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Le Front de Gauche séduit les cités, oui…mais ! (1ère partie : Marseille)

publié le 17 mai 2012, 09:43 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 18 mai 2012, 05:35 ]

    Le journal L’Humanité publiait, au lendemain du premier tour de la présidentielle, un article consacré aux résultats obtenus par Jean-Luc Mélenchon dans ce qu’il est convenu d’appeler « les cités », titre : "De Marseille à Gennevilliers, le Front de gauche séduit les cités" [1]


    du sud (ici, photo du journal LA PROVENCE, daté du 7 mai)....

« Dans les quartiers nord de la cité phocéenne, dans ceux de la rive gauche de la Ville rose ou dans les bastions rouges de la banlieue parisienne, Jean-Luc Mélenchon a frisé, voire dépassé la barre des 20%. La défense du vivre ensemble contre les discours anti-immigrés y a trouvé un écho favorable, relayé par de solides réseaux militants.

    Dans les quartiers populaires, le premier tour a été un plébiscite pour la gauche. Elle réunit plus de 75% des voix, dans le quartier de la Grande Borne à Grigny (Essonne) ou dans la cité des Cosmonautes à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Dans ces territoires, François Hollande dépasse allègrement les scores atteints en 2007 par Ségolène Royal, profitant d’un profond désaveu de Nicolas Sarkozy, en net recul. Mais c’est surtout dans ces zones populaires et urbanisées que Jean-Luc Mélenchon réalise ses meilleurs scores, dépassant souvent les 20% en banlieue parisienne. Là où le Front de gauche progresse, notamment grâce à un puissant réseau de militants, le FN est contenu ».

    L’article -dont on vient de lire le « chapeau »- est signé par trois auteurs, chacun ayant visité une cité dans une métropole : Christophe Deroubaix à Marseille, Pierre Duquesne à Gennevilliers et Bruno Vincens à Toulouse. Comme je possède les numéros du Journal La Provence qui rend compte des résultats marseillais, bureau par bureau, j’ai prolongé les observations de Christophe Deroubaix.

Voici d’abord son texte :

 Marseille (Bouches-du-Rhône). Combattre la stigmatisation des musulmans

    « Je suis venu, comme vous, recevoir sur cette plage, au bord de ces lèvres fraîches, le baiser de la Méditerranée, notre bonne mère à tous. Écoutez Marseille qui vous parle et qui vous dit la leçon qu’elle porte. (…) Marseille vous dit que notre chance, c’est le métissage. Et, depuis 2.600 ans, nous sommes du parti de ceux qui se disent contents d’être mélangés, fiers d’être le peuple qui compte le plus grand nombre de mariages mixtes de toute l’Europe. (…) C’est pourquoi, à cette heure, nous continuons à refuser absolument l’idée morbide et paranoïaque du choc des civilisations. (…). La France ne peut être la République et la nation qu’elle est qu’à la condition d’être une nation universaliste qui donne à chacun de ses enfants ce qu’elle croit bon pour le monde entier (…). Il faut se souvenir que les peuples du Maghreb sont nos frères et nos sœurs. Il faut répéter qu’il n’y a pas d’avenir pour la France sans les Arabes et les Berbères du Maghreb».

    Avec ces quelques phrases, prononcées au début de son discours sur les plages du Prado, le 14 avril dernier, Jean-Luc Mélenchon a posé un acte. Dans une ville qui avait placé en tête du premier tour de l’élection présidentielle depuis 1988 Jean-Marie Le Pen, à trois reprises, puis Nicolas Sarkozy, le Front de gauche venait, par la voix de son candidat, clamer sa conception de la civilisation.

    Il semble que cet appel ait été entendu. Ce sont les urnes qui le disent. Celles du centre-ville de Marseille où une population de jeunes salariés a donné à Mélenchon son meilleur score de la ville (21,9%), autant que celles des cités des quartiers nord qui lui ont accordé le deuxième meilleur résultat sur Marseille, autour de 20%. Dans les bureaux 1586 et 1588[2], situés dans la cité de la Castellane, le Front de gauche recueille 20% des suffrages. Dans le bureau 1577, cité de la Savine, il monte à 21,5%. Idem pour le bureau 1532, cité Consolat, à 23,61%. Dans toutes les cités populaires des quartiers nord, où habitent principalement des familles héritières de l’immigration, notamment maghrébine et comorienne, le Front de gauche double ou triple son score.

    Pour Jean-Marc Coppola, candidat (Front de gauche) dans la 7e circonscription, le déclic s’est produit après les deux émissions de France 2 : la première, lorsque Jean-Luc Mélenchon faisait face aux journalistes ; la seconde, lorsqu’il a affronté une Marine Le Pen soudain muette. «Beaucoup de jeunes sont alors venus nous voir pour nous dire : "Il parle comme nous. De nos préoccupations. Il a du courage de s’attaquer au FN." Le titre du programme, l’Humain d’abord, a plu également car il porte le souci de l’égalité, à laquelle ces citoyens sont très attachés». Quelques jours avant le meeting du Prado, nous avions rencontré Miloud et Salim. Le premier, âgé de quarante-deux ans, s’engageait pour la première fois en politique : «Marre de la stigmatisation des musulmans. Le meilleur rempart, c’est le Front de gauche». Pour le second, «la réponse, c’est la République, point».

