Yougoslavie n’a pas été libérée par l’Armée rouge et n’a pas de frontière commune avec l’URSS : à l’époque de Staline, c’est important. Je rappelle que Staline a lâché les Grecs, a laissé la Grèce à Churchill et qu’en échange le leader britannique lui laisse la Pologne et la Hongrie -voir le cours sur "les vainqueurs et la victoire ". 3. Pologne et Hongrie ne sont pas la Bulgarie ou la Roumanie,En 1944, l'Armée Rouge est accueillie par un gouvernement révolutionnaire avec participation communiste à Sofia (Bulgarie) et à Bucarest (Roumanie). En revanche, la Hongrie, alliée d'Hitler, rurale et catholique est très éloignée d'une volonté révolutionnaire quoiqu'elle eût un gouvernement révolutionnaire en 1919 (Bela Kun) mais à Budapest. Il en va de même en Pologne également très rurale, catholique traditionaliste avec un fort contingent de paysans propriétaires. Si "l’esprit rooseveltien de Yalta" avait été maintenu, au lieu de la Guerre froide imposée par les Américains de Truman, il est clair que ni la Pologne, ni la Hongrie n’auraient eu un régime de type soviétique. Mais elles possédaient un gros handicap : elles sont limitrophes, frontalières de l’URSS et Staline tient AVANT TOUT à un glacis protecteur devant ses frontières. La leçon de l’invasion de 1941 a été trop dure. 4. Le cas Tchécoslovaque.La Tchécoslovaquie est très proche des démocraties occidentales en 1939. Elle a une bourgeoisie importante mais aussi une classe ouvrière puissante et très organisée. En 1945, le P.C. est le parti le plus important - il approche les 40% aux élections de 1947 considérées comme parfaitement libres - mais l'opinion est attachée aux institutions démocratiques. 5. Chine et Viet-Nam.En Asie, le communisme a une forme originale : l'industrialisation est inexistante ou presque et le communisme est le fait de la paysannerie largement dominante et des patriotes : intellectuels et bourgeois parfois. La lutte contre les Japonais donne au communisme asiatique une coloration nationaliste (y compris en Corée). Le facteur national est autant à prendre en considération que le facteur social dans ces révolutions "communistes" asiatiques.
B. LES ÉTAPES DE SA CRÉATION 1. En 1945/46 : la stratégie des "fronts nationaux"Aux lendemains immédiats de la guerre, les communistes - y compris les dirigeants soviétiques - prennent en compte ces spécificités et le régime en place est celui des "démocraties populaires". C'est-à-dire que le multipartisme est accepté dans le cadre des "fronts nationaux" issus de la guerre et l'organisation économique n'est pas le socialisme, mais un "développement non-capitaliste", où la propriété privée garde une place importante. Les Fronts nationaux sont des gouvernements rassemblant les forces antifascistes, de la droite patriote aux communistes, constitués à la Libération dans la plupart des pays d'Europe de l'Est. NB. : Cette stratégie est également valable en France. Comprendre que cette distinction Est-Ouest ne s’impose progressivement qu’après 1947. Le discours de Churchill, en 1946, à Fulton, où il parle d’"un rideau de fer" qui serait tombé entre l’Ouest et l’Est est erroné, c’est un discours de propagande (il place Vienne et Belgrade derrière le rideau de fer !) mais, alors, Churchill n’est plus Premier ministre de sa majesté, il est libre de dire n’importe quoi et vole au secours de son compère Truman. 2. Sa constitution est largement une conséquence de la Guerre froide.Pour créer le "bloc soviétique", il faut éliminer les hommes politiques qui n'acceptent pas le leadership absolu de l'URSS. Staline ne veut pas entendre parler d’expériences nationales alors que la Guerre froide est déclenchée. Tous les dirigeants communistes qui ont connu l’Occident (guerre d’Espagne, refuge en France, etc…) et qui seraient tentés par une expérience pluraliste sont éliminés. (Article de Bernard Frederick à venir). Ce sont d'abord les non-communistes qui sont éliminés : nationalistes, libéraux. Puis, ce sont les socialistes enfin les communistes accusés de "titisme", c’est-à-dire de suivre la voie indépendante de Tito. Ainsi des personnalités communistes comme Gomulka en Pologne sont emprisonnées. Ces éliminations successives ont créé l’image bien connue du salami, sorte de saucisson que l’on découpe tranche par tranche. Je vous renvoie au cours sur les Blocs.
II. UNE VOLONTÉ UNIFICATRICE QUI ÉCHOUE
Une fois éliminés les opposants, le modèle stalinien peut être imposé partout (3/213 : souveraineté limitée, H), ce qui provoque fatalement des résistances voire des conflits.
