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L'EMPIRE NEERLANDAIS, 2ème partie : en Afrique du sud.

publié le 5 juil. 2013, 14:18 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 20 juil. 2015, 01:47 ]

   
    Ce travail gagne beaucoup après la lecture d'articles préparatoires : Calvinisme aux Provinces-Unies et aussi : XIX° siècle : "réveil" fondamentaliste aux Pays-Bas et création de l’Anti-Revolutionnaire Partij
   
    Il est la suite de L'EMPIRE NEERLANDAIS, 1ère partie : en Indonésie

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    Ce qui va se passer en Afrique du Sud est le fruit le plus amer - disons même nauséeux - produit par la révolution des Provinces-Unies. On ne manque pas d’historiens mal intentionnés pour lire des conséquences de la Révolution française dans les évènements de 1917, dans le stalinisme et, pour les plus vulgaires d’entre eux, dans l’hitlérisme. Y-a-t-il un lien entre la révolution néerlandaise de 1568-1648 et l’apartheid que combattirent victorieusement Nelson Mandela et ses amis ? La réponse est oui, mais là il n’y a aucune mauvaise intention de ma part.

 

EN AFRIQUE DU SUD : VERS LA SÉGRÉGATION

    

The initial Dutch confrontation with Black Africans

    On apprend beaucoup à la lecture de l’article de Ernst Van Den Boogaart (U. d’Amsterdam), article qu’il a intitulé Colour prejudice and the Yardstick of civility: the initial Dutch confrontation with Black Africans, 1590-1635. On sait que les protestants et les calvinistes en particulier ne distribuent pas le baptême - sacrement fondamental à leurs yeux avec la seule communion - à tout venant. Le conseil des Anciens -en réalité, les notables du coin- qui assiste le pasteur donne son avis. Un fils d’alcoolique peut-il être baptisé ? grave question pour eux. Alors un Noir ? Un "nègre" comme on disait à l’époque ?

    Dans son ouvrage sur "l’Impérialisme", H. Arendt évoque ces "êtres -les Noirs- qu’aucun homme appartenant à l’Europe ne pouvait comprendre et dont la nature apparaissait si terrifiante et si humiliante aux yeux des immigrants qu’ils ne pouvaient imaginer appartenir au même genre humain". Boogaart nous fait vivre ces Hollandais qui arrivent en Afrique et "ont commerce avec des femmes" - comme on dit dans les textes - et qui en meurent à cause des maladies vénériennes, et qui pensent que "their natures are so hot and contrary to our own that they cannot be reckoned as a human nature". Les femmes noires ne relèvent pas de la nature humaine. Et pour les Hollandais et autres colonisateurs, "The black skin was seen as monstrous and repellent and was interpreted as a sign of depravity and possession by the devil" : La peau noire a été perçue comme monstrueuse et repoussante et a été interprétée comme un signe de dépravation et de possession par le diable, etc... etc. (Citations extraites de l’article d’E. Van Den Boogaart). … Les historiens nous signalent tous que les pasteurs ne manifestent aucune propension au prosélytisme envers les bushmen, les hommes de la brousse, les indigènes. On les comprend. Mais comprendre n’est pas approuver. De toute façon, avec une lecture littérale de la Bible, et de l’Ancien testament en particulier, comme y invite le synode de Dordrecht II, les nègres subissent le coup de la damnation de Cham (Genèse 9 18-27). "Maudit soit Canaan ! Qu’il soit pour ses frères l’esclave des esclaves !".

 

   la filiation Nord Sud

    Après le conflit connu sous l’appellation de Guerre des Boers (oct.1899-mai 1902), des Boers -vaincus-s’appliquèrent à réhabiliter leur image aux yeux des vainqueurs mais aussi du monde. Et, pour cela, ils en viennent d’abord à leurs origines. La propagande britannique - largement dominante - avait donné une image peu reluisante des Boers, ces Africains issus directement des Européens arrivés au tout début du XVII° siècle et qui se donnèrent le nom d’Afrikaners. Gilles Teulié (CERPANAC[1]) raconte comment les Tommies anglais venus combattre les Boers s’attendaient à voir des noirs, descendants lointain des Orangs-outangs (sic). Voici donc l’extrait d’un texte écrit par un général et un civil afrikaners (1904) pour redresser cette image : 

"They are descended from that race which so valiantly resisted and defied Spanish tyranny and power for eighty-years, and so achieved that freedom of life, freedom of thought and freedom of belief, from which all Europe and England herself has derived priceless blessings. (…). These pioneers have in their veins the best blood of Europeans nations, and their traditions are such as any nation might be proud of".

