MARAT, l’Ami du peuple… (2ème partie)

publié le 3 juil. 2011, 02:33 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 13 nov. 2017, 15:34 ]
  29/11/2010  

Pour des raisons que les lecteurs n’indiquent pas -et c’est bien regrettable- l’article sur « Marat, l’ami du peuple » qui remonte au mois d’avril est souvent lu et relu même à l’aube de ce mois de décembre. Marat, l’ami du peuple

Pour encourager les amis de Marat, je vais citer ce texte magnifique qui montre qu’il fut non seulement « l’ami du peuple » mais aussi un amoureux du genre humain (en plus d’être un homme politique d’une incroyable lucidité).

    « Égaré par les discours captieux de Brissot, de Lemontey, de Girardin, de Lacroix, de Gouvion, de Buvras[1] et d'autres fripons vendus à la cour ; séduit par un faux tableau des forces nationales; enivré des fumées de la jactance gallique[2], le peuple ne paraît pas moins désirer la guerre que ne font ses implacables ennemis. Il y trois ans que je l'ai représentée comme la dernière ressource des contre-révolutionnaires et que je n'ai cessé de travailler à faire échouer les diverses entreprises du cabinet pour l'allumer. Dès lors, je n'ai point changé de sentiment. elle est toujours à nos yeux le plus cruel des fléaux qui puisse fondre sur le royaume Indépendamment du nouveau cours qu'elle donnera à l'attention publique en ne la fixant que sur des nouvelles de gazettes, elle laissera le champ libre aux ennemis du dedans pour machiner à leur aise et souffler dans tous les points du royaume les feux des dissensions civiles, fomenter des troubles, dresser des embûches aux partisans de la liberté ; elle achèvera de dilapider les biens nationaux et d’accélérer la banqueroute publique; elle consommera la perte de tout ce que la France renferme de bons citoyens, et elle épuisera l'État de toute la jeunesse patriote ; car ce sont les plus zélés partisans de la révolution, qui ont volé et qui voleront toujours à la défense des frontières. Quelle que soit leur intrépidité, ils sont sans armes, sans discipline, sans tactique, sans idée des grandes manœuvres, sans aucune connaissance de l'art de la guerre, sans chefs expérimentés, sans généraux habiles et fidèles; comment les soldats de la patrie résisteraient-ils aux attaques des armées disciplinées, de satellites commandés par d'habiles généraux.

    Si la guerre a lieu, je le répète, quelle que soit la bravoure des défenseurs de la liberté, il ne faut pas être un aigle pour prévoir que nos armées seront écrasées à la première campagne.

    Je conçois que la seconde sera moins désastreuse, et que la troisième pourra être glorieuse; car il est impossible que nous ne nous instruisions pas à nos dépens, et que quelque grand homme ne se mette enfin à sa place. Mais pour arracher la victoire à nos ennemis, il faudra essuyer une guerre longue et désastreuse. Or, c'est rester au- dessous du roi que d'évaluer notre perte, durant trois campagnes, à un milliard, délivrés à cinq cent mille combattants.

    Comment réparer la perte de tant de braves soldats, la fleur des citoyens français ? Et quel sera le prix de tant de sang versé, dont toutes les têtes couronnées du monde ne valent pas une goutte ? Pour l'empêcher de couler, ce sang précieux, j'ai proposé cent fois un moyen infaillible : c'est de tenir en otages parmi nous Louis XVI, sa femme, son fils, sa fille, ses sœurs, et de les rendre responsables des évènements (…) ».

    Extraits de son journal « L’Ami du peuple », n°634 du 19 avril 1792.[3]

 

    Malgré cette vigoureuse mise en garde - qui n’a d’égale que celle de Robespierre au club des Jacobins- la guerre est déclarée deux jours plus tard. La Révolution entre dans une période dramatique où tout ce qu’a dit Marat se réalise. Assassiné, Marat ne pourra aller au bout de son combat. C’est Robespierre qui jouera le rôle décisif pour mener la Révolution à la victoire et gagner une guerre que ni lui ni Marat n’avaient voulue.


[1] Chefs du parti « brissotin » ou girondins.

[2] Allusion à la réputation traditionnelle de bravoure inconsidérée des Gaulois. (Gallique = gaulois). Note de M. Vovelle.

[3] Extraits des Ecrits de Marat présentés par M. VOVELLE, éditions sociales, 1988, pages 142-143.

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