h. L'impérialisme en France


DEVOIR DE MÉMOIRE : LA FRANCE COLONIALE

    Suite à mon article sur « le devoir de transmettre », Serge Laurent me fait parvenir un travail qu’il avait effectué en 2005 à l’occasion du vote par l’Assemblée -dominée par une majorité UMP- de la loi sur « les aspects positifs » de la colonisation. Ce travail apportera beaucoup, je le pense, aux enseignants et étudiants concernés par ces questions, dont une bibliographie pratique. Les extraits de manuels scolaires publiés sous la III° république et cités par Serge Laurent sont particulièrement opportuns. Ils montrent l’extraordinaire "fracture" qu’il a pu y avoir entre l’idéologie impérialiste et celle des droits de l’homme. Et pourtant, à instar de Jules Ferry, ce sont les mêmes hommes, souvent, qui imposèrent aux Traditionalistes français la République et le droit de l’homme à l’instruction en même temps qu’ils soumirent les Indigènes avec une totale bonne conscience. Il y a là une contradiction inhérente à l’Occident. Ferry était un industriel du textile.

 Jean-Pierre RISSOAN


                                              
Ah ! que la colonisation était belle !

        Par Serge Laurent

        Société populaire de Villefranche-sur-Saône.


1.      UNE LOI SCÉLÉRATE

Le 23 février 2005, le Parlement français votait une loi dont l’article 4 stipulait :

« Les programmes de recherche universitaire accordent à l’histoire de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, la place qu’elle mérite. Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit. La coopération permettant la mise en relation des sources orales et écrites disponibles en France et à l’étranger est encouragée ».

La polémique a pris un tour très désagréable venant des nostalgiques de la colonisation. Le tristement célèbre chant colonial : « C’est nous les Africains qui revenons de loin » a retenti à la mi-décembre 2005 dans l’enceinte du conseil régional du Languedoc-Roussillon et les élus du Front national l’ont repris en chœur avec enthousiasme en ayant une pensée émue pour leur chef de l'époque, l’ancien officier Jean-Marie Le Pen.

Les députés du parti du président de la République, l’UMP, qui est aussi le parti du premier ministre et du ministre de l’Intérieur, considèrent que le visage du colonialisme a des traits positifs et n’en démordent pas. Ainsi les plus hautes autorités de l’État saluent la mémoire des empires coloniaux qui ont plongé dans une nuit interminable jalonnée de sang, de misère et d’oppression des continents entiers. Ils ignorent l’un des droits fondamentaux reconnus solennellement par la communauté internationale, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ils mettent donc le travail des historiens sous les verrous et font ainsi indirectement l’éloge de la conquête de l’Algérie par des colonnes de soldats français et ne font toujours pas le deuil de la défaite militaire dans la cuvette de Dien Bien Phu. Ils insultent les fils des colonies, même ceux qui sont désormais des citoyens français. Nous avons aussi une pensée pour l’affamé d’aujourd’hui, noyé dans le détroit de Gibraltar, pour le jeune homme déchiré à mort sur les barbelés de Ceuta ou Melilla, pour la famille traquée et démantelée dans une banlieue d’une grande ville.

Et c’est précisément à l’heure où dans les palais officiels la "négrophobie" et "l’arabophobie" relèvent la tête que s’est tenu à Bamako, au Mali, le treizième sommet franco-africain dont Jacques Chirac était "le patron". Que de spectres hantent ces lieux ! Croit-on que l’état critique dans lequel est plongé le continent africain depuis un demi-siècle n’a rien à voir avec l’histoire tragique que l’Europe lui a fait subir ? Quelle ingratitude des générations de puissants bourgeois de Nantes, de Bordeaux -ou d’ailleurs- ont manifestée à l’égard des Africains qu’ils ont soumis à l’esclavage et vendus pendant des siècles, accumulant ainsi des patrimoines colossaux !

De quel manque de reconnaissance font preuve les industriels des années soixante qui ont bâti des fortunes considérables en "important" des centaines de milliers de Maghrébins et d’Africains pour les chantiers du bâtiment, des autoroutes, des usines automobiles et autres ! Que font-ils donc pour les enfants des banlieues, eux qui doivent tout à leurs pères, leurs grands-pères et leurs aïeuls ? Qui osera dire à messieurs Sarkozy et Villepin que prendre pour cible, et mettre en croix, le monde de l’immigration est une faute politique et une honte morale du cœur de l’ancien pays colonisateur ?

