1ère partie : la constitution de 1793, dite de l'an I.

publié le 24 mars 2012, 06:34 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 12 févr. 2019, 09:21 ]

    Les manifestants si nombreux de la place de la Bastille, le 18 mars 2012, ont vibré quand Jean-Luc Mélenchon, le candidat du front de Gauche, a cité une partie du texte de la constitution de 1793, dite de l’an I (parce que la république est installée le 22 septembre 1792). L’esprit des lois de 1793 présidera-t-il à celles de 2012 ?

    Je présente le thème en trois parties : les conditions historiques d’élaboration. Là je place le texte d’un grand historien de la Révolution, aujourd’hui disparu, Jacques GODECHOT, doyen à Toulouse, que je complèterai in fine (les mots soulignés le sont par moi). Dans une seconde partie, je publie les textes intégraux de la Déclaration des droits et de la constitution des 1793[1]. Enfin, dans une 3° partie, je ferai le récit de la ratification par le peuple français de ce texte fondateur qui ne sera pas appliqué à cause de l’état de guerre civile et étrangère (c’est, ne l’oublions pas, « l’année terrible » comme dit Victor Hugo). Et après la victoire décisive de Fleurus acquise grâce aux efforts conjugués des Montagnards (-et du premier d’entre eux -Robespierre-) et des sans-culottes, les Thermidoriens évinceront ces héros, n’appliqueront pas cette constitution pourtant approuvée par le suffrage universel et en rédigeront une autre -celle de l’an III- qui n’a vraiment rien à voir avec la précédente et qui, d'ailleurs ne sera pas soumise à l'approbation du suffrage universel. Cette éviction de la constitution de l'an I par les Thermidoriens est un véritable coup d’État.

    J.-P .R. .

 

PRÉSENTATION

par Jacques GODECHOT

 

    La constitution de 1791 avait pu être appliquée seulement pendant un an parce que ses rédacteurs n'avaient pas prévu le cas de guerre. En temps de guerre, quand le sort du pays est en jeu, il faut des décisions très rapides. Celles-ci ne peuvent être prises que grâce à un accord profond des différents pouvoirs ou à la dictature de l'un d'eux. Or Pouvoir exécutif (le roi) et Pouvoir législatif (l'Assemblée) se méfiaient l'un de l'autre. Le roi eut recours, contre les projets de loi votés par l'Assemblée, à la procédure compliquée du veto. Le veto royal manifeste un différend entre l'exécutif et le législatif, celui-ci ne peut être tranché qu'au bout d'une période variant de deux à six ans, délai incompatible avec les nécessités de la guerre. La crise déclenchée par le veto dont Louis XVI usa à l'égard de trois projets de lois votés en juin 1792, et destinés à renforcer la défense de la France, attaquée par l'ennemi, se termina par la journée du 10 août et la chute du trône : l'Assemblée législative ne put que constater la faillite de la Constitution de 1791 et convoquer une nouvelle assemblée, qui sur le modèle des constituantes américaines, prit le nom de Convention et reçut la mission de donner à la France une nouvelle Constitution.

    La Convention fut élue selon le système prévu par la constitution de 1791, à cette différence toutefois que la distinction entre citoyens actifs et passifs fut abolie : le suffrage fut universel, cependant un dixième à peine des électeurs prit part au vote. Ils étaient pour la plupart effrayés, soit par l'arrivée prochaine de l'ennemi et les perspectives de réaction qui se dessinaient, soit par la terreur qui avait suivi la journée du 10 août, et surtout la prise de Verdun par les Prussiens. Ce furent en général les plus révolutionnaires qui votèrent. Ils élurent des députés hostiles à la monarchie et ceux-ci décrétèrent à l'unanimité, le jour même de la réunion de l'Assemblée, le 21 septembre 1792, « que la royauté était abolie en France ». Le 25 septembre fut voté un décret déclarant que « la République française est une et indivisible ». Le 29 septembre la Convention élut un comité de constitution de neuf membres. Ces neuf députés furent choisis dans la gauche modérée, c'est-à-dire dans le groupe qu'on appelait depuis un an «girondin» (parce que ses meneurs étaient députés de la Gironde) ou encore «brissotins » du nom d'un de leurs chefs, Brissot, député de l'Eure-et-Loir (un des responsables de la déclaration de guerre de 1792, JPR). Un seul membre du comité appartenait à l'extrême-gauche, au groupe des «montagnards - ainsi nommés parce qu’ils siégeaient sur les bancs les plus élevés de l'Assemblée, - c'était Danton, ministre de la justice et qu'on considérait comme le chef du gouvernement qui s'était formé au lendemain du 10 août. Mais le commissaire le plus éminent était Condorcet, le dernier des grands «philosophes» du XVIIIe siècle.

