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Un Front de Gauche d’ampleur nationale

publié le 29 mai 2012, 10:51 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 8 avr. 2015, 13:39 ]


    Les résultats du Front de Gauche (FdG) à la présidentielle diffère beaucoup de la carte habituelle que donnaient les résultats du PCF et de l’extrême-gauche NPA(LCR)-LO. Je rappelle que le Front de Gauche est constitué de trois forces rassemblées : le PCF, la Gauche unitaire -créée à partir des adhérents du NPA qui ont suivi le dirigeant national Ch. Piquet qui quitta son parti pour faire l’union, et le PG -parti de Gauche- constitué, lui, par les adhérents du PS-Solferino qui suivirent J.-L. Mélenchon qui fit scission avec son parti d’origine après la campagne pour le « non » au TCE (traité constitutionnel européen). Ce sont donc trois formations de "la gauche de la gauche", de la gauche révolutionnaire, de la gauche radicale. Ces trois partis fondateurs ont été rejoints par quatre autres organisations dont une issue du courant chevènementiste, deux autres du NPA et last but not least la FASE (alternative, socialisme, écologie). On ne peut pas dire que ce soit "l’extrême-gauche" dans la mesure où le FdG envisage parfaitement la possibilité de gouverner en cas de victoire électorale. Selon nous, le vocable "extrême-gauche" doit être réservé à ce qu’il reste du NPA et à Lutte ouvrière (LO).

    Le FdG est donc le successeur électoral du PCF et d’une partie du NPA qui obtint derrière son leader médiatique Besancenot des scores non négligeables -explicables le plus souvent par le vote d’électeurs communistes déçus par l’attitude de la direction de leur parti trop liée selon eux au PS-Solférino-. Le journal Le Monde publia cette carte, le 24 avril 2007, qui montre bien, selon moi, les zones de force de ce qu’il appelle négativement "la gauche hors PS".


 




  Cette carte est fort semblable à celle des résultats PCF de 1978, année où il obtient pour la dernière fois, le score supérieur à 20% des suffrages exprimés (élections législatives).


 










1. Les bastions

    Fussent-ils détériorés par les désastres électoraux successifs du PCF, les départements-bastions demeuraient les suivants :

Le Nord lato sensu : région Nord-Pas de Calais bordée au sud par la Somme, l’Aisne et les Ardennes plus la Seine-Maritime à l’ouest ;

Les Côtes d’Armor et la Sarthe dans l’ouest

La Meurthe&Moselle pour le Grand Est

Le croissant nord-ouest qui enveloppe le Massif central de la Nièvre à la Dordogne.

Dans les Pyrénées : l’Ariège et le département des Hautes-Pyrénées.

    Enfin tous les départements du littoral méditerranéen, y compris le Var et les Alpes-Maritimes en 1978, mais sans ces deux départements en 2007. Les Alpes de haute-Provence et le Vaucluse ont été des bastions du PCF, ce n’est plus le cas du Vaucluse en 2007.

 

2. Les zones de faiblesses

    Les lecteurs les plus assidus ont remarqué comment la carte du chanoine Boulard s’insérait presque parfaitement dans celle du PCF 1978. lien. CHANOINE BOULARD : LA RELIGION, VARIABLE POLITIQUE MAJEURE.(atlas) La Haute-Savoie donnait au PCF un score inférieur à sa moyenne nationale. Seule les Alpes-Maritimes avaient un comportement différent de celui que l’on pouvait attendre.

Autrement, sans surprise, on trouve comme départements peu favorables au PCF :

L’ouest armoricain et sa bordure orientale élargie aux Deux-Sèvres, à l’Orne et au Calvados

L’est alsacien, lorrain et franc-comtois.

La Côte d’or

Les quatre compères catholiques du cœur du Massif-central : Cantal, Haute-Loire, Aveyron et Lozère.

Les Pyrénées-Atlantiques, la Corse, les deux départements savoyards.

    De cette inégalité d’influence ressort un écart très fort entre les départements les plus "rouges" et ceux qui le sont le moins. En 1978, de nombreux départements donnaient entre 30 et 35% de leurs voix au PCF (38% en Seine-St-Denis) alors que ce parti dépassait timidement les 6% dans d’autres départements, soit une distorsion de 1 à 6 à peu près. Même en 2007, où quelques lignes ont bougé, on peut parler d’une régionalisation, et pourquoi pas d’une "régionalité" de l’influence de la gauche révolutionnaire. L’historien Martelli a écrit un livre qu’il a intitulé "l’archipel communiste" voulant signifier par là que la carte électorale du PCF ressemble aujourd’hui à un semis d’îles et îlots au milieu d’un océan déserté par les révolutionnaires.

 

3. La carte électorale du Front de Gauche

    Je publie ici la carte des résultats du Front de gauche en avril 2012.


