Ce
film fut classé naguère comme « l’un des plus beaux bides de l’histoire du
cinéma », ayant provoqué dit-on une perte de 114 millions de dollars et la
chute de la United Artists, producteur
du film. Aujourd’hui (mars 2013), l’Institut Lumière de Lyon est fière d’écrire :
« Quelques mois
après l'inoubliable séance de La Porte du paradis à la Halle Tony Garnier en clôture du festival Lumière (2012), et la
venue de Michael Cimino à l'Institut Lumière, nous avons le plaisir de
programmer trois séances supplémentaires du film en copie restaurée sous la
supervision du cinéaste ». J’étais à la dernière séance, avec Eddy Mitchell
bien sûr.
Sur
les vicissitudes du film en tant que produit commercial, (ce qui justifie la
datation humoristique 1980 - 2012) on lira l’article de Wiki et celui du site de Télérama : "“La Porte du paradis”, l'épopée maudite de Michael Cimino".
*
Le
film est inspiré d’un fait réel : "la Johnson
county cattle war". Le
comté de Johnson appartient au Wyoming ("W" sur la carte ci-dessous) . Quand la narration débute, le Wyoming
n’est encore qu’un territoire, il ne deviendra État fédéré des États-Unis que
le 10 juillet 1890. Il adoptera alors un curieux drapeau représentant un bison,
drapeau que l’on aperçoit, in fine,
quand la cavalerie américaine - Cimino nous fait grâce de la célèbre sonnerie à
la trompette[1]
- vient à la rescousse des propriétaires et de leurs sbires en danger. La
narration de la cattle war s’étire
donc sur quelques années.
C’est
un conflit irréductible entre des propriétaires de troupeaux de gros bétail et
des immigrants récents -on va les appeler les "néo-pionniers", les éleveurs étant d’anciens pionniers - immigrants récents qui veulent
s’installer et cultiver quelques acres de terre, ce qui enlève autant d’espace
aux troupeaux des autres (cf. infra, quelques mots sur "la nouvelle immigration"). Le
Wyoming est à cheval sur les Rocheuses, à l’ouest- et sur les Grandes plaines à
l’Est. http://www.johnsoncountywyoming.org/
Il appartient au bassin versant du Missouri et le héros du film, James Averill (interprété par Kris Kristofferson), arrive de
Saint-Louis, confluence avec le Mississippi. La place du Wyoming dans l’espace économique des États-Unis est déjà
définitivement fixée. C’est l’époque de la railway mania (Cimino a fait acheminer une locomotive d'époque au
fin fond du Montana au prix d'un périple insensé, Télérama dixit) et depuis 1877 les premiers transports frigorifiques sont
exploités. En 1875, Gustave Swift avait commencé à acheter du bétail à Chicago
pour l'expédier en Nouvelle-Angleterre. Rapidement, cet entrepreneur saisit
l'opportunité de transporter de la viande fraîche dans les wagons réfrigérés
qui viennent d'être mis au point, depuis Chicago vers les marchés de la côte
Est. Son entreprise établit un réseau de bureaux qui lui permit de contrôler la
distribution de la viande à travers tous les États-Unis. En 1886, moment de la cattle war donc, Swift & Company
employait 1600 salariés et abattait plus de 400.000 têtes de bétail par an
(source : wiki). C’est dire qu’il y a de la demande - mot-clé dans les
cerveaux anglo-saxons - et les propriétaires de troupeaux se lèchent les
babines comme des loups.
L’espace
états-unien s’organise en fonction des distances à la côte Est : le prix
du produit doit être inversement proportionnel au coût de la distance
d’acheminement. Très éloigné, le Wyoming doit produire une viande peu chère
pour compenser le transport jusqu’à New-York via Chicago. Seul l’élevage
extensif, le ranching, permet ces bas
prix de revient, le bétail n’étant pratiquement pas surveillé et l’herbe est
gratuite. C’est la théorie de Von Thünen qui s’applique, tout l’espace agricole
des États-Unis s’organise en fonction de la distance à la côte atlantique.
l’État du Wyoming est le rectangle rouge.
Mais
voilà qu’arrivent des empêcheurs de s’engraisser en rond. Les néo-pionniers.
Venus d’Europe de l’Est, ils ne sont pas protestants, ni anglo-saxons.