Traduction proposée : "Les Boers appartiennent à cette race qui a si vaillamment résisté et qui a défié la puissance et la tyrannie de l’Espagne pendant une guerre de quatre-vingts ans et qui, ainsi, a obtenu le droit à la vie, la liberté de pensée et la liberté de croyance dont toute l’Europe et même l’Angleterre ont tiré des bienfaits inestimables. (…). Dans les veines de ces pionniers coule le meilleur sang de toutes les nations européennes et leurs traditions sont de celles dont n’importe qui peut être fier" [2].

 

    En 2002, le synode général de l’ Église réformée hollandaise d’Afrique du Sud (NGK) célébrait le 350° anniversaire de l’arrivée des calvinistes en Afrique du Sud. Il y a là, en effet, un héritage définitif à l’échelle humaine[3]. J’ai évoqué dans un autre article le rôle du Réveil aux Pays-Bas au XIX° siècle avec Guillaume Groen van Prinsterer, son disciple Kuyper qui créa à Amsterdam une Église schismatique plus orthodoxe à son goût et fonda le Parti anti-révolutionnaire. Cette animation eut des répercussions en Afrique du Sud. Dans la fiche « Église réformée hollandaise » de Wiki on peut lire :

"Des républiques boers sont ainsi fondées dans ce contexte au début des années 1850 alors que l'évolution des courants religieux aux Pays-Bas, traversés par des courants humanistes ou conservateurs, ont également de profondes incidences en Afrique du Sud. Si le contact avait finalement était établi entre les républiques boers et la NGK du Cap (…) les relations avaient été de nouveau rompues en 1856 avec la fondation au Transvaal de l’Eglise réformée du Transvaal sous le nom de Hervormde Kerk (HK).

Un courant fondamentaliste néanmoins émergea, les Doppers, qui fonde à son tour la Nederduitsch Hervormde Kerk (NHK) reconnue Église d’État de la république sud-africaine du Transvaal en 1860. Les Doppers sont les premiers à croire en l'idée que les Boers sont aussi un peuple élu accomplissant sa destinée dans l'Histoire. La NHK subit néanmoins elle-aussi un schisme fondamentaliste avec la création à Rustenburg de la Gereformeerde Kerk van Suid-Afrika (GK) (…). Toutes ces églises du Transvaal se réclament des concepts religieux d'Abraham Kuyper, un calviniste austère qui cherche à renouer avec le modèle de la théocratie genevoise originelle, fondateur d'une église séparatiste et de l'université libre d'Amsterdam. Plus généralement, les Églises réformées du Cap, du Transvaal et de l'État libre d'Orange voient dans le néo-calvinisme de Kuyper la restauration de la foi originelle et le retour aux Écritures saintes". Fin de citation.

 

    En conséquence - et en rappelant que, au plan ecclésiologique, l’ Église Réformée fut longtemps la même à Dordrecht et au Cap (jusqu’en 1824 [4]) - les Afrikaners pouvaient légitimement se dire les fils de la révolution menée par le Taciturne et Oldenbarnevelt. Et ils s’approprièrent les canons du concile de Dordrecht II avec une détermination totale autant que les rigidités de Kuyper.

 

Le refus de l’abolitionnisme, vers l’apartheid

    Les calvinistes orthodoxes - à distinguer des calvinistes libéraux (lien XIX° siècle : "réveil" fondamentaliste aux Pays-Bas et création de l’Anti-Revolutionnaire Partij ) - sont confrontés à un grave problème, en ce premier tiers du XIX° siècle : l’abolition de l’esclavage est à l’ordre du jour. C’est ainsi que les Anglais le suppriment officiellement, en 1833, en Afrique du Sud [5]. Or, les orthodoxes, réunis par delà les flots, d’Amsterdam au Cap, sont « opposés à l’abolition de l’esclavage des nègres ». On sait que cette décision anglaise –qui les contrarie- est à l’origine du grand Trek, du grand départ, de 15.000 Boers qui quittent la colonie du Cap pour aller s’installer ailleurs, où ils pourront conserver leur "institution particulière" comme on dit aux États-Unis à la même époque. Ce Grand Trek - exil où les Boers se comparèrent vite à Israël quittant l’Égypte des pharaons - provoqua une rupture avec l’ Église du Cap en 1837, suivie d’une réconciliation mais encore de la rupture de 1856 évoquée plus haut.

    Les déclarations des Voortrekkers sont d’une naïveté effrayante :

« Ce n’est pas tellement l’accès à la liberté (des esclaves) qui nous chagrine que le fait qu’ils sont placés sur le même pied que les chrétiens, en contradiction avec les lois de Dieu et la différence naturelle entre les races et les religions. Il était impossible pour tout bon chrétien de plier sous un tel joug ; nous avons donc préféré nous retirer pour préserver la pureté de nos doctrines »[6].

    Le chef des migrants, Piet Retief, avait quant à lui résumé les raisons de l’émigration des Boers en 1838 en évoquant « les pertes sévères que nous supportons à cause de l’émancipation des esclaves ». On ne perd pas le Nord.

    En 1840, pour affronter cette tempête idéologique, se réunit à Amsterdam, le synode des « communautés réformées séparées » qui va congeler les canons de Dordrecht II, condamnant sans nuance la délivrance des sacrements à des personnes qui n’en étaient pas dignes. C’est l’époque de Capadose et de Da Costa, du Réveil. Ce synode de 1840 est la racine idéologique du Parti Anti-révolutionnaire. Groen puis Kuyper élaboreront leur doctrine à partir de là. Les Communautés séparées font scission avec l’ Église officielle des Pays-Bas. Et les Boers qui suivent théologiquement les Communautés séparées font venir leurs pasteurs formés dans les écoles de ces dernières.

    Les fondements religieux de l’apartheid sont mis en avant par les Boers qui relèvent presque tous de l’ Église réformée hollandaise d’Afrique du Sud (NGK) et appliquent donc les canons de Dordrecht II qui constituent l’artillerie lourde de leur dogmatique. Pour justifier ce qui s’appellera plus tard "apartheid" ou "développement séparé", on cite les textes de la Révélation. Et c’est ainsi que des considérations rustiques Tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne ensemble ou vestimentaires Tu ne porteras pas de vêtement tissé mi-laine, mi-lin (Dt 22, 9-11) deviennent paroles de Dieu exigeant la séparation des Blancs et des Noirs.

    En Afrique du sud, la théorie théologique de Kuyper servait de norme pour la Nederduitse Gereformeerde Kerk (NGK) [7], la Nederduitse Hervormde Kerk von Afrika (NHK) - basée au Transvaal- et la Gereformeerde Kerk (GK) fruit d’une scission d’avec cette dernière. La NGK était la plus puissante, la plus influente et joua un rôle fondamental dans la mise en œuvre de l’apartheid. Kuyper était au pouvoir à Amsterdam au moment de la Guerre des Boers et pour lui comme pour son ARP, plus encore que pour les autres, "les protestants, depuis la lutte contre l’Espagne, (sont) les dépositaires de l’identité nationale" (DE VOOGD).

 


QUELQUES ÉLÉMENTS SUR LE XX° SIÈCLE

 

Pays-Bas et Afrique du sud durant la guerre de 1914-1918

    En 1914, les Pays-Bas restent neutres. Mais le tropisme pro-allemand était fort.

