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FRONTIERES PECO (5° partie). 1918-1921 : La Pologne et "la ligne Curzon"

publié le 29 oct. 2013, 09:26 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 12 déc. 2016, 09:50 ]

    Il est indispensable de lire l’article précédent.  Frontières PECO (4ème partie) : La Pologne et sa frontière orientale (Biélorrusie, Galicie-Ruthénie)(atlas)

    Dans un premier temps, je crois qu’il convient d’écarter ce qui concerne la partie lithuanienne de la question. Sinon, tout se complique à l’excès compte tenu que le départ entre ce qui doit être polonais et ce qui doit être bolchevique (ou russe) est déjà très difficile à mettre en place.

 

LA CONFÉRENCE DE LA PAIX ET LORD CURZON

 

    Lord Curzon n’intervient que très tard dans l’histoire de ce projet de frontière qui porte son nom.

Les commissions de travail, à Versailles

    Une première confusion vient du rôle joué par Lord Curzon et du nom qui a été donné à un projet de frontière entre Pologne et Russie bolchevique.

    Chronologiquement a d’abord été mise en place la Conférence de la Paix, à Versailles, le 12 janvier 1919, chargée de rédiger le traité de paix. Tâche immense hors de portée de quelques hommes, c’est pourquoi sont installées des commissions chargées de travailler sur des problèmes particuliers. La plus connue est la Commission des Réparations, dont la mission fut de calculer l’ampleur des conséquences matérielles de la guerre et du montant financier que l’Allemagne devait verser pour réparer ces dégâts. Il y eut ainsi, qui nous concerne directement ici, la Commission pour les affaires polonaises.

    Mais la guerre fait rage entre Ukrainiens et Polonais, en Galicie, depuis novembre 1918. Le Conseil suprême décide l’envoi d’une mission d’observation qui reçoit le nom de son responsable, le général Barthélémy. La mission Barthélémy décide deux choses : 1) demander l’envoi en Pologne des divisions polonaises stationnées en France, l’armée Haller et 2) proposer une ligne de démarcation entre les belligérants qui fait la part belle aux Polonais puisqu’elle leur laisse la ville de Lwów (Lviv en Ukrainien) et la région pétrolifère de la Galicie orientale. La mission Barthélémy ayant échoué, est créée à Paris la Commission interalliée pour l'armistice ukraino-polonais, présidée par le général britannique Louis Botha.

    La Pologne est ressuscitée par les Vainqueurs mais des tas de problèmes jaillissent aussitôt au point que le commission se subdivise et est créée la Sous-commission de la frontière orientale de la Pologne. Cette sous-commission rend un rapport sur le tracé possible de la frontière russo-polonaise le 22 avril 1919 lequel rapport passe devant la Conseil des Quatre puis le Conseil suprême le 8 décembre 1919 et est accepté.

Rappel : le Conseil des Quatre est le conseil restreint qui réunit Clemenceau, Lloyd George, Wilson et Orlando. Le Conseil suprême est constitué de la réunion de l’ensemble des chefs de délégation. 

    Les historiens les plus sérieux parlent de la ligne du 8 décembre 1919 car jusqu’ici Lord Curzon n’apparaît toujours pas. Il n’a pas présidé aux travaux de la Sous-commission de la frontière orientale. Il devient secrétaire d’État au Foreign Office - c’est-à-dire ministre des Affaires étrangères - du cabinet Lloyd George à partir du 23 octobre 1919 et le restera jusqu’en 1924. C’est à l’occasion, de la réunion de la Conférence des ambassadeurs, qui se tient dans la ville d’eau de Spa (Belgique, province de Liège) en juillet 1920, que lord Curzon propose aux belligérants - Russes et Polonais - de considérer la ligne du 8 décembre modifiée qui sera dès lors dénommée Ligne Curzon. Et même rétrospectivement, ce qui est source de confusions. Ainsi donc, il conviendrait de ne pas confondre "ligne du 8 décembre 1919" et "ligne Curzon de 1920". Malheureusement, l’habitude, le laxisme ont fait entrer en usage cette confusion.

Rappel : La Conférence des ambassadeurs des principales puissances alliées et associées est un organe inter-alliés de l'Entente à la fin la Première Guerre mondiale. Formée, à Paris, pour la Conférence de Spa (juillet 1920), elle est ensuite de facto intégrée à la Société des Nations en tant qu'un de ses organes directeurs. Elle est réunie pour juger divers différends territoriaux entre États européens. La Conférence cesse d'exister en 1931 (d’après Wiki).