Blancs ? on dirait. Mais White
est polysémique. Il veut dire vrai, ici.
Non, ces gens-là ne sont pas des WASP. Ils veulent cultiver des terres là où
seul l’élevage est économiquement
rentable, ils ne se rendent pas compte qu’ils ne respectent pas la plus
exigeante et la plus imparable des lois : la loi du Marché. Ils veulent
tuer la poule aux œufs d’or ! Et surtout ils sont pauvres et voleurs. "Je compatis avec les pauvres" dit -dans une tout autre occasion - un certain Conwell, sorti de Yale, pasteur, conférencier, cité par Zinn,
"qui sont pourtant bien rares à mériter ma compassion.
En effet, compatir avec un homme que Dieu a puni pour ses péchés, c'est agir
mal. N'oublions jamais qu’il n’est pas un seul pauvre en Amérique que
sa propre incompétence n’ait pas maintenu dans la pauvreté". Cela est si vrai que bien peu
de WASP compatissent. Le mépris des pauvres a une base dogmatique, théologique
aux États-Unis : le double décret
imaginé par Calvin.
D’autant
plus qu’en volant du bétail pour simplement manger et nourrir leur
famille, ces
étrangers attentent au sacro-saint droit de propriété. La propriété aux
États-Unis ! chez des puritains tous plus ou moins léchés de calvinisme,
mais c’est toucher au dogme fondateur de la nation élue ! Cimino met
dans
la bouche d’un néo-pionnier, gravement blessé à l’œil après s’être
battu, une
phrase toute simple et bouleversante, "je veux simplement vivre". Il pose
gravement un droit élémentaire : le droit à l’existence. C’est Robespierre
qui affirma solennellement à la tribune du club des Jacobins que le droit à
l’existence prime sur le droit de propriété. Il est vrai que Robespierre était
un révolutionnaire, il n’a pas sa place aux USA… Mais c’est une de ces
répliques qui ont donné du grain à moudre aux reaganiens de 1980 pour torpiller
le film.
L’association
patronale des éleveurs analyse la situation : le Wyoming est saturé, il ne
peut plus recevoir de monde (un habitant -1- par km2). "Rentrez chez-vous" balance-t-on à
la figure de ces pouilleux quand ils débarquent dans les gares ferroviaires
après avoir effectué tout le voyage sur le toit des wagons. Thomas More dans un
pamphlet célèbre contre les enclosures
qui fermaient les champs aux paysans pauvres, en Angleterre au XVI° siècle,
avait écrit "le mouton chasse
l’homme". Au Wyoming c’est la vache -sacrée- qui chasse le migrant
lequel croyait que l’Amérique serait une porte ouverte sur le paradis.
Désespérant dans la justice locale qui inflige des peines légères aux voleurs,
les patrons-éleveurs décident de recruter 50 mercenaires, 5$ par jour, 50$ par
malfaiteur tué ou pendu. Une black list
de 125 noms est établie. Sans autre forme de procès. Justice expéditive. Mais
il semble que le président de l’Association joue sur le flou juridique que peut
créer le statut de territoire. Une simple lettre de Washington DC lui donne
tous les droits. D’autant qu’il appartient à l’establishment : il a eu des
oncles ministres, un frère secrétaire d’ État, etc… C’est une affaire d’ État. Et
l’ État est au service d’une classe : la sienne. Et la chasse à l’homme
commence.
Ci-contre : A chacun ses idoles..."Great cattle drive" à quelques km du Wyoming.
James
Averill fait savoir au leader des néo-pionniers "ils sont 50, vous êtes 200", c’est
un appel à la résistance. Elle aura lieu. Même les femmes s’y mettront. Ces
gueux n’ont rien d’autre à perdre que leurs chaînes.
Cimino met en scène,
à un moment de la lutte finale, le groupe des 50 tueurs avec leurs maîtres qui
se mettent en cercle autour de débris divers. Les néo-pionniers arrivent avec
leurs chariots et dans une exacte réplique des combats entre cow-boys et
Indiens, tournent autour des chasseurs/chassés. Les néo-pionniers ont remplacé
les Indiens. L’un des patrons, alcoolique pour oublier sa lâcheté,
s’exclame : "Mais on ne peut
pas faire comme pour les Indiens ! on ne peut pas les tuer tous ! Ils
sont trop nombreux ! ". Autre réplique décisive, bien sentie, qui
explique la rancœur et l’aigreur des critiques journalistiques de 1980, année
où les Reaganiens proclamaient hautement "America is back !"
