Ils
ne sont pas membres de LaREM, mais font partie de la majorité
parlementaire et prennent très au sérieux le premier anniversaire des
gilets jaunes. Ils sont députés Modem, UDI ou sénateurs centristes et
s’inquiètent de l’appel à une grève illimitée lancée par la plupart des
syndicats à partir du 5 décembre. « La France serait à la veille d’une
nouvelle convulsion », écrivent-ils dans une tribune commune, mesurant
que « les Français souffrent toujours » malgré les réponses de
l’exécutif. « Notre devoir est de répondre à cette dépression. Pour
dessiner, sans attendre le 5 décembre, le chemin vers un sursaut
national. Le gouvernement doit convoquer une grande conférence
sociale », précisent dans le Parisien le président du groupe Modem à
l’Assemblée, Patrick Mignola, le coprésident du groupe UDI-Agir
Jean-Christophe Lagarde, et aussi Hervé Marseille, à la tête du groupe
UC au Sénat.
"Une crise de frustration"
La donne a bien changé depuis le début du quinquennat. En
2017, lors du vote de la loi Pénicaud s’attaquant au Code du travail,
Patrick Mignola plastronnait que « la lutte des classes est terminée ».
Il s’émeut aujourd’hui que, en « dix ans, la rémunération du capital a
augmenté sept fois plus vite que la rémunération du travail ». Dans une
mondialisation « désordonnée et surtout dérégulée, le capitalisme
provoque plus que jamais des inégalités grandissantes », ajoute-t-il,
avant de conclure que c’est le « rééquilibrage entre le prix du travail
et celui du capital que cette conférence sociale doit négocier ». Une
analyse partagée par Erwan Balanant. « À partir du moment où une
entreprise peut augmenter la rémunération des actionnaires, elle peut
augmenter celle des salariés. Sinon, c’est de l’injustice », argumente
le député Modem. À ses yeux, il n’y a pas seulement une crise du pouvoir
d’achat, mais surtout « une crise de la frustration de tous ceux qui
travaillent et qui ne s’en sortent pas. Est-ce que la colère va
exploser ? Est-ce que cela va aller plus loin qu’actuellement ? Je
n’espère pas. Mais pour cela il faut répondre aux Français ».
Augmenter les salaires
Fini de feinter ? L’enjeu est bel et bien de ne pas
sous-estimer ce qui se prépare avec une possible convergence des
mobilisations, d’après la députée UDI Sophie Auconie. « Il faut que l’on
se mette tous autour de la table, avec le patronat et les syndicats,
pour voir comment on peut pacifier le climat. Les Français vont être
offensifs. Il faut qu’on les entende et que l’on réponde à leurs
véritables attentes », mesure-t-elle. L’élue appelle à augmenter les
salaires « le plus rapidement possible », et dévoile une partie des
mesures qui seront annoncées mercredi pour répondre à la colère dans les
hôpitaux. « On va ajouter 1 euro par acte aux infirmières. Mais ce
n’est pas assez. Il faut prendre de la hauteur. On ne peut pas se
contenter de mesures à la petite semaine, il faut avoir une vision
globale. »
Une réforme des retraites est par contre « obligatoire
pour ne pas aller dans le mur », insiste-t-elle. « Si j’étais
syndicaliste aujourd’hui, j’irais me battre sur la hausse des salaires.
C’est un combat bien plus important que d’aller manifester sur les
retraites », abonde Erwan Balanant, qui appelle ici à des gestes forts
de la part du gouvernement. « Payer moins d’impôt sur le revenu, c’est
bien, mais être mieux payé, c’est mieux. Psychologiquement, ce n’est pas
du tout la même chose. L’acceptation de l’impôt est d’ailleurs beaucoup
plus simple quand votre salaire augmente », développe-t-il. Reste à
savoir si le gouvernement, qui bégaye sur les retraites et s’apprête à
revoir sa copie sur l’hôpital, acceptera et jouera le jeu d’un
« Grenelle du XXIe siècle », et s’il modifiera son projet de budget,
actuellement en discussion.