Ce film est
sorti en 1964, il fut réalisé par Cyril
Raker Endfield. Saluons dans ce dernier une des nombreuses victimes du
Maccarthysme et de la chasse aux sorcières. En effet, en 1951,
Endfield fut cité comme communiste à une audition devant la Commission
des activités anti-américaines (House Un-American Activities Committee : HUAC). Mis sur liste
noire par les patrons des studios de cinéma californien, il se retrouva dans
l'incapacité de trouver du travail à Hollywood et partit s'établir au Royaume-Uni (1953), pays où il écrivit et dirigea des films sous différents
pseudonymes, avec au générique, les noms d'acteurs eux aussi mis sur liste
noire.
J’ai vu ce film
il y a fort longtemps, peut-être à sa sortie et j’en avais gardé le souvenir
d’un échec cuisant des colonialistes anglais et, me disais-je, cela retrace la
bataille célèbre d ' Isandhlwana (colonie du Natal), célèbre
car ce fut la plus lourde défaite des troupes coloniales britanniques. Bonne
occasion, me dis-je, de revoir cette triquée subie par les invincibles soldats de Sa
Majesté. En fait, ce n’est pas du tout cela (voit-on les Anglais mettre en
scène une défaite anglaise ?). Il s’agit "seulement" de la
bataille de Rorke’Drift, qui est, somme toute, une victoire anglaise, victoire
coûteuse en vies humaines mais victoire tout de même.
Il y a cependant
un rapport entre les deux batailles : Isandhlwana s’est déroulée les 22 et 23 janvier
1879 (plein été austral) et Rorke’Drift, le 23 dans l’après-midi. C’est
l’époque dite des guerres zouloues et l’empire britannique met les moyens pour
exterminer la puissance zouloue, obstacle à ses projets. Il a néanmoins
sous-estimé cette puissance indigène. En voyant ce film qui traite de
Rorke’Drift, on peut se faire une idée du matériel, des costumes, des méthodes
de combat des belligérants d’ Isandhlwana.
Dans l’histoire
de la formation de l’Afrique du sud, les guerres anglo-zouloues sont dérivées
du grand projet anglais d’absorber les colonies boers de l’Orange et du
Transvaal (en vert sur la carte ci-dessous). "Absorber"
est
impropre, les Anglais songeant à une fédération. Mais dans tous les cas,
le nouvel État fédéré aurait une politique extérieure inféodée à celle
de Londres. Autrement
dit, les États boers perdraient leur souveraineté externe.
Sur
la carte, repérer : Simons’town (c’est
LA base navale, militaire et stratégique, des Anglais, étape essentielle
sur la
Route des Indes) ; repérer aussi la baie de Ste Lucie au pays des
Zoulous, la baie Delagoa au Mozambique portugais : deux accès à la mer
convoité par les Boers du Transvaal. La carte présente les deux
républiques
boers : elle date d’avant 1902 et d’avant la Guerre des Boers.
Concernant
le République sud-africaine mentionnée sur la carte, voici un lien :
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9publique_sud-africaine_(Transvaal)
1857-1902. l'Atlas date d'avant 1902.
La carte permet de constater
que la maîtrise du littoral de l’Océan indien par les Anglais passe par une
relation directe avec le Portugal présent en Mozambique, le Portugal étant un
pays vassalisé. Seul moyen d’interdire au Transvaal un accès à la mer. Car les
Boers du Transvaal - République sud-africaine se concertent avec les Hollandais
et les Allemands pour obtenir cet accès : les Anglais y voient une menace
sur leur route des Indes. Mais les Anglais se heurtent dès lors à la présence
du royaume zoulou. Ce seront donc les guerres anglo-zouloues, préludes au grand
affrontement avec les Boers.
Le
film traite donc d’un fait historique de ces guerres : l’attaque au gué de
Rorke (Rorke’s Drift) de bâtiments occupés par les Anglais, transformés en
hôpital de campagne, avec un pasteur suédois et sa fille, attaque qui a lieu dans
le prolongement de la catastrophe d 'Isandhlwana. Cette dernière victoire a dû exciter
les Zoulous qui partent à l’assaut d’un site fortifié, ce qui était interdit
par le roi de la tribu. Pourquoi ? parce que les Zoulous se battent avec
des lances qui ne doivent pas être jetées comme des javelots mais doivent servir
au corps à corps (les Anglais ont des baïonnettes pour cela), il faut donc s’approcher
au plus près de l’ennemi mais si ce dernier est protégé par ses fortifications –fussent-elles
sommaires, comme ici – le tir de ses armes à feu se fera à bout portant et les
zoulous seront abattus inexorablement. Je cite l’encyclopédie wiki : "À 16 h 20, un régiment frais de Zoulous
(il faisait partie de la réserve à Isandhlwana) arrive à Rorke's Drift. Il est
commandé par le prince Dabulamanzi, frère du roi Cetewayo, qui désobéit à son roi en se lançant
à l'assaut d'une position fortifiée".
