c. LES RELATIONS INTERNATIONALES DE 1945 à 1953


PLAN DU COURS

A.    RUPTURE DE LA "GRANDE ALLIANCE"

1. Le rapport des forces internationales et les impératifs de la politique américaine.

    a) URSS et E.-U. : une balance inégale

    b) Le "leadership" américain

2. Le raidissement américain

    a) Poussée communiste ou mainmise soviétique ?

    b) La politique américaine :

B.     LES BLOCS EST-OUEST (1947-1953)

1. L’émergence d’un monde bipolaire

                a) La politique des "blocs"

                                1. Le bloc occidental se constitue le premier

        2. la formation d'un bloc soviétique en est une conséquence

                b) Conséquences du "schisme"

                                1. A l'ouest : la " chasse aux sorcières "

                                2. A l'est : le totalitarisme stalinien

2. Les tensions les plus vives

                a) En Europe

                    b) En Asie

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*     *

    En moins de deux ans, les Alliés passent d’une situation d’entente et de collaboration à une situation diplomatique bloquée. Dès les premiers mois de l’année 1947, à la suite d’une série d’initiatives de l’administration Truman, la rupture de la GRANDE ALLIANCE est consommée (I). Le monde entier entre dans la "Guerre froide". La Guerre froide provoque la scission du monde en deux blocs hostiles que tout oppose et cela ne va pas sans conséquences sur les libertés aussi bien à l’Ouest qu’à l‘Est (II a). D’autre part, cet affrontement bloc à bloc crée des tensions extrêmement vives tant en Europe qu’en Asie et le monde craint sans cesse un retour de la guerre mondiale (II b).


    A.    RUPTURE DE LA "GRANDE ALLIANCE"

    La nature des régimes : capitalisme et soviétisme, les défis différents : expansion économique d’un côté, souci essentiel de sécurité de l’autre, créent une problémogenèse où les causes deviennent conséquences et vice versa.

1.      Le rapport des forces internationales et les impératifs de la politique américaine.

    a)      URSS et E.U. : une balance inégale

    Au plan moral : immense prestige de l’URSS, mais celui des E.-U. grandit très vite (technologie, libre-entreprise). Au plan militaire : la supériorité de l’URSS n’est vraie que dans le domaine classique (infanterie et chars) et en Europe centrale.

    Au plan économique : il n’y a aucune commune mesure entre les infrastructures de l’URSS dévastée et celles des E.-U. en plein boom économique ; entre l’URSS confrontée à un gigantesque tâche de reconstruction et les E.-U. qui cherchent à vendre leurs produits en excédent. Il est faux de parler de deux "supergrands" en 1945.

L’URSS ne peut ni ne veut se lancer dans une 3° guerre mondiale, au contraire, elle signe les accords de Bretton Woods, adhère au F.M.I. en 1944 et à l’ONU en 1945.

    b)      Le "leadership" américain

Ce sont au contraire les Américains qui dominent le monde. La reconstruction économique du monde après la seconde guerre mondiale (1ère partie)

Avec l’ONU où ils disposent de la majorité de deux tiers des États qui votent pour eux, au plan alimentaire avec l’ UNRRA [1] ; Les accords de Bretton Woods leur donnent la suprématie monétaire ;  Les taux de change entre les monnaies sont fixes et le dollar est "as good as gold" ; Les banques centrales s’engagent à maintenir la parité de leur monnaie et en cas de besoin le FMI pourra leur prêter de l’argent. En 1947, les négociations engagées par les Américains pour le libre-échange mondial aboutissent au GATT [2] de Genève.

Les E.-U. ont trois préoccupations :

- écouler leur immense production matérielle (ce qui exige convertibilité des monnaies et libre échange),

-    rentabiliser leur capitaux (leur Balance des Paiements est excédentaire) d’où stabilité monétaire nécessaire à l’investissement étranger sans risque de dépréciation de leur capital,

-     utiliser leur stock d’or (60% de l’or et métaux précieux mondiaux sont américains, le reste du monde se partage les 40% restants) comme or- monétaire et bénéficier par là même du privilège d’émission d’une monnaie nationale reconnue comme moyen de paiement international.

2.      Le raidissement américain

    a)      Poussée communiste ou mainmise soviétique ?

    Or, en 1945 et ensuite, la popularité du communisme est réellement importante. Les succès électoraux sont considérables et s’inscrivent dans un processus mondial : les socialistes sont victorieux en Angleterre, les syndicats puissants conduisent des grèves nombreuses y compris aux E.-U.. Les Partis Communistes participent à des gouvernements de "Fronts Nationaux" non seulement en Europe de l’Est mais également en France, en Italie, en Belgique. En France, le PCF obtient plus de 28% des voix (1946) et est le premier parti du pays.

    La politique soviétique au Proche et Moyen-Orient est un autre objet de débat : L’URSS demande à la Turquie une défense commune des Détroits en temps de guerre. En Iran, l’URSS conserve des troupes alors qu’elle s’était engagée à les retirer.

