"Les régions cléricales de l'Ouest", hier et aujourd'hui (atlas)

publié le 7 juin 2015, 10:00 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 31 juil. 2017, 04:25 ]
  
     
C'est un ensemble de régions présenté par A.Siegfried dans son célèbre "Tableau politique de la France de l'Ouest", livre écrit avant la guerre de 14-18.
    Pour entrer dans le vif du sujet voici la reproduction de la carte établie par Siegfried pour son chapitre "L'influence politique du clergé catholique".
    
   
    le catholicisme et le cléricalisme

    Il faut, bien entendu, dire ce que Siegfried entend par "régions cléricales". Ce dernier écrit :

    "Une distinction nécessaire s'impose ici entre le catholicisme et le cléricalisme. Je n'emploie qu'à regret ce terme de cléricalisme, qui est un terme de polémique et dont le sens est évidemment péjoratif, puisque ni les catholiques, ni les cléricaux eux-mêmes ne s'en servent jamais. Mais je ne puis admettre, comme beaucoup de catholiques voudraient le prétendre, qu'il ne recouvre aucune réalité ; et surtout je ne lui trouve aucun équivalent. D'un côté (catholicisme, JPR) il s'agit simplement d'une religion, de l'autre (cléricalisme) d'un état d'esprit et d'un système politiques. Le catholicisme non clérical laisse, dans l'homme, le citoyen distinct du fidèle : celui-ci, comme fidèle, est soumis à la hiérarchie ecclésiastique ; celui-là, comme citoyen, en est indépendant. Mais, dans le cléricalisme, le fidèle reconnaît au prêtre ou subit de lui une autorité politique du même ordre que son autorité religieuse, c'est-à-dire également indiscutée. J'appellerai donc cléricalisme le système qui fait de l'autorité ecclésiastique une arme politique, et cléricales les populations qui acceptent ou subissent à la fois la direction religieuse et la direction politique du clergé. De ce fait, la distinction du fidèle et du citoyen s'évanouit : au lieu de deux ordres autonomes, l'un religieux, l'autre civil, il ne subsiste plus qu'une seule direction générale, incontrôlable et discrétionnaire. Pour la clarté de la définition, j'ai poussé à l'extrême ces caractéristiques, et il est bien évident que le cléricalisme n'a pas toujours cette rigueur. Mais quand il la possède, on conçoit sans peine que la liberté de la société politique se voie, ou gravement compromise ou totalement supprimée. D'où, en politique, l'importance énorme de déterminer si une population est ou non cléricale". Fin de citation.

    L’apophtegme célèbre de Gambetta "le cléricalisme, voilà l'ennemi" doit être lu et compris à la lumière des propos de Siegfried. Gambetta n'était pas irréligieux mais hostile au pouvoir politique de l’Église catholique en France.

    l'alliance "de la cure et du château"

    Cette formule est de Siegfried lui-même. Elle est évidemment construite à partir de la célèbre formule républicaine, l’alliance du "trône et de l'autel". Siegfried veut signifier l’alliance du châtelain et du curé qui dominent tous deux le village, ex-seigneurie. Voici une carte qui montre le régime de la propriété dans l'Ouest.


    Si l'on fait abstraction du Val de Loire, on constate que la grande propriété nobiliaire domine sans partage sur le Maine, l'Anjou et la Vendée. Les régions hachurées sont les régions où "les différents types de propriété  (particulièrement la grande et la petite)  coexistent".   

    Le pouvoir de l’Église sur les habitants peut être éclairé par de nombreux facteurs. Voici celui de la scolarité des filles. Ces dernières doivent-elles être inscrites à l'école de la République (du Diable) ou à l'école privée -que ses partisans appellent l'école "libre" - de Mr le Curé ? Voici une carte sans appel :


    On notera la différence entre les deux versants du départements de la Sarthe : l'ouest clérical et l'est laïque. Les élections de 1946 dans la Sarthe : permanences siegfriediennes ?


    Et aujourd'hui ?
   


    Ces régions cléricales, mis à part le Pays de Caux en Normandie et le Pays de Léon (Finistère nord) ont pour épicentre la Loire-Atlantique et le Maine&Loire. Régions longtemps dominées par la droite. Ce dont témoigne l'ancienneté de l'orientation à droite des départements, telle que F. Goguel l'a distinguée : carte ci-dessus.

   

    La permanence bien connue des comportements électoraux, en France, existe bel et bien, dans ces régions naguère "cléricales". Voici d'abord les résultats de la candidate Boutin, catholique traditionaliste, la mère des monastères bénédictins, (Pour qui votent les intégristes ? et aussi Madame Boutin et le parti Radical) lors de la présidentielles 2002 :

   
    J'ai trouvé également la carte du vote Royer en 1974, techniquement moins bien réalisée que la précédente.
Jean Royer s'était présenté à l'élection présidentielle sur un programme très conservateur. Il s'était notamment rendu célèbre pour sa croisade contre la pornographie, qui lui avait valu le surnom de "père la pudeur", et contre l'avortement. 
(LEXPRESS.fr, publié le 25/03/2011)

    En creux, on peut démontrer la permanence des traditions par le vote récalcitrant (euphémisme) pour le PCF ou le Front de Gauche :
    Sur cette carte, notez le rouge vif entre Saint-Brieuc et le Pays de Léon : c'est le Trégorrois et le pays guingampais qui feront l'objet d'une étude ultérieure. Élections en Bretagne : 1910 - 1965 - 2015


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