 

Les belligérants

    - les Ukrainiens de Galicie présentent leurs revendications territoriales : ils désiraient une république qui aurait eu l’assise présentée sur la carte ci-dessous (somme des espaces 1+2+3) :


    - les Russes bolcheviques n’en ont pas fini avec les armées "Blanches" contre-révolutionnaires, ils ont affirmé le droit à l’indépendance de la Pologne, mais leur souci est de faire passer toute l’Ukraine dans le camp de la Révolution et de faire respecter l’intégrité territoriale de la dite Ukraine, ce qui signifie concrètement que toute la Galicie orientale (cf. 4ème partie) - région signalée par le n°1 sur la carte ci-dessus - doit être réintégrée à l’Ukraine.

    - Les Polonais sont majoritairement habités des pires intentions. Leur objectif est la restauration de la Pologne de 1772. Ce qui fait écrire à B. Goriély : "les autorités polonaises ne voulaient pas admettre qu’au cours d’un siècle et demi (durée de la disparition de l’État polonais, JPR) c’est-à-dire depuis 1772, les peuples ont évolué, se sont organisés, et avaient des revendications à présenter". On a alors des déclarations de ce genre : Texte de la brochure déposée par la délégation polonaise au sujet du territoire de Pinsk et de Volhynie "l’élément polonais n’y constitue que la minorité, mais à cette minorité appartiennent presque tous les représentants de la civilisation"; Dmowski, responsable du Comité National polonais : "c’est une idée bien prématurée de créer l’Ukraine ou la Lituanie comme États indépendants (…). La Galicie orientale est depuis longtemps un territoire disputé, mais il est clair que les Ukrainiens sont incapables d’organiser un gouvernement" ; et pourquoi cette incapacité ? "Les Polonais sont numériquement faibles mais forts au point de vue intellectuel et économique". Effectivement, ce sont des latifundiaires qui exploitent une masse de paysans qu’ils ont maintenus dans l’illettrisme. Mais, on garde les pieds sur terre aussi et à chaque fois qu’on leur demanda leur avis, les Polonais réclamèrent Lwów et les puits et champs pétrolifères au sud-ouest de cette ville (localités de Boryslaw et Drohobycz).

 

LES TRONÇONS DE LA NOUVELLE FRONTIÈRE

 

    Cette frontière mesure plusieurs centaines de kilomètres nord-sud. Son tracé concret a nécessité des enquêtes multiples, sur le terrain parfois, sur documents écrits souvent dont les recensements des anciennes administrations. On l’abordera par trois tronçons. Du nord au sud : la région de Bialystok, le tronçon de Brest-Litovsk, et enfin celui de la Galicie ex-autrichienne. Je commence par le plus simple : le tronçon de Brest-Litovsk.

Le tronçon de Brest-Litovsk.

    C’est le plus simple parce qu’il y a unanimité des spécialistes sur son tracé. C’est, grosso modo, le méridien de Brest-Litovsk (23°45’ Est). Là, les populations polonaises à l’ouest et lithuaniennes, biélorusse ou ukrainienne à l’est sont assez bien départies. D’ailleurs, dès 1795, le troisième et dernier partage de la Pologne entre l’empire russe et la Prusse se fait exactement là. Il y a de surcroît une rivière qui peut servir de frontière naturelle sur une partie de son cours : c’est le Bug. (carte dans PECO 2ème partie)

    Sur les cartes de source allemande, comme celle établie en 1923, la limite est nette entre les groupes ethnolinguistiques. (carte dans PECO 1ère partie)

    Même Emmanuel de Martonne doit concevoir une carte ethnolinguistique qui montre cette partition assez nette entre Slaves de l’ouest et Slaves de l’est. (carte dans PECO 1ère partie)

    Je précise immédiatement que malgré cette clarté les régions situées à l’est de ce méridien seront attribuées à la Pologne sans autre légitimité que la loi du plus fort, la France en l’occurrence, dans le cadre de la politique du "fil de fer barbelé" (sic), chère à Clemenceau, politique plus connue sous le nom de "cordon sanitaire". Mais restons dans le cadre des travaux de la sous-commission.

 

Le tronçon de Bialystok

    Il s’agit de la partie NORD du tracé.

