A la
différence des pays
fascistes, les Alliés ses sont rapidement concertés tant au plan
militaire que
diplomatique pour remporter la victoire. L'histoire diplomatique de
la WWII [1]
est indispensable pour la compréhension de l'après-guerre. Cependant les
Alliés
sont fort différents et leur intérêts ne sont pas du tout les mêmes ; de
plus, en Europe comme en Asie, la guerre a des conséquences durables sur
l'état
d'esprit des peuples et sur la géographie des frontières.
De la
guerre et de la volonté des
vainqueurs sort un monde radicalement nouveau. Unis dans la "Grande
Alliance", les vainqueurs peuvent imposer
leur loi (A) et dessiner ainsi une nouvelle carte du monde (B).
A. LA LOI DES VAINQUEURS
Une série
de conférences au plus
haut niveau, scande l’union des Alliés.
1.
Les grandes conférences de la "Grande
Alliance "
- Moscou,
août
1942 : Staline demande l'ouverture d'un second front.
- Casablanca :
14
janvier 1943 (on se battra jusqu’à la capitulation de l’Allemagne, pas
de paix
séparée)
- Moscou,
octobre 43,
pour l'O.N.U.. Présence de la Chine nationaliste.
- Téhéran,
27 novembre
1943 ; Churchill propose de décaler les frontières de la Pologne vers
l'ouest aux dépens de l'Allemagne ; décision d’Overlord (débarquement en France).
- Moscou,
du 9 au 18
octobre 1944, ne réunit que Staline et Churchill. C’est de là que date
le mythe
du "partage" du monde ; opération aéroportée britannique
sur la
Grèce, abandonnée par Staline à l'Angleterre, le 14.X.44. Je dis
"abandonnée" parce que la résistance communiste était majoritaire en
Grèce. Mais, Staline ne pense qu'à ses intérêts nationaux et la Grèce
n'a pas de frontière commune avec l'U.R.S.S.. La Pologne, au contraire,
qui n'est pas ou très peu communiste, sera intégrée au bloc soviétique
car elle est une voie d'invasion de la Russie.
Ce document a
été publié par Le Monde, le 21 janvier 1992. A gauche, la version
anglaise, raturée, a été écrite la première. à droite, le document russe
sans rature est la traduction du premier. Les deux dirigeants se
distribuent leurs zones d'influence : la Roumanie sera à 90% sous
contrôle soviétique, la Grèce à 90% sous influence britannique, etc....
Churchill a évité les initiales W.C. et son tampon indique W.S.C. , S
pour Spencer.
-YALTA,
février 1945 :
La
conférence est dominée par le
souci d'arriver à un accord. La carte de guerre avantage Staline dont
l'Armée
Rouge se trouve à 100 km de Berlin alors que les Américains n'ont pas
réglé le
problème du franchissement du Rhin ni celui de l'invasion du Japon.
Trois accords sont
facilement obtenus :
- Le
Reich sera fractionné,
l'Allemagne devra des réparations, la France est associée à l'occupation
du
pays.
-l’U.R.S.S.
entrera en guerre
contre le Japon, 3 mois après la capitulation de l'Allemagne, ses droits
lui
sont reconnus sur Sakhaline et les îles Kouriles.
-l’O.N.U.
sera mise en place par
une conférence, distincte des traités de paix, organisée par les 5
puissances
alliées qui auront droit de veto. L'U.R.S.S. disposera de 3 sièges[2] ;
une
tutelle internationale (AMGOT) sera mise en place sur certains
territoires.
Sur le sort de l'Europe,
les discussions sont plus délicates.
La
Yougoslavie est libérée par
ses propres forces. Les Alliés optent pour un gouvernement provisoire
suivi par
des élections générales. Elles auront effectivement lieu en novembre
1945 (90%
au front populaire de TITO).