     La germanophilie néerlandaise

    C. de Voogd, directeur de la maison Descartes à Amsterdam, dans son ouvrage, évoque fréquemment la "germanophilie" des Hollandais[8]. On peut trouver plusieurs raisons à cela. Le néerlandais est une langue germanique et les régions situées au nord et à l’est de la Meuse appartinrent à Louis le Germanique dès 870. Comparons le mot anglais Dutch -qui signifie "Hollandais" et le mot allemand Deutschland... La religion protestante est un lien fort. De plus, avec la révolution industrielle, l’exploitation du charbon de la Ruhr et le dynamisme général de l’économie rhénane font des ports hollandais et particulièrement de Rotterdam les portes d’entrée et de sortie du commerce allemand. La reine Wilhelmine épousa en 1901 le prince allemand Henri de Mecklembourg-Schwerin, détail matrimonial qui montre à sa manière les liens entre les deux pays, d’autant plus que sa fille Juliana -qui lui succèdera- épouse à son tour un prince allemand, Bernhard zur Lippe Biesterfeld, et cela en 1937. Après la révolution républicaine allemande de 1918, Guillaume II trouva refuge aux Pays-Bas.

    Les crimes de guerre des Anglais en Afrique du sud lors de la guerre des Boers[9] déclenchèrent "d’énormes manifestations à La Haye et à Amsterdam" (de Voogd). Et Kuyper, ARP devenu premier ministre, espéra une intervention allemande qui ne se fit pas. "On lui prêta même l’intention de rejoindre la Triple-Alliance" mais, on le sait bien, on ne prête qu’aux riches.

    Cette affinité, non exclusive soulignons-le, s’explique surtout, à mon sens, par la victoire des partis confessionnels catholique et protestants orthodoxes. Les Catholiques romains sont hostiles à la révolution française depuis toujours. Les protestants orthodoxes en ont fait la colonne vertébrale de leur doctrine : "ce qu’ils combattent, ils le nomment, en bref, la révolution, signifiant par là les systèmes institutionnels et sociaux qui se sont incarnés dans la révolution française" (Kuyper cité par C. de Voogd).

     La germanophilie sud-africaine

    En octobre 1900, la guerre des Boers battant son plein, Kruger, président de la république du Transvaal, s’embarque pour l'Europe à bord d'un navire de guerre spécialement envoyé par la reine des Pays-Bas. Son but est d'obtenir de l'aide financière et militaire des gouvernements dont il présupposait la sympathie : Pays-Bas et Allemagne, France également (qui sortait à peine de la crise diplomatique qui suivit Fachoda). Mais l’Allemagne ne fait rien, Kuyper à La Haye doit s’incliner, et les Boers devront se battre seuls. Notons toutefois que les Afrikaners étaient pourvus de canons allemands (et français…), leur artillerie était entraînée et encadrée par des officiers allemands.

    De la victoire anglaise sortit l’Union sud-africaine, membre de l’empire britannique, mais autonome.

    Le 4 août 1914, le parlement de l’Union sud-africaine décide, derrière le premier ministre Botha, de s’allier à l’Angleterre contre l’Allemagne. Les membres du Parti national sud-africain s’y opposent. Il y eut même mutinerie de plusieurs officiers supérieurs et généraux. P. Coquerel (CNRS) estime à 12.000 le nombre d’Afrikaners pro-allemands qui prirent les armes contre le pouvoir central pro-anglais [10]. Le Lt.-colonel Maritz se replia sur le Sud-Ouest africain - actuelle Namibie, colonie allemande en 1914 - et signa un traité d’alliance avec les Allemands. Il fut vaincu par les troupes régulières.

 

Pays-Bas et Afrique du Sud durant l’entre-deux-guerres

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    L’entre-deux-guerres aux Pays-Bas

    Durant cette période, les Pays-Bas sont gouvernés par une coalition de partis dominée par le parti catholique (qui obtint par deux fois le poste de premier ministre) et le parti ARP. La figure dominante est celle de Colijn, successeur de Kuyper à la tête de l’ARP. Colijn fut ministre des finances sous le premier gouvernement catholique, puis deux fois chef du gouvernement. Candidat sortant en 1937, il obtient un grand succès électoral qui le maintient au gouvernement jusqu’en 1939. Colijn, à l’instar de Laval en France, appliqua une politique déflationniste qui ne fit qu’aggraver la crise de sous-consommation après 1929. C’est un partisan chaud de l’autorité : "l’autorité est l’âme, le pouvoir, le fondement de la vie nationale. Aujourd’hui aussi bien qu’il y a trois siècles. Telle était la conviction de Guillaume d’Orange" (de Voogd). L’autoritarisme des partis confessionnels se manifesta en 1933, lors de la mutinerie des marins du cuirassier Zeven Provinciën (dont la solde avait été diminuée, déflation oblige). La mutinerie fut brisée par les bombardements de l’aviation nationale…