    Les discussions ont été extrêmement longues et indécises sur ce point. Le président de la sous-commission, Jules Cambon, déclara : "je ne peux dire où est la limite ethnique. Je suis incapable de la tracer et - je peux bien le dire puisque c’est un fait - personne n’en est plus capable que moi". Il prononce ces paroles en présence du professeur de géographie de la Sorbonne, Emmanuel de Martonne, convoqué en tant qu’expert. On a particulièrement traité du cas de trois districts : Sokółka, Bialystok et Bielsk (toutes trois visibles sur le document de travail).

  

 
NB. le méridien indiqué sur cette portion de carte ne correspond pas à la réalité. Je confirme le méridien de Brest : 23°40"

    Voici quelques éléments largement inspirés du travail de Yann Richard (cf. bibliographie). Le docteur Lord - représentant des États-Unis à la sous-commission - évoqua cette question en déclarant que leur partie occidentale "forme une extension du bloc polonais du royaume" mais il rappela que leur partie orientale était par essence une région mixte "Il y a des îlots polonais, des villages entiers polonais, mais une forte proportion de Blancs-Ruthènes vers Sokółka, et d'Ukrainiens vers Bielsk. Il est difficile d'établir une limite entre le bloc polonais et la région mixte". Le 28 mars 1919, le docteur Lord s'exprima en ces termes à propos du district de Sokółka "Dans le district, la majorité est composée de Ruthènes (Ukrainiens, JPR) qui n'ont aucune conscience de nationalité. Dans la partie nord, la population est composée presque exclusivement de Blancs-Ruthènes catholiques, qui à mon avis sont plutôt des Polonais que des Russes". Le lendemain, il estima que même en Macédoine, la situation ethnographique n'était pas plus complexe : "Il y a une zone intermédiaire où à la fois au point de vue ethnique et au point de vue des aspirations de la population, il est très difficile de dire si ces populations iront vers la Russie ou ...vers la Pologne". Et le 15 avril, le britannique Paton -membre titulaire de la sous-commission, JPR- déclara "Ce qui rend encore plus difficile la question ethnographique dans cette région, c'est que nous ne savons pas exactement ce que sont ces Blancs-Ruthènes. Toutes sortes de liens les rattachent presque également à la Russie et la Pologne. Leurs dialectes varient, se rapprochent plus du polonais dans l'ouest et du russe dans l'est. Dans l'ouest, ils sont sous l'influence catholique et dans l'est, sous l'influence orthodoxe. Leur culte est peu avancé et beaucoup d'entre eux n'ont pas la moindre idée de ce que le mot nationalité signifie. Cependant s'ils sont catholiques et vont à l'église, ils assistent aux offices en langue polonaise ; ils semblent voter pour des candidats polonais. Le fait qu'on les appelle Blancs-Ruthènes ou Blancs-Russiens est un chausse-trappe ; parce qu'il semble indiquer qu'ils sont russes, ce qui n'est pas vrai". Il inclinait à penser également que ces Biélorusses catholiques étaient des Polonais. C’est pourquoi, ajoute Yann Richard, Le peuple biélorusse entier, catholiques et orthodoxes confondus, restait pour ces spécialistes un peuple mystère, fantôme en quelque sorte (c’est moi qui souligne, JPR) ; ils existaient certes mais si peu, comme en filigrane à travers deux réalités politico-culturelles beaucoup plus fortes et rayonnantes, la polonaise et la russe. Voici la carte que proposait la Mission extraordinaire de la république de Biélorussie Carte ci-dessous. Mission que la sous-commission ne daigna pas recevoir.


    L’intervention d’Emmanuel de Martonne (27 mars) avait fait pencher la balance. Au-delà de l’ethnographie, l’universitaire fait entrer en jeu des considérations géo-politiques : il faut donner aux nouveaux États - en l’occurrence ici la Pologne - non seulement un accès à la mer mais une armature ferroviaire léguée par les pays vaincus. II commença par se dire "tout à fait d'accord avec les explications données par le docteur Lord, qui fait autorité, tant il a approfondi tous ces détails. Il n'y a rien à ajouter au point de vue ethnique". De Martonne souligna la nécessité pour la Pologne, afin de garantir sa viabilité économique, de posséder toutes les voies ferrées qui passaient par les villes de Grodno, Bialystok, Mielnik et Brest-Litovsk (voir le document de travail). "La Pologne aurait un intérêt considérable à posséder cette ligne de chemin de fer au voisinage de sa frontière. Il y aurait peut-être lieu de tracer celle-ci de façon que la totalité de la voie ferrée reste en possession de la Pologne". "Ce qui serait regrettable, ce serait, par crainte de donner à la Pologne des régions qui ne seraient pas en majorité polonaises, d’en séparer des régions tout à fait nécessaires à son développement et à sa sécurité, sans aucun avantage semble-t-il de l'autre côté". Phrase incroyable qui illustre bien l’arrogance des vainqueurs, le mépris pour la Biélorussie laquelle n’a évidemment pas besoin ni de développement, ni de sécurité (JPR).