A. LA MISE EN ŒUVRE DU MODÈLE STALINIEN Elle se fait au plan politique mais aussi au plan économique. 1. Le régime du parti dominantEn URSS et dans les pays communistes d'Asie, le régime est officiellement celui du parti unique (Cf. ci-contre les revendications de Sakharov qui montrent en creux le fonctionnement du régime. Texte écrit après la chute de "K"). Dans les démocraties populaires d'Europe, on garde officiellement le multipartisme mais ce n'est qu'une façade puisque les partis tolérés doivent accepter le rôle dirigeant du P.C. et même de l'idéologie du marxisme-léninisme. Les atteintes aux libertés y sont aussi graves. Le culte de la personnalité des dirigeants est le même qu'en URSS à l'égard de Staline. Les libertés religieuses ne sont pas toujours respectées dans les pays à population catholique. L'art est contrôlé et censuré (163 H). La peur est répandue (5/169). Le stalinisme est analysé par les communistes soviétiques eux-mêmes - ainsi par Khrouchtchev, SG du PCUS au XX° congrès de ce parti (1956) - (1/168) ce qui le distingue radicalement du nazisme. Mais après le "dégel" viendra une "réaction", un retour en arrière avec l'ère Brejnev. 2. Le "stalinisme économique"1. les principes de base sont posés dès l'entre-deux-guerres. La propriété est pour l'essentiel une propriété d’État et la vie économique est rythmée par le plan quinquennal. C'est la gestion dite administrative ou encore "ministérielle" : l'U.R.S.S. n'est qu'une seule entreprise avec des milliers d'établissements. Le Plan est très efficace car il permet de concentrer les ressources du pays sur les besoins vitaux, les besoins prioritaires, de la nation et cela d'autant plus qu'il ne peut y avoir de contestation. Dans le cadre d'une politique systématique de plein-emploi, l'industrie bénéficie d'une priorité absolue. Les prix sont fixés administrativement, les prix de marché sont limités au marché kolkhozien. 2. Dans le domaine économique, le stalinisme économique s'éloigne également de la pensée de Marx. En effet, la clé du marxisme est l'aliénation des travailleurs dont la force de travail est accaparée par le patronat. Un artisan indépendant n'aliène personne. Pourtant les staliniens suppriment toute forme de propriété privée, ce qui supprime à la fois la motivation et l'efficacité économique. 3. Le mode de planification hyper-centralisée est une entrave à la modernisation et la recherche de la qualité. La participation des travailleurs est faible (manque d'initiatives), les syndicats ne jouant pas leur rôle. La gestion ministérielle freine la prise de responsabilité à la base, néglige les possibilités régionales, provoque des pertes et du gaspillage, des pénuries ce qui génère un marché noir et une mafia. La planification avait pour objet de supprimer les crises capitalistes en ajustant l'offre à la demande mais elle aboutit à l'effet contraire (Cf. ce texte de 1978 : notez que ces critiques sont publiques. Le régime est mort de son incapacité à résoudre ses/ces problèmes). 4. Avec M. "K", on discute alors d'un problème fondamental : la réforme de l'entreprise avec l'économiste Libermann. Cet économiste propose d'introduire la notion de rentabilité sans laquelle il y a gaspillage et de tenir compte des coûts réels de production dans la fixation des prix. Cela induirait des profits qui seraient utilisés par l'entreprise laquelle bénéficierait d'une plus grande autonomie. Pour lutter contre la gestion ministérielle, les
entreprises sont placées sous le contrôle de conseils régionaux : les
sovnarkhozes (amorce d'une régionalisation, d'une politique "horizontale" qui lutterait contre la "verticalité" du centralisme). La lutte contre la bureaucratie
est engagée avec la rotation des cadres du Parti et la limitation de la durée
des mandats. Ci-contre un extrait du rapport de Khrouchtchev au XX° congrès du parti communiste soviétique.