A
ce niveau, plaçons quelques mots sur le personnage d’Ella Watson, tenancière du
bordel de Sweetwater, interprétée par Isabelle Huppert. Isabelle est
magnifique, nonobstant je la trouve un peu jeune pour incarner une tenancière
de bordel, les westerns américains nous ont peut-être trop habitués à attribuer
ce rôle à des artistes plus mûres, plus épaisses… Mais ce n’est pas ce que je
voulais dire. Ella en bonne professionnelle, busines is business, ne fait pas le départ au sein de sa clientèle,
entre ceux qui relèvent du parti des patrons-éleveurs et ceux qui, néo-pionniers
sans le sou, la paient en bétail volé… Ce dernier fait lui vaudra cependant d’être
black-listée. Le comportement des
tueurs l’amène alors à choisir son camp : elle chevauchera aux côtés des
néo-pionniers pour assaillir les éleveurs. Cimino veut sans doute montrer que -
loin d’être définitivement condamnée par le péché originel - toute personne
peut connaître une rédemption, en rejoignant un combat libérateur ou, tout
simplement en adoptant une attitude conforme à l’honneur. On pense à Boule de suif, de Maupassant. Mais aussi
au personnage de Rose, dans le Juge et l’assassin, également
interprété par Isabelle Huppert.
Cela
fait de Cimino un optimiste quant à la nature humaine, aux antipodes des
pessimistes du double décret. Autre argument pour les reaganiens de 1980 pour
massacrer le film.
L’article
de Télérama que j’ai évoqué plus haut
analyse plus finement que je ne pourrais le faire, les rapports amoureux et sentimentaux
au sein du trio Ella / Averill / Nate Champion (interprété par Christopher
Walken). Je vous y renvoie.
Un bémol ?
Ce
film est absolument superbe et à voir absolument sur grand écran. C’est un
western et les paysages du Wyoming sont tels qu’ils ont suscité la création du
premier parc naturel au monde (1872). Cimino s’en régale. Mais la
reconstitution des intérieurs est également remarquable. Quel respect du
spectateur ! L’effet est immédiat. Et quelle mise en scène. La fête des
néo-pionniers dans la salle du Heaven’s
gate où tous glissent sur le parquet comme des patineurs sur la glace, est
un modèle. Je suis sûr que Berri s’en est inspiré pour la fêté des mineurs dans
son Germinal. Cimino a fait
travailler "comme des forcenés, tous
les protagonistes, pour lesquels une école d'équitation (a été) ouverte et des
ateliers (ont été) créés pour toutes les disciplines de l'époque, de la valse
au patinage à roulettes" (Télérama). De même, la grande séquence du
début du film -lequel dure 3h20mn- qui montre la cérémonie et la fête de remise
des diplômes à la promotion 1870 du Harvard
college est impressionnante.
C’est
là où personnellement, je place un bémol. Deux personnages du film sortent
gradués d’Harvard dont Averill que l’on retrouve, vingt ans plus tard, marshal
de Sweetwater, chef-lieu du comté de Johnson. On comprend bien que c’est l’élite
américaine des grandes universités qui est représentée, ici, l’élite WASP,
fille de la classe dominante qui prendra la relève de ses pères. Cimino veut-il
signifier que même au fin fond du Wyoming, on retrouvera la patte de cette
élite de la côte Est via le personnage
du président de l’Association des éleveurs dont j’ai dit la pesanteur
sociologique et via le patron
alcoolique, qui lui aussi sort d’Harvard et fut le grand copain de James
Averill ? Faut-il comprendre que Harvard, université réformée qui opta
pour Arminius dans le grand débat du synode de Dordrecht, et donc rejeta
le double décret, est favorable au libre arbitre et rejette l'exclusion
des plus pauvres qui doivent avoir leur chance ?
