L’élection présidentielle autrichienne vient d’avoir lieu (dimanche 24 avril 2016). Les résultats sont catastrophiques. Le parti d’extrême droite qui s’intitule avec provocation parti de la Liberté –FPÖ- est en tête partout sauf dans le land de Vienne. Les résultats sont les
suivants :
Source : Wikipédia Pendant longtemps, comme un peu partout en Europe, le second tour opposait le candidat du mouvement – qu’il s’appelât socialiste, ou social-démocrate ou travailliste – et le candidat de la résistance –qu’il fût chrétien-démocrate, populiste, catholique, conservateur, paysan ou national. Ce fut le cas, en Autriche, en 1986, 1992, 2004… En 1998, le candidat schwartz ("noir" – couleur traditionnelle de la droite comme le rouge est celle de la social-démocratie -) avait été élu dès le premier tour. En 2010, la progression du FPÖ était déjà considérable et, sans doute pour isoler ce parti fascisant et le président sortant bénéficiant d’un large consensus, le parti noir ÖVP ne présenta pas de candidat et le candidat Fischer fut réélu triomphalement avec 79,33% des voix contre 15,2% à la candidate FPÖ. Quel contraste, aujourd’hui, où ce parti brun (sa couleur officielle est le bleu) obtient plus de 35% des voix exprimées dès le premier tour ! On ne sait pas quel est le trait dominant de cette élection : le triomphe du parti FPÖ ou l’effondrement des noirs et rouges. Ces derniers n’obtiennent que 11% chacun : ils dirigeaient, eux deux, le pays depuis 1945. Illustration de la décadence de ces partis gestionnaires du court et moyen termes, incapables de trouver une issue aux conséquences d’une mondialisation ultra-libérale. On ne les regrettera pas. Le parti néo-fascisant
est en tête dans tous les Länder à l’exception de celui de Vienne. La carte
électorale est donc d’une grande simplicité (extraite du Vorarlberger Nachrichten). (le noir indique les communes qui ont voté ÖVP ; le rouge : SPÖ ; le vert : écologistes. Le land de Vienne figure sur le carton en haut à gauche. J'en reparlerai. Le
document suivant montre les flux d’électeurs d’un parti à l’autre de 2013 à
2016. Sur la gauche, les résultats des partis lors des élections législatives générales de
2013, à droite, le score des candidats à la présidentielle de 2016. Entre les
deux les flux ou transferts d’électeurs. On voit bien "l'explosion" des deux grands anciens partis dont les électeurs sont partis dans toutes les directions. . Heureusement, le candidat écologiste - Van der Bellen - avait les qualités d'un rassembleur. Le parti socialiste SPÖ obtint 26,7% en 2013. Les électeurs l’ont quitté pour Griss (centre-droit ?), plus encore pour Hofer (FPÖ) ; flux important également vers l’écologiste Van der Bellen et beaucoup se sont abstenus. Débâcle. Le parti populiste ÖVP qui avait obtenu 24% en 2013 connaît la même dispersion. Une petite partie a voté pour le Vert Van der Bellen ; les flux en faveur de Griss et de Hofer sont plus importants. Beaucoup d’électeurs conservateurs ont alimenté l’abstention (nichtwähler). Le candidat Khol ne conserve que 11% du capital de 2013. Déroute. Un
autre grand vainqueur, pour parler comme les journalistes, est l’abstention. Elle
passe de 25,6% des inscrits en 2013 à 32% en 2016. La baisse régulière de la
participation électorale est un des meilleurs signes prouvant la crise
politique autrichienne (qui n’est pas le seul pays dans ce cas). Les années 80' , début de la dérégulation mondiale et du désordre économique marquent une inflexion et la baisse de la participation (Wahlbeteiligung ci-contre) - indice du désarroi des électeurs devant des politiques qui changent pour que rien ne change - ne cesse pas pour tomber à 68% (le chiffre de la présidentielle 2010 s’explique par l'absence du candidat "noir" et la certitude que le président sortant allait être réélu). Les
neos ont annoncé qu’ils voteront pour le candidat Vert lors du second tour 2016.
L’élection
a tourné autour d’un problème central : l’immigration. "L'Autriche a accueilli, proportionnellement, plus
de réfugiés que presque tous les autres pays d'Europe" (Holz, p.35a).
A quoi s'ajoutent l'immigration clandestine, et les travailleurs turcs, ces
derniers représentant 60% des 750.000 étrangers. Dans ce pays profondément catholique,
alors que l’on insiste lourdement sur « les racines chrétiennes de l’Europe »,
les étrangers ne sont pas les bienvenus. Cela n’empêche pas le patronat
autrichien d’avoir recours, autant que faire se peut, à "la liberté d’accès au marché international
du travail". Le problème plus conjoncturel des réfugiés du
Proche-Orient est venu s’ajouter à celui des migrants des anciens pays du bloc soviétique
à la recherche du veau d’or capitaliste. C’est pourquoi je publie la carte ci-dessus (extraite du quotidien national KURIER) qui montre que les Länder ont une sensibilité différente. Ainsi le Burgenland, frontalier de la Hongrie, a voté FPÖ à hauteur de 42,8%... Dépassent aussi les 40%, les länder qui jouxtaient l’ancienne Yougoslavie (Styrie et Carinthie). C’est le Vorarlberg, tourné vers la Suisse et le Rhin allemand qui est le plus tolérant (11,5% de voix d'extrême-droite en moins que le Burgenland) avec le land de Vienne, ancienne capitale d'un empire multinational, à la tradition d’accueil bien établie. pour les résultats (1er & second tours) à Vienne : Vienne (Autriche) : urbanisme et comportement électoralsur les racines du fascisme en Autriche : lire mon article Autriche-Hongrie avant 1914 : aux sources du fascisme... pour le second tour dans toute l'Autriche : 2ème tour de la présidentielle autrichienne... le vent du boulet |