La guerre : l'année 1916.

publié le 17 mai 2014, 05:44 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 22 févr. 2016, 07:00 ]

Plan du cours d’ A. ROUBAUD

 

 

I.  LES FRONTS D’OCCIDENT

        VERDUN

        BATAILLE DE LA SOMME - DÉGAGEMENT DE VERDUN

        LE FRONT ITALIEN

II.   LES FRONTS ORIENTAUX

        LE FRONT RUSSE

        INVASION DE LA ROUMANIE

        L’ARMÉE DE SALONIQUE

        OPÉRATIONS EN ASIE

        SITUATION A LA FIN DE 1916

 III. LES COMMENTAIRES DE J.-P. RISSOAN


LA VOIE SACRÉE : cordon ombilical entre le front de Verdun et l'arrière. La route est étroite, on distingue le courant montant et le courant descendant. Traction automobile et hippomobile : le rôle du cheval est important. les véhicules sont à l'arrêt : c'est exceptionnel, en principe le flux doit être tendu et jamais interrompu, les soldats dits "territoriaux" -les plus âgés - sont chargés de mettre de côté le véhicule en panne afin que le flux ne cesse jamais. A l'arrière-plan, des wagons sur "le tortillard".(J.-P. R.)

LA GUERRE : L’ANNÉE 1916

 

I. LES FRONTS D’OCCIDENT

    A. VERDUN

    Le commandement allemand, qui avait pu prélever de nombreuses forces sur le front oriental, décida de tenter une grande offensive du côté de 1'Ouest, à la fois pour prévenir celle qu'il prévoyait de la part des Alliés et pour imposer la paix à l'adversaire par un grand succès stratégique et moral. Ne croyant pas au succès des attaques frontales, il résolut de faire tomber un des points vitaux de la défense ennemie et, après avoir hésité entre Belfort et Verdun, se prononça pour l'attaque de cette dernière ville.

    NB. j'admets que le carte ci-dessous est guère lisible. En voici une qui, au contraire est (presque) parfaite

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Verdun_%281916%29#mediaviewer/Fichier:Battle_of_Verdun_map.png     MAIS ! cette carte en anglais - la célèbre cote 304 devient hill 304) n'indique ni la VOIE SACRÉE, ni le petit train aux rails à faible écartement, dit LE MEUSIEN, appelé le Tortillard par les Poilus. Repérez Souville, Douaumont, cote 304, mort Homme,

  
     
La place de Verdun se trouvait, en principe, défendue par plusieurs lignes de retranchements, mais les travaux n'avaient pas été poussés comme ils l'auraient dû. L'attaque, confiée au Kronprinz et à 10 divisions, devait commencer par la rive droite de la Meuse, et s’étendre seulement ensuite sur la rive gauche. Les assaillants progresseraient par échelons, en réduisant au minimum les travaux d'approche ; ils se contenteraient d'une préparation d'artillerie intense, mais brève, de façon à se réserver le bénéfice de la surprise.

    Après un feu d’artillerie exécuté avec des pièces de 210 et de 420 millimètres [1],qui dura seulement 12 heures, mais produisit des effets écrasants, les Allemands attaquèrent, le 21 février au soir, et enlevèrent rapidement la première, puis la seconde des positions françaises ; le 25, ils s’emparèrent par surprise du  fort de Douaumont, dépourvu de défenseurs (sic, JPR). L'état-major envisagea, un moment, l'évacuation de Verdun et le repli de l'armée sur la Rive gauche de la Meuse ; mais après la mission du général de Castelnau, il décida que la défense se poursuivrait sur la rive droite. Le général Pétain fut chargé, à la tête de la 2°armée  de la défense de Verdun ; les renforts et les munitions affluèrent. La seule grande voie ferrée occupée entièrement par les Français, celle de Verdun à Sainte-Menehould, se trouvait sous le tir de l’artillerie allemande et l’on ne disposait, pour ravitailler la défense, que d’un chemin de fer à voie étroite tout à fait insuffisant, le Meusien, et de la route de Bar-le-Duc. Il fut convenu que celle-ci serait réservée aux automobiles de ravitaillement qui se succéderaient sans relâche sur deux files au moins, l'une montante, l’autre descendante. La route fut placée sous un service minutieux de contrôle et, à certains moments, plus de 6000 véhicules défilèrent  en 24 heures. La "voie sacrée" permit ainsi le succès de la défense.

    Le fort de SOUVILLE, Juillet J916. Le fort de Souville dont la prise aurait entrainé la chute de Verdun, résista à toutes les attaques. Le terrain été bouleversé par les obus. On voit l’entrée d’une casemate. Une sentinelle la garde munie du casque.