James
Averill - quelle prestance, quelle prestation de Kris Kristofferson ! - est
un WASP qui veut faire respecter la loi, ce qui est une manière de protéger les
néo-pionniers de l’agressivité des éleveurs, on sent que cette violence le
dérange, pire lorsqu’il apprend que Ella, son amante, est black-listée, pire
encore lorsqu’il constate le viol collectif dont elle est victime. Certes, il
invite les néo-pionniers à ne pas se laisser faire, mais enfin, on aurait aimé
qu’il s’engageât plus à fond encore, qu’il se conduisît comme un Robin des
bois, voire comme un Zorro, marshal neutre le jour, défenseur de la veuve et de
l’orphelin la nuit. Au lieu de cela, il reste dans son costume trois-pièces, en
retrait, toujours avec sa chemise blanche impeccable [2]. On
n’arrive pas à s’identifier à quelqu’un dont on aurait voulu qu’il fût un lion
superbe et généreux. Mais un ancien de Harvard peut-il s’engager dans la
révolution ? Il a compati, certes, il est passé au travers de l’épreuve. On
le retrouve treize ans plus tard sur son yacht, au large du Rhode Island en
Nlle-Angleterre. Toujours tiré à quatre épingles.
La nouvelle immigration, la fin de la
frontière, la fin de l’esprit pionnier…
En
1862, fut votée la loi du Homestead.
Cette loi visait à faciliter l’accession à la propriété du pionnier, défricheur
de l’Ouest, pour une somme de $ 200. "Tout
homme a droit à une portion naturelle du sol. Le droit à posséder la terre est
aussi sacré que la vie" déclare Van Buren [3]. "Je suis en faveur du lotissement - homestead, JPR - des terres vides en petites parcelles, de façon à donner à chacun un
foyer" annonce Lincoln en signant le texte de loi. Lincoln se
trompe : ces terres ne sont pas vides. Van Buren se trompe aussi :
pour les Indiens la terre est propriété collective. Mais le rail et les
immigrants s’imposeront irrémédiablement. Le Chicago, Milwaukee & St-Paul RR ainsi que le Burlington RR (Illinois) installent des
agences de recrutement à la source : en Grande-Bretagne. Le voyage
transatlantique des futurs pionniers est pris en charge par les compagnies. A
New York, les immigrants sont réceptionnés et dirigés vers Chicago d’où "ils partaient pour leur destination respective" - Sweetwater,
dans le film de Cimino - c’est-à-dire le
lot de terre que la compagnie de chemin de fer leur rétrocédait moyennant
finance alors qu’elle avait reçu la terre gratuitement [4]. "Le Far West est enfant du chemin de fer"
écrit C. Fohlen. Et le chemin de fer est le produit des Nordistes, des WASP.
Mais
la loi du Homestead n'apporta pas la sécurité à l'Est par le simple déplacement
de populations vers l'Ouest. Le mécontentement était bien trop important pour être
aussi aisément contenu. "Les
décennies qui suivirent le vote de la loi - 1860/1890 - furent marquées au contraire par les plus
importants et les plus durs conflits sociaux que les États-Unis aient connus
jusqu'alors". Cette loi ne réussit pas non plus à ramener le calme
dans les régions agricoles de l'Ouest. "Les terres vierges ont disparu. Le moindre
demi-hectare de terre cultivable disponible appartient désormais aux
entrepreneurs ou aux intérêts privés". Les néo-pionniers découvrent
vite que toutes les terres situées à moins de cinquante kilomètres de la voie
ferrée sont déjà aux mains des spéculateurs. Dans le film, les néo-pionniers
attendent désespérément leur titre de propriété.
L’immigration
est le grand phénomène démographique de cette période de l’histoire américaine.
En 1870, 40% de la population du Wyoming n’était pas née dans ce territoire. De
1881 à 1890 (on sait que les recensements aux États-Unis sont décennaux),
l’Union accueille 5 millions 246000 migrants. Et c’est à l’approche de 1890 et "les Américains verront bien dans 1890 une
année tournante" écrit l’historien Émile Tersen [5]
qu’arrive la nouvelle immigration. Jusque là, les États-Unis, avides de main-d’œuvre
avaient montré le plus grand libéralisme. Leur confiance, un peu sommaire, s’était
exprimée par la théorie du creuset ou melting-pot : "Nous avalons tout ce qui se présente et nous
le convertissons en notre chair, en notre sang". La définition - un
peu humoristique - que devait donner A. Siegfried restait alors valable : "l'Américain est à base britannique, mâtiné
de germano-scandinave et d'irlandais, et saupoudré de juif". Mais il n'en va plus de même. Les nouveaux venus sont
absolument disparates (Hongrois, Tchèques, Slovaques, Italiens, Russes,
Polonais, Juifs polonais..), et il n'y a pas, entre eux, de liens d'unité
sérieux. Ils sont souvent illettrés. Ils sont infiniment diversifiés quant à la
langue, la religion et même la mentalité. Venus très misérables, dépourvus,
pour le plus grand nombre, d'un métier qualifié, ils s'entassent dans les
grandes villes de l'Est, et y forment un sous- prolétariat, à moins qu'ils ne
glissent vers le vagabondage et la délinquance. Le vol de bétail est un délit.