Dans l’ancien Empire français, qu’adorent tant les adorateurs de la colonisation, 320 millions d’habitants disposent de 1 dollar par jour pour survivre. On y recense douze des dix-huit pays les plus pauvres du monde. Ses richesses naturelles y sont pillées par les grandes multinationales avec un incomparable taux de profit. Sa dette atteint 275 milliards de dollars. 30 millions d’Africains sont infectés par le sida. Seul 1 sur 10 a accès au traitement réparateur...

Un seul mot vient sous la plume, que cette fois nous ne chasserons pas, ignoble !

Lors d’une cérémonie de vœux, début janvier 2006, le Président Chirac a affirmé que l’article 4 de la loi du 23 février "devait être réécrit".

Aux dernières nouvelles (27 janvier 2006), le président Chirac aurait décidé purement et simplement d’abroger l’article 4 après passage devant le Conseil Constitutionnel. Cette abrogation serait donc certainement un geste d’apaisement, même si d’autres articles de cette loi demeurent très contestables, comme l’article 13, qui permet d’indemniser, donc de réhabiliter, les anciens activistes de l’OAS. Si cette annonce est bien suivie d’effet, il n’en restera pas moins indispensable de s’interroger sur le processus et la démarche idéologique qui ont conduit au vote d’un tel article, visant à l’écriture d’une histoire officielle au service d’orientations politiques. La communauté scientifique et enseignante doit rester vigilante contre toutes tentatives d’imposer un discours officiel et pour déjouer les amalgames et faire vivre les dimensions fortes de nos valeurs partagées.

Affaire à suivre…

2.      LES "BIENFAITS DU COLONIALISME"

a)      Esclavage

14 millions d’Africains ont été déportés au Nouveau Monde du XVIe siècle au début du XIXe siècle. Les descendants de ces esclaves, noirs ou métis, sont aujourd’hui environ 200 millions. La traite des Noirs aurait causé la mort de 13 millions d’hommes et de femmes, dont 2 millions disparus en mer[1].

b)      L’Algérie en 1962, c’était :

• Plus de 80 % d’analphabètes

• Moins de 10 % de la population scolarisée dans les écoles coloniales

• Un seul vétérinaire, deux ingénieurs agronomes, cinq architectes algériens.

• 30 000 lycéens et moins de 2 000 étudiants algériens qui fréquentaient la seule université d’Alger et l’École polytechnique.

• Moins de 100 médecins pour 10 millions d’habitants.

La guerre d’Algérie, ce fut :

• 8 000 villages détruits dont certains au napalm

• 5 millions d’Algériens déplacés

• 1 million d’Algériens en camps de regroupement. Plus de 200 000 détenus.

• Plus d’un million d’Algériens morts pendant huit ans de guerre.

• 25 000 jeunes Algériens tombés dans la seule capitale entre 1955 et 1957 durant ce que les historiens ont appelé la « bataille d’Alger ».

c)      Quelques dates :

1802. En Guadeloupe, 10 000 personnes périssent lors du rétablissement de l’esclavage.

16 mars 1871. Une insurrection éclate en Kabylie. La répression, impitoyable, coûte la vie à plus de 20 000 insurgés. Des villages entiers sont détruits, des familles décimées ou jetées sur les chemins  de l’errance. Les terres sont confisquées et distribuées aux nouveaux colons alsaciens. Des milliers d’insurgés sont déportés dans les bagnes de Cayenne ou de Nouvelle-Calédonie. D’autres sont enrôlés de force pour la campagne de Madagascar. La région se voit infliger une amende de 36 millions de francs-or.

Janvier 1927. L’inspecteur des colonies de 3e classe Gayet, dans un rapport sur l’administration de Cochinchine, parle d’un "véritable servage".

1928. Un rapport du directeur local de la santé au Cambodge décrit l’infirmerie d’une exploitation de Kantroei, appartenant à la Société indochinoise des plantations de Mimot, comme une "cour des miracles".

8 mai 1945. L’armée française et les colons répriment la manifestation pour l’indépendance de l’Algérie, à Sétif et Guelma. Les événements tournent à l’émeute et embrasent tout l’Est algérien. Bilan : un massacre qui fera 45 000 morts.

30 mars 1947. Une insurrection éclate à Madagascar. Elle est réprimée dans le sang par l’armée française. Bilan du  massacre : 90 000 morts.