La
Pologne aussi, a un
gouvernement en exil à Londres mais elle est occupée par l'Armée Rouge
et est
vitale pour la sécurité de l'URSS. Il y a un gouvernement de fait
pro-communiste à Lublin mais quelle est sa légitimité ? Les Alliés
optent
pour un gouvernement réorganisé, élargi aux libéraux-nationaux (et
effectif le
28 juin 1945) et pour des élections (janvier 1947). Accord sur la ligne
Curzon[3]
(frontière polono-soviétique).
Ce n'est
pas un "partage du
monde" et il faut bien voir que la Guerre Froide changera l'esprit des
accords.
- POTSDAM,
17 juillet-2 août 1945
Attlee
remplace Churchill ;
Truman est président depuis le 12 Avril 1945 ; Staline est présent. Pour
l'essentiel cette conférence confirme Yalta.
- mise
en place des négociations
de paix avec les ex-alliés d’Hitler : l'Italie, Roumanie, Finlande,
Hongrie, Bulgarie (les traités seront signés le 10 II 47).
-
accords sur les frontières
polonaises dont la frontière allemande qui sera sur la ligne Oder-Neiss
avec
déplacement de population. A confirmer par le traité de paix.
- les
Soviétiques recevront 25%
de l'outillage des zones allemandes d’occupation occidentales en plus
des
réparations prélevées sur la partie orientale plus pauvre qu'ils
occupent.
-
l'Allemagne sera soumise à une
triple politique de démilitarisation, dénazification, démocratisation.
Un procès sera mis sur pied pour juger les criminels nazis (ce sera
Nuremberg). Chaque
allié reste maître dans sa zone d'occupation. Seule Berlin a un statut
spécial : c'est une région " hors zone " occupée
conjointement par les quatre alliés et administrée par une autorité
interalliée
particulière : la "kommandantura",
mise en place le 11 juillet (avant Potsdam donc).
2.
Des alliés aux situations diverses
L'U.R.S.S.
a subi des pertes
incalculables. Elle est hantée par sa sécurité et exige des frontières
et des
points d'appui sûrs et elle veut à tout prix extirper les racines du
militarisme allemand. La présence de son armée dans les pays de l'Europe
de
l'est "contribue à créer des
conditions favorables à un processus de transformation sociale"
(thèse
soviétique officielle) ; de toute façon, Staline ne veut que des pays
" amis " à ses frontières.
La
Grande-Bretagne a subi des
pertes relativement réduites, les ravages sont limités aux grandes
villes
bombardées. Son économie est désorganisée par un endettement massif et
les
revendications nationales secouent son Empire colonial. L'Angleterre n'a
qu'un souci : se retirer partout où elle dépense de l'argent :
Allemagne, Palestine etc… Par contre, elle veut garder, si possible, son
Empire.
Les E.-U.
ont dans une certaine
mesure profité de la guerre ; leur position n'a jamais été aussi forte
dans le monde et cela dans tous les domaines. Leur souci est d'écouler
leur
production dans un monde libéralisé, d'éviter une crise de reconversion
comme
en 1920-21 et donc des mouvements sociaux surtout à un moment (1944, 45,
46..) où
les forces syndicales, socialistes et communistes n'ont jamais été aussi
dynamiques. Les Anglo-saxons s'accommoderaient d'une renaissance rapide
de
l'Allemagne : diminution des dépenses militaires, nouveaux clients pour
l'industrie américaine, valorisation des intérêts placés outre-Rhin
avant 1930.
La France
quant à elle souhaite
des réparations allemandes. Au
départ, elle a une position proche de celle de l'URSS par rapport à la
question
allemande : démembrement, contrôle de la Ruhr, rattachement de la Sarre à
la France. A cette date, on ne parle pas de "Guerre froide".nouvelle carte du monde
B. UNE NOUVELLE CARTE DU MONDE
1. Les
transformations en Europe
Les
changements de frontières
concernent essentiellement l'URSS, la Pologne et l'Allemagne.
La Russie
retrouve ses frontières
de 1914. Elle récupère cependant une portion de la Prusse orientale,
l'autre
portion étant donnée à la Pologne. Aujourd'hui, cette portion (dite
enclave de
Kaliningrad) est toujours propriété de la Russie, après l'éclatement de
l'U.R.S.S..
