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1917, l'art et la Révolution. El Lissitzky (1890-1941).

publié le 1 août 2013, 08:14 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 24 janv. 2017, 13:01 ]


   

    Voici un célébrissime tableau de Lazar Lissitzky (1890-1941), créé en 1919, en plein cœur de la révolution bolchevique pour laquelle l’artiste avait pris résolument parti. Expression du suprématisme russe, abstraction absolue, l’artiste a cependant à cœur d’expliciter au prolétariat, nouveau messie, ce que peut bien vouloir dire une telle création.

    Ci-dessous des extraits du texte de Jean-Luc Daval qui parle de l’artiste. Les références figurent en fin d’article. Malheureusement, ce texte n’évoque en rien l’engagement révolutionnaire de Lazar  Lissitzky.  

    « Né en 1890, dans la province de Smolensk, Lazar El Lissitzky va jouer un rôle important dans l’art révolutionnaire et surtout agir comme une intermédiaire privilégié entre les recherches de l’avant-garde de l’Est et celle de l’Ouest. Pendant ses études d’architecture à Darmstadt avant la guerre, il avait parcouru la France et l'Italie ; au moment de la Révolution russe, il est à Moscou puis à Vitebsk où il travaille avec Chagall et Malevitch entre 1920 et 1921, il est très étroitement mêlé aux recherches de l'Inkhouk [1] de Moscou. Il travaille la peinture, l'architecture mais aussi la photographie et renouvelle aussi l'esprit et les formes de l'édition. En 1922-23, il organise une mémorable exposition d'art russe à Berlin (puis à Amsterdam, JPR), à la présentation de laquelle il met en œuvre les principes du constructivisme. En Allemagne en 1921, il avait pris contact avec les animateurs du Bauhaus. Il se lie à Schwitters. Il rédige en 1925 avec Arp Les Ismes de l'art où, sous le vocable constructivisme, on lit : «Ces artistes ne voient le monde que sous le prisme de la technique. Ils ne veulent donner aucune illusion avec de la couleur sur de la toile, mais travaillent directement sur fer, bois, verre, etc. Les myopes n'y voient que la machine. Le constructivisme prouve qu'entre la mathématique et l'art, entre un objet d'art et une invention technique, les limites ne sont pas déterminables.».

    (…)

    Mais toutes ces créations qui s'appuient sur une nouvelle compréhension de l'espace et du temps ne sont pas uniquement utilitaires, elles ont aussi cette fonction éducative qui devrait permettre de transformer l'esprit aussi bien des ouvriers que des utilisateurs, en exaltant le sens du travail par la reconnaissance des matériaux.

    (…)

    La première exposition d'art russe depuis la révolution, organisée à Berlin par El Lissitzky à la Galerie Van Diemen réunit six cents œuvres. C’est un événement ; Gabo raconte que Moholy-Nagy aurait dit : « Regardez, ils ont déjà tout fait !» Cette exposition qui résume l’histoire de l’art russe depuis le début du siècle sera ensuite présentée à Amsterdam et l’Europe prend ainsi conscience de l'importance artistique de la révolution. L'exposition est d'autant plus percutante que El Lissitzky l’a installée d’une manière révolutionnaire, les œuvres quittant leur propre cadre pour créer un véritable environnement dans leurs relations et leurs écarts. L’espace devient une entité. El Lissitzky va jouer un rôle important en Allemagne et son action va beaucoup servir les premiers émigrés dont Gabo puis Pevsner. C'est à Berlin qu'il publie L'histoire de deux carrés, livre qui fera date. C'est la transformation métaphorique de sa conception idéaliste de la révolution: le carré rouge triomphe du chaos placé sous le signe du carré noir par un «crash» brutal qui prélude a l'édification du monde nouveau

El Lissitzky a été profondément influencé par le suprématisme de Malevitch auquel il emprunte la formulation abstraite et géométrique, mais il cherche maintenant à les intégrer dans un espace qui doit triompher de la surface du tableau c'est le Proun - nom utilisant les trois initiales des mots russes signifiant «Projet pour affirmer le neuf». Avec Moholy-Nagy, son ami, il est un esprit optimiste, il fait confiance à l'avenir et à la science, et utilise autrement l'art et l'espace ; c'est ce qu'il traduit en évoquant les Proun : «Celui qui construit des tableaux Proun concentre en lui tous les éléments de la connaissance moderne, tous les systèmes et méthodes de ce temps et compose avec cela des organismes plastiques qui peuvent se comparer a des éléments simples de la nature, comme par exemple, H (hydrogène) O (oxygène), S (soufre). Il combine ces éléments et obtient un acide qui ronge tout ce qu'il touche, c'est-à-dire qui agit sur tous les niveaux de la vie » (in M. Seuphor, L'art abstrait, 1972). Dans leurs recherches, Moholy-Nagy et El Lissitzky donnent une nouvelle dimension à l'espace, celui de la peinture qui n'est plus une surface plane mais qui s'étend vers l'infini par la tension des formes, la transparence des couleurs, le dynamisme et la perspective de la construction. » Fin de citation.

ci-dessous, le projet de Nicolaï KOLLI dont El Lissitsky s'est inspiré :

   
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    Il s'agissait de célébrer la victoire de l'armée bolchevique sur les troupes blanches du général Krasnov (1920).
De nombreuses reproductions d’œuvres de EL Lessitsky se trouvent dans le pdf "autobiographies" cité en référence.

voir aussi : L'art et la Révolution (II) El Lissitsky et Kabakov. (supprimé à cause du manque de place)

et surtout : 1915 : l'art et la révolution, l'exposition 0.10

pour les spécialistes (mais pas seulement) : L'art et la Révolution. "LISSITSKY, L'aiguilleur de la nouveauté" par R.-J. MOULIN

Bibliographie :

 catalogue de l’exposition de 1992 tenue à Amsterdam : De grote utopie. Russische avant-garde 1915-1932 / The great utopia. Russian avant-garde 1915-1932 / Die große Utopie. Russische Avant-garde 1915-1932‎ , Stedelijk museum, Amsterdam 1992‎, ‎ISBN : 9050060749.

 -autobiographie :EL LISSITZKY AUTOBIOGRAPHIES ; http://www.incorm.eu/Biogs/El%20Liss%20Auto.pdf

 -« Journal des Avant-gardes, les années vingt, les années trente », texte de Jean-Luc DAVAL, éditions SKIRA, Genève1980.

 

 


[1] Institut de culture artistique.

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