Mais ces réformes ne peuvent aboutir : en 1964, "K" tombe, victime d'un complot. Son échec s'explique d'abord par le rejet de sa politique par l'appareil du Parti et de l'administration (la "Nomenklatura") qu'il avait déstabilisé. Ensuite, elle s'explique par un appel très insuffisant à l'initiative de la population (courrier des lecteurs, par ex.). L'échec agricole (appel aux importations) est vivement ressenti. L'opération "Terres vierges" reste d'inspiration extensive. L'échec de Cuba lui aliène les militaires. Il est remplacé par une troïka avec L. Brejnev à la tête du Parti. Brejnev, c’est la réaction et le conservatisme sur toute la ligne. B. LES FRACTURES : Un trait commun est l’application partout du dogme stalinien de l’indépendance économique et chaque pays doit construire sa propre industrie lourde - sidérurgie principalement - quelles que soient les conditions objectives de la géographie du pays (présence ou non de charbon, de fer etc.. ;). De plus, à la différence des pays de l’Ouest, les pays du bloc soviétique ne bénéficient d’aucun plan Marshall : l’argent manque. L’effort d’industrialisation - car tous ces pays, à l’exception de la Tchécoslovaquie et de l’Allemagne de l’Est, sont très en retard : c’est un héritage des régimes cléricaux-monarchistes antérieurs, sympathisants du nazisme - l’effort d’industrialisation donc est financé par les habitants au détriment de la consommation. 1. Le refus de TITOTito refuse l'alignement sur l'URSS et la doctrine Jdanov. Il est insulté et le titisme devient un crime dans les autres pays. Malgré une réconciliation en 1955, la Yougoslavie reste extérieure au "bloc" soviétique, tente une expérience autogestionnaire et devient un des leaders du mouvement des non-alignés. Voir les cours sur le Tiers Monde. Le schisme de Tito introduit ce que Staline redoutait le plus : la diversité, le choix et donc l’esprit de doute. Quel est la meilleure voie pour "construire le socialisme" ? Il n’y a guère que l’ostracisme, lé désespécification (concept du philosophe Losurdo) c'est-à-dire affirmer que Tito et les titistes ne font plus partie de "l’espèce" communiste pour juguler ce problème. Etre accusé de titisme, c’est comme être accusé d’hérétique sous la Sainte Inquisition catholique. 2. La crise à Berlin-EstElle fait suite à la mort de Staline (1953). Elle est réprimée par les chars soviétiques. Une des causes est l’énorme effort d’investissement qui se fait au détriment de la consommation, si bien que les travailleurs ne voient pas le résultat de leurs efforts pourtant permanents. On retrouve cet aspect en Hongrie. 3. La crise de 1956Elle résulte de la tentative de la Hongrie de sortir du pacte de Varsovie. En Pologne, des manifestations de solidarité aux Hongrois se transforment en manifestations pour l’amélioration du régime. Gomulka est sorti de prison, revient à la direction du pays et les coopératives sont dissoutes au profit du retour aux petites exploitations privées. En Hongrie, après la révolte de 1956, Kadar réoriente l'économie avec une opération "vérité des prix" et l'introduction de l'initiative privée. Paradoxe : c'est dans ces pays que les nostalgiques de l'ancien régime soviétique sont aujourd'hui (avant l'an 2000) les plus nombreux. 4. Le "schisme chinois"Au début, Mao suit le modèle soviétique basé sur l’industrialisation. Puis, il abandonne, ce modèle trop lourd pour un pays si peuplé et si rural. C’est alors l’aventure du Grand bond en avant. 1959-1962, La Chine : l’illusion du « Grand bond en avant »… En 1960, à la conférence des partis communistes du monde entier, qui se tient à Moscou, le représentant chinois prend ses distances avec la doctrine Jdanov. C’est le début de la rupture. 5. Le "printemps de Prague".Moment le plus dramatique de cette période. En mars 1968, le parti communiste tchécoslovaque décide la libéralisation du régime, libéralisation politique et libéralisation économique, non pas par un retour au capitalisme mais par la responsabilisation des entreprises socialistes qui devront être profitables. C’est le "printemps de Prague". Malheureusement, Brejnev et sa clique veulent
conserver sans faille la chape de plomb qu’ils maintiennent sur les pays du bloc
européen. Brejnev fait intervenir l’armée des pays du Pacte de Varsovie [1]. L’armée tchécoslovaque ne riposte pas, ce qui évite le
bain de sang. Mais la comparaison avec les méthodes fascistes peut se justifier
ici. Notez pourtant que cela n'empêcha point les Occidentaux de négocier avec l'URSS et de régler le problème allemand en 1971 ; les deux États allemands sont admis à l'ONU. C'est qu'à cette époque, les Occidentaux ont besoin du marché soviétique et des autres pays du Bloc. En 1979, la guerre soviétique contre les Talibans afghans est prise pour prétexte et permet de relancer la guerre froide et la course aux armements, moyen de relancer l'économie américaine (année du second choc pétrolier). Avec le dollar-papier accepté aussi bien que l'or-métal (résultat de la conférence de la Jamaïque de 1976), Reagan peut laisser filer les déficits et financer sa guerre des étoiles et l'URSS ne peut plus suivre... [1] A l’exception de la Roumanie qui refuse, ce qui lui vaudra toutes les attentions des pays occidentaux. Le président Carter allant jusqu’à qualifier Ceausescu de "grand défenseur des droits de l’homme" (sic, repas officiel lors de la réception du chef roumain à Washington). |