C’est
en principe un vrai film de cow-boy puisque les héros du film (Boss
Spearman : Robert Duvall -excellent, on l’avais vu dans un tout autre rôle dans Le juge, film de David Dobkin sorti en 2014, Charley Waite : Kevin Costner, Mose
Harrison : Abraham Benrubi et Button : Diego Luna) sont
d’authentiques garçons vachers : ils mènent un troupeau de bovins, à
travers les herbes des hautes plaines ; ils sont donc transhumants,
campeurs, puisque le troupeau se déplace en fonction de « l’offre »
d’herbe que présente le terrain et ces déplacements étaient- semble-t-il - la
règle au début de l’arrivée des pionniers dans le far-west, bien au-delà du
Mississippi.
Leur
passage ne peut passer inaperçu quoique, me concernant, j’aurais aimé
davantage de scènes d’ampleur où l’on voit l’immensité du troupeau : le
spectateur reste sur sa faim même si le scénario nous fait comprendre que le
troupeau est d’importance. Mais dire qu’il s’agit d’un film sur la beauté du
grand ouest est un peu trompeur. La première occasion que l’un des cow-boys a
d’aller à la ville la plus proche lui est fatale : il est provoqué par les
hommes de main d’un tyranneau local et il est en prison pour avoir commis des
actes de violence sur ces hommes.
L’intérêt
du film me semble résider dans la chose suivante :
Nous
sommes entrés dans un petit coin des États-Unis à l’écart où un grand
propriétaire, Baxter, fait régner sa loi. Le terrain lui appartient, le temps
où le troupeau des autres pouvait venir paître est un temps révolu, la
propriété, dogme sacré aux États-Unis, est délimitée par des fils de fer
barbelés. Lire à ce sujet "La vie quotidienne au Far West (1860-1890)" [1] où l’auteur
donne le kilométrage - qui se chiffre en millions - de fil de fer fabriqués
pour sanctuariser la propriété privée de chacun. Mais, en l’occurrence, nous sommes
ici aux franges de la « civilisation » et les barbelés ne sont pas
encore utilisés partout. Baxter, en fin politique, sait déléguer et le sheriff
du village (en principe élu par la population) est un homme à lui, autrement
dit une marionnette qui exécute les ordres de son chef. En cas de contestation,
les hommes de Baxter constituent une milice municipale, petite armée de
crapules, prête à tout. Le reste de la population - les braves gens - vit dans
la terreur.
Boss
et Charley analysent vite la situation. Hommes de liberté - ils sont nomades
rappelons-le - ils n’acceptent pas non seulement les méthodes mais la politique
de Baxter qui les invite à fiche le camp au plus vite. Et K. Costner met en
scène une révolution. Ben oui, ça s’appelle comme cela. Un système établi,
injuste, basé sur la violence, ne peut être éternel et le devoir des citoyens
est de le renverser.
Fatalement,
avec les linéaments du scenario, nos héros ont rencontré des gens du village,
ont plus ou moins sympathisé avec certains et lorsque le gunfight final,
nécessairement
attendu sinon on n’a plus de western, arrive enfin, nos héros ne sont
plus
seuls. Certains habitants se révèlent courageux, osent prendre une arme
et
tirer sur les mercenaires de Baxter. Cette peur disons le mot, ces
hésitations des authentiques citoyens sont remarquablement filmées. Tout
le monde n'a pas l'étoffe d'un héros mais, parfois, enough is enough,
et il faut savoir s'insurger. Dans la problématique (?) posée par
l’histoire commune des films "Le train sifflera trois fois" et "Rio
Bravo" (lire sur ce site), où les auteurs s’interrogent pour savoir si
la foule est passive/lâche ou, au contraire, active et courageuse, Kevin
Costner penche pour la seconde option, mais on le suit d'autant mieux
que la cause des gens est juste et que ceux qui les guident sont
foncièrement démocrates.
L’horrible Baxter se battra jusqu’au bout...
Avec
la mort de Baxter s’écroule l’ordre établi. Le village va renaître parce que, d’une
part nos héros comprennent qu’en effet, ces grandes transhumances de bétail ne
sont plus d’actualité, on passe au ranching,
et d’autre part Charley va prendre femme, la sœur du médecin qui a soigné l’un
des leurs, et son employeur/ami va s’installer au village comme tenancier du saloon et Charley viendra lui donner un
coup de main.
Pas
assez connaisseur du cinéma américain, je ne puis être affirmatif mais il me
semble que c’est l’un des rares films américains où l’on fait appel à l’esprit
de révolution pour changer les choses.
Bref, vous m’avez compris : tout cela est
excellent.
[1]
Claude FOHLEN, "La vie quotidienne au Far West (1860-1890)",
Hachette, Paris, 1974, 256 pages.