    Le président Cambon fut conquis et fut d'ailleurs relayé sur ce thème par le docteur Lord qui conclut : "Tout le monde tient à avoir une Pologne sinon forte, du moins viable ; et ce qui a toujours manqué à la Pologne, ce sont des frontières naturelles et faciles à défendre". Yann Richard conclut son paragraphe : "les régions de Sokółka et Bialystok, majoritairement biélorussiennes passaient ainsi du côté polonais" ; "Le tracé proposé par la sous-commission le 22 avril 1919 et accepté par le Conseil des Quatre le 8 décembre suivant, passait environ à 50 kilomètres à l'est de la ville de Bialystok (et donc, mettait le gouvernement de Bialystok en Pologne, JPR) ce qui est en totale contradiction avec les propos de Lord et Paton, cités plus haut. Il est donc indéniable que cette frontière n'a aucun rapport avec la géographie des nationalités sur le terrain, aussi indécise fût-elle".

    Notons que le tracé laisse tout l’espace compris entre Grodno et Wilno-(Vilnius) à la Lithuanie ce que les Polonais de Pilsudski/Dmowski ne pouvaient tolérer. Espace qu’ils conquerront manu militari.

 

Le tronçon sud : la Galicie orientale

    Les Ukrainiens étaient possédés par un nationalisme bien plus vif que les Biélorusses. Avant même que fut connu l’armistice qui annonçait la défaite allemande et autrichienne, une république d’Ukraine occidentale fut créée. Il ne faut la confondre ni avec la république d’Ukraine (tendance pro-occidentale) ni avec la république des soviets d’Ukraine. Cette éphémère république revendiquait l’assise territoriale telle qu'elle figure sur la carte intitulée "les revendications territoriales ukrainiennes à la conférence de la paix".

http://commons.wikimedia.org/wiki/File:PBW_March_1919.png

    La nouvelle armée polonaise était suffisamment forte pour s’opposer aux patriotes ukrainiens qui s’étaient emparé de la Galicie et de Lviv (Lwów). Il y eut bel et bien guerre, au point qu’à la conférence de Versailles fut établie la Commission interalliée pour l'armistice ukraino-polonais, présidée par le général britannique Louis Botha. Cette commission échoua à faire accepter une ligne de cessez-le-feu par les deux parties.

    Finalement, un projet d'armistice fut adopté à l'unanimité par la commission Botha. Il constituait une synthèse des projets, tenant compte des revendications polonaises et ukrainiennes présentées à la commission. Le projet était plus avantageux pour les Ukrainiens que celui de la mission Barthélemy, car il laissait entre leurs mains la région pétrolifère de Drohobycz. Quoi qu'il en soit, la délégation ukrainienne déclara "au nom de notre gouvernement, en principe, nous acceptons le projet d'armistice" mais proposa simultanément de modifier six articles, touchant en particulier la ligne de démarcation et le nombre respectif des troupes polonaises et ukrainiennes (12 mai 1919). Dmowski donna la réponse polonaise le lendemain : au nom de la lutte contre le bolchevisme, le gouvernement polonais demandait une frontière polono-roumaine pour établir un front ininterrompu contre l'invasion bolchevique à l'Est; une telle revendication supposait que les Polonais occupassent une plus grande partie de la Galicie orientale que ne le prévoyait le projet Botha, voire sa quasi-totalité (c’est moi qui souligne, JPR).

    Ce caractère approximatif explique que le tracé du projet A est donné de façon rectiligne et ne suit pas le tracé hydrographique de la rivière San puisqu’il doit être "finalisé", comme nous disons aujourd’hui, dans le détail. De plus, il y a cette alternative du "projet A" -Lwów et le pétrole à l’Ukraine- et du "projet B" -Lwów et le pétrole à la Pologne-. Après vérification, il s'agit bien de la ligne qui laisse Lvov en terres ukrainiennes, ce qui est conforme aux réalités ethniques. Elle suivra pas la suite, les méandres de la rivière San.

