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Hugo CHAVEZ (1954-2013), une vie... par Cathy CEÏBE (extraits)

publié le 8 mars 2013, 14:43 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 8 mars 2013, 14:44 ]

    


    "Nous sommes révolutionnaires, nous sommes nationalistes parce que nous croyons en la nation, aux valeurs nationales et pas seulement celles du Venezuela. Bolivar disait « la patrie est l’Amérique ». Nous sommes internationalistes de nature. Nous mettons le social au premier plan. L’économie est un instrument du social. Le plus important est l’être humain", défend Hugo Chavez.

    Qu’est-ce qui le prédestinait à devenir le 52ème président du pays andin ? Tout et rien. Les circonstances. Hugo Chavez naît à Sabaneta, en 1954, dans les llanos de l’ouest du Venezuela, au sein d’une famille humble et métisse. Il grandit auprès de sa grand-mère. Ce passionné de base-ball, que sa mère rêve de voir devenir prêtre, s’initie aux textes historiques et révolutionnaires sous l’influence du responsable du Parti communiste de l’État de Barinas. Une figure tutélaire ne cessera, dès lors, de l’habiter : celle du père de l’indépendance, Simon Bolivar. En 1982, Chavez fonde le Mouvement bolivarien révolutionnaire au sein des forces armées qu’il a rejointes à l’âge de dix-sept ans. Dans la capitale où il se trouve désormais, la fracture sociale façonne de tentaculaires bidonvilles. Pourtant, le pétrole abonde. Mais la manne finit dans les poches des administrateurs et autres acteurs des hautes sphères de l’État. La corruption est la norme. Lien : I. CHAVEZ, le Vénezuela, « Le Monde » et la Révolution… Le système politique est totalement verrouillé par le pacte de Punto Fijo, scellé entre les démocrates chrétiens du Copei et les sociaux-démocrates de l’Action démocratique qui se partagent le pouvoir. L’élément déclencheur de l’entrée en scène de Chavez sera le caracazo. Le 27 février 1989, des milliers de pauvres se révoltent contre la libéralisation des prix, conséquence des plans d’ajustement structurel du FMI appliqués par le gouvernement de Carlos Andres Perez [1]. Cette première insurrection populaire contre le néolibéralisme qui gangrène le continent vire au massacre : la police métropolitaine tue 3.000 personnes. Ce tragique événement – un traumatisme collectif – motive une insurrection civico-militaire conduite, en 1992, par Chavez, pour renverser l’oligarchie. Le lieutenant-colonel assume alors l’entière responsabilité de son "échec", mais prend soin de préciser devant les caméras : "Pour le moment". Phrase prémonitoire désormais célèbre.

 

Une relation étroite avec les plus démunis

    Cet épisode lui vaudra d’être taxé à vie de putschiste par ceux qui refusent de voir la relation étroite, intime, nouée alors avec les plus démunis, séduits par son discours de justice sociale. Devant la prison où il est détenu, les manifestations de soutien se succèdent, obligeant les autorités à le transférer en province. C’est le début d’un mythe. En 1994, Chavez recouvre la liberté et troque son habit de militaire pour un costume civil. Il entame un périple à travers le pays et le continent qui le conduira à la rencontre, notamment, de Fidel Castro. De cette première entrevue naît une reconnaissance mutuelle qui se muera en une solide amitié. Elle préfigure de futurs échanges économiques et politiques propres à desserrer l’étau qui étrangle Cuba, Caracas bénéficiant en retour du développement social et humain de la Grande Île.