Le film met en
scène un Boer, présent par solidarité avec les Anglais, qui –avant l’assaut-
dessine sur le sable le schéma de la tactique de l’infanterie Zouloue ; le
schéma est exact mais, en l’occurrence inopportun car il ne concerne que l’attaque
d’une infanterie par l’infanterie zouloue. Vous pourrez observer ce schéma sur le
site https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_d%27Isandhlwana,
l’intitulé est "Schéma de la tactique zouloue avec enveloppement de l'adversaire par
les ailes". En l’espèce,
au gué de Rorke, il n’y a pas de développement par les ailes, on assiste à un
massacre systématique, ordonné, méthodique avec cadavres des Zoulous pleins de
bravoure s’accumulant
devant les fortifications de bric et de broc mis en place sur ordre du Lt John
Chard (personnage historique).
Les
soldats britanniques se montrent parfaitement disciplinés. Il est dangereux de
faire tirer tous les soldats simultanément. Lorsque toute la ligne a tiré, il
faut recharger le fusil, temps suffisant pour permettre aux Zoulous d’utiliser
leur lance. Aussi, la ligne est divisée en deux : les uns tirent cependant
que les autres rechargent, puis c’est l’inverse ; si bien qu’il y a
toujours une mitraille sur les Zoulous. C’est efficace et épouvantable. Car les
Zoulous n’ont guère que leur bouclier en bois mince et leur lance courte. Quelle
protection contre une balle de fusil ? C’est la paysannerie africaine
contre la mère de la Révolution industrielle du XIX° siècle. Les Britanniques
se servent du fusil Martini-Henri, adopté en 1871, qui se charge par la culasse
et non plus par la gueule. Au début du film, lorsque le lieutenant Broomhead lance un "feu à volonté", une veste rouge dit à sa voisine, le sourire aux lèvres "c'est un cadeau qu'il nous fait !". Parbleu ! les zoulous sont abattus comme au casse-pipes du stand de tir forain...
Le
film donne en effet à voir ces fameuses tuniques rouge-écarlate avec le casque blanc,
uniforme qui a son plein emploi lors du Trooping
the Colour, à Londres, mais dans la savane africaine, avec soleil de l’été,
c’est plus discutable. Le sergent Bourne (remarquable Nigel Green) totalement
coincé dans son Restreint exige que
chaque bouton de chaque tunique soit bien fermé. Endfield met en scène le Lt
Chard, ingénieur hydraulique du Royaume qui est venu construire un barrage sur
le gué de Rorke et le Lt Broomhead, héritier. Chard est d’origine prolétaire et
se promet bien de ne pas renouveler son engagement après un tel massacre ;
Chez les Broomhead on est officier de père en fils, "mon père
était à Waterloo, mon grand-père est mort à Québec" dit-il à Chard. Avant
midi, alors que les Anglais soignent leurs plaies à Isandhlwana, et que des
Zoulous manœuvrent en direction du gué de Rorke, Broomhead est allé chasser, il
rentre à cheval, au pas, sa cape blanche recouvrant l'arrière-main du cheval, et des serviteurs
portant le léopard et la biche qui pendent par les pieds du gros bâton qu’ils
ont à l’épaule… C’est Michel Caine, alors âgé de la trentaine qui joue le rôle
du jeune aristo aux cheveux blonds frisés. Il va découvrir l’enfer. L’armée britannique
est restée une armée d’ancien régime ; Rien n’a changé depuis la Crimée la charge de la brigade légère (1968) -guerre de Crimée en 1854-. Chard, plus ancien dans le grade le plus élevé,
prend la direction des opérations. Il sera, lui, à la hauteur (Stanley Baker -que l'on retrouve dans Les canons de Navarone-).
A la fin, les Zoulous se retirent et chantent. Broomhead qui n'a rien appris de son séjour, dit "écoutez-les, ils nous narguent" ; "vous ne pouvez pas plus vous tromper" dit le Boer, "ils louent votre courage militaire"...
on peut consulter http://www.dailymail.co.uk/news/article-2166598/Astonishing-drawings-capturing-bloody-aftermath-Rorkes-Drift.html#comments
et aussi : https://www.google.fr/search?q=Rorke%E2%80%99Drift,&client=firefox-b&tbm=isch&imgil=-mv0nrgbR8fwKM%253A%253BlKM3Zv4IUpoOVM%253Bhttp%25253A%25252F%25252Fwww.warlordgames.com%25252Frorkes-drift-battle-set-limited-quantities%25252F&source=iu&pf=m&fir=-mv0nrgbR8fwKM%253A%252ClKM3Zv4IUpoOVM%252C_&usg=__NRG4Ur96QVHOfV8ydnUPnQR-Z9Y%3D&biw=1920&bih=897&ved=0ahUKEwjpj5-K6L_VAhVIDsAKHY6PC7EQyjcImQE&ei=PpSFWen4IsicgAaOn66ICw#imgrc=vuPYVvmdkssM4M: