La Marseillaise, le film de Jean Renoir, a été projeté à Cannes, pour les 120 ans de la CGT dans le cadre de CANNES CLASSICS. J'ai vu le film, extrêmement émouvant pour ceux et celles qui aiment la Révolution, la CGT et la France... Mr Hollande, aussi culotté soit-il, ne pourra jamais dire que le FN produit des films comme la CGT en 1936.. La CGT qui fut à l’origine de la création du plus grand des festivals de cinéma. Renoir a parfaitement rendu le souffle épique qui traversa cette période révolutionnaire, fondatrice de notre pays républicain, et l'on sent, quant à nous, le souffle épique qui traversa le moment du Front Populaire.
Mais je vais laisser le soin à une journaliste de l’Humanité de présenter le film avec ses à-côtés.
J.-P.R.
par Marie-José SIRACH
envoyé spéciale au festival de Cannes 2015
La Marseillaise de Jean Renoir a été projetée dimanche
dernier dans le cadre de Cannes Classics à l’occasion des 120 ans de la
CGT en présence de son nouveau secrétaire général Philippe Martinez.
Dans la salle Bunuel, beaucoup des invités par le syndicat découvrent
pour la première fois ce chef-d’œuvre tourné en 1936 et qui sortira sur
les écrans en 1938. C’est le 22e film de Renoir. Entièrement financé par
une souscription lancée par la CGT sous forme d’assignats. L’élan qui
entoure le film est impressionnant. Trois mille figurants, tous membres
de la CGT. L’ensemble des ouvriers et des techniciens sont affiliés sans
exception au tout jeune Syndicat général des travailleurs de
l’industrie du film CGT.
La France des privilèges
est contestée dans tout le pays
Au générique, beaucoup d’acteurs de renom. Dont Carette et
Louis Jouvet. Le film a été tourné dans les studios de Billancourt.
Très peu d’extérieurs. Bonnier, Cabri, Ardisson, les trois figures que
l’on suit tout au long du film, se rencontrent dans la garrigue où ils
ont trouvé refuge. Cabri risque les galères pour braconnage. La France
des privilèges est contestée dans tout le pays. Les cahiers de doléances
circulent. Le film démarre à cet endroit-là. Renoir, « le Patron »,
comme on le surnomme dans la profession, sait ce qu’il veut : réaliser
une fresque sur la Révolution française dans le contexte politique et
social en pleine effervescence du Front populaire. Il tient son début.
« Ça commence comme un film de Pagnol, ça se finit comme un film de John
Ford », raconte Tanguy Péron, historien du cinéma. C’est juste. La
garrigue, l’accent marseillais qui se frotte à l’accent pointu, les
fanfaronnades, les discussions dans les assemblées citoyennes, mais
aussi la fraternité, la générosité face à la noblesse française qui
préfère s’allier aux Prussiens contre la République (on songe au
« plutôt Hitler que le Front populaire »), le sens de l’honneur chez les
plus humbles, celui du déshonneur de l’aristocratie réfugiée à
Coblence, tout est là, dans ce premier film républicain sur la
Révolution française. Dont l’épisode final raconte la victoire de Valmy
et la prise des Tuileries.
Le tournage du film est plus long que prévu. La
Marseillaise aurait dû être prêt pour l’Exposition universelle de 1937.
L’argent manque. Le contexte politique se dégrade. En Espagne, la
République est attaquée, bombardée. En France, les militants communistes
collectent désormais pour elle après que le gouvernement se soit
retranché derrière la non-intervention. Le fascisme frappe à toutes les
portes. En Allemagne, en Italie, en Espagne. Renoir tient bon. La CGT
aussi qui poursuit le financement du film. Des associations juives
antifascistes américaines lèvent des fonds. On dit que le Kominterm
aussi aurait envoyé de l’argent. À l’origine, le film devait coûter
8 millions de francs. La facture s’élèvera à 18 millions. Lorsqu’il est
projeté pour la première fois le 2 février 1938 à l’Olympia, il est mal
accueilli. Le Front populaire n’est plus. L’imminence d’une invasion
hitlérienne plane en Europe…
Quand Renoir filme la Marseillaise, il pense "Front populaire"
« La nation, c’est la réunion fraternelle de tous les
Français », explique Ardisson à un officier de l’armée. Chaque réplique
du film, chaque symbole, chaque acte résonnent avec acuité encore
aujourd’hui. Plus que jamais. Quand Renoir filme la Marseillaise, il
pense Front populaire. Quand nous regardons ce film aujourd’hui, on
pense à tous ces détournements de l’Histoire, à tous ces brouillages qui
viennent parasiter les discours politiques. À tous ces mensonges. La
Marseillaise est un chant révolutionnaire. Le hold-up opéré par la bande
à Le Pen est une insulte aux révolutionnaires de 1789. Mais aussi aux
résistants qui tombaient sous les balles nazies en chantant la
Marseillaise. La fonction pédagogique du film est évidente. Allier un
geste artistique à la volonté d’instruire le peuple, non pour le guider
mais qu’il devienne libre, est un acte fort. La générosité, la
fraternité, la liberté sont bien plus que des concepts : dans le film,
les personnages en font l’apprentissage, et c’est remarquable. Chez
Renoir, le désordre est du côté des ligues factieuses (les
monarchistes). L’ordre du côté du peuple. Mais c’est l’idée d’union
(ouvriers, paysans, artisans, intellectuels, Marseillais, Bretons ou
Auvergnats) face aux détenteurs des privilèges qui est le fil conducteur
du film. Quelques mois après la sortie du film, la France signe les
accords de Munich sous les applaudissements des tenants de l’ordre
bourgeois. On trouve a posteriori des indices dans le film de Renoir
comme autant de fulgurances visionnaires d’un artiste en phase avec son
époque.