Le gène de l’alcoolisme… Condillac n’est pas américain

publié le 27 juin 2011, 08:01 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 2 juil. 2011, 02:12 ]
  21/10/2010  

Le Monde du 20 octobre nous fait part de cette « surprenante découverte pour des chercheurs américains : selon une étude publiée mardi 19 octobre, une variation génétique qui protégerait de l'alcoolisme vient d'être découverte, ouvrant ainsi la voie à de potentiels traitements préventifs. Cette variante du gène "CYP2E1" est liée à la réaction à l'alcool. Chez 10 à 20 % des personnes ayant cette caractéristique génétique, quelques verres suffisent pour qu'elles se sentent plus ivres que le reste de la population (…) ».

Les Américains -le sont-ils toujours ? - furent un temps à la recherche du gène de l’homosexualité. Maintenant, c’est le gène de l’alcoolisme. Ces recherches sont sous-tendues par une idéologie : les comportements humains s’expliquent par des raisons « objectives », exclusivement somatiques, l’organisation sociale ne peut en aucun cas en être rendue responsable. L’ordre de la Création est un ordre divin…

Pourtant, les colons britanniques en Amérique importèrent avec eux-mêmes les idées de Locke, matérialiste sensualiste, qui fut à l’origine d’une philosophie féconde. En France, il est vrai. « Le disciple direct et l'interprète français de Locke, Condillac, dirigea aussitôt le sensualisme de Locke contre la métaphysique du XVIIe siècle. Il démontra que les Français avaient eu raison de rejeter cette métaphysique comme une simple élucubration de l'imagination et des préjugés théologiques. Il fit paraître une réfutation des systèmes de Descartes, Spinoza, Leibniz et Malebranche. Dans son Essai sur l'origine des connaissances humaines, il développa les idées de Locke et démontra que non seulement l'âme, mais encore les sens, non seulement l'art de former des idées, mais encore l'art de la perception sensible, sont affaire d'expérience et d'habitude. C'est de l'éducation et des circonstances extérieures que dépend donc tout le développement de l'homme ».

Condillac est le maître à penser d’un babouviste éminent : Antonelle. Mais c'est chez Helvétius (1715-1771), qui part également de Locke, que le matérialisme prend son caractère spécifiquement français. Helvétius (De l’Esprit, 1758, De l'homme, 1772) le conçoit d'emblée par rapport à la vie sociale. Les propriétés sensibles et l'amour-propre, la jouissance et l'intérêt personnel bien compris sont le fondement de toute morale. L'égalité naturelle des intelligences humaines, l'unité entre le progrès de la raison et le progrès de l'industrie, la bonté naturelle de l'homme, la toute-puissance de l'éducation, voilà les éléments principaux du système d’Helvétius. Charles Germain, athée, babouviste, est un disciple d’Helvétius. L’Assemblée générale du clergé de France de 1770 a consacré ses débats à répliquer à Helvétius, lui portant contradiction sur le point essentiel de l’organisation sociale de la production et vantant les mérites de la seule initiative individuelle (et de la charité pour les nécessiteux) (sur ce point, cf. le chapitre A5 de mon livre, ('ombres & Lumières').

Quand on étudie les doctrines matérialistes de la bonté originelle et des dons intellectuels égaux des hommes, de la toute-puissance de l'expérience, de l'habitude, de l'éducation, de l'influence des circonstances extérieures sur l'homme, de la grande importance du travail, de la légitimité de la jouissance, etc., il n'est pas besoin d'une grande sagacité pour découvrir les liens qui les rattachent nécessairement aux idées révolutionnaires de transformation sociale.

Mais c’est précisément pour cela que les Américains, dans leur grande majorité, veulent prendre le contre-pied de ces idées progressistes et mettre l’accent soit sur le « gène », soit sur le caractère peccamineux de l’homme (dont la pomme est restée au travers de la gorge), soit - pire encore- sur le choix de Dieu qui abandonne certaines de ses créatures pour « élire » ceux qu’il a choisis selon une procédure impénétrable.

Voilà à quoi me fait penser cette info sur l’alcoolisme.

Allons prendre un verre…    

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