    La première attaque allemande, sur la rive droite se trouva enrayée le 29 février. Appuyés par les batteries placées à l’Est de la Meuse, les Allemands attaquèrent, le 6 mars, les positions françaises de la rive gauche, sans parvenir à s’emparer de leurs objectifs : le Mort-homme et la cote 304 (visibles sur la carte, JPR). Les attaques, suivies de ripostes françaises, se poursuivirent avec intensité sur les deux rives jusqu'à la fin de juin. Le bombardement ne cessait pas de part et d'autre ; le sol bouleversé et privé de toute végétation n’offrait aux défenseurs aucun abri naturel et, ne, pouvant creuser de tranchées, les hommes se dissimulaient, comme ils pouvaient dans des trous d'obus. Les relèves devaient avoir lieu: fréquemment et, pour gagner leurs positions de première ligne, les troupes perdaient une partie de leur effectif.

    A la fin de mars, les Allemands s'emparèrent des ruines du village de Vaux. Le fort de ce nom, complètement investi, se défendit héroïquement jusqu’au 9 juin. A la fin de ce mois, les Allemands tentant un dernier effort, qu’ils espéraient décisif parvinrent à enlever ce qui fut le Village de Fleury, ainsi que l'ouvrage de Thiaumont, maïs échouèrent devant le fort de Souville puis ils se virent contraints de dégarnir le front de Verdun pour répondre à l’offensive  franco-anglaise sur la Somme.

    B. BATAILLE DE LA SOMME - DÉGAGEMENT DE VERDUN

    L’offensive franco-anglaise de la Somme, décidée dès 1915, fut préparée du côté français par le général Foch, du côté anglais par sir Douglas Haig, successeur de French. Les assaillants devaient procéder, comme les Allemands à Verdun par assauts successifs. Après un feu d’artillerie de 5 jours, qui détruisit complètement les premières positions allemandes, l'attaque commença le 1er juillet 1916 et les Français s'avancèrent, en huit jours sur une profondeur de 10 km, arrivant tout près de Péronne. Une nouvelle offensive générale, en septembre, permit aux Alliés de conquérir le village de Combles, au Nord de la Somme. La bataille, qui s’arrêta au mois d'octobre, amena des résultats beaucoup plus importants que ne le jugea d'abord l'opinion : elle dégagea définitivement la région de Verdun, où, les Français, sous le commandement immédiat du général Nivelle (NB. Le général Nivelle avait pris le commandement de la 2° armée en mai 1916, Pétain étant appelé à la tête du groupe des armées du Centre) réalisant une corrélation très étroite entre le tir de l'artillerie et la progression de l'infanterie, parvinrent à reprendre le fort de Douaumont, en septembre, et le fort de Vaux en décembre 1916. En outre, si les 66 divisions françaises, qui s'étaient succédé devant Verdun, avaient éprouvé de lourdes pertes, l'armée allemande, au dire de Ludendorff, se trouvait "tout à fait hors de combat et extrêmement épuisée".

 

    C. LE FRONT ITALIEN

    Les Italiens luttant sur un terrain difficile et montagneux, subirent une attaque des Autrichiens dans le Trentin, au mois de mai ; mais, à la faveur de 1'offensive russe, ils reprirent une partie du terrain perdu. Bientôt, ils se portèrent en avant sur l'âpre plateau-du Carso et, après de violents combats, s'emparèrent de la ville de Gorizia, sur la route de Trieste (9 août).

 

II. LES FRONTS ORIENTAUX

 

    A. LE FRONT RUSSE

    Les Russes, ayant pu reconstituer leur matériel, grâce au concours de leurs alliés et en particulier des Japonais (sic), engagèrent une offensive au mois de juin, sous la direction de Broussilov. Ils s'avancèrent sur plusieurs points, de 60 ki1omètres en Volhynie et en Bukovine, s’emparèrent de 600 canons et de 400.000 hommes, mais durent s'arrêter devant les contre-offensives allemandes. Vers le même moment, à Petrograd, le germanophile Sturmer remplaça Sazonov aux affaires étrangères; des influences hostiles à l’Entente s'exercèrent de plus en plus sur le gouvernement et se manifestèrent dans les événements de Roumanie.

     B. INVASION DE LA ROUMANIE

Le gouvernement roumain, après bien des hésitations, avait fait alliance avec les puissances de l'Entente et déclaré la guerre à l'Autriche, le 27 août 1916. Revendiquant la Transylvanie et croyant n'avoir rien à craindre des Bulgares, il fit franchir la frontière hongroie par ses troupes. Contre-attaqués par- les Austro-Allemands, les Roumains furent tournés par une armée bulgaro-allemande qui, sous la direction de Mackensen, passa le Danube. Laissés sans secours par les Russes, les Roumains perdirent Bucarest le 6 décembre, toute la Valachie et une partie de la Moldavie. L'occupation de la plaine roumaine menaçait de découvrir la Russie méridionale et procurait aux puissances centrales d’importants stocks de blé.