3.      LA COLONISATION VUE AUX XIXe et XXe SIÈCLES

a)      Discours de Jules FERRY - Chambre des Députés le 28 juillet 1885

Redevenu simple député, il défend une demande de crédit du gouvernement pour une expédition à Madagascar. « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ».

b)      L'idéologie colonialiste dans les manuels scolaires de la 3e République

 

- Livre d’histoire - classe de 3e - André Alba – Hachette Programmes de 1938

 (…) « La France et les indigènes. Dans un empire colonial aussi vaste, où l’on rencontre des indigènes presque barbares comme les nègres du Congo, et d’autres, fiers de leur très ancienne civilisation comme les Annamites, l’attitude à l’égard des peuples soumis ne pouvait être partout la même. Toujours, cependant, la tâche était d’une extrême difficulté, mais aussi magnifiquement belle. Il s’agissait de conquérir pour le pacifier et ensuite le coloniser, un pays dont les mœurs et les croyances n’avaient parfois presque rien de commun avec celles des Européens. Il y fallait dès l’abord un mélange de force et de douceur, d’intimidation et d’appel à la confiance, qui préparât pour l’avenir une coopération féconde. Les conquêtes et l’administration coloniales furent souvent marquées par d’affreuses cruautés. Mais la vraie méthode à suivre, - politique d’éducation, de collaboration et d’amitié - avait été fixée et appliquée par les grands coloniaux dont la France a le droit d’être fière, magnifiques exemples de vaillance militaire et de large humanité : Bugeaud, Faidherbe, Brazza (En réalité italien d'origine, SL), Gallieni, Lyautey».

 

- Livre de géographie "La France et ses colonies" - D’après les programmes du 18 août 1920, M. Fallex, A. Gibert et R. Ozouf - Librairie Delagrave 1933

 

« I. Le grand effort colonial de la troisième république

(…) Le XIXe siècle reconstitua l’empire perdu[2]. Les points heureusement sauvés du désastre fournirent une base d’expansion ; ailleurs des places encore vacantes furent occupées sur le globe, et finalement c’est l’Afrique, c’est l’Indo-Chine qui formèrent le centre d’un nouveau domaine. Charles X décida l’expédition d’Alger ; la monarchie de Juillet et le second Empire firent la conquête de l’Algérie et posèrent des jalons au Sénégal, sur les côtes de Guinée, à Madagascar, dans la Cochinchine et dans les archipels du Pacifique ; la Troisième République fit plus encore, grâce à l’impulsion clairvoyante et énergique de Jules Ferry : elle compléta l’Algérie par le protectorat de la Tunisie, par la pénétration saharienne, par le protectorat du Maroc ; elle conquit, elle organisa l’Afrique occidentale, l’Afrique équatoriale, Madagascar et l’Indo-Chine, sans compter la Somalie et divers îlots, à travers le monde, dont la valeur est loin d’être négligeable.

Ce beau mouvement d’expansion dans les parties nouvelles du globe ne doit pas nous faire oublier les colonies perdues. Elles ont montré la vitalité de notre race, sous le soleil des tropiques aussi bien que dans les régions tempérées ; elles demeurent comme des témoins irréfutables de nos aptitudes colonisatrices ; enfin avec le parler de France elles ont gardé des sentiments français : aux heures tragiques de notre histoire, leur loyalisme envers leur métropole nouvelle n’a point empêché leur âme filiale de vibrer à l’unisson de la vieille mère patrie. Près de 3 millions de Français peuplent le Canada et les États voisins de l’Union américaine ; des groupes français demeurent vivaces parmi les Anglo-Saxons autour de Saint-Louis du Mississipi et de la Nouvelle-Orléans ; c’est le français qui est le plus généralement parlé à Saint-Domingue et dans toutes les îles du Vent, la population, enfin, de l’île de France[3] est française de langue et de mœurs. Cette communauté d’origine, d’idiome, de souvenirs et de sentiments peut et doit se traduire par des résultats positifs pour notre commerce et notre industrie ».

II. Nécessité d’une politique coloniale

« Il faut à la France une politique coloniale ; il s’agit de l’avenir même de la patrie ! » disait Jules Ferry en 1882.

Cette politique d’expansion est commandée par la nature elle-même, par la situation de la France sur deux mers, la Méditerranée et l’Atlantique : les grands événements maritimes de tous les temps ont retenti sur elle, la découverte de l’Amérique et 1’ouverture du canal de Suez par exemple.

Mais à ces raisons géographiques s’ajoutent des raisons économiques, des raisons sociales, des raisons politiques, des raisons morales.