    L’appel à l’intelligence personnelle et collective de la campagne du Front de gauche a également trouvé un écho particulier dans des quartiers en grande difficulté économique et sociale où les pratiques clientélistes perdurent. «Ça suffit de penser qu’on peut tout acheter parce qu’on est dans la merde», «On ne me dicte pas mon vote, on n’est pas des ânes» sont quelques-unes des phrases entendues dans le bureau de vote de la Castellane. Avant le discours du Prado, Hayet n’avait que peu entendu parler du candidat du Front de gauche. C’est son fils lycéen, Rami, qui lui en a fait tout un chapitre, de retour des plages où quelques copains l’avaient traîné. «Tu verrais comment il a parlé des Arabes !». Il n’a pas mis longtemps à la convaincre. Elle n’était pas la seule séduite puisque le bureau 1541, cité du Castellas, a accordé 22% à l’homme qui parlait au bord de la Méditerranée.

Fin de citation.

 

Les résultats complets (Marseille).

    Voici un tableau des résultats dans les bureaux de vote cité par Deroubaix. J’ai additionné les votes de ces cinq bureaux ce qui n’a qu’une signification limitée. Mais ce sont des bureaux à la sociologie voisine et, somme toute, cela donne de l’étoffe à l’échantillon. Sur ces bureaux, le vote exprimé est fort réduit : 68,5% des inscrits ont réellement exprimé un choix. C’est fort peu. Les riches, en revanche, savent où est leur intérêt. Au hasard, le bureau 833 -donc 8° arrondissement - 83,2% des inscrits se sont exprimés valablement et -ô surprise- N. Sarkozy obtient 63,5% des bulletins dès le premier tour. Bureau neuilléen.

    La lutte contre l’abstention dans les cités demeure une nécessité absolue.

    J.-L. Mélenchon obtient à l’évidence de bons scores par rapport à sa moyenne nationale (21,5% au lieu de 11,1 en termes d’exprimés). Au second tour, le nombre de suffrages exprimés sur les 5 bureaux est presque identique : la consigne de LePen n’a pas été respectée. Les bureaux 1586 et 1588 augmentent même leur participation (Bd Henri Barnier). L’influence du FN n’est pourtant pas nulle : l’avant-dernière ligne du tableau donne les résultats obtenus par LePen, à savoir 16,7% des exprimés en moyenne sur les cinq bureaux. Les résultats de N. Sarkozy sont affligeants : moins de 10% des votes exprimés et 6,8% des inscrits au premier tour ! Mais pour qui donc ce président a-t-il gouverné ?

 

 

Bureaux du 15° arr. de Marseille

 

%

Expr

1°tour

1532

1541

1577

1586

1588

Total

inscrits

1024

570

1427

1034

1064

5119

 

votants

745

430

960

720

708

3563

 

exprimés

736

421

944

712

696

3509

 

ANBl.

 

 

 

 

 

31,5%

 

J.-L. M.

174

92

203

139

146

754

21,5

F.H.

193

160

464

401

430

1648

46,9

2°tour

 

 

 

 

 

 

 

inscrits

1024

569

1427

1034

1064

5118

 

votants

718

434

974

748

751

3625

 

exprimés

682

415

939

737

730

3503

 

ANBl.

 

 

 

 

 

31,5%

 

F.H.

405

269

732

619

651

2676

76,4

N. Sarko

277

146

207

118

79

827

23,6

FN 1°t

218

72

124

95

78

587

16,7

NS 1°t.

101

76

103

43

24

347

9,9

Source : établi à partir des chiffres fournis par LA PROVENCE, n° du 23 avril 2012.

 

 Le second tour est un véritable referendum pour ou contre Sarkozy. Le rapport de forces est de ¾ - ¼ (76/24) au détriment du sortant. Au bureau 1588, le vote hostile à Sarkozy atteint 88,2%....C’est un vote de rejet plutôt qu’un vote d’adhésion au programme du candidat victorieux. Ainsi que l’écrit le journal « l’Écho du Centre » dans son édition du 7 mai, "le tout-sauf-Sarkozy aura suffi". Les bulletins FN du 1er tour ont le plus souvent rebondi directement dans l’escarcelle de N. Sarkozy. Ainsi dans le bureau 1541, avenue du Castellas, c’est presque du 100% (72+76 =148 ; 2° t. NS = 146).

    Les "cités" de Marseillais ont bien répondu, mais à qui ? le fabuleux discours de la plage du Prado prononcé par J.-L. Mélenchon est destiné a traversé l’histoire. Pourtant c’est le candidat Hollande -qui n’a rien dit ou presque sur LePen- qui rafle la mise !

 

...au Nord (photo de la VOIX DU NORD, datée du 7 mai) la PQR publie des photos sans ambiguïté.

A suivre : le cas de Toulouse et de Vénissieux, avec deux mots sur La Grande Borne dans l’Essonne. lien : Le Front de Gauche séduit les cités, oui…mais ! (2° partie : Toulouse, Vénissieux) 



[1] Numéro du 2 mai 2012.

[2] Commençant par 15, ces numéros indiquent des bureaux du 15° arrondissement.     

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