    De toute façon, l’ensemble du projet reste dans les dossiers et ultérieurement dans les cartons car la Pologne de Pilsudski passe à l’attaque à la mi-mai 1919, en pleins travaux des commissions.

    La commission Botha est dissoute et l’ensemble de ses travaux est transis à la sous-commission pour la frontière orientale de la Pologne (présidée par Cambon). Je passe à une chronologie pour dire la suite des évènements qui sont particulièrement entremêlés.

 

CHRONOLOGIE DE LA SUITE DES ÉVÉNEMENTS

 

15 mai 1919 : offensive polonaise en Galicie

18 juin 1919 : Cambon "en aucun cas, il ne faut laisser la Galicie aux Ukrainiens de l’ancienne Russie". Cambon propose d’autoriser les troupes polonaises à occuper la Galicie orientale pour protéger l'Europe orientale d'une éventuelle invasion bolchevique. Sur ce point, les quatre ministres des Affaires Étrangères alliés étaient unanimes. En revanche, il existait des désaccords au sujet du statut politique à venir de la Galicie orientale. Balfour, soutenu par Cambon et Lansing, proposait que la région fût placée sous le contrôle de la future Société des Nations, qui enverrait sur place un haut-commissaire ; le statut définitif de la Galicie orientale serait fixé par un plébiscite au terme d'un délai qu'il faudrait déterminer. Il s'agissait tout simplement d'un mandat polonais sur la Galicie orientale. Un autre membre, rappelant qu'il fallait apporter une solution définitive au problème, suggéra une autonomie de la Galicie orientale sous la souveraineté polonaise.

25 juin 1919 : Le Conseil des Quatre adressa une note au gouvernement polonais : pour protéger l'Europe orientale contre le bolchevisme "Le Conseil Suprême des puissances alliées et associées a décidé d'autoriser les forces de la République polonaise à poursuivre leurs opérations jusqu'à la rivière Zbrucz". Et S. de Gasquet (cf. biblio) est fondé à écrire : "La rivière Zbrucz (ou Podhorce en anglo-saxon) constituant l'ancienne frontière des Empires austro-hongrois et russe, le Conseil Suprême invitait en fait les Polonais à occuper la totalité de la Galicie orientale". Le Conseil des Quatre, au nom du Conseil suprême poursuit "Cette autorisation ne préjuge en rien des décisions que le Conseil Suprême prendra ultérieurement pour régler le statut polonais de la Galicie".

28 juin 1919, signature du Traité de Versailles

11 juillet : note de Versailles à la délégation ukrainienne : "le gouvernement polonais sera autorisé à établir un gouvernement civil en Galicie orientale (…) après accord dont les clauses devront sauvegarder autant que possible (sic) l’autonomie du territoire ainsi que les libertés politiques, religieuses et personnelles de ses habitants". Un plébiscite doit fixer le sort définitif de cette région.

Octobre 1919 : l’Ukraine passe aux Bolcheviques.

20 novembre 1919 : le mandat polonais sur la Galicie orientale est fixé à 25 ans.

8 décembre 1919 : "Pour Clemenceau, qui parle au nom de la Commission le 8 décembre 1919, la frontière orientale de la Pologne doit passer par Grodno, Valovska, Nemurov, Brest-Litovsk et l'est de Przemysl.(…) Au début de 1920, le gouvernement français, obnubilé par l'Allemagne, ne s'intéresse vraiment qu'aux revendications polonaises sur sa frontière occidentale. Croyant encore à la victoire des généraux blancs en Russie, il est hostile aux prétentions polonaises sur les territoires situés à l'Est de la ligne du 8 décembre qu'il juge excessives".[1] Pourtant, l’idée de mandat (de la Pologne sur la Galicie orientale) est "suspendue".

10 janvier 1920 : promulgation du traité de Versailles.

7 mai : les Polonais s’emparent de Kiev.


Juin-juillet 1920
 : vigoureuse offensive soviétique qui arrive aux bords de la Vistule.

Juillet 1920 : la conférence des ambassadeurs se réunit à Spa (Belgique) surtout pour traiter de la question des Réparations financières. Un délégué polonais est présent, mandaté par Pilsudski aux abois. C’est à cette occasion que Lord Curzon propose la ligne du 8 décembre qui, dès lors, porte son nom. Son éminence propose aux Russes de reculer de 50 km derrière cette ligne. Selon Yann Richard, ce serait la "ligne de Spa". Malheureusement, il ne précise pas si cette ligne de Spa est à l’ouest ou à l’est de la zone pétrolifère, autrement dit, si elle correspond à "la ligne B" évoquée plus haut et que l'on peut lire sur la carte ci-dessous.