1- A une époque où les grands États pratiquent une politique de protection économique et s’enferment dans des barrières de douanes, la France doit tendre à se suffire à elle-même et à ne pas dépendre économiquement de l’étranger. Les colonies lui envoient les produits tropicaux pour son alimentation et les matières premières pour ses industries. Elles reçoivent en retour ses articles manufacturés et sont des débouchés précieux, sinon privilégiés, pour ses usines de transformation.

2- « Comme les ruches qui n’essaiment pas, les nations sans colonies sont des nations mortes. » (Francis Garnier). L’émigration est une nécessité vitale ; elle stimule les capitaux et les attire au dehors ; elle suscite au dedans l’accroissement de la population, et c’est encore, une admirable école d’énergie. La France a intérêt à diriger ses émigrants vers des colonies où ils forment des essaims actifs, au lieu d’aller se perdre parmi des nations étrangères.

3- L’Europe n’exerce plus une hégémonie incontestée dans l’histoire universelle ; c’est aux quatre coins du globe que se traitent aujourd’hui les grandes questions. Sous peine de déchéance, la France doit être présente partout, pour faire entendre sa voix, pour défendre la cause du droit en même temps que ses intérêts dans tous les grands conflits. Il lui faut donc s’ouvrir des horizons sur toutes les mers et sur tous les continents.

4- La France enfin a une mission morale à remplir auprès des peuples encore inférieurs, mission digne de son génie et conforme à son passé : élever jusqu’à elle les hommes de toute couleur, de demi-culture ou même totalement esclaves de l’ignorance et du despotisme, les « appeler à la lumière et à la liberté », en se faisant aimer d’eux, les associer enfin à sa propre civilisation. (…).

III. Afrique occidentale française (…)

Populations - L’Afrique occidentale française a une population faible : 14 576 000 hab., 3 par km2. On distingue trois races fondamentales :

1- Les régions désertique et subdésertique sont parcourues par des peuples de vie nomade, pastorale et guerrière, de religion musulmane, appartenant à la race blanche : des Berbères (Maures à l’Ouest, Touareg du Sahara), des Arabes (Oulad Sliman, au Nord du lac Tchad).

2- Au Soudan, les Peul ou Foulbé, très dispersés, sont des Ethiopiens croisés de nègres. Pasteurs et guerriers, ils sont venus de l’Est, poussant devant eux leurs bœufs à bosse, sans arriver nulle part jusqu’à la mer, apportant aussi la religion de l’Islam.

3- Le troisième groupe ethnique est celui des Nègres (…)

Agriculture

Les nègres n’ont que des méthodes arriérées de culture ; ils ignorent l’usage de la charrue et se contentent de gratter le sol avec une pioche grossière, de jeter la semence, de tasser la terre du pied et de récolter. C’est notre rôle et notre intérêt de leur apprendre les labours profonds, les bons assolements, les fumures, et quelques districts, déjà fort bien cultivés, sont la preuve que l’indigène n’est réfractaire ni au travail ni au progrès, malgré la paresse routinière[4] que lui prête le proverbe. (…).

Commerce (…)

La paix française, qui a succédé à une anarchie séculaire, est le gage d’une prospérité matérielle et de progrès moraux qui s’accusent d’année en année.

IV. L’Indo-Chine

Population  (…)

Les Annamites (…) Petits, les yeux bridés, tous, hommes et femmes, portent les cheveux en chignon et les fixent avec un ruban noir ou de couleur ; ils se noircissent les dents en mâchant le bétel. Ils sont petits, doux, actifs, intelligents, un peu fourbes, et aiment passionnément le jeu et les spectacles. (…)

Conclusion -

L’Indo-Chine représente notre colonie tropicale la plus florissante : c’est que la colonisation y a été conduite scientifiquement. Elle pourrait exciter les convoitises de l’étranger, malgré toutes les précautions diplomatiques et militaires, si nous ne gagnions les sympathies des indigènes. Heureusement la preuve est faite. L’Indo-Chine, comme d’ailleurs toutes les colonies sans exception, a apporté à la mère-patrie son plein concours économique, militaire et financier, dans la guerre de 1914. (…).

