ZOULOU, film de C.R. Endfield (1964)

publié le 14 juin 2019, 07:42 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 22 juin 2020, 04:19 ]
publié le 5 août 2017 à 15:29 par Jean-Pierre Rissoan   [ mis à jour : 14 avr. 2019 à 11:12 ]


Ce film est sorti en 1964, il fut réalisé par Cyril Raker Endfield. Saluons dans ce dernier une des nombreuses victimes du Maccarthysme et de la chasse aux sorcières. En effet, en 1951, Endfield fut cité comme communiste à une audition devant la Commission des activités anti-américaines (House Un-American Activities Committee : HUAC). Mis sur liste noire par les patrons des studios de cinéma californien, il se retrouva dans l'incapacité de trouver du travail à Hollywood et partit s'établir au Royaume-Uni (1953), pays où il écrivit et dirigea des films sous différents pseudonymes, avec au générique, les noms d'acteurs eux aussi mis sur liste noire.

J’ai vu ce film il y a fort longtemps, peut-être à sa sortie et j’en avais gardé le souvenir d’un échec cuisant des colonialistes anglais et, me disais-je, cela retrace la bataille célèbre d ' Isandhlwana (colonie du Natal), célèbre car ce fut la plus lourde défaite des troupes coloniales britanniques. Bonne occasion, me dis-je, de revoir cette triquée subie par les invincibles soldats de Sa Majesté. En fait, ce n’est pas du tout cela (voit-on les Anglais mettre en scène une défaite anglaise ?). Il s’agit "seulement" de la bataille de Rorke’Drift, qui est, somme toute, une victoire anglaise, victoire coûteuse en vies humaines mais victoire tout de même.

Il y a cependant un rapport entre les deux batailles : Isandhlwana s’est déroulée les 22 et 23 janvier 1879 (plein été austral) et Rorke’Drift, le 23 dans l’après-midi. C’est l’époque dite des guerres zouloues et l’empire britannique met les moyens pour exterminer la puissance zouloue, obstacle à ses projets. Il a néanmoins sous-estimé cette puissance indigène. En voyant ce film qui traite de Rorke’Drift, on peut se faire une idée du matériel, des costumes, des méthodes de combat des belligérants d’ Isandhlwana.

Dans l’histoire de la formation de l’Afrique du sud, les guerres anglo-zouloues sont dérivées du grand projet anglais d’absorber les colonies boers de l’Orange et du Transvaal (en vert sur la carte ci-dessous). "Absorber" est impropre, les Anglais songeant à une fédération. Mais dans tous les cas, le nouvel État fédéré aurait une politique extérieure inféodée à celle de Londres. Autrement dit, les États boers perdraient leur souveraineté externe.

 

Sur la carte, repérer : Simons’town (c’est LA base navale, militaire et stratégique, des Anglais, étape essentielle sur la Route des Indes) ; repérer aussi la baie de Ste Lucie au pays des Zoulous, la baie Delagoa au Mozambique portugais : deux accès à la mer convoité par les Boers du Transvaal. La carte présente les deux républiques boers : elle date d’avant 1902 et d’avant la Guerre des Boers. Concernant le République sud-africaine mentionnée sur la carte, voici un lien :

 https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_sud-africaine_(Transvaal) 1857-1902. l'Atlas date d'avant 1902.

 

La carte permet de constater que la maîtrise du littoral de l’Océan indien par les Anglais passe par une relation directe avec le Portugal présent en Mozambique, le Portugal étant un pays vassalisé. Seul moyen d’interdire au Transvaal un accès à la mer. Car les Boers du Transvaal - République sud-africaine se concertent avec les Hollandais et les Allemands pour obtenir cet accès : les Anglais y voient une menace sur leur route des Indes. Mais les Anglais se heurtent dès lors à la présence du royaume zoulou. Ce seront donc les guerres anglo-zouloues, préludes au grand affrontement avec les Boers.

Le film traite donc d’un fait historique de ces guerres : l’attaque au gué de Rorke (Rorke’s Drift) de bâtiments occupés par les Anglais, transformés en hôpital de campagne, avec un pasteur suédois et sa fille, attaque qui a lieu dans le prolongement de la catastrophe d 'Isandhlwana. Cette dernière victoire a dû exciter les Zoulous qui partent à l’assaut d’un site fortifié, ce qui était interdit par le roi de la tribu. Pourquoi ? parce que les Zoulous se battent avec des lances qui ne doivent pas être jetées comme des javelots mais doivent servir au corps à corps (les Anglais ont des baïonnettes pour cela), il faut donc s’approcher au plus près de l’ennemi mais si ce dernier est protégé par ses fortifications –fussent-elles sommaires, comme ici – le tir de ses armes à feu se fera à bout portant et les zoulous seront abattus inexorablement. Je cite l’encyclopédie wiki : "À 16 h 20, un régiment frais de Zoulous (il faisait partie de la réserve à Isandhlwana) arrive à Rorke's Drift. Il est commandé par le prince Dabulamanzi, frère du roi Cetewayo, qui désobéit à son roi en se lançant à l'assaut d'une position fortifiée".