    Pour les Américains, tout ceci n’est pas l’expression d’une volonté librement exprimée mais le résultat de l’action secrète des Soviétiques qui manipulent les états-majors des P.C., des syndicats, qui fraudent aux élections dans les pays occupés par l’Armée Rouge…

    b)      La politique américaine :

    Pour les Américains, cette progression de l’influence soviétique est un obstacle à la mise en place d’un ordre libéral dont on a jeté les bases à Bretton Woods. Les Américains veulent un monde sans frontières douanières, avec le dollar comme monnaie de réserve et de paiement.

    L’administration Truman n’est pas l’administration Roosevelt. Très tôt, Truman supprime la loi prêt-bail aux soviétiques ; en mars 46, il invite Churchill à prononcer son fameux discours de Fulton [3] ; il pratique la diplomatie de l’atome (envoi de mission de contrôle américaine à l’intérieur des États si on interdit l‘arme atomique),

    Puis, une succession de décisions marque le changement de politique : accord sur l’entrée du cinéma américain en France (pour y « combattre l’influence soviétique »), refus de crédit UNRRA à la Tchécoslovaquie, création de la bizone en Allemagne en décembre 1946.


    B.     LES BLOCS EST-OUEST (1947-1953)

    A chaque initiative américaine correspond une réplique soviétique et le schisme est-ouest a des conséquences au sein de chaque bloc.

1.      L’émergence d’un monde bipolaire

    a)      La politique des "blocs"

        1. Le bloc occidental se constitue le premier

            C’est le Containment.

    - doctrine Truman le 12 mars 1947 : discours manichéen caractéristique de la période. Les E.U. défenseurs du « monde libre ».

    - plan Marshall, 5 juin 47, plan d’aide économique, dons et prêts pour relancer la machine économique mondiale. Les pays ont une balance commerciale et une balance des paiements déficitaires. Deux conditions exigées par les USA : 1) concertation européenne préalable 2) contrôle des fonds par les américains. Ainsi seront créés l’ O.E.C.E. et le COCOM. L’URSS interdit à la Pologne et à Tchécoslovaquie d’aller à la conférence de Paris. Elle-même, aurait aimer y aller mais les conditions posées par les Américains l’en dissuadent, finalement elle quitte même le FMI.. Lire un schéma explicatif du fonctionnement du plan sur ce lien : LA POLITIQUE EXTÉRIEURE ET COLONIALE DE LA FRANCE DE 1945 A 1958

à gauche, un petit article de l'Humanité. Les noms de Mitterrand et Gorbatchev vous permettent de dater approximativement le document, '(27-X-1988). De quoi s'agit-il ? la France voulait vendre de la haute technologie pour la surveillance depuis l'espace d'un pipe-line sibérien soviétique. R. Reagan  s'y est opposé au nom du COCOM, toujours en vigueur à la fin des années 80' !... moralité, le plan Marshall n'était pas un plan de  liberté !

- au plan militaire : après l’année terrible de 1948 (France, Italie, Prague surtout…), le Sénat autorise le président des E.U. à conclure en temps de paix (c’est inouï dans ce pays) des alliances à l’extérieur du continent américain. Alliance Atlantique : 4 avril 1949 à Washington (alliance défensive, mais aujourd’hui que l’URSS a disparu ?) suivi en décembre 1950 de l’OTAN, auquel adhéreront la Grèce, la Turquie (1952), la RFA (1955). Ce traité aggrave la course aux armements (article 3 du texte du traité).



        2. la formation d'un bloc soviétique en est une conséquence

    - La doctrine Jdanov est la réplique au discours de Truman. Tout P.C. doit fidélité à l’URSS et combattre l’influence américaine. Un premier schisme apparaît avec TITO, le yougoslave qui refuse.

    - le CAEM (ou COMECON en russe, à ne pas confondre avec le COCOM précédent !)  est créé le 1er janvier 49 (sorte de marché commun des pays de l’Est).

    - au plan militaire, l’URSS dénonce les traités signés avec la France et la G.B. pendant la guerre. Le pacte de Varsovie ne voit le jour qu’en 1955 après l’entrée de la RFA dans l’OTAN, ce qui montre bien les craintes et les motivations des Russes.

    b)      Conséquences du "schisme"

    Désormais deux blocs que tout oppose s’affrontent dans une « guerre froide ». Chaque homme, chaque courant de pensée, chaque Etat doit choisir son camp. La crainte du conflit est omniprésente.