V. Nouvelle Calédonie

La population (57 000 h.) comprend trois éléments :

1- les indigènes ou Canaques, de race mélanésienne, se rattachant au type nègre ; intelligents, mais paresseux et féroces, on les parque dans des réserves ; ils sont en voie de disparition ;

2- les condamnés aux travaux forcés ; ils ont créé le commerce et la vie pastorale. Mais la déportation, inaugurée en 1864, a pris fin en 1896. Ils n’étaient plus en 1916 que 1.200 internés dans l’île de Nou ou simplement surveillés ;

3- des colons libres, propriétaires et éleveurs, au nombre de 14 000. (…).

VI. La Martinique (…)

    La population très dense (…) se compose de Nègres : ils descendent des nègres importés d’Afrique comme esclaves sur les plantations ; (…) Les plantations, très florissantes au XVIIIe siècle, ont beaucoup souffert de la concurrence du sucre de betterave européen ; la guerre (14-18, SL) leur a rendu une prospérité subite, inespérée, mais passagère. (…). C’est par Saint-Nazaire que les Antilles sont en relation directe avec la métropole ; durée de la traversée : 12 jours. (…) ».

 

- Histoire de France (Cours élémentaire) - Ernest Lavisse – Armand Colin 1926

    (…) « 2. Une école en Algérie. Aujourd’hui, toute l’Algérie est soumise à la France. Cinq cent mille Français habitent en Algérie. Les villes anciennes se sont tant embellies qu’on ne les reconnaît plus. Il y a des villes nouvelles et surtout des villages nouveaux en très grand nombre. L’image vous représente une école en Algérie. Parmi les élèves, vous en voyez qui sont habillés comme vous. Ce sont de petits Français. Les autres sont vêtus du burnous blanc. Ce sont de petits Arabes. L’instituteur et l’institutrice sont des Français. Ils enseignent aux petits Français et aux petits Arabes tout ce que vous apprenez à l’école. Les Arabes sont de bons petits écoliers. Ils apprennent aussi bien que les petits Français. Ils font d’aussi bons devoirs.

La France veut que les petits Arabes soient aussi bien instruits que les petits Français. Cela prouve que notre France est bonne et généreuse pour les peuples qu’elle a soumis[5].

3. La bonté de la France. Vous avez vu des marchés, où l’on vend des chevaux, des vaches et d’autres animaux. Dans beaucoup de pays d’Afrique habités par les nègres, il y a des marchés où l’on vend des hommes. Celui qui les achète les attache deux par deux, l’un derrière l’autre. Ils ont le cou serré dans un collier ; leurs jambes sont liées l’une à l’autre par une corde. Ils peuvent marcher, mais ils ne peuvent pas courir pour se sauver. Ces malheureux s’appellent des esclaves. Un esclave appartient à l’homme qui l’a acheté, comme une bête appartient à son maître.

L’esclavage est donc une chose abominable. Aussi la France ne veut pas qu’il y ait des esclaves dans les pays qu’elle possède. Regardez l’image. Vous y voyez un homme debout près d’un drapeau. Cet homme est un Français qui s’appelle Brazza. Il porte des vêtements tout blancs et un chapeau en liège, recouvert de toile blanche. Deux autres Français sont vêtus de la même façon. C’est à cause de la grande chaleur qu’ils sont ainsi habillés. Brazza fut un homme admirable. Il voyagea dans un grand pays d’Afrique appelé le Congo. Il ne fit pas de mal aux habitants. Il leur parlait doucement, et leur demandait d’obéir à la France. Quand ils avaient promis, il plantait par terre une grande perche, en haut de laquelle on hissait le drapeau français. Cela voulait dire que ce pays-là appartenait à la France. (…)

La France est bonne et généreuse pour les peuples qu’elle a soumis.

4. Les propriétés de la France. La France possède aujourd’hui hors de l’Europe un grand nombre de pays. (…).

Une grande partie de ces conquêtes ont été faites par la République après la malheureuse guerre de 1870. Les pays que nous possédons sont vingt fois plus vastes que la France. Ils sont habités par cinquante millions d’hommes. Des hommes blancs comme nous dans l’Afrique du nord, des hommes noirs dans d’autres parties de l’Afrique, des hommes jaunes en Indo-Chine.

Partout la France enseigne le travail. Elle crée des écoles, des routes, des chemins de fer, des lignes télégraphiques. La France a le droit d’être fière de ces conquêtes. Elle est reconnaissante envers ses marins et ses soldats, dont beaucoup sont morts en combattant dans ces pays lointains. »

4.      CE QU’ILS EN PENSENT …

Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants (en 2005)

« Souvent caricaturée, parfois même calomniée, l’œuvre des Français outre mer peut et doit objectivement être une source de fierté. Ce que nous avons construit avec passion et courage loin de nos frontières est connu et doit être de plus en plus reconnu, tout comme les conditions dramatiques, parfois tragiques, de séparation avec ces territoires tant aimés et tant servis ».