    Les travaux du comité furent ralentis dès le début car un député girondin, Rabaut-Pommier, demanda que la Convention ne discutât le nouveau projet que deux mois après son dépôt sur le bureau de l'Assemblée, afin qu'il pût être examiné au préalable par les meilleurs spécialistes de France, et même du monde. La proposition fut votée, et quelques jours plus tard le 19 octobre, sur l'intervention de Barère, député des Hautes-Pyrénées, la Convention invita tous les « amis de la liberté et de l'égalité », dispersés dans le monde, à lui soumettre leurs idées. Ces décisions et le début du procès de Louis XVI furent des facteurs d'inaction. Le comité ne commença réellement ses travaux qu'après l'exécution du roi, le 21 janvier 1793. Il lut un grand nombre de projets, mais il adopta, à peu près sans modifications, celui qu'avait rédigé Condorcet. C'était un texte fort long, puisqu'il comprenait 402 articles, précédés d'un préambule Il prévoyait un pouvoir exécutif, composé de sept ministres et d'un secrétaire, élus au suffrage universel pour deux ans et choisis obligatoirement hors de l'Assemblée. Le pouvoir financier était confié à trois commissaires de la comptabilité élus également au suffrage universel. En face de ces pouvoirs forts, l'Assemblée élue au suffrage universel, elle aussi, allait nécessairement être beaucoup plus faible. C'est pourquoi Saint-Just reprocha aux Girondins de vouloir instituer « la royauté des ministres ». Les pouvoirs des administrations départementales étaient accrus, de sorte que le projet tendait au fédéralisme. De plus, pour diminuer l'influence des sans-culottes, ouvriers et artisans des villes, on prévoyait un nouveau découpage communal, qui avait pour but de noyer les sans-culottes urbains parmi les paysans. Une des particularités du projet de Condorcet était l'importance qu'il donnait aux Assemblées primaires celles-ci devaient siéger en permanence et devenir les centres de la vie politique, dans les villes et dans les campagnes. Chaque assemblée primaire devait compter de 400 à 900 citoyens. C'est au sein des Assemblées primaires  que les citoyens se prononçaient sur les nouvelles lois, car le projet de Condorcet prévoyait le référendum sous le nom de « droit de censure », et le droit d'initiative législative. C'étaient aussi les Assemblées primaires qui formaient le cadre de toutes les élections. Celles-ci avaient lieu en deux temps : dans la première phase, les électeurs désignaient les candidats, dans une deuxième avaient lieu des élections proprement dites. Au total le projet de Condorcet était très démocratique, mais eût-il été viable ? Les citoyens ne se seraient-ils pas lassés très vite de discuter et de voter sans cesse ? Le conflit entre le Conseil des ministres et l'Assemblée, élus tous deux au suffrage universel, n'était-il pas inévitable et insoluble, si ce n’est par le coup de force ? Parmi les 300 projets qui ne furent pas retenus, beaucoup contiennent des dispositions intéressantes. La plupart reconnaissent que la « démocratie directe » n'est pas praticable et essayent d'y suppléer par l'emploi du référendum, de l'initiative législative, du mandat impératif, de la permanence des Assemblées primaires, du vote obligatoire. La plupart sont hostiles à la formation de « partis » politiques permanents et au système parlementaire, tel qu'il fonctionnait en Angleterre. L'Allemand Anacharsis Cloots voulait que la République française fût le noyau d'une république universelle et aménageait son projet de constitution dans ce sens. Robespierre n'avait pas déposé de projet de constitution, mais il lut au club des Jacobins, le 21 avril 1793, l'esquisse d'une nouvelle déclaration des droits de l'homme qui eut un grand retentissement. Certes, Robespierre se montrait l'adversaire de l'égalité économique, et notamment de la loi agraire : "L'égalité des biens, disait-il, n'est qu'une chimère. La loi agraire n'est qu'un fantôme créé par les fripons pour épouvanter les imbéciles". Mais après cette affirmation, il refusait de ranger la propriété parmi les droits naturels. « La propriété, expliquait-il, c'est le droit qu'a chaque individu de jouir et de disposer de la portion de biens qui lui est garantie par la loi... Ce droit est borné, comme tous les autres, par l'obligation de respecter les droits d'autrui». Par conséquent, Robespierre refusait de considérer la propriété comme «inviolable et sacrée». Il faisait aussi du « droit au travail » et par suite, du « droit à l'assistance» des droits naturels fondamentaux : « La société est obligée de pourvoir à la subsistance de tous ses membres, soit en leur procurant du travail, soit en assurant des moyens de subsistance à ceux qui sont hors d'état de travailler. Les secours indispensables à celui qui manque du nécessaire sont une dette de celui qui possède le superflu». Robespierre, comme Anacharsis Cloots, s'élevait à des considérations internationales dans les quatre derniers articles de son projet "Les hommes de tous les pays sont frères et les différents peuples doivent s'entraider selon leur pouvoir, comme les citoyens d'un même Etat. Celui qui opprime une seule nation se déclare l'ennemi de toutes. Ceux qui font la guerre à un peuple pour arrêter les progrès de la liberté et anéantir les droits de l'homme doivent être poursuivis par tous, non comme des ennemis ordinaires, mais comme des assassins et des brigands rebelles. Les rois, les aristocrates, les tyrans quels qu'ils soient sont des esclaves révoltés contre le souverain de la terre, qui est le genre humain, et contre le législateur de l'univers, qui est la nature"

