Le travail de terrain de Stacey ABRAMS profite à Biden en Géorgie (Le Monde).

publié le 10 nov. 2020, 02:09 par Jean-Pierre Rissoan

    Je publie cet article paru dans « le MONDE » de Dimanche/lundi 8-9 novembre 2020 qui montre le rôle important de Mme Stacey Abrams dans la victoire historique de J. Biden dans l’État de Géorgie. Je le publie avec un peu de vanité parce que j’ai publié, après les mid-term élections de 2018, une série d’articles sur la Géorgie dont le quatrième était entièrement consacré à Mme Abrams qui avait failli remporter le poste de gouverneur. Article intitulé LE COMBAT DE STACEY ABRAMS QUI A BOULEVERSÉ LA GÉORGIE. Géorgie : études électorales (mid-term 2018) 4ème partie. C’est Christophe DEROUBAIX, grand reporter à l’Humanité, qui avait signalé à ses lecteurs ce grand combat qui se déroulait dans cet État du sud, acquis aux Républicains depuis des lustres.

    PS. les mots en gras sont soulignés par moi-même.

    Jean-Pierre RISSOAN 

En Géorgie, Joe Biden récolte les fruits du travail de terrain de Stacey Abrams

    Elle a repris un des principaux combats du mouvement des droits civiques, celui pour le droit de vote, et a fédéré les minorités empêchées d’exercer le leur.


    « Il est prévu quand, le défilé en l’honneur de Stacey Abrams ? », a tweeté, vendredi 6 novembre, l’éditrice Lisa Lucas. « Les républicains lui ont pris son poste de gouverneure, en retour, elle a pris l’État », a écrit un certain @u2_randy. Plusieurs figures du Parti démocrate – Hillary Clinton, Alexandria Ocasio-Cortez ou Jon Ossoff, candidat à l’élection au Sénat en Géorgie – n’ont pas manqué de souligner son apport crucial dans la campagne de 2020. Samedi 7 novembre, alors que le nom du 46e président des Etats-Unis n’était pas encore connu, un constat s’imposait : Joe Biden et l’ensemble du camp démocrate devaient une fière chandelle à Stacey Abrams.

En effet, si Joe Biden a pulvérisé les records de participation chez les électeurs démocrates, obtenant plus de 2,4 millions de voix le 3 novembre, contre moins de 1,9 millions pour Hillary Clinton quatre ans plus tôt, c’est sans  doute en partie grâce à l’extraordinaire travail de fond de cette avocate fiscaliste, diplômée de Yale, romancière, militante et femme politique, âgée de 46 ans.

En 2002, elle devient procureure générale adjointe de la ville d’Atlanta. En2006, elle se présente et est élue par les électeurs démocrates à l’Assemblée de Géorgie. De 2011 à 2017, elle prend la tête du groupe démocrate à l’Assemblée de Géorgie. En2016, lors de la convention démocrate de Philadelphie, elle se fait remarquer, parlant de sa passion pour le service public.

Mais c’est en 2018 qu’elle émerge vraiment sur la scène nationale. Soutenue par Bernie Sanders, elle devient la première candidate noire à un poste de gouverneur. Elle perd de peu face au républicain Brian Kemp. Elle dénonce des irrégularités lors du scrutin, évoque des bulletins rejetés, des pannes de machines à voter. Son équipe y voit une tentative de restreindre l’accès au vote, notamment celui des électeurs noirs.

En 2013, elle lance le New Georgia Project, qu’elle dirigera jusqu’en 2016. Cette organisation pousse les personnes non blanches à s’inscrire sur les listes électorales, afin qu’elles prennent leur destin en main. Lorsque le New Georgia Project a été lancé, 1,2 million de non-Blancs et de femmes non mariées avaient le droit de vote, mais ne l’exerçaient pas, faute d’être inscrites sur les listes électorales, expliquait, à la chaîne ABCNEWS, Nse Ufot, qui lui a succédé à la tête de l’organisation. Elle enclenche une dynamique : au cours des trois dernières années, elle a permis l’inscription de 500.000 électeurs supplémentaires sur les listes électorales.

EN 2018, CANDIDATE AU POSTE DE GOUVERNEUR, ELLE DÉNONCE DES IRRÉGULARITÉS, ÉVOQUE DES BULLETINS REJETÉS, DES PANNES DE MACHINES À VOTER

En 2018, après sa défaite face à Brian Kemp, elle repart en croisade avec, comme objectif, l’élection de 2020. Elle lance Fair Fight. Cette fois, il s’agit de lutter contre les techniques destinées à décourager ou à empêcher les électeurs – qui appartiennent en général à des minorités – d’exercer leur droit de vote, en limitant, par exemple, le nombre de bureaux de vote dans une circonscription, ce qui les oblige à choisir entre faire la queue pour voter ou ne pas aller voter. Elle reprend un des principaux combats du mouvement des droits civiques : celui pour le droit de vote. Elle fédère des organisations afro-américaines, latinos et asiatiques. En partie grâce à ses efforts, plus de 4,95 millions d’électeurs ont participé à l’élection de 2020 (contre 4,1 millions en 2016), apportant un soutien décisif à Joe Biden. La Géorgie passe du rouge au bleu. «La Géorgie a acquis ce statut de swing state (État pivot) grâce à l'arrivée de Latinos, d’Asiatiques et au retour de milliers de Noirs - un mouvement inverse de la grande migration afro-américaine (du Sud vers le Midwest, le Nord-Est et l'Ouest, à partir de 1910) - favorables aux démocrates mais aussi grâce au travail de fond de ces organisations qui sont parvenues à mobiliser les minorités», confirme Bernard Farga, professeur de sciences politiques à l'université Emory d’Atlanta.

Vendredi matin, Stacey Abrams n'a pas cherché à tirer la couverture à elle. Dans un Tweet, elle a remercié toutes les organisations ayant contribué au changement en Géorgie et a inscrit sa démarche dans celle des grands défenseurs des droits civiques. Après avoir été brièvement considérée comme une possible colistière du candidat démocrate, elle est de plus en plus perçue comme la nouvelle porteuse du flambeau du mouvement incarné par deux Géorgiens emblématiques et figures majeures de la lutte pour les droits des Afro- Américains : Martin Luther King Jr et le représentant John Lewis.

Liz Garbus, l'une des réalisatrices du film All In. The Fight for Democracy (Amazon. Prime), qui évoque les combats de Stacey Abrams, résume, dans The Hollywood Reporter : « Elle a permis aux habitants de Géorgie d'être représentés par des élus qui leur ressemblent vraiment. ».

Refus d'admettre la défaite

Chez les républicains, en revanche, elle fait figure d'épouvantail. Certains des partisans du président Trump, comme Byron York, commentateur de Fox News, ont critiqué, en 2018, le refus de Mme Abrams d'admettre sa défaite face à Brian Kemp. Aujourd'hui, il affirme que cette attitude a créé un précédent permettant à Donald Trump de refuser d'accepter les résultats de 2020. A ceci près que Stacey Abrams a déclaré qu'elle mettait fin à sa campagne, avant de conclure : « La démocratie a laissé tomber les Géorgiens. ».

Si la Géorgie offre la présidence à M. Biden, celui-ci devra trouver une manière de remercier Stacey Abrams. La tweetosphère n'est pas en manque de suggestions. Comme celle consistant à lui confier les clés du Parti démocrate, comme le tweetait jeudi soir Rachel R. Gonzalez, une militante du Parti.

 

PIERRE BOUVIER

 

 

 


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