Dominique de Villepin, premier ministre (en 2005)

« Ce n’est pas au parlement d’écrire l’histoire, ce n’est pas son rôle. Il n’existe pas d’histoire officielle en France. C’est à l’inspection générale de l’éducation nationale de faire les programmes. Les enseignants sont libres dans le cadre des programmes. »

Antoine Kara, président du conseil régional de Guyane

« Cette loi est un véritable scandale et une atteinte à la mémoire collective. Aucune colonisation ne peut avoir que des aspects positifs. Qu’on m’explique en quoi l’esclavage a eu des aspects positifs en outre-mer ».

FSU (premier syndicat enseignant)

« La FSU dénonce l’attitude indigne des députés de la majorité UMP et déplore qu’un message aussi négatif soit envoyé aux Français issus de cette histoire coloniale, à l’heure où tout le monde s’accorde à reconnaître que les discriminations doivent être combattues avec la plus grande vigueur pour redonner du sens au message unificateur de la République. Elle dénonce également toute volonté de soumettre la recherche et l’enseignement de l’histoire à quelque "vérité" officielle que ce soit».

Alain Ruscio, historien du colonialisme

« J’éprouve de la rage face à cette offensive de dinosaures colonialistes, flirtant désormais délibérément avec les thèmes de l’extrême droite. En tant qu’historien, la notion même de bilan "positif" est pour moi irrecevable».

5.      BIBLIOGRAPHIE

Sous la direction de Marc Ferro

Le livre noir du colonialisme, XVIe-XXIe siècle, de l’extermination à la repentance (Robert Laffont ; 844 pages ; 29 euros).

Yves Bénot

La Révolution et la fin des colonies (La Découverte)

La Démence coloniale sous Napoléon (La Découverte)

La Guyane sous la Révolution ou l’impasse de la révolution pacifique (Ibis rouge Éditions)

Modernité de l’esclavage. Essai sur l’esclavage au coeur du capitalisme (La Découverte 2003)

Massacres coloniaux (La Découverte)

Alain Ruscio

Que la France était belle au temps des colonies... (Éditions Maisonneuve et Larose), 518 pages + CD : 35,06 euros).

La décolonisation tragique (Éditions sociales).

Credo de l’homme blanc (Éditions Complexe, Bruxelles, 2002).

Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Françoise Vergès

La République coloniale : essai sur une utopie - Albin Michel (Octobre 2003).

Dirigé par Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Sandrine Lemaire

La fracture coloniale : la société française au prisme de l’héritage colonial (éditions La Découverte, 2005)

Abdellali Hajjat

Immigration postcoloniale et mémoire (L’Harmattan 2005). Étude, à partir d’une enquête auprès de lycéens du quartier des Minguettes à Vénissieux.

Sous la direction de Mohammed Harbi et Benjamin Stora

La Guerre d’Algérie  - 1954-2004, la fin de l’amnésie (Robert Laffont 2004)

Albert Memmi

Portrait du colonisé. Portrait du colonisateur (Folio actuel 2002 - 1ère éd. 1957)

Benjamin Stora

La gangrène et l’oubli (La Découverte 2005 - 1ère éd. 1991)

Histoire de l’Algérie coloniale 1830-1954 (La Découverte 1991)          

Dominique Vidal, Karim Bourtel

Le mal-être arabe : enfants de la colonisation (Agone éditeur 2005)    

Dirigé par Colette Zytnicki, Chantal Bordes-Benayoun

Sud-Nord : cultures coloniales en France XIXe-XXe siècles (Privat 2004)

 pour rebondir :

LA POLITIQUE EXTERIEURE ET COLONIALE DE LA FRANCE DE 1945 A 1958



[1] Livre noir du colonialisme, sous la direction de Marc Ferro, Robert Laffont, 2003

[2] Il s’agit des pertes subies au XVIII° siècle (Québec, Inde) et après le 1er empire (NDLR).

[3] Aujourd’hui Île Maurice (NDLR).

[4] Lire -ou relire- « Tintin au Congo » (NDLR).

[5] Voir supra le taux d’analphabétisme en 1962 dans la population arabe de l’Algérie française. Mythe et réalités…(NDLR).

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