Août : la contre-offensive russe sur Varsovie est stoppée par les Polonais grâce à l’intervention de la mission militaire française sous les ordres du général Weygand [2].

18 mars 1921 : signature d'un traité de paix, le traité de Riga, entre la Pologne et la Russie soviétique, la frontière est fixée 200 km à l’est de la ligne Curzon.

15 mars 1923 : la conférence des ambassadeurs donne officiellement la Galicie orientale à la Pologne. 

    Au final, la Ligne Curzon a la configuration suivante :


A SUIVRE : ... Frontières PECO (6° partie) : le pacte germano-soviétique de 1939 et ses implications territoriales.

 

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages généraux

- Daniel BEAUVOIS, Professeur des universités (Sorbonne), docteur honoris causa à Wroclaw, Varsovie, Cracovie, "La Pologne, des origines à nos jours", Paris, Seuil, mai 2010, 538 pages.

- Georges CASTELLAN, (INALCO & Paris III), "Histoire des peuples d’Europe centrale", Paris, Fayard, 1994, 528 pages.

- Jean BÉRENGER, (Sorbonne), "Histoire de l’empire des Habsbourg", Fayard, Paris, 1990, 810 p..

- Emmanuel de MARTONNE, "L’Europe centrale", Tome IV de la GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE de Gallois -Vidal de la Blache, A. Colin, 1931.

 

Pour les spécialistes

- Sébastien de GASQUET, "La France et les mouvements nationaux ukrainiens" pp. 105-210, huitième chapitre : "La seule question abordée à la conférence de la paix : l’affaire de la Galicie orientale", pp. 198-209, Recherches sur la France et le problème des nationalités pendant la première guerre mondiale, sous la direction de G.-H. Soutou, P.U. de Paris-Sorbonne, 1995.

- Yann RICHARD, "La Biélorussie, une géographie historique", L’Harmattan, 310 pages, Paris, 2002.

- Yann RICHARD, "Gestation d’une frontière et problème identitaire : l’exemple de la ligne Curzon", accessible sur le net, (malheureusement, les légendes des cartes sont illisibles ce qui est plus que regrettable en géographie des frontières !).

- Benjamin GORIELY, "L’Union soviétique et la Pologne", p. 207-296, in Les frontières européennes de l’U.R.S.S, 1917-1941, recueil d’études sous la direction de J.-B. Duroselle, cahier de la F.N.S.P., n°85, Armand Colin, Paris, 1957.

ALIUS, "La ligne Curzon", éditions de la Baconnière, Neuchâtel (CH), 1944, 78 pages.

 

Sur le net :

- Frédéric GUELTON, Directeur d'études au Service historique de l'Armée de Terre (SHAT), "Le capitaine de Gaulle et la Pologne (1919-1921)", (article dans "Charles de Gaulle, la jeunesse et la guerre 1890-1920" [Colloque], Plon, 2001) http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1890-1940-la-genese/la-grande-guerre/analyses/le-capitaine-de-gaulle-et-la-pologne.php

- http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_polono-ukrainienne

- des archives :

http://www.archive.org/stream/dcisionsaucons00lozy/dcisionsaucons00lozy_djvu.txt

http://www.archive.org/stream/lukraineoccident00lozyuoft/lukraineoccident00lozyuoft_djvu.txt

 



 



[1] Frédéric GUELTON, Directeur d'études au Service historique de l'Armée de Terre (SHAT). Cf. biblio. C'est en 1920, après la frayeur provoquée par l'imminence de la victoire de l'Armée rouge de Trotsky que Clemenceau optera pour la politique du "fil de fer barbelé", des Etats-tampons, en faisant intervenir l'armée française et en adoptant les conclusions du traité de Riga qui repousse la frontière de l’État polonais près de 200km plus à l'est.

[2] Détail amusant. Pour les Polonais intégristes -et ils sont nombreux-, ce serait "le miracle de la Vistule", car il a lieu le 15 août, fête de l’assomption de la vierge Marie… L’historien Castellan, qui est loin d’être un révolutionnaire, nous dit, lui, que ce tournant en faveur des armées polonaises a eu lieu le 16 août mais a été « avancé au 15 août, fête de la Vierge ».

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