    Le grand nombre de projets, leur diversité, et aussi l'importance des événements qui se déroulaient en Europe (formation d'une coalition quasi européenne contre la France, trahison du général Dumouriez, évacuation de la Belgique par les armées françaises, révolte de la Vendée) semblaient paralyser les travaux de  la commission qui avait été élue le 29 septembre. Le 4 avril, la Convention en nomma une autre, formée de cinq Girondins et d'un Montagnard. Elle n'alla pas plus vite. Le 13 mai, Condorcet demanda qu'on en finisse. Il fallait, disait-il, terminer rapidement la constitution, sinon la convocation d'une autre Convention serait inévitable. Le comité termina la Déclaration des droits.

    Celle-ci fut soumise à la Convention à l'époque où le conflit entre Girondins et Montagnards atteignait son paroxysme, aussi la discussion fut-elle très violente. Les Girondins estimaient que les droits individuels primaient le droit social, aussi ne voulaient-ils modifier la Déclaration de 1789 que sur des points de détail, Au contraire les Montagnards demandaient qu'on adoptât la Déclaration rédigée par Robespierre. Finalement le texte voté fut un compromis : la propriété restait un droit naturel, mais il était affirmé (art. 21) que "les secours publics sont une dette sacrée", ce qui impliquait le droit au travail, et que (art. 22) "la société... doit mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens".

    Outre la Déclaration des droits, la Convention vota encore quelques articles relatifs à la division du territoire lorsque intervint le coup de force du 2 juin une insurrection des sans-culottes parisiens impose à la Convention l'arrestation de 29 députés girondins. Dès lors, les Montagnards sont maîtres de l'Assemblée. -Ils pressent le vote de la Constitution afin de montrer au pays qu'ils sont, plus que leurs adversaires, capables d'aboutir vite Le 2 juin la Convention décide qu'elle s'occupera de la Constitution tous les jours, de midi a 6 heures du soir. Des le 29 mai d'ailleurs, le comité de Constitution avait été remanié, par l'adjonction de cinq Montagnards, parmi lesquels Saint-Just. Le 10 juin le comité déposa son projet. Il fut aussitôt discuté, et le 24 juin, l'assemblée l'adopta après quelques adjonctions et remaniements.

    La Constitution du 24 juin 1793 s'est efforcée de traduire les aspirations profondes du peuple français. Elle est nettement démocratique dans ce sens qu'elle s'efforce de faire participer au pouvoir le maximum de citoyens, mâles, bien entendu; seules quelques voix timides réclamaient le suffrage des femmes. Mais cette Constitution s'efforce de maintenir au gouvernement les Montagnards, qui se sont emparés du pouvoir par la force. Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'elle soit hostile au libéralisme. Elle est également défavorable au régime parlementaire. Déjà, la Constitution de 1791 l'avait rejeté. Celle de 1793 le repousse d'autant plus vivement que c'est le régime du pays qui est l'âme de la coalition antifrançaise, la Grande-Bretagne.

