"La Marseillaise" de Jean RENOIR (1938) produite par la CGT

publié le 21 mai 2015, 08:14 par Jean-Pierre Rissoan
    La Marseillaise, le film de Jean Renoir, a été projeté à Cannes, pour les 120 ans de la CGT  dans le cadre de CANNES CLASSICS. J'ai vu le film, extrêmement émouvant pour ceux et celles qui aiment la Révolution, la CGT et la France... Mr Hollande, aussi culotté soit-il, ne pourra jamais dire que le FN produit des films comme la CGT en 1936.. La CGT qui fut à l’origine de la création du plus grand des festivals de cinéma. Renoir a parfaitement rendu le souffle épique qui traversa cette période révolutionnaire, fondatrice de notre pays républicain,  et l'on sent, quant à nous, le souffle épique qui traversa le moment du Front Populaire.
    Mais je vais laisser le soin à une journaliste de l’Humanité de présenter le film avec ses à-côtés.
    J.-P.R.


    par Marie-José SIRACH

    envoyé spéciale au festival de Cannes 2015   

     La Marseillaise de Jean Renoir a été projetée dimanche dernier dans le cadre de Cannes Classics à l’occasion des 120 ans de la CGT en présence de son nouveau secrétaire général Philippe Martinez. Dans la salle Bunuel, beaucoup des invités par le syndicat découvrent pour la première fois ce chef-d’œuvre tourné en 1936 et qui sortira sur les écrans en 1938. C’est le 22e film de Renoir. Entièrement financé par une souscription lancée par la CGT sous forme d’assignats. L’élan qui entoure le film est impressionnant. Trois mille figurants, tous membres de la CGT. L’ensemble des ouvriers et des techniciens sont affiliés sans exception au tout jeune Syndicat général des travailleurs de l’industrie du film CGT.

 

La France des privilèges
 est contestée dans tout le pays

    Au générique, beaucoup d’acteurs de renom. Dont Carette et Louis Jouvet. Le film a été tourné dans les studios de Billancourt. Très peu d’extérieurs. Bonnier, Cabri, Ardisson, les trois figures que l’on suit tout au long du film, se rencontrent dans la garrigue où ils ont trouvé refuge. Cabri risque les galères pour braconnage. La France des privilèges est contestée dans tout le pays. Les cahiers de doléances circulent. Le film démarre à cet endroit-là. Renoir, « le Patron », comme on le surnomme dans la profession, sait ce qu’il veut : réaliser une fresque sur la Révolution française dans le contexte politique et social en pleine effervescence du Front populaire. Il tient son début. « Ça commence comme un film de Pagnol, ça se finit comme un film de John Ford », raconte Tanguy Péron, historien du cinéma. C’est juste. La garrigue, l’accent marseillais qui se frotte à l’accent pointu, les fanfaronnades, les discussions dans les assemblées citoyennes, mais aussi la fraternité, la générosité face à la noblesse française qui préfère s’allier aux Prussiens contre la République (on songe au « plutôt Hitler que le Front populaire »), le sens de l’honneur chez les plus humbles, celui du déshonneur de l’aristocratie réfugiée à Coblence, tout est là, dans ce premier film républicain sur la Révolution française. Dont l’épisode final raconte la victoire de Valmy et la prise des Tuileries.

    Le tournage du film est plus long que prévu. La Marseillaise aurait dû être prêt pour l’Exposition universelle de 1937. L’argent manque. Le contexte politique se dégrade. En Espagne, la République est attaquée, bombardée. En France, les militants communistes collectent désormais pour elle après que le gouvernement se soit retranché derrière la non-intervention. Le fascisme frappe à toutes les portes. En Allemagne, en Italie, en Espagne. Renoir tient bon. La CGT aussi qui poursuit le financement du film. Des associations juives antifascistes américaines lèvent des fonds. On dit que le Kominterm aussi aurait envoyé de l’argent. À l’origine, le film devait coûter 8 millions de francs. La facture s’élèvera à 18 millions. Lorsqu’il est projeté pour la première fois le 2 février 1938 à l’Olympia, il est mal accueilli. Le Front populaire n’est plus. L’imminence d’une invasion hitlérienne plane en Europe…

 

Quand Renoir filme la Marseillaise, il pense "Front populaire"

    « La nation, c’est la réunion fraternelle de tous les Français », explique Ardisson à un officier de l’armée. Chaque réplique du film, chaque symbole, chaque acte résonnent avec acuité encore aujourd’hui. Plus que jamais. Quand Renoir filme la Marseillaise, il pense Front populaire. Quand nous regardons ce film aujourd’hui, on pense à tous ces détournements de l’Histoire, à tous ces brouillages qui viennent parasiter les discours politiques. À tous ces mensonges. La Marseillaise est un chant révolutionnaire. Le hold-up opéré par la bande à Le Pen est une insulte aux révolutionnaires de 1789. Mais aussi aux résistants qui tombaient sous les balles nazies en chantant la Marseillaise. La fonction pédagogique du film est évidente. Allier un geste artistique à la volonté d’instruire le peuple, non pour le guider mais qu’il devienne libre, est un acte fort. La générosité, la fraternité, la liberté sont bien plus que des concepts : dans le film, les personnages en font l’apprentissage, et c’est remarquable. Chez Renoir, le désordre est du côté des ligues factieuses (les monarchistes). L’ordre du côté du peuple. Mais c’est l’idée d’union (ouvriers, paysans, artisans, intellectuels, Marseillais, Bretons ou Auvergnats) face aux détenteurs des privilèges qui est le fil conducteur du film. Quelques mois après la sortie du film, la France signe les accords de Munich sous les applaudissements des tenants de l’ordre bourgeois. On trouve a posteriori des indices dans le film de Renoir comme autant de fulgurances visionnaires d’un artiste en phase avec son époque.


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