     C. L’ARMÉE DE SALONIQUE

L’occupation de Salonique fut maintenue malgré l’opposition du gouvernement britannique, grâce aux efforts du président du Conseil français, Briand. L'armée, peu nombreuse et composée d’éléments bigarrés, Français, Anglais, Serbes, devait lutter, non seulement contre les Bulgaro-Allemands, mais aussi contre 1’hostilité du roi de Grèce qui, après avoir rompu avec Venizélos, gouvernait despotiquement le pays. Elle parvint, cependant à s’organiser ; en novembre 1916, elle étendit ses positions vers le Nord et occupa Monastir.

     D. OPÉRATIONS EN ASIE

    Les Russes sous le commandement du grand-duc Nicolas (NB. en septembre 1915, le tsar avait envoyé le grand-duc Nicolas en disgrâce dans la région du Caucase et pris le commandement général des armées russes), occupèrent l’Arménie turque, s’emparèrent d’Erzeroum puis de Trébizonde, et pénétrèrent dans la Perse occidentale dont les tribus s'étaient soulevées. Les Anglais dégagèrent complètement les abords de l’Égypte, tout en encourageant la proclamation de l'indépendance de l'Arabie ; préoccupés d'entraver la pénétration allemande vers la Mésopotamie et le golfe Persique, ils organisèrent une expédition vers Bagdad qui, s'avançant trop vite, dut capituler à Kut-el-Amara, en avril 1916.

     E. SITUATION A LA FIN DE 1916

    Grâce à la prépondérance qu’il exerçait sur tous ses alliés, le gouvernement allemand avait pu réaliser, en août 1916, l'unité complète de commandement, en confiant la direction de toutes les opérations au vainqueur de Tannenberg, Hindenburg, qui laissait agir, en réa1ité son "premier quartier-maître général", Ludendorff. Malgré leurs victoires en Roumanie, les puissances centrales n’avaient point atteint leurs objectifs sur le front occidental des  signes de décomposition se manifestaient dans l'empire austro-hongrois. Le 21 novembre 1916, l'empereur François-Joseph mourait ; son successeur Charles Ier désirait la -paix. Mais l’Autriche ne pouvait rien sans l'Allemagne et, dans ce pays, le public, malgré sa lassitude, n'admettait encore qu'une paix victorieuse, tandis que l'état-major demeurait tout-puissant sur le ministère.

    Les Puissances de l'Entente considérèrent à la fois comme une sommation et comme une manœuvre pour les diviser la proposition "d'entrer en négociations de paix", que le gouvernement allemand leur adressa, en décembre 1916, par l'intermédiaire des Etats neutres et de la Papauté. Elles profitèrent d'une question posée aux belligérants par le président des États-Unis, Wilson, pour exposer leurs buts de guerre, dont les principaux étaient la restauration de la Belgique, de la Serbie, du Monténégro, l'évacuation des territoires occupés par les Allemands, avec de justes réparations, le respect des nationalités et l'affranchissement des peuples opprimés.

    La guerre apparaissant comme devant durer longtemps encore, des changements se produisirent dans la direction des' gouvernements et des armées. En Angleterre, Lloyd George devint premier ministre à la place de Asquith ; en France, Briand remania son ministère et nomma le général Nivelle commandant en chef des armées du Nord et de l'Est, en remplacement du général Joffre qui recevait la dignité de maréchal (abandonnée par les Républicains après la chute de Mac-Mahon, JPR) en décembre 1916.

 III. QUELQUES AJOUTS ET COMMENTAIRES DE J.-P. R.

    

        1) On peut estimer que la part faite à Verdun est minime dans ce cours de Roubaud. Il semble que le Kronprinz n'ait eu le commandement que de l'armée de rive gauche de la Meuse (Mort-Homme, etc...) sous le haut commandement de Falkenhayn. Il est tout à fait regrettable que ne soit pas publié la lettre de Falkenhayn qui donne les buts de guerre des Allemands à Verdun. Dans cette lettre le généralissime explique que l'attaque de Verdun, pour le symbole et la position stratégique que représente cette ville, cette attaque obligera les Français à la défendre coûte que coûte et Falkenhayn parle de "saigner à blanc l’armée française ..." Toute sa lettre est de cette eau-là. On peut parler d'une mentalité de génocide, à tout le moins de crimes de guerre.

