Pour lire le tableau ci-dessous du ministère de l’intérieur autrichien, il faut faire preuve d'un peu de jugeote (j'écris pour les non-germanistes). Ce sont les résultats nationaux avec comparaison d'un tour à l'autre. Au 1er tour, 68,5% des inscrits se sont déplacés et 72,7% au second soit une augmentation de 271.329 votants. Mais, à cause de l'augmentation du nombre de bulletins nuls (de 2,1 à 3,6%) l'augmentation du nombre de suffrages exprimés n'est que de +72.557 v.. La participation monte à 72,7% ce qui exprime une mobilisation par rapport au 1er tour, mais on reste loin des participations de la période des Trente Glorieuses (cf. les chiffres donnés dans le 1ère partie). Contrairement à ce que des naïfs comme moi ont pu penser, Hofer (FPÖ) n'avait pas "fait le plein" de ses voix au premier tour. Au contraire, il passe de 23,5% des INSCRITS au 1er tour à 34,8% au second, soit une progression de +11,3% des INSCRITS entre les deux tours. Bien entendu, pour l'avoir emporté, le candidat Alexander Van der Bellen a fait mieux. Il gagne 21% des INSCRITS entre les deux tours, avec un gain supérieur à 1,3 millions de suffrages (29% des suffrages exprimés). Résultat d'autant plus remarquable que ce "front républicain" fut spontané, comprendre construit par les électeurs eux-mêmes sans mot d'ordre national : le PS autrichien n'ayant même pas appelé à voter pour Van der Bellen... La social-démocratie a perdu la tête.
Il faut donc analyser aussi les résultats par commune. A cet égard, l'Autriche montre une opposition ville-campagne qui est frappante mais non originale. En vérité, la mondialisation - qui, en Europe est menée par le Conseil européen et sa technocratie - joue à fond la carte des métropoles et délaisse les zones rurales. La carte des districts, échelon inférieur à celui des länder-fédérés, permet une analyse plus fine que la carte précédente. les districts du Vorarlberg ont tous voté pour le candidat démocrate ainsi que le land-district de Vienne à l'exception du XI° arrondissement de la capitale. Vienne (Autriche) : urbanisme et comportement électoral . le Tyrol occidental est largement favorable au candidat démocrate et pas seulement dans sa capitale - Innsbrück lui donne plus de 63% des voix - mais aussi dans les montagnes environnantes. En revanche le Tyrol oriental est nettement sous la coupe du traditionalisme. L'effet archipel - quelques iles et ilots dans la mer néo-fasciste - est visible dans les länder de Styrie et de Carinthie. Seule la capitale du land est verte, tout le reste est d'un bleu unanime... Ci-contre le cas de la Styrie. Tous les districts ont massivement voté Hofer parfois avec des scores stupéfiants comme dans les districts frontaliers qui approchent les 70%. La capital du land, Graz, deuxième métropole autrichienne après Vienne, a voté pour Van der Bellen à 73,3% et son district à 62%. La Styrie a néanmoins voté FPÖ à hauteur de 56,4%. (source ministère de l'Intérieur autrichien). Mais les sondages "sortis des urnes" ont montré que les électeurs de Van der Bellen sont jeunes, étudiants, surtout féminins, haut niveau d'études, etc... alors que Hofer a obtenu les voix de 75% des ouvriers (sic), et des populations les moins diplômées, c'est-à-dire des populations les plus soumises à ce que le patronat du monde entier appelle "le libre accès au marché international du travail". Fameuse liberté qui nous conduit à la catastrophe. En réalité, il n'y a pas que la "liberté" du travail. Lors de l'entrée de l'Autriche dans "l'Europe" (1995), les observateurs ont fait le point sur les avantages et inconvénients de l'entrée en UE pour l’Autriche. Outre les aspects diplomatiques en rapport avec la neutralité du pays, les difficultés tournaient autour de la protection de la propriété du patrimoine et d'autre part de la protection de l'agriculture de montagne. Concernant la propriété, les Autrichiens exprimèrent des craintes quant à l'achat par les étrangers (et, ici, il s'agit des Allemands...) de terrains et résidences secondaires dans les régions touristiques des montagnes et des lacs. Quant à l'agriculture de moyenne montagne, elle était très protégée en Autriche, pour des raisons évidentes et la Commission de Bruxelles a une volonté uniformisatrice qui ne se dément pas. La libre concurrence fait fi des intérêts nationaux. La vive réaction des "montagnes" marchant dans le pas du FPÖ montre que ces problèmes n'ont pas été réglés. Le tableau ci-contre du vote des capitales (hauptstädten) des Länder montre que toutes les villes-métropoles ont voté pour le démocrate. Eisenstadt fut la plus réticente mais c'est la capitale du land de Burgenland, frontalier, où l'on parle allemand aussi bien que le hongrois ou le croate. Hofer obtint presque 43% dès le 1er tour dans ce land et presque 62 au second. Klagenfurt est dans le même cas de figure. |