Le film met en scène un Boer, présent par solidarité avec les Anglais, qui –avant l’assaut- dessine sur le sable le schéma de la tactique de l’infanterie Zouloue ; le schéma est exact mais, en l’occurrence inopportun car il ne concerne que l’attaque d’une infanterie par l’infanterie zouloue. Vous pourrez observer ce schéma sur le site https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Isandhlwana, l’intitulé est "Schéma de la tactique zouloue avec enveloppement de l'adversaire par les ailes". En l’espèce, au gué de Rorke, il n’y a pas de développement par les ailes, on assiste à un massacre systématique, ordonné, méthodique avec cadavres des Zoulous pleins de bravoure s’accumulant devant les fortifications de bric et de broc mis en place sur ordre du Lt John Chard (personnage historique).

Les soldats britanniques se montrent parfaitement disciplinés. Il est dangereux de faire tirer tous les soldats simultanément. Lorsque toute la ligne a tiré, il faut recharger le fusil, temps suffisant pour permettre aux Zoulous d’utiliser leur lance. Aussi, la ligne est divisée en deux : les uns tirent cependant que les autres rechargent, puis c’est l’inverse ; si bien qu’il y a toujours une mitraille sur les Zoulous. C’est efficace et épouvantable. Car les Zoulous n’ont guère que leur bouclier en bois mince et leur lance courte. Quelle protection contre une balle de fusil ? C’est la paysannerie africaine contre la mère de la Révolution industrielle du XIX° siècle. Les Britanniques se servent du fusil Martini-Henri, adopté en 1871, qui se charge par la culasse et non plus par la gueule. Au début du film, lorsque le lieutenant Broomhead lance un "feu à volonté", une veste rouge dit à sa voisine, le sourire aux lèvres "c'est un cadeau qu'il nous fait !". Parbleu  ! les zoulous sont abattus comme au casse-pipes du stand de tir forain...

 

Le film donne en effet à voir ces fameuses tuniques rouge-écarlate avec le casque blanc, uniforme qui a son plein emploi lors du Trooping the Colour, à Londres, mais dans la savane africaine, avec soleil de l’été, c’est plus discutable. Le sergent Bourne (remarquable Nigel Green) totalement coincé dans son Restreint exige que chaque bouton de chaque tunique soit bien fermé. Endfield met en scène le Lt Chard, ingénieur hydraulique du Royaume qui est venu construire un barrage sur le gué de Rorke et le Lt Broomhead, héritier. Chard est d’origine prolétaire et se promet bien de ne pas renouveler son engagement après un tel massacre ; Chez les Broomhead on est officier de père en fils, "mon père était à Waterloo, mon grand-père est mort à Québec" dit-il à Chard. Avant midi, alors que les Anglais soignent leurs plaies à Isandhlwana, et que des Zoulous manœuvrent en direction du gué de Rorke, Broomhead est allé chasser, il rentre à cheval, au pas, sa cape blanche recouvrant l'arrière-main du cheval, et des serviteurs portant le léopard et la biche qui pendent par les pieds du gros bâton qu’ils ont à l’épaule… C’est Michel Caine, alors âgé de la trentaine qui joue le rôle du jeune aristo aux cheveux blonds frisés. Il va découvrir l’enfer. L’armée britannique est restée une armée d’ancien régime ; Rien n’a changé depuis la Crimée la charge de la brigade légère (1968) -guerre de Crimée en 1854-. Chard, plus ancien dans le grade le plus élevé, prend la direction des opérations. Il sera, lui, à la hauteur (Stanley Baker -que l'on retrouve dans Les canons de Navarone-).

    A la fin, les Zoulous se retirent et chantent. Broomhead qui n'a rien appris de son séjour, dit "écoutez-les, ils nous narguent" ; "vous ne pouvez pas plus vous tromper" dit le Boer, "ils louent votre courage militaire"...




on peut consulter http://www.dailymail.co.uk/news/article-2166598/Astonishing-drawings-capturing-bloody-aftermath-Rorkes-Drift.html#comments

et aussi : https://www.google.fr/search?q=Rorke%E2%80%99Drift,&client=firefox-b&tbm=isch&imgil=-mv0nrgbR8fwKM%253A%253BlKM3Zv4IUpoOVM%253Bhttp%25253A%25252F%25252Fwww.warlordgames.com%25252Frorkes-drift-battle-set-limited-quantities%25252F&source=iu&pf=m&fir=-mv0nrgbR8fwKM%253A%252ClKM3Zv4IUpoOVM%252C_&usg=__NRG4Ur96QVHOfV8ydnUPnQR-Z9Y%3D&biw=1920&bih=897&ved=0ahUKEwjpj5-K6L_VAhVIDsAKHY6PC7EQyjcImQE&ei=PpSFWen4IsicgAaOn66ICw#imgrc=vuPYVvmdkssM4M:


 

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