        2) L'auteur s'acharne peu sur le personnage de Pétain. Mais il écrit ce texte en 1927, environ, et le culte de la personnalité du Maréchal n'a pas commencé. Il aurait pu tout de même évoqué la "noria", c'est-à-dire que Pétain fait "tourner" les divisions sur le front de Verdun : les divisions n'y restent pas jusqu'à l’épuisement, Pétain les fait relever. Ainsi, avant fin juin, 40 divisions françaises avaient combattu à Verdun contre 26 allemandes seulement. Pour l'anecdote, Roubaud aurait pu aussi évoquer le célèbre "on les aura !". Mais, il est vrai que le personnage de Pétain-le vainqueur-de-Verdun  est un héritage de l'extrême-droite des années 30' et de Vichy. Un seul exemple voici ce que dit Joffre -qui lui-même était monarchiste- dans ses Mémoires :"Si l'Histoire me reconnaît le droit de juger les généraux qui opérèrent sous mes ordres, je tiens à affirmer que le vrai sauveur de Verdun fut Nivelle, heureusement secondé par Mangin Le général Pétain arrivé à Verdun au moment de la désorganisation dont il héritait du général Herr, remit de l'ordre avec l'aide d'un état-major bien composé et au moyen de troupes fraîches qui affluaient. Ce fut là son principal mérite dont je ne méconnais pas la grandeur. Mais dans la conduite de la bataille, et particulièrement au moment de la crise de juin, le rôle le plus important a été joué par Nivelle qui eut le mérite rare de s'élever au-dessus de son champ de bataille, de comprendre ce que j'attendais de lui dans l'ensemble de mes combinaisons et de garder intacts son sang-froid et sa volonté au moment où son chef (i.e. Pétain) adressait au Ministre de la Guerre les comptes rendus angoissés dont j'ai parlé à plusieurs reprises". Mémoires du Maréchal JOFFRE, t II, 1910-1917, p 269, Plon, éditeur). Mangin, Clemenceau mettent aussi un bémol à la prestation de Pétain à Verdun.

         3) Le 21 février 1916, le feu de l'artillerie allemande, le « Trommelfeuer », ouvre les 300 jours de la bataille de Verdun. qu'est-ce que c'est ? on peut en avoir une idée en observant cette photographie aérienne prise en plein bombardement :

Westfront 1917: Trommelfeuer am Chemin-des-Dames

C'est en effet un bombardement ininterrompu, systématique, aveugle pour tout détruire afin que l’infanterie, appelée à se mettre en marche ultérieurement, puisse passer sur des terrains vides d'hommes et de vie. Il y a des témoignages :

"Nous arrivons après nous être perdus sur le plateau bouleversé par les obus et dont la topographie se modifie quotidiennement…à peine une torpille a-t-elle explosé à droite qu’une autre tombe à gauche et qu’une troisième est signalée en avant. Nous sommes au centre d’une véritable éruption. Des geysers de boue s'élèvent de toute part, les guitounes s'effondrent, la tranchée se comble, une avalanche d'énormes quartiers de terre nous assomme, tandis que l'épouvantable fracas des explosions nous assourdit et nous ébranle... Assourdis par les déchirants éclatements des torpilles et des grosses marmites, à-demi asphyxiés par leur fumée âcre noire, assommés par les blocs de terre, giflés par les éclats qui cinglent de toutes parts, les yeux exorbités, guettant désespérément dans le ciel l'arrivée des terribles engins de mort, calculant leur point de chute à la vue et au son, s'attendant d'une seconde à l'autre à être ignoblement déchiquetés... enjambant les cadavres et les blessés ensanglantés, les poilus claquent des dents, courent hagards et haletants, sans but. Le cauchemar ne cesse qu'à 5 heures". (Jean GALTIER-BOISSIERE « un hiver à Souchez », Les Étincelles, édit., p.73.). Ces bombardements criminels expliquent le nombre de soldats "disparus", c'est-à-dire de soldats que l'on n'a pas pu identifier leurs corps étant pulvérisés. Cela explique aussi que des VILLAGES aient disparu. Si vous allez à Verdun, vous pourrez acheter des cartes postales de 1913 avec le village, son église, son café du commerce et ensuite sur le terrain vous ne le trouverez pas. (article wiki à consulter).

lire : Verdun 1916-2016 : commémoration par Antoine PROST
     
 
4) le 1er juillet 1916 et les Anglais. Les Britanniques célèbrent chaque année le 1er juillet qui est le pire de la guerre pour eux. Ils ont perdu plus de 36.000 hommes ce seul jour ! Après un formidable
Trommelfeuer ils ont cru trouver une terra nullius, une terre vide. Hélas, bien retranchés les Allemands n'ont eu que très peu de pertes et ils ont pu faire tourner leurs mitrailleuses : Marchant au pas, sur terrain plat, les soldats anglais constituèrent une cible idéale et catastrophique.


[1] Cela signifie que l’obus cylindrique a un diamètre de 42 cm (JPR).

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