    La Déclaration des droits subit quelques remaniements (par rapport à celle de 1789, JPR). Elle commence par proclamer que le but de la société est le "bonheur commun". Mais, contrairement au projet rédigé par les Girondins matérialistes, les Montagnards déistes placent la déclaration de 1793, comme celle de 1789, sous l’invocation de "l’Être suprême". De même ont-ils mentionné expressément (art. 7) le "libre exercice des cultes", alors que Condorcet déclarait seulement "tout citoyen est libre dans l'exercice de son culte". Les Montagnards mettent l'égalité au premier rang des droits fondamentaux art. 2). Viennent ensuite la « liberté, la sûreté, la propriété Aucune restriction n'est apportée à la liberté de l'industrie nu du commerce. Mais les Montagnards ont voulu que la déclaration fasse de "l'insurrection... le plus sacré et le plus indispensable des devoirs" (art. 35), au cas où le gouvernement violerait les droits du peuple ou opprimerait celui-ci, même dans la personne "d'un seul de ses membres" (art. 34).

    La Constitution proprement dite est caractérisée d'abord par l'organisation du suffrage universel - des hommes s'entend, mais même des étrangers domiciliés en France depuis plus d'une année, et remplissant certaines conditions, (art. 4) - Ces citoyens gouvernent par l'intermédiaire d'une assemblée de députés élus pour un an seulement. Grande innovation, les députés sont élus au scrutin uninominal direct dans des circonscriptions comptant de 39 000 à 41 000 habitants : les députés aux États généraux et à la Législative avaient été élus au scrutin de liste. Pour être élu, la majorité absolue des suffrages est requise au premier tour, mais la majorité simple suffit au second. La Constitution introduit donc en France le ballottage. Il n'y avait plus de suppléants afin d'éviter la menace brandie par les Girondins et les fédéralistes d'une assemblée de "suppléants" qui se serait dressée contre la Convention.

    Pour lutter contre le fédéralisme, la Constitution diminuait le prestige des autorités locales : leurs membres sont élus au scrutin à deux degrés alors que les députés sont élus directement. La Constitution spécifie d'ailleurs que les "administrateurs et officiers municipaux n'ont aucun caractère de représentation et ne peuvent, en aucun cas, modifier les actes du Corps législatif, ni en suspendre l'exécution" (art. 82).

    La Constitution contenait quelques articles fixant les principes de la politique extérieure de la République. Celle-ci ne pouvait, en effet, être la même que celle d'une monarchie. "Le Peuple français, proclamait l'article 118, est l'ami et l'allié naturel des peuples libres. Il ne s'immisce point dans le gouvernement des autres nations; il ne souffre pas que les autres nations s'immiscent dans le sien. Il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans. Il ne fait point la paix avec un ennemi qui occupe son territoire (art. 119, 120, 121)". Il est vrai que la Constitution ne définissait pas l'étendue du territoire de la République.

    Le pouvoir exécutif est faible : il est confié à 24 ministres élus par l'Assemblée, et choisis hors d'elle- même, sur une liste préparée par les assemblées électorales des départements à raison d'un candidat par département. Le ministère ne peut donc être homogène, il devait nécessairement être soumis à l'Assemblée. Pour éviter que le pouvoir militaire dominât celle-ci, la Constitution interdisait de nommer un généralissime. La Constitution ne prévoyait ni Cour suprême, ni Haute Cour, car ces institutions auraient pu être des rivales pour l'Assemblée.

    L'Assemblée était donc toute-puissante, à cette réserve que toutes les lois (mais non les décrets) devaient être soumises à référendum. La Constitution définit de manière très précise les matières qui doivent faire l'objet de lois (art. 54) et celles qui sont susceptibles d'être traitées par décrets (art. 55). Les projets de loi votés par l'Assemblée sont envoyés aux départements : si dans un délai de quarante jours, la moitié plus un des départements n'a pas formulé d'objections, ils deviennent des lois. Si, au contraire, il y a objection, on procède obligatoirement au référendum (art. 57 à 60). Il est difficile de dire si le référendum serait ainsi devenu habituel, ou s'il serait resté exceptionnel. Il faut remarquer, toutefois, que le droit d'initiative, prévu par le projet girondin, a disparu de la Constitution montagnarde.