    Braure, dans son Que-sais-je ? sur l’histoire des Pays-Bas, écrit "il serait vain de nier l’influence du national-socialisme en Hollande". Malheureusement, il ne nous dit pas pourquoi. Cela l’aurait amené à dire que les partis confessionnels par leur hostilité farouche à l’égard de la Révolution française, leur culte - et la pratique ! - de l’autorité, de la soumission, du respect des hiérarchies, leur sympathie pro-allemande, leur anticommunisme systémique, ont cultivé le terrain. Effectivement, il y eut une flambée pro-nazie avec le parti Nationaal-Socialistische Beweging (NSB) de l’ingénieur Mussert : 8% des voix en 1935. Score relativement modeste, mais l’autoritarisme, le passé colonial, la germanophilie de Colijn servirent aisément de produit de substitution.

 

    Afrique du sud : vers le racisme intégral

    Ici, le jeu politique -entre Blancs - est dominé par quatre partis principaux. De gauche à droite : le Labour, les Unionistes (pro-britannique), le parti Sud-africain (de Botha et Smuts, ancien généraux Boers) et le parti National de Hertzog, afrikaner, partisan d’une république sud-africaine c’est-à-dire d’un État hors du Commonwealth du Royaume-Uni, parti qui fut créé pour s’opposer à l’entrée en guerre aux côtés de l’Angleterre, en 1914.

    En 1922, une grève massive de mineurs, "tous unis pour une Afrique du sud blanche" (sic), est réprimée par le général Smuts qui envoie l’armée, des blindés et l’aviation… Les conflits sociaux à caractère raciste (les ouvriers blancs ne veulent pas d’ouvriers noirs) conduisent à la formation d’un gouvernement Hertzog. Sa priorité fut de donner du travail aux "pauvres blancs". L’un de ses premiers actes fut de créer un ministère des Affaires extérieures et d’envoyer un ambassadeur … aux Pays-Bas (1927). Progressivement, l’alliance entre le parti Sud-Africain et le parti National se transforma en fusion dans le parti National unifié sud-africain. Cette fusion fut refusée par le plus extrémiste des ministres d’Hertzog, Daniel Malan qui crée le parti National Purifié (sic). Malan, ancien pasteur de l’ Église réformée hollandaise (NGK) d’Afrique du Sud, s’appuie sur une société secrète l’Afrikaner Broederbond. Il est surnommé Malanazi par ses adversaires. Au demeurant des mouvements ouvertement hitlériens, comme les Chemises grises, le soutiennent sans mesure. P. Coquerel (CNRS) peut écrire "les doctrines nazies sur la race, le sang et le sol ne peuvent que séduire les Afrikaners épris de pureté et de supériorité raciale". C’est alors, nous dit Coquerel, qu’apparaît le mot apartheid, "repris par les pasteurs de l’ Église réformée hollandaise (NGK d’Afrique du Sud), avant que Malan n’en fasse la pierre angulaire de son programme politique"[11].

    Le 4 septembre 1939, Smuts, alors premier ministre, déclare la guerre à l’Allemagne ce qui provoque la démission de Hertzog qui rejoint les troupes de Malan.

 

Avec la Guerre froide

 

    A la fin du conflit, le contexte de Guerre froide vaut à l’Afrique du sud une neutralité complice de la part des Occidentaux. En effet, L’Afrique du Sud contrôle la voie stratégique maritime du Cap de Bonne Espérance. L’ANC de Nelson Mandela est un conglomérat de partis dont le Parti Communiste sud-africain. Il était hors de question de laisser ce contrôle du cap de Bonne-Espérance à l’ANC. Ce n’est pas un hasard, si la victoire de l’ANC eut lieu après la disparition de l’empire soviétique.

    L’apartheid était "présenté comme la seule solution pour protéger les Afrikaners du "péril noir, des communistes et autres libéraux négrophiles"" (Coquerel). Le rapport du Parti National sud-africain, en 1947, affirmait sans vergogne :

« L’apartheid dérive de l'expérience historique des Blancs établis dans le pays. C'est une politique qui est en harmonie avec les principes chrétiens de justice et d'équité, et qui se donne pour objectif de préserver l'identité des peuples indigènes en tant que groupes raciaux séparés, de leur offrir la possibilité de se développer en ensembles nationaux autonomes et de stimuler la naissance d'une conscience nationale ».