Vous avez pris connaissance de son analyse détaillée par Jérôme Fourquet LIEN "Le vote Front de gauche à la loupe" par Jérôme Fourquet (IFOP). Évidemment, l’élaboration de la carte vise à amplifier les écarts afin de lui donner une lisibilité plus grande. De plus, la cellule de base choisie est le canton et non pas le département, ce qui donne des résultats plus fins et aiguise les amplitudes : ainsi un canton a donné un score de 2,11% à J.-L. Mélenchon et un autre 31,74%. Je vais en rester au niveau du département. 

    Le fait marquant est celui-ci : aucun département ne donne un score -en suffrages exprimés- inférieur à 7,22% (cas du Bas-Rhin). Et le département le plus "mélenchoniste" est la Seine-St-Denis avec presque 17%. Autrement dit, la fourchette des résultats oscille de 1 à 2,5 environ. Il y a comme une homogénéisation nationale de l’influence du FdG. Il est certain que le damné "vote utile" a écrêté les résultats dans les départements les plus ancrés à gauche. En revanche, dans nombre de départements réfractaires au PCF de naguère, les scores sont -relativement- très élevés.

  






 Le Front de Gauche a élaboré un tableau des résultats lisible par le lien suivant :

http://issuu.com/placeaupeuple_2012/docs/evolution_des_scores_du_front_de_gauche_par_d_part

    Parfois, les résultats sont meilleurs que ceux obtenus par le PCF en 1978 lorsqu’il obtenait plus de 20% au plan national, alors que le FdG de 2012 dépasse à peine les 11%. C’est le cas de la Manche, de la Mayenne et des deux départements alsaciens (liste non exhaustive).

 

 

% exprimés

Indice national

 

Départmt.

FdG

PC/78

2012

1978

NDA

France

11,1

20,6

100

100

1,8

Manche

9,9

8,3

89,2

40,3

2,3

Mayenne

8,3

6,1

74,8

29,6

2,1

Maine&Loir

9,4

10,2

84,7

49,5

2,2

Vendée

8,5

9,5

76,6

46,1

2,3

Bas-Rhin

7,2

6,6

64,9

32,0

1,7

Haut-Rhin

7,4

6,7

66,7

32,5

2,1

 NB. : NDA = votes exprimés en faveur de Nicolas Dupont-Aignan.

    Il est intéressant de relever que ces départements rétifs à la gauche révolutionnaire en 1978 se rapprochent de la moyenne nationale en 2012. Grosso modo, ces départements n’atteignaient guère que le tiers ou la moitié de l’influence nationale du PCF en 1978. Aujourd’hui, en progressant en voix et en pourcentage, ils se situent entre les 66% et 90% du score national FdG. D’où le choix du mot homogénéisation pour qualifier le développement de l’influence du FdG en France.

    De cela il résulte que l’influence du FdG ne saurait être réduite à celle d’un PCF ragaillardi. J.-L. Mélenchon a obtenu des voix qui ne se seraient pas portées sur un candidat affichant la seule étiquette PCF. Les départements où l’apport personnel -via son parti néophyte- de J.-L. Mélenchon est le plus évident sont, à mon avis, les départements "droitiers" : ceux du tableau ci-dessus plus le Morbihan, l’Ille-et-Vilaine et l’Orne ainsi que les départements "socialistes" c’est-à-dire où le PS -y compris la SFIO autrefois- est puissant avec un PC relativement faible : Aude, Nièvre, Gers, Haute-Garonne…

    Il n’est pas interdit également -litote- de voir dans les bons résultats du FdG dans certains départements, un retour au bercail de l’électorat communiste qui avait suivi un temps l’étoile du berger socialiste (après 1983 notamment)[1].

    Il est difficile, au jour d’aujourd’hui, de donner une explication à ces bons résultats dans les départements "droitiers". Il m’est apparu que ces départements ont également donné un bon résultat -tout est relatif- à Nicolas Dupont-Aignan. Ses résultats figurent dans une des colonnes du tableau[2]. Dupont-Aignan représente la droite dite souverainiste, il est le dernier représentant de la tendance gaulliste. Est-ce que les électeurs de ces départements ont été sensibles au discours patriotique de Jean-Luc Mélenchon ? C’est une hypothèse.

 

    Je termine provisoirement en disant que la géographie électorale change profondément. La France électorale d’aujourd’hui n’est plus celle de 1978. Ce sera l’objet d’un prochain article : FRANCE 2012, géographie électorale : ça bouge ! (atlas)

 


[1] En réalité, ce transfert a eu lieu dès 1981 où, grosso modo, 5% de l’électorat est passé du PCF (Marchais) au PS (Mitterrand).

[2] Le cas du Bas-Rhin s’explique par le vote de l’agglomération de Strasbourg où le vote NDA n’a pas convaincu.        

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