    A l'ouest : la " chasse aux sorcières "

   on pourra voir avec intérêt le film de Peter Yates (1988) Une femme en péril (The House on Carroll Street) par Peter Yates (1988). qui évoque à la fois la chasse aux sorcières et la filière américaine d'importation de savants et chercheurs nazis pour servir la science et l'industrie américaines. La chasse aux sorcières est suivie du Maccarthysme avec l’épisode des Rosenberg (juin 53). Traité avec le Japon (1951) d’où on sort les criminels de guerre de prison[4], l’Indochine passe d’un conflit colonial à un conflit est-ouest ; politique européenne : CED (échec) puis R.F.A. dans l’OTAN, puis traité de Rome. En France : scission de la C.G.T., "complot des pigeons"[5].

    A l'est : le totalitarisme stalinien

    La bombe H soviétique explose en août 53 (la bombe A en 1949). En URSS : méthodes policières et culte de la personnalité de Staline. Dans les démocraties populaires : après l’élimination des libéraux-nationaux (droite), c’est la chasse aux "titistes" (comme Tito, en Yougoslavie), c’est-à-dire aux communistes sincères qui veulent une politique en rapport avec leur pays et non une copie de ce qui se fait en URSS ; Ainsi Gomulka (Pologne) est emprisonné.

Le containment a réussi en Europe W et au Japon mais la Chine est socialiste et la Corée du Nord aussi. Les Américains s’inquiètent. 

2.      Les tensions les plus vives

    a)      En Europe

Le problème allemand et le blocus de Berlin



En juin 48, les Occidentaux mettent en place la trizone et décident une réforme monétaire, créant le D.Mark., monnaie qu’ils veulent introduire dans leurs secteurs berlinois. Ce que l’URSS refuse absolument. Le 1er juillet 1948, c’est le blocus de Berlin. Auquel les Américains répliquent par un pont aérien qui fonctionne bien grâce à leur maîtrise de la logistique. Si bien que les Soviétiques doivent lever le blocus en mai 49.

Le 23 mai 1949, est créée la R.F.A. légitimée par des élections au suffrage universel en août. La RFA prétend parler au nom de toute l’Allemagne et même au nom de l’Allemagne de 1937 ! (refus de la frontière Oder-Neiss). L’URSS riposte en créant la RDA. en octobre 49, c’est une démocratie populaire, mais l’enclave[6] de Berlin-Ouest reste un problème non résolu.

1955 : entrée de la RFA dans l’OTAN et donc -conséquence- de la RDA dans le pacte de Varsovie.

attention ! le "mur" n'existe pas encore. Il est hors des limites chronologiques de cette leçon, donc hors-sujet. (il est construit en 1961).

       

b)      En Asie

Sur la guerre d'Indochine, lire Henri Martin, une conscience dans la sale guerre d'Indochine

1949 est l’année noire pour les E.U. : bombe-A soviétique, victoire de Mao et proclamation de la République Populaire de Chine. Mais les E.U. maintiennent Formose (Taïwan) au conseil de sécurité de l’ONU. Le Roll-back remplace le containment. Dans ce contexte, ils prennent l’invasion de la Corée du sud par les Coréens du nord (25 juin 50) comme une agression. Ils obtiennent de l’ONU une couverture juridique pour intervenir militairement. Après quoi, c’est l’intervention des « volontaires chinois » aux côtés du Nord. Mac Arthur envisage alors l’emploi de la bombe atomique…C’est la terreur.

Finalement, c’est une « paix blanche » à Pan-Mun-Jon, en juillet 53.


 BIBLIO : archives du MONDE (via Internet si vous êtes abonné ou via le CDI de votre établissement)

"la naissance de la RFA" 14-15 mai 1989

"Churchill et le "rideau de fer", 3-4 mars 1991.

"la création du KOMINFORM", 20-21 septembre 1987.

"le blocus de Berlin", 19-20 juin 1988.



[1] United Nations Relief and Rehabilitation Administration ; C’est une administration onusienne pour l’aide et l’urgence alimentaire par exemple. Mais, en 1945, qui est capable d’aider son prochain ? Seuls les USA peuvent le faire. En cas de mauvaise volonté de leur part, l’UNRRA devient un moyen de chantage.

[2] General Agreement on tariff and trade, ancêtre de l’OMC.

[3] W. Churchill n’a, alors, aucune responsabilité gouvernementale en Angleterre, il est libre de dire n’importe quoi. A cette date, le rideau de fer est un fantasme. La capitale de l’Autriche, citée par Churchill, n’a jamais été derrière ce rideau.

[4] Comme, d’ailleurs, en Allemagne de l’Ouest.

[5] Affaire grotesque qui ridiculisa la police française mais qui montre la gravité des idées qui étaient dans les têtes : le leader communiste J. Duclos est arrêté avec deux pigeons sur la banquette arrière de sa voiture. C’étaient deux pigeons-voyageurs chargés d’envoyer le signal de l’insurrection dans nos belles provinces. En fait, c’est un copain qui lui avait offert, de retour de chasse. Mais Duclos fut emprisonné quelques jours…

[6] Bien lire les cartes et comprendre ce qu’est une enclave, sinon tout vous échappe.