    Il faut savoir qu’il y avait un lien étroit entre la NGK d’Afrique du Sud et le parti National, tellement étroit que "le surnom de la NGK était le "Parti National en prière""[12].

    En 1948, Malan remporte les élections générales.

    Courte chronologie extraite de l’article Wikipaedia déjà cité :

- En 1949, le synode de la NGK exprime son soutien à la mise en place des lois d'apartheid.

- En 1950, le congrès des trois églises réformées hollandaises adopte le principe d'un apartheid géographique total, soit une division totale du pays.

- Les liens entre l'église réformée hollandaise et le pouvoir afrikaner culminent sous le gouvernement de John Vorster (1966-1978), son frère, Koot Vorster, étant d'ailleurs un modérateur de la NGK.

- En 1982, l'église réformée hollandaise est exclue de l'Alliance réformée mondiale, qui regroupe plus de 75 millions de protestants réformés dans cent pays du monde.

- Elle effectue un revirement théologique en 1986 en condamnant la ségrégation raciale.

- En 1989, elle refuse néanmoins à une courte majorité de considérer l'apartheid comme une hérésie ni de demander pardon aux branches métisses et noires de la NGK pour les avoir exclues.

- En 1992, les Afrikaners fidèle à l'apartheid ont quitté la NGK et fondé l'Afrikaanse Protestante Kerk (APK) constituant une nouvelle église réformée.

    Voilà donc la "matière" sur laquelle Mandela et ses amis ont dû travailler pour la transformer.


  Références de l'article de Boogaart : Ernst VAN DEN BOOGAART, U. d’Amsterdam, Colour prejudice and the Yardstick of civility: the initial Dutch confrontation with Black Africans, 1590-1635, in Robert ROSS, pp. 33-54, Robert ROSS (ed.), Racism and colonialism: essays on ideology and social structure. The Hague. Nijhoff, 1982, (Comparative studies in overseas history, vol. 4).

[1] Centre d'Étude et de Recherches sur les Pays d'Afrique Noire Anglophones et du Commonwealth (Montpellier).

[2] Général Kritzinger et R.D. McDonald (Afrikaners), In the shadow of death, Cité par Gilles TEULIE, Les Afrikaners et la guerre…,.

[3] TEULIE, L’Eglise réformée hollandaise d’Afrique du Sud, E.T.R., 2002/4, publication de l’Institut protestant de Théologie.

[4] Teulié écrit : "en 1824, la NGK d’Afrique du Sud s’affranchit de la tutelle de l’Eglise "mère" de Hollande et devient autonome. (..). Elle ne dépend plus du Conseil d’Amsterdam. Elle peut enfin établir son premier synode (1824)".

[5] L’Afrique du Sud est sous autorité britannique depuis le congrès de Vienne (1815) mais la population d’origine néerlandaise reste numériquement très importante au sein des Blancs.

[6] Cité par Michaël PRIOR, C.M., "Bible et colonialisme, critique d'une instrumentalisation du texte sacré", L'Harmattan, Paris, 2003, 410 pages, dont : Chapitre 3 : colonialisme et Afrique du Sud.

[7] M. PRIOR. Lire aussi l’article déjà cité de TEULIE dont le sous-titre est une histoire du calvinisme afrikaner. Histoire très complexe dont on peut avoir un aperçu en sachant qu’il y a « six Eglises réformées sud-africaines NGK, NHK, GKSA, GKA, NGKA et VGKSA ainsi que cinq Eglises dites ‘anglophones’ ».

[8] Histoire des Pays-Bas, pages 208, 209, 230, 239, 250…

[9] Voir le chapitre sur les révolutions anglaises, et particulièrement le paragraphe sur les « gentlemen »…

[10] P. COQUEREL, La nouvelle Afrique du sud.

[11] COQUEREL, La nouvelle Afrique du sud,….

[12] TEULIE, article des E.T.R..

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