L'Allemagne perd toutes ses
terres à l'est d'une ligne formée par l 'Oder et la Neiss (affluent de
rive
gauche).qui sont données à la Pologne.
Les
vainqueurs ont voulu assurer
une rigoureuse application du principe des nationalités : une nation =
un État, y compris au prix de déplacement de populations ce qu'ils
s'étaient
refusé à faire en 1919. Douze millions de personnes sont ainsi
déplacées. Il y
aura ainsi dans la nouvelle Allemagne de l'Ouest un parti des
" réfugiés " ;
cette main-d'œuvre abondante et bon marché assurera à la future R.F.A.
les
moyens d'un relèvement rapide.
Dans
l'immédiat après-guerre, on ne peut pas parler de rideau de fer en
Europe. Dans de nombreux pays, à l'est comme à l’ouest (France,
Italie,
Belgique) les gouvernements comprennent des forces politiques issues de
la
Résistance —depuis les communistes jusqu'aux partis démocrates-chrétiens
- : c'est la politique dite des "Fronts Nationaux". Mais
évidemment, les Américains (surtout après la mort de Roosevelt et
l’arrivée à
la Maison Blanche de Truman, anticommuniste systémique) s'inquiètent de
la
présence de tous ces communistes dans autant de gouvernements, surtout
que
l'Armée Rouge est installée au cœur de l'Europe.
2.
Les transformations en Asie
Elles sont encore potentielles
en 1945
a)
Au Japon
A Yalta, les Alliés sont
convenus d'une offensive soviétique
en Extrême-Orient, trois mois après la capitulation allemande. Les E.-U.
espèrent
de la sorte soulager Tchang-Kaï-Chek encerclé en Chine du sud et
espèrent
partager les risques de l'assaut final contre l'archipel nippon. En
application
de ces accords, les troupes soviétiques pénètrent en Mandchourie, en
Corée, à
Sakhaline, le 9 août (trois après le 8 mai 45). Mais, auparavant, la
bombe A a
explosé sur Hiroshima.
La thèse de Truman est qu'il
s'agissait de sauver la vie de
milliers de soldats américains. Une autre thèse est qu'il fallait
stopper la
progression soviétique, d'impressionner Staline (diplomatie de «l'atome
») et
de faire du Japon la chasse gardée des Américains. La thèse de Truman est d'autant plus
contestable que le blocus du Japon était possible et le Japon ne peut
pas vivre
sans l’accès à la mer. Le Japon capitule le 2 septembre 1945.
Mac Arthur impose son autorité
sur les membres du Suprem Command for the allied powers
(équivalent
d’un AMGOT) où Soviétiques, Anglais et Chinois n'ont qu'une voix
consultative.
Il interdit toute présence de 1'Armée Rouge au Japon : il ne veut pas
voir
se répéter ce qui se passe en Allemagne. Il met en application les
grandes
réformes qui imposent une démocratie de type occidental. Des
déplacements de
population sont opérés avec rapatriement sur le Japon.
b)
En Chine
La guerre civile (entre
nationalistes de Tchang et les
communistes de Mao) est ininterrompue depuis 1937 mais elle est en
sourdine pendant
la guerre d'agression japonaise. A Moscou, en 1943, les Alliés ont
coopté la
Chine comme puissance participante à l'œuvre des Nations Unies. Ils ont
renoncé aux «droits inégaux» imposés au XIX° siècle par des traités
léonins.
L'effondrement du Japon semble profité au régime de Tchang-Kaï-Chek
reconnu par
la communauté internationale (traité fondateur de l’ONU à San Francisco,
septembre 45). Mais, huit années de guerre ont modifié le rapport de
forces
entre les nationalistes et les communistes. Tchang est surtout établi
dans les
villes, mais l'inflation et la corruption atteignent sa crédibilité.
Mao, quant
à lui, contrôle 1 million de km2 sur lesquels il met en œuvre
la
réforme agraire, donnant la terre aux paysans : effet de cliquet
recherché.
c)
Au Vietnam
En Indochine, les partisans
communistes et leurs alliés,
résistants à l'agression japonaise, sont en mesure de s'emparer du
pouvoir.