    En 1998, Hugo Chavez se lance dans une campagne présidentielle couronnée de succès. Son Mouvement pour la Ve République (MVR) agrège forces sociales et militaires. Il devient chef d’État. Il n’est ni socialiste ni communiste. Il rêve d’une révolution pacifique qui transformerait son pays et favoriserait l’intégration latino-américaine. Il lance alors un processus constituant qui s’achèvera par l’adoption d’un texte fondamental dont les droits sociaux et humains et la démocratie participative sont le socle. La droite enrage. En avril 2002, Hugo Chavez est la cible d’un coup d’État militaire orchestré par le patron des patrons, Pedro Carmona, qui s’autoproclame président. Révolté, le petit peuple descend des collines où les élites l’ont assigné à résidence. Appuyées par les militaires, les classes populaires exigent le retour de "leur" président. Chavez retrouve le pouvoir et promet qu’il n’y aura pas de représailles. Alors, le patronat fomente un coup d’État économique, le "lock-out pétrolier". Pendant trois mois, la population se déplace à pied, dans un pays censé posséder les plus grandes réserves mondiales de pétrole lourd ! Chavez gagne en popularité. L’opposition, atomisée, boycotte les élections législatives dans une vaine tentative de discréditer le "socialiste". En vain. Le retour de l’entreprise pétrolière dans le giron de l’État, enjeu de souveraineté nationale, devient un levier économique au service de politiques d’inclusion, au travers des "missions sociales" - alphabétisation, éducation, santé, logement, travail, sport -. Les réformes économiques comme les lois sur les terres et la pêche, la nationalisation des banques et du ciment, s’enchaînent. L’analphabétisme est éradiqué. La pauvreté recule.

 

La confiance populaire n’a pas changé de camp

    Le pays change de visage avec ces ruptures que l’on peut qualifier de "révolutionnaires". "Les classes moyennes, les entrepreneurs, une partie de l’intelligentsia ont vécu ce processus comme une prise d’assaut de leur maison", nous expliquait, en 2006, le sociologue Edgardo Lander. "J’utilise toujours l’image d’une fête de société exquise où tous ceux qui y participent sont blancs, vêtus élégamment et bien éduqués. Et d’un seul coup, entrent des gens mal habillés, sentant mauvais, attrapant la nourriture avec la main. Ils ont la sensation qu’on leur a ôté leur pays".

    Pourtant, la majorité chaviste n’a pas détruit le vieil État capitaliste. Les inégalités sociales en attestent. L’économie reste dangereusement rentière. Ce ne sont là que quelques-uns des chantiers auxquels devra s’atteler le futur président dans un climat tendu, comme toujours, mais surtout incertain. Le Parti socialiste unifié (PSUV) survivra-t-il à la disparition de sa figure tutélaire ? L’armée octroiera-t-elle toute sa confiance au vice-président et candidat désigné par Chavez, Nicolas Maduro ? Une seule certitude se dégage : la confiance populaire n’a pas changé de camp. Au grand dam de l’opposition et de son prétendant malheureux à la présidence, Henrique Capriles. Et contrairement aux élucubrations de certains commentateurs, la droite est traversée de fortes divisions. Ce sont certainement ces deux hommes, Maduro et Capriles, qui s’affronteront dans un délai de trente jours, lors d’un scrutin anticipé, comme le stipule la Constitution. Mardi, un deuil national de sept jours a été décrété. De nombreux chefs d’État, ses "frères" et ses "sœurs" latino-américains, comme Chavez les appelait, ont annoncé leur présence lors de ses funérailles, vendredi matin. Une chapelle ardente permet aux Vénézuéliens de se recueillir devant le fondateur de la "révolution bolivarienne", dont Edgardo Lander dit qu’elle est "la construction d’un arbre où le populaire et l’égalitaire, l’humanitaire et le libertaire, le politique et l’intégration jouent les tout premiers rôles".

    L’arbre a pris racine.

 

Cathy Ceïbe

journaliste

http://www.humanite.fr/tribunes/il-incarnait-la-revolution-de-tout-un-peuple-516877

 

les mots soulignés le sont par moi (JPR).



[1] Président de la République, condamné pour malversations, mort à Miami (Floride) en exil. Tout un symbole.(JPR)

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