Émile Tersen apporte un autre élément structurant de la société américaine : "Avec les approches de la fin du XIXe siècle,
c'est la "fin de la frontière"
qui se réalise : c'est-à-dire de cette ligne mouvante toujours reportée en
avant par les colons. L’Est et l'Ouest se rejoignent. Un type humain qui devait
ses caractères à cette mobilité, le pionnier, et qui avait si fortement contribué au façonnement de la nation
américaine, tend à s'oblitérer puis à disparaître. Ceux qu'habite encore
l'esprit d'aventure le développeront dans les grandes villes, et dans des
conditions souvent déplorables. La fin de l'esprit pionnier correspond avec
les débuts du gangstérisme, et ce n'est pas par hasard. Mais, dans l'ensemble, la fin
de la frontière entraîne un certain
tassement social. Les hommes prennent dans la société une place plus nettement
hiérarchisée, plus stable, et c'est un trait qui renforce - caractères
spécifiques mis à part - l'aspect européen des États-Unis".
Cet
aspect est visible dans le film. Les patrons-éleveurs se sentent obligés de
soumettre les néo-pionniers faute de pouvoir les éloigner plus encore vers
l’Ouest. Leur sentiment de saturation de l’espace - qui est en réalité le
résultat de l’organisation économique du territoire de l’Union que j’ai évoquée
plus haut - fait naître une hiérarchie de classes entre les Blancs. La cattle war est un combat de classes.
Marx
a parlé de l’esclavage aux États-Unis comme étant le "péché originel" de ce pays, Hannah Arendt dit la même chose en
parlant de "crime originel".
Cela est vrai mais incomplet. Le crime originel qui commence bien avant le
problème de l’esclavage est l’extermination des Indiens. Le nouvel Israël
élimine les Amalécites, les Cananéens, comme le fit l’Israël de l’Ancien
testament. Cette geste fondatrice se poursuit avec la lutte des patrons contre
les farmers, contre les ouvriers
après le décollage industriel du milieu du XIX° siècle. Dans ce film, Cimino
nous rappelle ce troisième péché originel : la lutte des classes qui fut
menée aux États-Unis avec un acharnement sans pareil. A cet égard, la lecture
du livre d’ Howard ZINN est nécessaire, au sens de « ne peut pas ne pas
être » [6].
Je
signale que, dans son histoire du Far
West, (Tchou éditeur), J.-L. RIEUPEYROUT consacre quatre pages à cette
guerre du bétail. On apprend qu’ Ella et Averill ont été assassinés en 1896 et
que l’assaut final eut lieu en 1892. Très intéressant.
[1]
Immortalisée par la série télévisée américaine des années soixante qui avait
pour titre français Rintintin, mais
sonnerie que l’on retrouve au début d’Apocalypse
now, la brigade d’hélicoptères qui balance la Chevauchée des Walkyries appartient en effet à la cavalerie
aéroportée.
[2]
Sauf, il est vrai, au moment de l’attaque finale.
[3]
Les Indiens ont vécu des siècles en ignorant le droit de propriété de la
terre : déficit conceptuel pour
les Anglais pour qui cela est impossible à concevoir. On sait qu’avant
d’entreprendre le programme Apollo, les Américains se sont posé la
question : à qui appartient la Lune ? Pour les Anglo-saxons, la
propriété est essentielle à l’objet.
[4]
« 40 millions d’hectares (furent)
octroyés par le Congrès et le président à différentes compagnies ferroviaires
sans qu’elles aient à débourser le moindre dollar », H. ZINN.
[5]
Dans son livre « les États-Unis, de
la Guerre de Sécession à 1940 », éditions SEDES.
[6]
Une histoire populaire des États-Unis, de
1492 à nos jours. Agone éditeur.