C'est ce qu’ils font avec Ho Chi Minh. Quelle sera l'attitude de la
France
ancienne puissance coloniale ? Le général de Gaulle envoie l'amiral
Thierry
d'Argenlieu.
d)
En Indonésie
La situation est comparable
quoique non identique. Les Japonais
ont installé Soekarno dans le cadre de leur politique de «co-prospérité»[4]
mais après leur départ, celui-ci reste en place au grand dam des
Hollandais qui
voient s'échapper leur plus belle colonie. Les Pays-Bas vont réclamer le
retour
à la situation ex-ante.
e)
En Corée
Dans le cadre de la guerre
contre le Japon, les Alliés ont
envahi la Corée, alors colonie japonaise, l'URSS au nord, les Américains
au sud.
Un problème agraire grave se posait dans la péninsule. Les communistes
de Kim-Il-Sung
résistèrent aux Japonais et avec la présence soviétique peuvent
envisager une
prise du pouvoir. Les Américains s'inquiètent.
f)
Proche-Orient
Les Ang1ais sont présents en
Palestine en vertu des décisions
de la S.D.N.. Pendant la 2° guerre mondiale, le flux d'immigrés juifs,
qui
remonte à 1918, n'a fait que s'amplifier. Les Juifs désirent plus que
jamais un
territoire ici-même, selon ce qu'il considère être la promesse de Lord
Balfour de 1917.
Les Anglais attendent une décision de la nouvelle organisation
internationale :
l'ONU et ne demandent qu'à s'en aller.
L'ONU vote un plan de partage
de la Palestine en deux États
: l'un pour les Juifs, l'autre pour les Palestiniens. Ces derniers
refusent,
les États voisins, réunis dans la «Ligue arabe», créée pour l'occasion,
déclarent
la guerre au nouvel État "juif" (1947).
Les
deux cartes ci-dessus présentent la situation avant et après la guerre
israélo-arabe. Jérusalem devait avoir un statut de ville internationale
sous l'égide l'O.N.U.. Grâce à leur victoire, les Israéliens occupent la
partie occidentale de la ville. (aujourd'hui, ils occupent la ville
entière et prétendent l'annexer totalement en cas de création d'un État
palestinien. Pour les Musulmans, Jérusalem est une ville sainte de
l'Islam). La bande de Gaza est réduite à une portion congrue. Beaucoup
de Palestiniens ont fui leur pays après la défaite et habitent dans des
"camps de réfugiés" au Liban ou en Jordanie. Israël a un double accès à
la mer : la Méditerranée et l'Océan Indien via le golfe d'Aqaba et la Mer Rouge.
[2]
Arguant de la structure fédérale de l’U.R.S.S, Staline -qui savait que
l’O.N.U.
allait être dominée par les USA et leurs alliés- réclama 15 sièges, un
par
république soviétique ! on lui a dit de ne pas exagérer.
[3]
En Europe orientale, le mélange géographique des populations est
extrême. Après
la victoire de 1918, les Alliés mirent sur pieds une commission présidée
par un
Anglais, Lord Curzon. Cette commission délimita la frontière entre la
nouvelle
Russie et la Pologne ressuscitée (1921) : ce fut la « ligne
Curzon ». Mais les Alliés, effrayés par la victoire du communisme en
Russie ne respectèrent pas ces conclusions et la frontière polonaise
alla très
à l’Est, sur des territoires biélorusses. Ce sont ces territoires que
l’U.R.S.S. récupéra en 1939, après l’invasion allemande en Pologne.
Geste
inélégant mais fondé en droit.
[4]
Sur le thème : « vous voyez
nous ne sommes pas des impérialistes, puisque nous chassons les
Hollandais et
mettons un Indonésien à la tête de l’Indonésie ». En fait,
l’Indonésie
fut exploitée comme une colonie comme partout où débarquèrent les
Japonais