C’est
un film allemand de 1945. En commençant – avec retard, j’ai raté le début du
film – la vision je jette un œil sur le programme et je vois que c’est un film
allemand de 1945. Diable ! Qui a bien pu réaliser un film cette année-là ?
C’est la lutte finale contre le nazisme, ni la RFA, ni la RDA ne sont en place !
Mystère.
Je vois tout de suite qu’il s’agit d’un
film d’histoire sur la campagne napoléonienne en Prusse en 1806 et 1807. 1806 est
l’année des grandes victoires d’Iéna et d’Auerstedt, l’effondrement de la
Prusse, de son armée dont les Hohenzollern étaient si fiers, l’année de la fuite
de Frédéric-Guillaume III et de son épouse Louise "la reine qui défia Napoléon"[1], fuite sans repos tant les
armées françaises avancent vite. Le couple royal ira jusqu’à Memel aux fins
fonds de la Prusse orientale sous la protection du Tsar de toutes les Russies..
Dans cette grande débâcle, et c’est la
matière principale du film, on a une espèce de "village gaulois"
irréductible : la ville de Kolberg. C’est un port de la Baltique, en Poméranie (province prussienne).
Citadelle fortifiée qui fait face à la mer et dont le plat pays est fait de
marais asséchés. Le film raconte un fait d’histoire authentique, "le siège de Kolberg". J’ai vérifié.
Le chef de la garnison est prêt à la reddition :
on sait les bouleversantes victoires françaises, les villes prussiennes qui
ouvrent leur porte à la simple arrivée d’un drapeau tricolore, toute résistance
est a priori vaine. Mais le
représentant des habitants Joachim Nettelbeck – sauf erreur
le mot "maire" n’est jamais prononcé – refuse catégoriquement et veut
organiser la résistance : c’est le désaccord et curieusement – pour nous
Français mais pas pour les auteurs du film – la population est du côté du
résistant. Lorsqu’un aubergiste voit son propre fils crier, sous la contrainte
et en français, "Vive l’empereur ! " il lui arrache son gobelet
des mains, jette le contenu par terre et crache sur son fils. Bref, la
population de Kolberg est déterminée et se mobilise derrière son représentant. Cette
détermination ira jusqu’à ouvrir les vannes des mini-écluses qui commandent les
canaux de drainage et tout le sud de la ville est inondée, ainsi firent les
Hollandais lors de l’invasion par Louis XIV (guerre de Hollande, 1672). On entend alors, répété, "das Volk steht auf, der
Sturm bricht los" : le
peuple se lève, la tempête se déchaîne.
Le désaccord est résolu par la nomination,
à la tête de la garnison du comte Gneisenau (voir sa fiche Wiki), un jeune officier
farouche partisan de la guerre contre les Français. Pouvoir civil et pouvoir
militaire vont dès lors marcher main dans la main. Même lorsque la catastrophe
arrive, c’est-à-dire le bombardement de la ville par l’artillerie française aussi
abondante qu’efficace, Gneisenau effectue une analyse militaire objective :
il faut capituler. Mais Nettelbeck prononce un discours éloquent sur le thème :
c’est notre pays, nous ne l’abandonnerons jamais, si nos maisons sont brulées/rasées
nous nous accrocherons à la terre avec les ongles de nos mains. Gneisenau :
c’est le discours que j’attendais de vous ! et les deux hommes tombent
dans les bras l’un de l’autre. Images de la ville en flammes, en feu, en
ruines.
Pendant le siège, Nettelbeck veut
absolument adresser une missive au roi Frédéric-Guillaume III. Il confie cette
mission délicate à Maria, fille de l’aubergiste évoqué plus haut, blonde comme
les blés de Poméranie, aux yeux bleus comme la Baltique, bref, une vraie
allemande aryenne. Celle-ci qui a su traverser les lignes ennemies arrive jusqu’au
château de Koenigsberg où résident les souverains en transit. A défaut du roi, elle est reçue par la
reine Louise. Celle-ci est vêtue comme la Vierge : robes bleue et blanche,
yeux bleus, cheveux blonds/blancs, peau diaphane… c’est peu dire qu’elle
fascine Maria qui reste bouche bée devant la souveraine. On est en pleine
aliénation politique, dans la servitude volontaire absolue : la patrie est en danger c’est un slogan
français, ici c’est Dieu et le roi sont
en danger, aidons-les !
Et c’est ce qui sera. Le film se termine
par un discours de Gneisenau qui annonce le grand mouvement patriotique de
1813, la bataille des nations – citée dans
les dialogues – car Kolberg n’est pas tombée : les Français ont cessé les
combats trop coûteux. L’union, la détermination du peuple et de ses chefs ont remporté
la victoire. La lutte contre Napoléon a scellé l’union du peuple prussien
derrière son roi. Il est vrai, hélas, que Napoléon a un peu abusé… Mais cette
aventure se termine par un vigoureux sentiment anti-français et, pire,
anti-révolutionnaire.
Après
la fin du film, je me précipite sur
Google et je tape Kolberg. Mes questions sont vite dissipées : c’est un
film nazi, oui, oui NAZI. Film de propagande de Goebbels, mis en route
dès 1943
après la "retraite élastique" devant l’Armée rouge. Film destiné à
entretenir le moral et la confiance du peuple allemand. Faites le
parallèle entre le film et la réalité de 1944/45. Il est remarquable de constater que les nazis, pour galvaniser le peuple allemand, fait appel à la tradition, à l'histoire, au passé royaliste du pays : rien de révolutionnaire dans tout cela, bien au contraire !
Arte l’a
programmé dans le cadre d’un THEMA. C’est remarquable de la part de cette chaîne
publique. Il est vrai que cela se termine à 2 heures du matin devant 40
téléspectateurs. Peut-être plus quand même…
[1] C’est le titre du livre que lui
consacre un historien, Joël Schmidt, livre paru chez Perrin, 1995.