 

    Jacques Godechot explique ensuite comment fut ratifié le projet de constitution. Je renvoie le lecteur à la 3° partie de ce thème (3° partie) LA CONSTITUTION DE 1793 DITE DE L’AN I qui est un travail personnel.

    J. Godechot poursuit :

 

    (La constitution) ne devait pas être appliquée. Les Conventionnels, qui l'avaient rédigée, se rendirent vite compte que la guerre ne pouvait être gagnée, et la Révolution affermie, sans un pouvoir exécutif très fort. Or celui que la Constitution prévoyait allait être extrêmement faible. Au soir de la fête organisée, à la fois pour célébrer l'anniversaire du 10 août 1792 et le succès du référendum, la Constitution de 1793 fut enfermée dans une somptueuse "arche" en bois de cèdre et déposée dans la salle de la Convention, aux pieds du président. Elle devait y rester "jusqu'à la paix".

    Eut-elle, en temps de paix, été applicable ? Jaurès l'a cru. La plupart des historiens de la Révolution sont plus sceptiques. La Constitution de 1794 supposait une éducation politique des citoyens, qui, même aujourd'hui, est loin d'être faite. Or, à cette époque la moitié d'entre eux était analphabète. Dans ces conditions, comment auraient-ils pu participer à des référendums et à des élections extrêmement fréquents ?

    Le principal mérite de la Constitution de 1793 ne réside pas dans ses possibilités d'application. Il tient surtout dans les principes qu'elle a proclamés pour la première fois les droits sociaux et dans les problèmes qu'elle a posés. Aussi, bien qu'elle n'ait jamais été appliquée, garde-t-elle dans l'histoire de la France, une importance capitale : Elle est restée un exemple et un modèle pour les démocrates. Babeuf et Buonarroti en firent l'éloge, en 1796. Ils en transmettront le souvenir aux rares démocrates de l'époque impériale et de la Restauration. Grâce à eux, les constituants de 1848 s’en inspireront ; et même ceux de 1946 s’en réclameront. La constitution de 1793 n’a pas cessé de jouer le rôle de guide que ses rédacteurs n’avaient, certes, pas prévu pour elle.

    Fin du texte de Jacques GODECHOT.

 

    Je rajouterais (JPR) que l’esprit de cette constitution et de cette déclaration des droits et devoirs du citoyen de 1793 inspire encore aujourd’hui, en 2012, les militants du Front de Gauche rassemblés pour beaucoup d’entre eux place de la Bastille, le 18 mars.

    L’originalité, le caractère prophétique de ces textes de 1793 (Déclaration des droits et Constitution), ce pourquoi ils ont été combattus ultérieurement par les possédants de Thermidor et de l’empire, c’est d’une part la mise de la propriété en dernière place dans la liste des droits fondamentaux, alors que l’égalité est placée en tête (ART. 2. - Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété). Ensuite, l’article 18…

ART. 18. Tout homme peut engager ses services, son temps; mais il ne peut se vendre, ni être vendu; sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance, entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.

    L’article 18 est une condamnation de l’esclavage lequel sera effectivement aboli par les mêmes auteurs de cette constitution (février 94), ce que les propriétaires d’esclaves vivront comme une spoliation.

    De plus, les Montagnards avancent l’idée de nouveaux droits. 1789 a été parfait dans l’énoncé des droits civils et politiques -que 1793 reprend entièrement à son compte- mais là nous avons l’énoncé de droits économiques et sociaux. Droit au travail, allocation-vieillesse ou maladie. (Art. 21).

ART. 21. - Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.

    Enfin, le droit à l’instruction pour tous est affirmé. (Art. 22).

ART. 22. - L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.

    C’est ce que l’on appelle la seconde génération des droits de l’homme qui ne seront reconnus qu’en 1946 (préambule à notre constitution, toujours valable aujourd’hui puisque cité dans le texte de la constitution de 1958) et 1948 (par l’ONU). Est récemment apparue une troisième génération de droits : droits de l’homme à un environnement sain et à un développement durable.   

A suivre, le texte intégral : LA CONSTITUTION DE 1793 DITE DE L’AN I (2ème partie)

vous trouverez également le texte intégral de l'avant-projet de ROBESPIERRE : Constitution de l'an I : l'avant-projet de Robespierre.



[1] Extraits de l’ouvrage de Jacques Godechot qui présente « Les constitutions de la France depuis 1789 », Garnier-Flammarion, 1970, 510 pages.

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